Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COLONIA

COLONIA. -COLONIESGRECOUES.-I.Tousles historiens qui se sont occupés des colonies sont d'accord pour affirmer, avec Raoul Rochette, a qu'il n'est pas de nations qui aient produit autant de colonies que la nation grecque'». Lorsqu'on songe, en effet, au nombre prodigieux des cités grecques qui étaient, au vie siècle avant notre ère, répandues sur tout le monde civilisé, on ne peut se défendre d'une impression de surprise. Comment un pays aussi restreint que la Grèce, si actifs et si vivaces que fussent ses habitants, a-t-il pu produire sans s'épuiser les générations innombrables qui sont allées coloniser les rives de la Méditerranée, de la Propontide et du Pont-Euxin? Les historiens anciens rapportent avec stupéfaction' que les Milésiens, pour leur seule part, avaient peuplé de soixante-quinze à quatre-vingt-dix vil H. les', toutes florissantes et prospères, dont quelques-unes, Odessa et Sinope entre autres, existent encore aujourd'hui. Comment Milet, dont le territoire était si restreint, a-t elle pu résister aux affaiblissements successifs causés par tant de migrations? Je crois qu'il y a eu beaucoup d'exagérations et que l'on a rangé parmi les colonies des cités auxquelles ne convenait pas ce titre. Lorsque les habitants d'un pays, impuissants à résister à une invasion ennemie, cherchent un refuge sur une terre étrangère et fondent une nouvelle ville, ils ne sont pas en réalité des colons. Ils peuvent, sans doute, garder pieusement le souvenir de la terre qu'ils ont autrefois occupée; mais ils n'entretiennent pas de relations amicales avec les conquérants qui les ont expulsés, et ceuxci ne songent guère à protéger dans leur nouvelle résidence les malheureux dont ils ont pris la place. Il faut en dire autant des migrations qui sont la conséquence de discordes intestines. Lorsque le parti vaincu, pour se dérober à la domination du vainqueur, a fui à l'étranger, il ne peut pas étre question, entre l'ancienne et la nouvelle ville, de ces obligations, de ces devoirs réciproques qu'implique le mot colonie. Toutes les colonies grecques n'ont pas d'ailleurs été fondées par des Grecs; beaucoup d'entre elles avaient une origine plus ancienne. Dans une cité barbare existant depuis plus ou moins longtemps, des négociants grecs, attirés par leurs affaires, établissaient des comptoirs ou créaient des habitations pour eux et leur famille. D'autres Grecs, encouragés par le succès de leurs compatriotes, suivaient leur exemple. Peu à peu, l'élément grec se renforçait, sans que la mère patrie s'en aperçût. L'influence de cette nouvelle population, plus civilisée que celle au milieu de laquelle elle vivait, ne tardait pas à s'exercer sur les naturels du pays. Grâce à une série de transformations successives, la cité perdait son caractère barbare ; elle devenait semblable aux villes d'origine grecque, et, par un sentiment de généreuse gratitude, elle reportait l'honneur de son changement à la mère patrie des premiers colons grecs, qui lui avaient apporté la civilisation. Bien que ceux-ci eussent agi comme de simples particuliers et sans mandat officiel, la cité à laquelle ils appartenaient devenait la métropole de la ville grécisée4. La preuve de ce phénomène si naturel de transformation se trouve dans l'histoire de plusieurs villes anciennes. Sinope, par exemple, que l'on cite habituellement parmi les colonies de Milet, avait été, à une époque antérieure aux migrations grecques, habitée par des Syriens ou par des Assyriens', 163 COL Héraclée surf 1 ont, avant de deconir une colonie grec que, était 1 e _ ° d'un établissement phénicien. Peut o : enter comme de vraies colonies tous ces établissemen: fondés sine coe,ilio pabitco6, sans I'assentiment, sans le patronage d'un État grec''' Il: L'envoi par une cité grecque d'une partie de ses membres en pays étranger, en d'autres termes la fondation d'une véritable colonie, pouvait astre motivée par des causes très diverses. D'abord, par la nécessité. Lorsque ia population était arrivée à un degré de densité tel que les ressources du pays ne suffisaient plus à sa subsistance, l'État, peur se' débarrasser de l'excédent, décrétait la fondation d'une colonies, Les prolétaires, toujours en proie àl'illusion que i sort s'améliorera s'ils changent de résidence, pro .'er volontiers de l'occasion et s'inscrivaient sur la 1 .'r 5. colons. D'autres fors, c'étaient des considérations politigi s. A l'époque de la grande impulsion coloniale, l'arïsMe rdt;„ tait encore maîtresse en Grèce. Tout au plus y t ïI de temps à autre un mouvement démocratique promptement réprimé. La création d'un établissement à l'étrai,ger était un moyen excellent et pacifique de se débarrasser des éléments qui compromettaient la tranquillité de l'État. On invoquait aussi des raisons religieuses. A l'occasion, les dieux ne manquaient pas d'exiger qu'on leur livrât la dîme de la population; puis, quand cette dîme leur avait été, remise, ils l'envoyaient au loin fonder une colonie'. Il est probable toutefois, bien que les auteurs anciens mentionnent tris rarement ee point de vue, que la plupart des colonies furent fondées dans tin intérêt commercial. C'est .même là ce qui nous explique pourquoi elles étaient presque toutes situées sur le bord de la mer. Dans ces villes maritimes de I'Asie, de ia Thrace, de l'Italie, de la Sicile, de l'Afrique, si nombreuses que Cicéron comparait le littoral de la Méditerranée à une bande de terre grecque appuyée sur les terres des Barbares ( Ben-bar ondin agsis qu7si attewla ers Graeclae19), les négociants grecs trouvaient, au besoin, d'excellents refuges contre les dangers de la navigation. Ils se renseignaient, en tout temps, sur les avantages ou sur les périls du négoce avec lespeul.,ladesv oisines, et ne s'engageaient qu'à bon escient dans iinterieur des terres. Lo€°sque la , oionie vivait en bonne intelligence avec les habitants du pays; ceux-ci apportaient sur son marché les produits de leur sol ou de leur industrie et. les vendaient directement aux navigateurs étrangers. La colonie devenait alors une sorte d'entrepôt international, .et, sil'emplacement choisi était favorable, elle devait arriver promptement à. un état de bien-être et de prospérité, que la métropole aurait pu, à bon droit, lui envier. III. Avant de décider la fondation d'une colonie, les anciens prenaient l'avis des oracles ". Cicéron met presque au défi de citer une seule colonie grecque en Éolie, en Ionie, en Asie, en Sicile, en Italie, qui ait. été établie sans que l'oracle de Delphes, celui de Dodone ou celui d'Hammon eussent exprimé préalablement leur avis", Partir sans consulter les Dieux sur la direction que devaient prendre les colons, c'était agir contrairement à l'usage et s'exposer à un échec certain" COL En dehors même de toute idée religieuse, la coutume générale ne pou, ait a;' ir que des avantages. Les temples grecs tels que le temple d'Apollon Pythien étaient constamment remplis de gens venus de tous les points de l'horizon. Cette affluence d'étrangers permettait aux prêtres de se renseigner exactement sur les besoins de chaque région et dapprécier les chances de succès q,de pouvaient avoir des émigrants, suivant qu'ils prendraient telle ou telle route. En consultant les dieux, les futurs colons étaient donc assurés d'obtenir (le précieuses indications, sans lesquelles leur entreprise aurait peut-âtre échoué et qu'ils auraient difficilement trouvées ailleurs, fies prêtres, de leur côté, avaient un grand intérêt à ne donner que d'utiles renseignements. Car, en dirigeant sur des points favorables les migrations de leurs compatriotes, non seulement ils étendaient l'influence de la Grèce, mais encore ils prouvaient que le dieu dont ils étaient les interprètes méritait toute confiance. Les colons, dont l'établissement prospérait, en reportaient l'honneur à l'oracle qui les avait guidés et Ieur reconnaissance se traduisait plus tard par des hommages et par des libéralités proportionnées au succès". Lorsque l'oracle avait fait connaître son avis, on dressait la liste des émigrants. Quelquefois, c'était une fraction déterminée de la population, qui s'expatriait en masse. Mais le plus souvent, les colons étaient recrutés individuellement dans les diverses classes de citoyens. On avait alors recours aux engagements volontaires, en invitant, par la voie d'affiches ou de proclamations, les citoyens désireux de partir, a donner leurs noms aux magistrats. Dans une inscription, il est question de soldats qui partent comme volontaires (fxoé uoi) pour la colonie que les Athéniens veulent fonder à Bréa, en Thrace". Une autre inscription nous apprend que Ies colons, recrutés pour la même colonie, devaient tous appartenir à la classe des thètes ou à celle des zeugites, c'est-à-dire aux classes les plus pauvres de la cité 6: disposition bien inutile ! car, à Athènes comme chez nous, les émigrants étaient toujours des citoyens pauvres, manquant du strict nécessaire ", et disposés à s'éloigner par b espérance de trouver ailleurs le bien-être que leur pays natal leur refusait. Quand les engagements volontaires n'étaient pas assez nombreux, on employait; la contrainte. Les habitants de 't'héra, pour coloniser File de Platée sur les côtes de la Libye, désignèrent par le sort un frère sur deux dans toutes les familles qui avaient plusieurs enfants mâles €8. Parfois même, on invitait soit une nation anale 1ç, soit les Grecs en général, à se joindre aux colons de la. cité. Seulement, dans le dernier cas, par mesure de prudence, on excluait nominativement les étrangers appartenant à des pays hostiles 'e0, Ces colons venus du dehors n'étaient pas toujours assimilés aux colons citoyens; mais, souvent. pour en accroître le nombre, on décidait que tous les colons, citoyens ou étrangers, jouiraient des mêmes droits. On désignait ensuite le citoyen qui devait guider les émigrants et présider à la fondation de la colonie ; c'était l'sieuc r;c, Cet obus'n, sur le choix duquel on consultait quelquefois la divinité, avait la perspective d'âtre un jour honoré comme un héros, La règle était, en effet, que COL 1299 COL toute colonie, à côté des dieux nationaux, devait placer son fondateur et lui rendre un culte public". Lorsque c'était une colonie qui voulait fonder à son tour d'autres établissements, elle était tenue, en vertu d'un usage immémorial, de faire venir de la métropole le directeur de la nouvelle expédition" A 1'obti7-njç on adjoignait des augures (uéVTErç), pour consulter les présages dans les circonstances importantes, et quelques magistrats d'un ordre inférieur. Dans le décret relatif à la colonie athénienne de Bréa, il est dit qu'on élira dix géonornes, à raison d'un par tribu, dont la mission sera de procéder au partage des terres entre les colons. Un trésorier suivra la colonie pour subvenir aux dépenses du premier établissement a. Lorsque toutes les mesures étaient prises, injonction était faite aux émigrants de se préparer à partir dans un délai déterminé n. Comme la plupart des colons n'avaient pas de ressources suffisantes, la métropole leur donnait, au moment de leur départ, sur les fonds du trésor public, des armes et des provisions de voyage (lWièrov) 23 Enfin, la colonie se mettait en route, emportant avec elle du feu sacré pris dans le foyer de la métropole. Ce feu, entretenu avec soin pendant la durée du voyage, servait à allumer le foyer de la nouvelle cité 26. IV. a Il y a, dit Platon, des colonies que l'on peut comparer à des essaims, parce que tous les colons sont enfants du même pays... Les colons ont alors une même origine, ils parlent la même langue, ils ont été jadis soumis aux mêmes lois, ils honorent les mêmes dieux. Aussi est-il difficile de leur imposer une forme de gouvernement autre que celle qui était en vigueur dans leur pays. Lors, au contraire, que la colonie est formée d'une multitude confuse, rassemblée de divers côtés, il est plus aisé au législateur de faire accepter une nouvelle constitution et de nouvelles lois 27 ». L'étude des monuments historiques prouve la justesse de ces réflexions du philosophe grec. Les colonies composées exclusivement de membres d'une même cité adoptèrent presque toutes à l'origine le gouvernement monarchique ou oligarchique. C'était bien le régime qu'elles avaient vu fonctionner dans leur pays ; car, à l'époque du grand mouvement colonial de la Grèce, les métropoles étaient encore pour la plupart soumises à la monarchie ou à l'oligarchie ". Là d'ailleurs où la démocratie était déjà maîtresse, le peuple était moins pressé de s'affaiblir par l'envoi au loin d'une partie de la population qui faisait sa force. Quand une cité, désireuse d'échapper au joug de son vainqueur, émigrait en masse, elle emmenait avec elle ses rois ou sa noblesse28, et naturellement la nouvelle ville étaitconstituée sur le modèle de l'ancienne. Un phénomène analogue se produisait lorsque l'émigration était la conséquence de discordes intestines ou d'excédents (le population30. Platon remarque que, même dans le cas où les colons sont des victimes de la mauvaise constitution de leur pays, ils veulent encore par habitude se soumettre aux lois qui ont été la cause de leur infortune. Les fondateurs ou les législateurs de la colonie rencontrent de la part de ces malheureux beaucoup de résis tances, si, pour prévenir le retour de pareilles misères, ils cherchent à corriger l'ancien état de choses. On ne doit donc pas s'étonner de trouver dans les colonies des monarchies ou des aristocraties. Ce qu'il ne faut pas toutefois perdre de vue, c'est que, une fois cette satisfaction donnée à la coutume, les colons, recrutés, nous l'avons vu, dans les classes amoureuses de changements et de révolutions o; plutôt que dans le parti conservateur, ne tardaient pas à marcher vers la démocratie d'un pas plus rapide que Ies habitants des métropoles. C'est dans ses colonies que la Grèce nous offre les premiers exemples d'une démocratie effrénée. Les démagogues de Sybaris32 , par exemple. ont précédé de longtemps les démagogues d'Athènes. On trouve sans doute, dans l'histoire des colonies, au vie siècle, des tyrans, Polycrate à Samos, Thrasybule à Milet °°, Lygdamis à Naxos n, Mais la tyrannie est-elle autre chose qu'une des formes de la démagogie ? Cela est si vrai que les mêmes personnages portent indifféremment, dans les auteurs anciens, le titre de druxywnéç et celui de -'l o'loç 33 Dans les colonies formées d'éléments d'origine diverse dont aucun n'était prépondérant 36, les distinctions de naissance n'avaient plus leur raison d'être. Aussi le régime politique, au lieu d'être aristocratique, fut habituellement timocratique. Le pouvoir appartint aux citoyens les plus riches°7. C'était un moyen d'arriver plus rapidement encore à la démocratie. Tous les colons d'ailleurs, pouvant s'enrichir par leur activité et par leur industrie, avaient le droit d'espérer que leur tour viendrait bientôt de prendre part à la direction des affaires publiques, et, pour leur rendre plus facile l'accès du gouvernement, on le partageait entre des masses de citoyens. A R.hegium, à Crotone, à Locres, à Agrigente, c'était un sénat de mille membres (oi'yfÀtct) qui présidait aux destinées de la cité. Le fait que la démocratie s'attesta plus tôt dans les colonies que dans les métropoles eut une notable couséquence. Ce sont les colonies qui nous offrent les premiers essais de codification. Là le peuple, devenu vite influent, ne veut plus être régi par le droit traditionnel, dont la connaissance est l'apanage des classes sacerdotales ou privilégiées. ll ne veut plus de l'incertitude et de l'arbitraire, auxquels ses frères de la métropole, toujours soumis à l'aristocratie, se résignent encore. II réclame des lois écrites. Zaleucus, le législateur des Locriens Epizéphyriens, est bien antérieur à Solon et même à lb-acon. Les lois de Pittacus à Lesbos, celles de Charondas à Catane, remontent environ au vire siècle avant notre ère. La colonie ne se bornait pas à allumer le foyer de la nouvelle ville avec le feu pris au foyer de la métropole; elle adoptait tous les dieux honorés dans la mère-patrie, Les colons emportaient, en effet, non seulement les images de leurs dieux particuliers, mais encore les statues de leurs divinités nationales as. On trouve constamment sur les monnaies des colonies les noms des dieux révérés dans la métropole. Cette identité de culte est attestée par tous les auteurs anciens°9 et Strabon écrit que, lorsqu'on la rencontre dans deux villes différentes, COL 1300 COL on est autorisé à affirmer que ces deux villes ont une commune origine °°. A. leurs dieux nationaux, les colons associaient quelquefois les divinités en honneur dans le pays où ils s'établissaient, De plus, en vertu de l'usage qui exigeait que toutes les villes anciennes rendissent les honneurs divins à leur fondateur, 1'oixisruijç h1, celui qui avait dressé le foyer, sur lequel brûlerait éternellement le feu sacré, était mis au nombre des dieux ou au moins des hérosAB. On lui offrait des sacrifices, et chaque année des jeux étaient célébrés en son honneur 46. Seulement, comme beaucoup de colonies remontaient à une époque très reculée, le souvenir du véritable fondateur s'était parfois perdu dans la nuit des temps. On honorait alors à sa place quelque dieu, quelque héros, dans lequel une pieuse illusion incarnait le conducteur des colons, et Apollon et Hercule paraissent avoir joui à ce point de vue d'une préférence marquée : car c'est leur nom qui revient le plus fréquemment dans la liste des âpjuy€'cat des colonies grecques. On trouve, à côté d'eux, mais moins souvent, Artémis, Esculape, Athéné, Dionysos, Hermès, Zeus lui-même, puis les héros des grands mythes, Iotas ", Persée, Agamemnon, Ménélas, Teucer, Ulysse, etc. C'est aussi en souvenir de leur origine que les colonies adoptèrentquelquefois les types monétaires de leurs métropoles u. Voy. le § VIII, V. Les rapports entre la colonie et la métropole étaient quelquefois réglés d'avance dans un acte écrit, qui portait, comme la colonie elle-même, le nom d'ârotxia u, et que nous pourrions appeler le pacte colonial On a retrouvé plusieurs de ces pactes dans les monuments qui sont parvenus jusqu'à nous 4R; niais il est permis de croire que beaucoup d'autres n'ont jamais été gravés sur la pierre. A l'époque où la plupart des colonies grecques furent fondées, l'écriture n'était guère en usage. C'étaient les moeurs, les coutumes qui déterminaient les droits réciproques des métropoles et des colonies, Les renseignements que nous possédons sur cette époque sont peu précis et nous devons nous borner à de rapides indications. On peut poser en principe que les colonies grecques étaient indépendantes et qu'elles s'administraient ellesmêmes comme elles le jugeaient à propos. On trouve, il est vrai, des faits qui ne concordent pas avec cette proposition. Potidée, colonie de Corinthe, recevait chaque année de la métropole des magistrats supérieurs, nommés éruSLL(a.toup'oi 49. Les habitants d'Égine étaient obligés d'aller plaider, comme demandeurs et comme défendeurs, devant les tribunaux d'Épidaure leur métropole 60. Sinope imposait à ses colonies un tribut périodique 6i. Enfin, s'il faut en croire le scholiaste de Thucydide, c'était la métropole qui fournissait habituellement un pontife suprême aux colonies sa, Mais ce sont là, de l'aveu de tous les historiens anciens, des faits exceptionnels qu'il ne faut pas généraliser. Les colonies grecques étaient donc autonomes et non assujetties à leur métropole. Si parfois celle-ci intervenait dans leurs affaires, c'était parce que les colons, victimes de dissensions intestines, faisaient appel à son arbitrage pour le rétablissement de la concorde, ou bien parce que la colonie, sous le coup de graves échecs, implorait le secours et l'assistance de la mère patrie °3. « De même, dit Diodore, que des enfants maltraités se réfugient près de leur père, de même les villes opprimées ont recours à leurs métropoles u. » Ces faits d'immixtion étaient eux-mêmes fort rares. La plupart des colonies, grâce à leur rapide développement, étaient à un degré de vigueur et de prospérité supérieur à celui de la mère cité; elles n'avaient donc régulièrement rien à solliciter, rien à espérer d'un appel à la métropole. Mais, tout en admettant en principe l'indépendance des colonies grecques, nous ne croyons pas qu'il y eût absence complète de Iien entre l'ancienne et la nouvelle ville : la colonie devait témoigner à la métropole un certain respect. Les auteurs anciens comparent volontiers les métropoles à des parents et les colonies à des enfants61; ils traitent de soeurs les colonies sorties de la même métropole et disent qu'il doit y avoir entre elles une parenté fraternelle S6. N'est-il pas du devoir des enfants d'honorer leurs parents? Ce respect se manifestait officiellement de plusieurs manières. Lorsque la métropole célébrait de grandes fêtes religieuses, la colonie devait y être représentée par des théores ou ambassadeurs extraordinaires, chargés d'offrir en son nom des présents et des victimes S7. Si des habitants de la métropole se trouvaient dans la colonie au moment des fêtes ou des représentations scéniques, ils avaient droit à des places d'honneur dans les temples et au théâtre. Lorsque la colonie avait résolu de fonder à son tour une nouvelle cité, elle demandait à la métropole de lui envoyer l'olxtaiuç préposé à la direction des émigrants J8. Quand un conflit surgissait entre la colonie et la métropole, il devait, à moins de raisons majeures sa être terminé par des voies amiables ou au moins par une procédure judiciaire ; une lutte armée aurait été considérée comme impie 60. Dans les moments de détresse, la métropole appelait à son aide ses colonies. Le refus de celles-ci de secourir leur mère patrie en butte à d'injustes attaques eût été sévèrement jugé par l'opinion publique 61, A plus forte raison, les colons ne devaient pas se joindre aux agresseurs et porter les armes contre la métropole 0'. De son côté, la métropole était tenue de ne pas abandonner ses colonies à l'heure du danger 63. Ces liens, comme on le voit, n'étaient pas très forts. Là même où l'assujettissement semblait plus marqué, à Potidée, par exemple, où nous avons signalé la présence de magistrats corinthiens, il est permis de croire que la réalité ne répondait pas complètement à l'apparence. Si les E7c1S.1utoupyoi eussent eu quelque autorité, ils auraient empêché les Potidéates de conclure des traités d'alliance COL, 1301 COL avec Athènes, et pourtant nous lisons dans Thucydide que Potidée était, à l'époque même de la présence des i ~~µtou yof, une ville alliée et tributaire de la république athénienne 64. Les métropoles disaient : « Nous fondons des colonies, non pas pour être en butte à leurs outrages, mais pour avoir sur elles un droit d'hégémonie ( yeuéoaç a o o) et pour recevoir d'elles les hommages convenables 65. u Les colonies répondaient : « Lorsque nous sommes bien traitées, nous devons respecter notre métropole; mais, si nous sommes opprimées, notre devoir est de nous détacher. Les émigrants, en quittant leur pays natal, ne deviennent pas les esclaves, ils demeurent les égaux de ceux qu'ils laissent derrière eux B0. » Les droits et les obligations réciproques étant si vaguement déterminés, des conflits nombreux devaient surgir 67. Le lien qui unissait la métropole à la colonie se relâchait de plus en plus et il n'était pas rare que la colonie, lorsqu'elle avait foi en sa puissance, traitât d'égale à égale avec la métropole, quelquefois même la méprisât88. Amphipolis, colonie athénienne qui honorait comme fondateur llagnon 6B, voulant bien montrer l'antagonisme qui existait entre elle et sa métropole, renversa les monuments élevés en l'honneur de son clxtazr,ç, et, pour comble d'outrage, elle substitua au culte d'llagnon le culte de Brasidas, général Spartiate 70. Cet esprit d'individualisme exagéré, de rébellion contre tout ce qui semblait une atteinte à l'autonomie, était naturel aux Grecs et on le retrouve partout dans leur histoire. Que de fois il leur fut préjudiciable! Lorsqu'il eût fallu, pour résister aux attaques du dehors, réunir toutes les forces disséminées dans l'Orient et dans l'Occident, tes Grecs, divisés par les jalousies et les rivalités, ne pouvaient se résigner à suspendre leurs luttes intestines. Là où il n'y a pas d'unité politique, Il ne peut guère y avoir unité dans la défense. Les colonies grecques, au lieu d'être une force, furent souvent un danger et elles contribuèrent pour leur part à la victoire des Romains. VI. Les habitants de la métropole jouissaient-ils du droit de cité dans la colonie, et réciproquement les colons avaient-ils le droit, de cité dans la métropole ? Deux arguments principaux pourraient conduire à répondre affirmativement. Dans un traité diplomatique, sur lequel l'attention de l'historien Timée avait été appelée, on lisait que les Locriens d'Italie et les Locriens de Grèce jouissaient réciproquement les uns chez les autres du droit de cité71. On sait aussi que les Corinthiens, lorsqu'ils invitèrent les Grecs à se joindre à eux pour repeupler Epidam.ne, promirent à ceux qui répondraient à leur appel tous les droits qui appartenaient aux Epidamniens 72. Si les Corinthiens pouvaient ainsi accorder le droit de cité aux étrangers qui allaient se fixer dans leur colonie, ils devaient, à plus forte raison, avoir eux-mêmes ce droit ". On pourrait être tenté d'objecter ce principe de droit public, écrit dans la plupart des constitutions, que nul ne peut avoir à la fois deux patries; qu'il faut que, le jour où un conflit s'élève entre deux cités, chacun voie sans hésitation de quel côté il doit se ranger. Mais il y eut en Grèce trop d'exceptions à cette règle pour qu'on puisse la prendre comme base d'un raisonnement ; il arriva par- fois que tous les habitants d'une ville obtinrent ensemble le droit de cité dans une autre ville 74. Nous nous bornerons à faire remarquer que les exemples cités ne sont pas très concluants. Les Epidamniens étaient, nous dit Thucydide, réduits à la plus extrême misère ; ils avalent fait hommage de leur cité aux Corinthiens et accepté ceux-ci pour leurs chefs75.On ne doit donc pas s'étonner de ce que les Corinthiens aient pu disposer du droit de cité à Epidamne. Quant au traité dont parle Timée, Polybe conteste son authenticité, Mais, en admettant même que Timée ne se soit pas trompé, par cela seul que la clause de communication réciproque du droit de cité l'avait surpris, nous sommes autorisé à dire qu'elle était exceptionnelle. Nous serions, pour notre part, enclin à soutenir, avec Hermann76, que, à défaut de conventions spéciales,lescoIons n'étaient pas citoyens de la métropole, et réciproquement que les habitants de la métropole n'étaient pas citoyens de la colonie. VII. Il ne faut pas complètement assimiler aux colonies dont nous venons de parler une espèce particulière de colonies, Ies clérouchies (cl xar,poujCcl), qui occupent une place importante dans l'histoire d'Athènes, et qui ont dû être également en usage chez d'autres peuples grecs". On va voir que ces clérouchies présentent avec les colonies romaines des similitudes qu'on ne trouve pas dans les colonies grecques proprement dites, Lorsque la république athénienne avait conquis un territoire ennemi et jugeait à propos de le conserver sous son entière domination, pour bien assurer sa conquête elle expulsait les habitants 79 ou les réduisait en servitude 80; puis elle établissait à leur place dos citoyens d'Athènes. Cette expropriation au profit des Athéniens fut surtout employée pour réprimer les défections des peuples alliés. En même temps qu'elle inspirait aux indécis une crainte salutaire, elle offrait à la République un moyen facile d'enrichir ou au moins de mettre à l'aise des citoyens pauvres. C'était un reste de l'ancienne rigueur avec laquelle les vainqueurs traitaient les vaincus. Les premiers exemples de clérouchies athéniennes qui nous soient connus sont antérieurs à la guerre des Perses. A la suite d'une victoire remportée sur les habitants de Chalcis en Eubée (500 av. J.C.), les Athéniens s'emparèrent des terres des Hippobotes, ou citoyens riches de Chalcis; ils en firent quatre mille lots et les distribuèrent par le sort entre un nombre égal de citoyens d'Athènes 61 Plus tard, Cimon, s'étant emparé de l'île de Scyros habitée par des pirates dolopes, fit vendre ceux-ci comme esclaves et repeupla l'île avec des cléreuques er. Imbros, Lemnos, Lesbos, Délos, et beaucoup d'autres localités, soit insulaires, soit continentales, en Chalcidique, en Thrace, etc., eurent le même sort 8v. Les établissements de ce genre se multiplièrent surtout au temps de Périclès et des autres démocrates, qui y trouvèrent un moyen de se concilier les faveurs du peuple. «A quoi sert la géométrie a ? dit Strepsiade. «A mesurer la terre », lui répond son interlocuteur, Aussitôt le vieillard applique aux clérouchies la science qu'on vient de définir 84, Le territoire confisqué, sur Iequel les Athéniens devaient être établis, était en effet partagé par des géomè tres (rra : ot) en lots de valeur à peu près égale et produisant assez pour subvenir aux besoins d'une famille entière. Puis ces lots étaient distribués par la voie du sort entre les Athéniens. C'est à cette distribution par ]e sort que les clérouques étaient redevables de leur nom a', bien qu'il ait pu exister dans certains cas an autre tirage au sort, pour déterminer, lorsque les candidats étaient trop nombreux, quels seraient ceux qui seraient admis au partage des terres conquises. Nul n'était contraint de devenir clérouque malgré lui; le tirage au sort n'avait lieu qu'entre les citoyens qui se présentaient volontairement. Les riches avaient sans doute le droit de se faire inscrire ; mais, en général, ils n'en usaient guère, elles clérouques, comme les colons proprement dits, se recrutaient habituellement dans les classes pauvres. Il fallait, en effet, s'éloigner del'Attique et renoncer par cela même à l'exercice de la plupart des prérogatives attachées au titre de citoyen : sacrifice pénible, devant lequel reculaient certainement les privilégiés de la fortune n. Il y eut cependant des cas dans lesquels les clérouques ne furent pas astreints à l'obligation de résider dans la colonie et purent demeurer à Athènes; on leur permit quelquefois de faire exploiter par des fermiers ou par des mandataires le lot qui leur était échu. Thucydide nous dit même que, lors du partage du territoire de Lesbos entre deux mille sept cents clérouques, les Lesbiens continuèrent à cultiver leurs terres et lurent seulement tenus de payer à chaque clérouque une redevance annuelle de deux mines 87. Les clérouques, à la différence des véritables colons qui cessaient d'être citoyens de la métropole, restaient citoyens d'Athènes tout en devenant membres d'un État nouveau". Aussi portaient-ilstoujoursle titre d'Athéniens, et leurs biens étaient comptés parmi les propriétés attiques. Quand ils étaient de passage à Athènes, ils pouvaient exercer tous les.droits civiques, prendre part notamment aux délibérations de l'assemblée. En revanche ils étaient naturellement soumis aux charges attachées à la qualité d'Athénien ; ils étaient justiciables des tribunaux d'Athènes, ils devaient le service militaire et supportaient leur part des liturgies89. Notons toutefois que, dans l'inventaire de leur fortune, pour savoir s'ils étaient tenus de cette dernière obligation, on ne faisait pas figurer les biens qu'ils possédaient en qualité de clé Quant à l'État nouveau formé par les cléronchies, il avait, en principe, le droit de s'administrer et de nommer ses magistrats; mais il était réellement vis-à-vis d'Athènes dans un état de dépendance beaucoup plus marquée que celle des colonies proprement dites. La mesure de cette dépendance variait suivant les lieux. Quelquefois, des magistrats envoyés d'Athènes prenaient la direction des affaires religieuses ou civiles et nommaient aux fonctions publiques. D'autres fois, la république se contentait de charger des inspecteurs (értueà'5 ial) d'examiner les divers services de la colonie et de lui rendre un compte détaillé de ce quils auraient observé. Parfois Athènes exerçait un contrôle sur les décrets rendus par la clérouchie. C'était la métropole qui donnait des ordres pour les opérations militaires et qui désignait les chefs des clérouques; ainsi à Salamine, les clérouques de Chalcis combattirent sur les galères athéniennes. Toutes les affaires importantes devaient être jugées par les tribunaux d'Athènes. les juridictions locales n'étant compétentes que pour les litiges les moins graves. Peut-être même les clérouques payaient-ils un tribut à la république. Quelques-uns d'entre eux au moins étaient soumis à cette obligation, peut-être ceux qui avaient pris la place d'une population déjà tributaire 91 Pour bien constater ses droits sur la clérouchie, la république se réservait souvent, au moment du partage, une portion plus ou moins considérable du territoire, qu'elle faisait exploiter par des locataires, et dont les revenus étaient ordinairement affectés aux dépenses du culte. Ces renseignements sommaires sur les cléronchies suffisent pour permettre de les distinguer des colonies proprement dites; nous réservons leur histoire et les détails de leur organisation pour l'article KLEROUCDIA. E. CAILLEMER. de déterminer une règle fixe au sujet des droits des colonies grecques au point de vue monétaire. L'introduction et la généralisation de la pratique du monnayage chez les Hellènes furent postérieures à l'époque du grand mouvement de la fondation des colonies. Aussi la numismatique de ces villes ne commence que quand déjàleursliens avec les métropoles s'étaient considérablement affaiblis, quand elles menaient toutes l'existence de cités pleinement autonomes et indépendantes. En général , les monnaies des villes fondées en Italie, en Sicile, en Asie-Mineure, présentent des types qui leur sont ' -✓ `~' et n'ont pas été empruntés à la cité d'où étaient partis les colons. Ce n'est que très rarement que plusieurs colonies de même origine, dans des contrées différentes, ont un type monétaire commun, qui est un symbole de la mère patrie. L'exemple le plus frappant de ce genre est fourni par la numismatique de Velia et de Massalie, qui, l'une en Lucanie et l'autre en Gaule, ont également comme type constant des revers la figure d'un lion, parce que cet animal était déjà représenté sur les espèces archaïques de Phocée, leur métropole (fig. 1714, 1715 et 17161. Ce même symbole du lion s'observe aussi sur des pièces de fabrication étrusque, qui paraissent avoir été frappées à Pise, où les Phocéens eurent pendant quelque temps un comptoir yz. L'animal était resté l'emblème de la ville, même après la disparition de la colonie grecque. Dans les deux séries d'argent parallèles de Rhégion et de Zanclé-Messine, on voit apparaître, au commencement du ve siècle avant notre ère, quelques pièces reproduisant les types de Samos. Elles marquent le moment où les réfugiés samiens, à la suite de la défaite des COL 1303 CAL révoltés d'Ionie par les Perses, vinrent s'établir dans ces deux villes, où les appelait Anaxilas53. On connaît un très grand nombre de monnaies d'argent, du Ive siècle, frappées dans des villes fort diverses, qui copient le poids des statères de Corinthe ]STATEBES L'OMNIUM]] et leurs types, d'un côté le Pégase et de l'autre la tète d'Aphrodite armée. Les nurnismatistes ont longtemps cru qu'une telle adoption de symboles monétaires caractérisait comme colonies corinthiennes les villes qui ont émis les monnaies en question. S'il en est, en effet, quelquesunes, comme Ambracie, Apollonie d'Épire et Syracuse, qui avaient été fondées par des colons corinthiens, il est aujourd'hui prouvé" que les copies de la monnaie corinthienne sont sorties, pendant un espace de temps de cent ans environ, des ateliers d'un très grand nombre de cités de i'Acarnanie, delEpire, de l'Illyrie, en général des côtes de l'Adriatique, et aussi de l'Italie méridionale et de la Sicile, cités dont la plupart n'avaient aucunement le caractère de colonies de Corinthe. Il faut donc voir ici un simple fait d'imitation monétaire, tenant au crédit dont les espèces corinthiennes jouissaient sur les marchés commerciaux °Y. Pour une époque de plusieurs siècles postérieure aux origines du monnayage, lorsqu'on étudie les suites numismatiques d'É gine, de Naxos et de Mélos, il est facile de constater que la fabrication des pièces d'argent, abondante jusque-là, cesse brusquement avec l'établissement des clérouques athéniens, entre Iesquels on partage le sol enlevé aux anciens habitants. La nouvelle population des colons athéniens n'émet que des pièces de cuivre. Ces faits sont si caractérisés, qu'ils paraissent révéler un principe suivi par Athènes à l'égard des territoires qu'à celte époque elle réduisit à l'état de colonies interdiction de tout monnayage d'argent pour ne se servir que des espèces de la mère patrie dans ce métal, permission de frapper seulement de petites monnaies d'appoint en cuivre °. En revanche, Thurioi, fondée en Italie sous Ies auspices d'Athènes, frappe dès son origine de grosses espèces d'argent. C'est qu'avec les Athéniens d'autres Grecs, en nombre égal, avaient contribué à son peuplement, et que l'oracle niait décimée colonie d'Apollon, non d'Athènes. Il ne paraît pas, du reste, y avoir eu de règle générale et constante définissant le droit monétaire des colonies qui gardaient un lien de dépendance avec leur métropole. Les faits à cet égard ont varié suivant l'esprit de la politique des cités, Quelquefois la ville souveraine interdit tout monnayage à la ville dépendante; d'autres fois, comme nous venons de le voir pour Athènes, elle la restreint à ne frapper que des espèces de cuivre. Il y a des cas où elle se réserve la fabrication exclusive des espèces 1 a °fient les plus forte le laissant à la ville soumise à son autorité que l'émission exclusive de très petites pièces divisionnaires de ce métal; c'est ce quo nous observons à Héraclée de Lucanie, dans les temps assez anciens où elle dépendait politiquement de Tarente, et plus fard chez les Pitanates, colonie des Tarentins dans le Samuium, toujours subordonnée politiquement à la mère patrie". Enfin il est des cas où la ville dépendante loua de la plénitude du droit monétaire et frappe des monnaies de même valeur que celles de la ville dominante, en moins grand nombre seulementCitons Astyra, dont les pièces d'argent égalent celles de Rhodes, sa métropole, dans le commencement du Ive siècle 9a, et Crénides, dépendance de Thasos, qui pendant sa courte existence a frappé, avec l'or de ses mines, des monnaies désignées par leur légende comme celles des Thasiens du continent, oALRTN xiiDi1,0°', Déjà, dans le vre siècle, Sybaris avait laissé émettre par les villes voisines qui étaient ses colonies et dépendaient de son empire, comme la Siris achéenne, Laos, Pyxus, Poseidonia, des monnaies d'argent égaies aux siennes i°°. P. LESOBMANT COLONIES ROMAINES. Colonna, chez les Romains, désignait, dans une première acception, un groupe de citoyens ou d'alliés, régulièrement organisé et envoyé par un décret du roi, sous la république par une loi, en vertu d'un sénatus-consulte ' et plus tard par un décret de l'empereur', pour occuper en tout ou en partie une cité conquise et son territoire, ou pour fonder une ville nouvelle sur un domaine appartenant à l'État [AUER pum'eus]. Dans une seconde acception, ce même mot signifiait le lieu oie se -trouvait établi le groupe dont il s'agit. II venait sans doute de calera (cultive) ou de ex eu/tu cari', parce que les colons se partageaient le territoire assigné à la colonie. Pendant cette période on voit paraître successivement des colonies de citoyens romains, des colonies latines, des colonies agraines, enfin des colonies militaires, et cet ordre historique servira de cadre à notre exposé, 1. Colonies de citoyens romains, --Les premières colonies qui se présentent dans l'histoire romaine sont des colonies divisait rort¢rnorratra, c'est-à-dire exclusivement composées de citoyens ; l'histoire légendaire' attribue à Romulus cette institution, mais on admet généralement qu'elfe appartient aux antiques traditions des peuples italiques'. On la voit en effet pratiquée aussi fréquemment chez les Èques et les Samnites', chez les Étrusques', chez les Vr'olsques', chez les Ombriens', La ville de Posidoriia; colonie grecque d'origine, devient ensuite une colonie des Lucaniens I°. Rome rait à profit cette institution, d'abord et principalement pour étendre et consolider sa COL 1304 COL domination en Italie, puis dans les provinces, ensuite accessoirement, pour soulager la misère des plébéiens" ; ce but devint principal sous les Gracques 12. Les colonies dont les historiens attribuent la fondation àla royauté sont les suivantes" : Ostia, Caeninae, Medallia, Cameria, Fidenae, Ante ana, C:rustumeria, Sliynia, Circeii. Comme on manque de documents précis sur l'organisation de ces colonies, nous nous placerons surtout à l'époque républicaine pour décrire les règles relatives à la formation des coloniae civium romanorum. Il parait cependant que dès l'origine elle était décrétée par le sénat sur la proposition du roi, ou par le roi seul, d'après M. Mommsen". Après la chute de la royauté, le décret fut présenté par les consuls aux centuries". Depuis le ve siècle de Rome seulement, les tribuns soumirent le sénatusconsulteàlaconfirmation des comices-tribus 16. Quelquefois seulement Tite-Live ne mentionne que le sénatus-consulte, parce que la confirmation ne soulevait d'ordinaire aucune difficulté"; c'est à tort que le gavant Rudorff admet 18 que l'intervention de la plèbe n'aurait été exigée que depuis les Gracques. Quoi qu'il en soit, le sénatusconsulte ou la loi confirmative (tex coloniae 19) réglait les bases de l'organisation de la colonie, le nombre des colons à y envoyer, l'étendue du territoire assigné à la cité, celle des lots qui devraient être attribués à chaque colon, elle nombre des curatores coloniae deducendae, à nommer pour présider à la formation de la cité nouvelle. Ces curateurs étaient originairement au nombre de trois, trium%deicoloniae deducendae), probablement un de chacune des tribus primitives; plus tard, on trouve deux, cinq, dix et même vingt curatores 2e. En vertu du sénatus-consulte ou du plébiscite constitutif, ces curateurs étaient choisis par les centuries, et créés par le consul" président de ces comices, ou par le préteur" qui le suppléait; plus tard, ils furent nommés par les comices-tribus23. Dans tous les cas, ils étaient revêtus par les comices curiates de l'iXtt'EniuM n pour le nombre d'années désigné par la loi, ordinairement trois années" Nous venons d'entrer dans les détails d'organisation; îi convient de présenter ici d'après Madvig26, et T. Mommsen", suivis par J. Marquardt n, la liste probablement incomplète 29 des colonies de citoyens romains fondées jusqu'en 654 de Rome, ou 100 ans avant J.-C., époque où ces colonies présentèrent surtout un caractère agraire et économique. On cite Labicum fondée longtemps après Ostia (qui forme le n° 1 sous la royauté) en 336 de Rome, ou 400 avant J.-C. 30; 2. Antium, en 416 de Rome" = 338 avant J.-C. ; 3. Anxur ou Terracina 32, en 425 de Rome = 329 avant .1.-C ; 4. Minturnes en Campanie ; 5. Sinuessa en Campanie, ces deux colonies fondées 33 en 458-296; 6. Sena Gallica en Ombrie ; 7, Castrum Novum en Picenum 34, toutes deux fondées en 471 de Rome =282; -8.Aesium en Ombrie 33, maintenantlesi, en 507=247; 9, Alsium en Etrurie38,507 de Rome=247. -40. Fregenae en Étrurie37, an de Rome 509 = 245 ; Pyrgi en Étrurie 36, avant J.-C. 563 =191 ; 12. Puteoli en Campanie ; 13. Volturnum en Campanie; 14. Liternum en Campanie; -15. Salernum en Campanie; 16. Baxen• tutu en Lucanie ; -17. Sipuntum en Apulie ; 18. Tempsa, en Bruttium; 19. Croton en Bruttium, toutesII9 en 560=194; 20. Potentia en Picenum; 21. Pisaurum en Ombrie "0 en 570=18!4 ; 22. Parrna en Gaule Cispadane ; 23. Mutina en Gaule Cispadane ; 24. Saturnia en Étrurie, en 573=181"; 25. Graviscae en Étrurie 4" en 573 = 181 ; -26. Luno( en Étrurie n, en 574=180, et encore en 577=177; -27. Auximum en Picénum 44, en 597 =157; 28. Fabrateria en Latium en 630=124"; 29. Minervia, autrefois Scylacium dans le Brut Liu m ; 30. Neptunia ou Tarente 48 en 632 =122 ; 31. Dertona 47, en Ligurie ; 32. Eporedia en Gaule Transpadanes; enfin hors de l'Italie : 33. Colonia Junonia Car(ago qui ne subsista pas; 34. Narbo-Martius en 636 = 118. On accordait aux magistrats chargés de conduire la colonie un état-major et une suite nombreuse a0 de géomètres arpenteurs, agriniensores, librarii, praecones, innoves, et d'augures, pour prendre les auspices et procéder à l'installation de la colonie. Comme la deductio coloniae était une affaire importante et propre d'ailleurs à concilier la faveur du peuple, la mission de curalor coloniae deducendae était souvent attribuée à des personnages importants, à des consulaires S0, on le voit par l'exemple de L. Quinctius, de Caeso Duilius, de C.Terentius Varro, et de P.Aetius Raptus. Quels motifs présidèrent à la fondation des colonies de citoyens Romains pendant cette période? il s'agissait surtout d'assurer la domination romaine" sur des villes conquises et dépouillées en tout ou en partie de leur territoire. autrement il y aurait eu simple assignation de terres. La colonie jouait le rôle d'une sorte de garnison (praesidium) destinée à la fois à tenir en bride les nouveaux sujets, et à défendre le territoire romain (specula ou propuynaculaimperii) contre d'autres ennemis, c'est ce que dit en termes formels Siculus Flaccus 52. Aussi les colo COL 1305 COL nies n'étaient-elles pas envoyées d'ordinaire dans un lieu non déjà couvert de maisons (locum certum aedificiis munitum 53), bien que le fait ne soit pas sans exemple". Si la ville n'était point fortifiée, on la mettait à l'abri d'un coup de main ". Lorsque les anciens habitants avaient été exterminés ou dépouillés de tout leur territoire, on procédait au partage du sol entier de la cité. Mais souvent" les nouveaux sujets n'en prenaient qu'une partie, habituellement le tiers, attribué à titre de châtiment [MULCTA] au domaine public [AGER PURLICUS], le reste leur était rendu ; mais la partie vacante du territoire était assignée à la colonie de citoyens romains qui devait garder la cité. Les curatores, en vertu d'une clause de la loi spéciale, statuaient sur toutes les difficultés 67 nées du partage, ou Outre le motif principal déjà indiqué, d'autres raisons secondaires portèrent les Romains à fonder les premières colonies : ainsi : 1°On y voyait un moyen d'étendre la race romaine en Italie, de façon à assurer le recrutement de l'armée (ad supplendum civium numerum 69 ou cectptm ltomanues nomen 66 ou stirpis augendae causa 61). 2° Quelquefois il s'agissait de repeupler une ville ruinée par la guerre62; ou de recruter une colonie notablement affaiblies'. 3° Plus tard surtout, les colonies eurent un objet àla fois politique et économique, celui d'écarter de Rome des citoyens indigents et turbulents, pour les transformer en colons et propriétaires laborieux : on en voit quelques exemples avant les Gracques". 4° Certaines colonies de citoyens romains nommées coloniae maritimae furent chargées comme praesidia6" de veiller à la défense des côtes de l'Italie. Aussi prétendaient-elles avoir le privilège d'exemption du service militaire hors de leur enceinte 6a; nous reviendrons sur ce point, en parlant de la condition des habitants d'une colonie67. Le nombre des citoyens envoyés pour coloniser était déterminé par la lex colonica; il était originairement de 300 familles, comme à Caeninae, à Antemnae et à Fidenae 68. Suivant Niebuhr et Walter, ce chiffre correspondait à celui des gentes primitives, et chaque gens fournissait une familia; c'était un moyen d'éviter la division des antiques lots ou heredia entre les fils de famille patricienne de Rome 69. La nouvelle famille devait recevoir deux jvgera70 sur le terrain de la colonie. Ces chiffres modiques furent assez longtemps maintenus, et on en trouve encore un exemple au cinquième siècle dans la colonie maritime d'Anxur71; on voit même, après la guerre d'Annibal, trois cents familles envoyées dans les colonies maritimes de Buxentum, Liternum, Puteoli, Salernum et Vulturnum72. Cependant déjà dès le quatrième siècle de Rome 73, et surtout après la seconde guerre punique'", Rome accrut le chiffre des colons, qui s'éleva à 1,000, 2,000 ou3,000.Quant au nombre des jugera assignés à chacun, il variait entre deux et dix75 ; c'est par une faveur extraordinaire qu'on trouve en 577 de Rome une deductio colonica96 avec des lots de 51 jugères 1/2, aux deux mille citoyens envoyés à Luna, pris sur un territoire enlevé jadis par les Ligures aux Étrusques. Pour obtenir le nombre de colons fixé par la loi, les sénateurs faisaient d'abord appel aux personnes de bonne volonté" qui se présentaient (nomen dare), et recevaient leur inscription (adscribere78). Plus tard, on admit même des Latins à s'inscrire 79. Ceux-ci, en vertu de leur commercium [LATINITAS], pouvaient bien acquérir la propriété romaine tenaient pas la cité romaine par le seul fait de leur colonisation. C'est ce que décida le Sénat80, à l'occasion des habitants de Ferentinum, en 559 de Rome, ou 195 av. J.-C. Lorsque le nombre des volontaires était insuffisant, on procédait comme en matière de recrutement pour l'armée [DELECTUS] ; car l'envoi dans une colonie était assimilé à un service militaire, dont la charge pesait sur tous les citoyens propres à la guerre8t. Le consul présidait à la levée des colons par voie de tirage au sortes (familias conscribere). Les triumviri ad coloniam deducendarn conduisaient les colons au territoire indiqué par la lex colonica; ils avaient aussi pour mission de le partager entre les colons 33; également nommait-on parfois ces curateurs triumviri coloniae deducendae agroque dividendoe", ou agro metiundo dividundoque, ou agrarii. Il ne faut pas cependant confondre complètement la fondation d'une colonie avec une lex agraria [AGRARIAE LEGES 8a], lors même que l'établissement a lieu sur un terrain détaché de rager publicus; car, dans une colonie, les colons forment un groupe régulièrement organisé, et destiné à fonder une cité, à la différence du cas où une loi d'assignation distribuait des terres à une partie, ou à l'ensemble des plébéiens de Rome, ou à des soldats à titre de récompense. Quoi qu'il en soit, les curateurs procédaient d'abord à la délimitation générale du territoire, pour arriver à sa distribution (agro dandoes ou agris dandis assignandis). Le mesurage avait lieu solennellement après avoir pris les auspices (posita auspicaliter groma 87), ce qui donnait à l'ensemble de l'opération une consécration religieuse. Aussi tant qu'existait une colonie ainsi fondée, en conduire une autre au même lieu eût été commettre un sacrilègeB0. Nous renvoyons les détails sur la délimitation à la section IV (des colonies militaires). Il suffit de constater ici que le terrain régulièrement mesuré était aborné, et les lots distribués entre les colons. L'excédent qui pouvait rester demeurait au domaine de l'État [AGER PUDLICUS], ou parfois attribué à de nouveaux colons supplémentaires89, ou même concédé à titre de II. 164 COL 1306 COL présent à la colonie. Les écrivains du droit agraire (scrlptores rei agrariae ou gromatici veteres90) se réfèrent en maint endroit à cette distinction entre les subscesiva appartenant au domaine, et ceux qui passaient aux eoloniae, parfois pour servir aux pâturages communs (pascua publica vel compascua). Condition des habitants de la colonie. Lorsque les anciens habitants n'avaient pas été transportés à Rome", détruits ou vendus, la population de la cité colonisée se composait de deux éléments 91 qu'a fort bien distingués Niebuhr, savoir : les indigènes, en partie dépossédés, et les colons. Ces derniers appartenaient dans les premiers temps de Rome probablement aux gentes et devaient être patriciens93. Mais on doit admettre qu'après la réforme de Servius Tullius 94 les plébéiens eux-mêmes furent admis à coloniser; par suite les patriciens, moins nombreux et qui conservèrent jusqu'aux lois Liciniennes le privilège d'occuper les parties vacantes de rager publicus, durent s'abstenir le plus possible de faire partie des colonies. Dès lors cette institution commença à fournir un moyen de venir au secours de la plèbe", bien que le but principal en fût toujours militaire. On ne vit plus que des plébéiens figurer parmi les colons; il faut donc rejeter I'opinion exagérée de Niebuhr9°, qui voit encore dans Antium fondée en 287 de Rome (467 av. j.-C.) et dans Ardée (311 de Rome ou 443 av. J.-C.) des colonies patriciennes. Quoi qu'il en soit, Madvig a démontré 97 que les Romains envoyés dans les colonies civium romanorum conservaient le droit de cité au point de vue civil et politique, et même le jus honorum et suffragii, et quand le connubium avec les patriciens fut concédé à la plèbe par la loi Cornelia (309 de R. ou 445 av. J.-C.), cet avantage dut appartenir Ipso jure aux coloris plébéiens en leur qualité d'anciens citoyens romains. En effet, le nom même de ces colonies prouve qu'ils conservaient leur titre; seulement ils ne votaient dans leur centurie ou dans leur tribu que lorsqu'ils se trouvaient à Rome. Leur cité formait d'ailleurs une sorte de Rome au petit pied et en reproduisait les principales institutions 99. Les chefs des 300 familles constituaient le sénat de la ville 99, formé de trente membres, decuriones ou senatores, et dans son sein étaient élus les magistrats municipaux (comme à Antium 190). Les plus importants de ceux-ci s'appelaient ordinairement duoviri ou praetores et représentaient les consuls de Rome, et aussi, suivant Zumpt, mais non en général, des quatuorviri 10L. Ils portaient la robe prétexte "2. On trouvait encore dans ces colonies des édiles, des questeurs103 et des prêtres, pontifes, augures, fiamines, etc.; car elles conservaient les SACRA romains 164 La ville se nommait urbs et ses habitants formaient un populus 100, qui se choisissait parfois un GEruus 106 ou dieu protecteur; mais ils demeuraient entièrement soumis àla domination comme à la législation romaine, au cens et au service militaire. En effet, les colons n'avaient pas de censeurs propres, et devaient se présenter à Rome pour le census à chaque lustre107. En revanche, les censeurs pourvoyaient aux constructions à faire dans les colonies108. Cependant celles-ci conservaient leur existence indépendante comme municipalités, et quelques colonies 1U9 firent une ère spéciale de l'époque de leur fondation. Si de graves difficultés s'élevaient parmi les colons, Rome y envoyait des commissaires spéciaux S0 D'après leurs anciens titres de fondation (tex ou forma ou formula coloniae), plusieurs colonies maritimes se prétendirent exemptes de tout service militaire (vacatio militiae) sur terre et sur mer 711. Antium, Alsium, Anxur, Minturnae, Ostia, Sena et Sinuessae réclamèrent au sénat contre les contingents à elles assignés pour les Iégions pendant la guerre d'Hannibal ; la présence de l'ennemi ne permit d'admettre ce privilège que pour Antium et Ostie, probablement parce que leurs titres étaient plus formels pour consacrer une sacrosancta vacatio. Plus tard, en 501 de Rome ou 191 av. J.-C. 12, les colonies maritimes échouèrent dans leur prétention de se faire exempter du service sur les vaisseaux. Elles avaient fait appel aux tribuns de la plèbe, qui les renvoyèrent au sénat; celui-ci les condamna. Le deuxième élément de la population d'une colonie se composait des anciens habitants dépossédés d'une partie de leur territoire; leur condition parait avoir été assez malheureuse à côté de leurs voisins colons, qui exploitaient leurs anciens domaines. Aussi l'histoire mentionne-t-elle souvent la reprise de la ville "a par les sujets et même l'égorgement des colons romains. C'est ce qui eut lieu notamment à Fidenae 14, puis à Carneria 15 à Antium 16 à Velitrae 17 et à Sora "a. Quant à la condition politique de ces habitants, elle ne donne pas lieu à difficulté : ils étaient certainement exclus de tout droit de suffrage, du jus honorum à Rome, et même dans la colonie "s, où ils ne participaient en rien à l'administration municipale, à moins qu'ils n'eussent obtenu par une faveur 1" exceptionnelle de se faire inscrire sur la liste des colons pour la compléter. Mais quelle était leur situation au point de vue du droit civil? Madvig "l leur accorde la cité sinesufragio; Rein au contraire voit en eux de simples pérégrins 112 Le premier avis est trop favorable pour des vaincus, le second inadmissible à raison de la juxtaposition des deux classes d'habitants. On peut conjecturer, avec Walter 123 que primitivement ces sujets n'avaient pas le connubium avec les colons, au COL 1307 COL moins avant la loi Cornelia, mais que du reste ils étaient citoyens romains 134, sans toutefois pouvoir acquérir les lots de terre des colons. Ordinairement du reste, la lex coloniae déclarait ces lots inaliénables, au moins pendant vingt ans 1e, Il serait difficile de refuser. avec Niebuhr'à ces sujets le jus commercïi, quand il leur concède la cité romaine ; néanmoins leur nullité politique leur pesait, et même quand, par exception, ils avaient été admis parmi les colons, ils prirent parfois part à des insurrections 927. Cependant lorsque le connubium fut étendu aux colons par l'effet de la loi Canuleia ou d'une concession du sénat, les deux populations des colonies tendirent à se confondre128. Longtemps avant la loi Julia (664 de Rome), ce nom de colonia comprenait déjà tous les habitants. La création de coloniae civium romanorum fut étendue postérieurement à la Gaule Cisalpine ; elle fut même appliquée en province par les Gracques (comme on le verra plus loin, § III, dans l'intérêt de la plèbe (coloniae provinciales). En l'année 100 av. J.-C. ou 654 de Rome l", cessa l'usage des coloniae civium romanorum, pour faire place à celui des colonies militaires, coloniae militum, établies à titre de récompense en faveur des vétérans. Mais avant de nous en occuper, il nous reste à traiter des colonies latines, des colonies agraires des Gracques, etc. II. COLONIES LATINES. Organisation. On appelait coloniae Latinorum les colonies composées de colons qui devaient exercer dans la nouvelle cité les droits inhérents à la latinité [LATINITAS], soit qu'ils fussent Latins antérieurement, soit qu'ils eussent seulement reçu fictivement cette qualité [Jus LATH]. Il est probable que la dissolution de l'ancienne confédération latine [LATINUM FOEDUS] donna lieu d'inventer ce nouveau genre de colonies fSo, En effet pendant la durée de la ligue, les coloniae civium romanorum étaient de deux espèces: les unes étaient tirées de Rome même, coloni ob urbe missi"' ; les autres formées de Romains et de Latins ou de Herniques, après leur annexion à la fédération. C'était un moyen d'exécuter par équivalent les clauses relatives au partage des territoires conquis par les confédérés. Il est difficile de savoir, pour cette période ancienne, quelles furent les colonies de l'une et de l'autre espèce; peut-être Antium.' fut-elle, en 287 de Rome, fondée par la ligue latine. On ignore également le nom que portaient ce genre de colonies. Car, pour Cora et Pometia, que Tite-Live 139 appelle latines, elles paraissent avoir été des colonies d'Albe 434 On sait moins encore comment y étaient organisés les éléments romains et latins. Mais, après la dissolution de la ligue, la politique romaine imagina d'envoyer des colonies tirées des alliés latins, socii ou coloniae nominis Latini'. Son but était de peupler de nouvelles conquêtes d'alliés éprouvés par leur courage et leur fidélité, et dont le nombre devait assurer des contingents considérables aux armées de la république 938, On occupait ainsi, d'ailleurs, des contrées éloignées et importantes, sans éloigner un citoyen romain, et l'on s'attachait les villes alliées qu'on débarrassait d'un excédent de population, en leur distribuant des territoires fort étendus. La création de la colonie était ordonnée, comme précédemment137, par un sénatus-consulte, confirmé par une loi qui réglait les bases de la colonisation ; les curatores ad deducendam cetlonjam étaient également élus dans les comices parmi les citoyens romains, créés par le consul ou préteur, et revêtus de l'IMPER1uM par une loi curiate (tex curiata). Voici, d'après Madvig et Mommsen 13® le catalogue des colonies latines : 1, Signia. 2. Circei, toutes deux attribuées à Tarquin le Superbe f39, et toutes deux colonisées une seconde fois, la première en 259 de R.= 495 av. J.-C., la dernière en361=393140. -3. SuessaPometia, dans le pays des Volsques. 4. Cora, dans la même contrée, toutes deux petit être du temps des rois 141. 5, Velitrae, dans le pays des Volsques, fondée en 260 = 494, puis supprimée en 416 = 338 142. 6. Norba, dans le pays des Volsques, fondée 262 de R, 492'4$, 7. Antium144, en 287 = 467, transformée ensuite en colonie romaine en 416 de R. = 335 av. J,-C. 145. 8. Ardée, dans le pays des Rutules, en 312 de R. = 442 av. J.-C.148 9. Satricum, dans le pays des Volsques, en 369 de R. = 385 av. J.-C.147. -10. Sutrium, en Étrurie, en 371=383 "8. 41. Nepete, en Étrurie, en 371 = 383149. 12. Setia. dansle pays des Volsques, en 372 de R. = 382 av. J.-C. 150. -13. Cales, en Campanie, en 420 de R. ou 334 av. J.-C.1'1. 14. Fregellae, dans le pays des Volsques, 15' en 426 de R. = 328 av. J.-C., fut détruite en 629 de R. = 125 av. J,-C. 113,-15, Luceria, en Apulie., fondée en 440 de R. = 314 av. J.-0.954 16. Suessa, dans le pays des Aurunces, en 441 de R. =313 av. J.-C. -17. Pontiae, île des Volsques, en441=313 155, -18. Saticula, dans le Samnium, en 441 = 313156.19. Interamna Lirinas, dans le pays des Volsques en 442 = 312157, -20. Sors., dans le pays des Volsques, en 451=3031". 21. Alba, sur le lac Fucinus, en 451 =303159,-22. Narnia, en Ombrie, en 455 = 299 av. J.-C. 160 23. Carseoli, dans le pays des Èques, en 456 = 298 161, 24. Venusia, en Apulie, en 463 = 291 183 25. Hatria, en Picenum en 465 = 289183. 26. Cosa (en Campanie ?) en 481= 273 186. 27. Paestum, en Lucanie, en 481 COL 1308 COL = 273 163. 28. Ariminium, Rimini, dans l'Ager Gallicus, en 486 de R. ou 268. 29. Beneventum, en Samnium, en 486 = 268 966 30. Firmum, dans le Picenum 165, en 490 = 264. 31. Aesernia, dans le Samnium'68, en 491 = 263. 32. Brundisium, en Calabre 169, en 510 = 244. 33. Spoletium, en Ombrie', en 513 = 241. 34. Cremona, en Gaule. 35. Placentia, en Gaule 11, en 536=218. 36. Copia (Thurii), en Lucanie172, en 561 =193. 37. Valentia (Vibo), dans le Bruttium 178, en 562 = 192. 38. Bononia, en Gaule °', en 565 = 189. 39. Aquileia, en Gaule 175, en 573 = 181. La lex ou formula coloniae déterminait notamment le chiffre des colons latins, qui était plus élevé 176 que celui des colons dans les anciennes colonies civium romanorum; en effet, dans les colonies latines, il s'élevait à deux, trois, quatre et souvent six mille hommes. Le lot de terre assigné à chaque famille était également plusconsidérable/i7 : il variait suivant la qualité du chef, centurio,`eques ou simple fantassin. Ainsi à Thurium, on donna vin CF jugera à chaque fantassin et quarante à chaque cavalier ; à Bologne (Bononia), 70 aux cavaliers et cinquante au reste des colons; à Aquilée, aux centurions 100, aux cavaliers 140 et aux fantassins 50. Ceux des citoyens romains qui voulaient se faire admettre dans les colonies latines devaient renoncer à la cité romaine173, car leur incorporation produisait une media capitis deminutio, dès qu'ils devenaient Latini coloniarii. Les plébéiens indigents y prenaient part quand ils étaient amenés par la misère a profiter des assignations de terrain'''; mais plusieurs préféraient le séjour de Rome et la cité romaine à la colonisation dans les contrées d'Italie les plus éloignées de Rome et les plus exposées aux attaques de l'ennemi. Quoi qu'il en soit, les colonies latines se multiplièrent et devinrent rapidement les plus nombreuses; elles contribuèrent surtout à l'entier assujettissement de la péninsule italique. En effet, les premières furent créées après la dissolution de la ligue latine; or on en voit dix établies en trente-quatre ans960. Au commencement de la seconde guerre punique, Rome, qui avait fondé en tout cinquante trois colonies 181, en comptait trente Latines, d'après le dénombrement fait en 545 de Rome, ou 209 av. J.-C"'. C'est à tort que Heyne a pris ces trente colonies pour les seules subsistantes sur les cinquante-trois; car Tite-Live dit le contraire en termes formels1S3. Elles s'accrurent d'ailleurs en nombre. On cessa bientôt de créer des colo nies civium romanorum (64 de Rome ou 100 av. J.-C f88). A. côté des colonies latines fondées en Italie, avec des Latins, on vit apparaître, au vie siècle de Rome, des colonies d'une nouvelle espèce, auxquelles le droit latin [Jus LATII] fut accordé par fiction, bien que les colons ne fussent pas Latins d'origine 185. En 584 de R, ou 170 av. J.-C., six mille déditices [DEDITITII] furent affranchis 18v et envoyés pour coloniser Carteia en Espagne, avec les anciens habitants. Ce fut une colonia latina libertinorum, carles colons, fils de mères déditices, avaient dû obtenir la MANCMISSIO du peuple romain. Il en résultait que ce genre de colons pourvus d'une latinité nouvelle ou fictive n'eurent pas en principe le connubium avec les citoyens romains, tandis que les colonies de Latins véritables le possédaient probablement [LATINITAS]. On continua de créer quelquesunes de celles-ci comme à Ariminium787, en 486, à Placentia et à Cremona en 356, à Bononia en 565, à Aquileia en 573186; c'est-à-dire pour cette époque, dans la province de Gaule Cisalpine. Depuis les Gracques, comme on le verra plus loin, d'autres colonies latines furent conduites en province 189. Mais souvent ensuite on se contenta d'attribuer fictivement le titre de colonie latine à une ville déjà existante; c'est ce que pratiqua la loi Pompeia de Cn. Pompeias Strabo en 665 de Rome ou 89 av. J.-C. pour les cités de la Gaule transpadane 10. Le jus Latii futainsi obtenu parla cité de Novocomium 191, qui reçut plus tard 3,000 nouveaux colons; puis, en 69517, 5,000 colons, en vertu de la loi Vatinia ; Jules César en fit 500 citoyens romains, il concéda aussi le jus Latii à la ville de Nemausus (Nîmes) et à plusieurs cités de Sicile et d'Espagne 13; il n'y eut donc plus en fait de colonies latines que celles de province 194 Nous avons donné d'après Madvig et Mommsen 15 le catalogue des colonies latines dont l'existence est constatée. Condition des habitants des colonies Latines. Une fois la colonie fondée par les curateurs, dans la même forme que les coloniae civium romanorum, quelle était la situation juridique des colons latins (latini coloniarii)? Au point de vue politique, la ville nouvelle était considérée comme un petit État uni à Rome par les liens d'une alliance (foederati) 16, il est vrai, fort inégale. En effet, la lex ou formula coloniae déterminait le contingent que la colonie devait fournir à Rome en fantassins, en cavaliers et en argent 197, d'après les bases de son étendue et de sa population. Aussi, quand elle était affaiblie, envoyaiton", comme à Venusia, à Narnia, à Cosa, Placentia, Cremona et Aquileia, des colons supplémentaires. Le sénat conservait d'ailleurs sur les colonies latines comme sur les anciens Latins (Latini veteres) un droit de haute tutelle dans les matières d'ordre public 19. Ainsi le sénatus-consulte qui proscrivit les Bacchanales, en 508 de Rome, fut appliqué dans toute l'Italie 700; il en fut de même de la loi Didia contre les excès du luxe, en 611 P01. Le sénat connaissait des crimes graves commis au sein des villes COL 1309 COL alliées 2°3, et statuait sur leurs différends 203. On peut en voir un exemple dans la célèbre sentence sur les limites entre les Genuates et les Veturii 204 Les civitates foederatae perdirent même le droit de frapper de la monnaie d'argent Y0'. Rome protégeait efficacement ces colonies contre les dangers venus du dehors. Les contingents alliés prenaient part au butin 200 [PIIAEDA], et aux distributions de terre faites sur l'Ager publicus E07; enfin les Latins pouvaient être envoyés dans de nouvelles colonies. En 631 de Rome, 122 av. J-C., Livius Drusus fit exempter les Latins, même au service militaire, du supplice des verges 208. Du reste, les colonies latines avaient une constitution municipale indépendante. Leur sénat était divisé en décuries, et en tête figuraient les decem primi. Le peuple choisissait parmi les sénateurs ou décurions les magistrats municipaux 209, duoviri ou autres, et leurs censeurs, qui procédaient au camus spécial de la cité. Seulement depuis 550 de R., 204 av. J-C., douze colonies infidèles devaient envoyer à Rome leurs censeurs présenter les listes aux censeurs romains 2t0. Les Latins participaient seuls à l'exercice de l'administration, et n'admettaient parmi les colons aucun étranger Y11. On avait même concédé aux Latini coloniarii, comme aux Latini veteres21t, le droit de prendre part aux comices, quand par hasard ces colons se trouvaient à Rome ; ruais ils votaient dans une tribu désignée par le sort. Cependant cette observation, faite pour la première fois par Niebuhr, a donné lieu à de vives controverses 213. Nous renvoyons pour plus de détails à l'article LATINITAS. Au point de vue de droit civil, il suffira de dire que les colonies comme les cités latines avaient leur législation particulière 21d. Mais la parenté des deux peuples faisait que ce droit ressemblait beaucoup au droit privé romain. C'est ce que prouvent plusieurs chapitres de la loi municipale de Salpensa 210 [MUNICIPALES LEGES] découverte en Espagne en 18512'6. Du reste, souvent les villes latines adoptaient, par un décret spécial, telle loi particulière2t7 rendue à Rome, ou même s'appropriaient l'ensemble de son droit privé (fondus fieri 218). Les Latins avaient d'ailleurs le commercium avec les Romains, c'est-à-dire le droit d'aliéner et d'acquérir modis civilibus, par exemple par mancipation99, et le connubium [LATINITAS]. Au contraire, dans les colonies situées en province et non composées de Latins, mais bien de provinciaux et d'affranchis, et auxquelles le jus Latii fut conféré par fiction, la situation des colons fut inférieure, et forma plus tard le type des droits accordés aux Latini Juniani 220.On le comprend, à raison de la qualité de ces colons. Ainsi ils n'obtenaient pas le connubium, à moins d'une concession particulière faite à certains d'entre eux", ni à fortiori le droit de suffrage, mais seulement le jus commercii, et l'exemption de la peine des verges 232. Comme ces colonies de droit latin étaient situées en province, les colons ne pouvaient avoir le droit de propriété romaine sur le sol provincial', mais seulement une possession indéfinieR2". Cependant les coloniae latinae provinciales jouissaient d'une administration municipale ; elles étaient soustraites à la direction immédiate du préteur"' et possédaient le droit de battre monnaie, comme le prouve l'exemple de Nemausus cité par Mommsen2''. Quelquefois même des tribus barbares voisines de leur cité y étaient attribuées, c'est-à-dire placées sous leur dépendance 227. Ces sujets demeuraient peregrini; on ne doit donc pas s'étonner de trouver, dans le sein de ces colonies, un assemblage remarquable de conditions distinctes". Remarquons d'une manière générale que, dans toutes les colonies latines, même par la fiction, la loi romaine ouvrait aux Latins des moyens faciles d'arriver au droit de cité", notamment par l'exercice d'une magistrature municipale [voyez à cet égard les articles LATINITAS et Jus LATn]. La loi Apuleia, rendue en 652 ou 654 de Rome, 102 ou 100 av. J.-C., avait spécialement donné à Marius le droit de faire trois citoyens romains dans chaque colonie latine fondée en vertu de cette loi 23°, Il importe de constater, en terminant, que douze des anciennes colonies de Latins, duodecim coloniae, entre autres Ariminium, présentaient un caractère particulier'S1, qui fut appliqué de 673 à 675, par Sylla, à titre de peine, aux habitants de Volaterrae et d'Anetium; or ceux-ci conservèrent le conzmercium (nexa arque hereditates). Le seul passage de Cicéron qui traite de ces douze colonies a donné lieu à bien des controverses 232. Parmi les sept ou huit systèmes qu'a soulevés la question de la situation de ces colonies, le plus naturel est celui de Vangerow (Latini Juniani, § 19), suivant lequel il s'agirait de douze colonies latines ayant obtenu le droit de cité en vertu de la loi Julia de 664, et réduites ensuite à un état inférieur par Sylla, qui plaça Volaterra sur la même ligne. III. COLONIES AGRAIRES 233. Organisation. Nous appelons colonies agraires, celles qui furent projetées ou fondées principalement dans un but social ou économique, comme de soulager la misère de la plèbe romaine ou italienne. Les textes ne leur donnent pas ce nom, mais il nous COL 1304 COL domination en Italie, puis dans les provinces, ensuite accessoirement, pour soulager la misère des plébéiens"; ce but devint principal sous les Gracques 12. Les colonies dont les historiens attribuent la fondation à la royauté sont les suivantes13 : Ostia, Caeninae, Medullia, Cameria, Fidenae, Antenana, Crustumeria, Signia, Cireeii. Comme on manque de documents précis sur l'organisation de ces colonies, nous nous placerons surtout à l'époque républicaine pour décrire les règles relatives à la formation des coloniae civium romanorum. Il paraît cependant que dès l'origine elle était décrétée par le sénat sur la proposition du roi, ou par le roi seul, d'après M. Mommsen". Après la chute de la royauté, le décret fut présenté par les consuls aux centuriest5. Depuis le ve siècle de Rome seulement, les tribuns soumirent le sénatusconsulte àia confirmation des comices-tribusu.Quelquefois seulement Tite-Live ne rnentionne que le sénatus-consulte, parce que la confirmation ne soulevait d'ordinaire aucune difficulté 1i; c'est à tort que le Savant Rudorff admet 19 que l'intervention de la plèbe n'aurait été exigée que depuis les Gracques. Quoi qu'il en soit, le sénatusconsulte ou la loi confirmative (tex coloniae t9) réglait les bases de l'organisation de la colonie, le nombre des colons à y envoyer, l'étendue du territoire assigné à la cité, celle des lots qui devraient être attribués à chaque colon, et le nombre des curatores coloniae deducendae, à nommer pour présider à la formation de la cité nouvelle. Ces curateurs étaient originairement au nombre de trois, tritonviri coloniae deducendae), probablement un de chacune des tribus primitives; plus tard, on trouve deux, cinq, dix et même vingt curatores20. En vertu du sénatus-consulte ou du plébiscite constitutif, ces curateurs étaient choisis par les centuries, et créés par le consul" président de ces comices, ou par le préteurs' qui le suppléait; plus tard, ils furent nommés par les comices-tribus". Dans tous les cas, ils étaient revêtus par les comices curiates de l'IMPERIOM 24 pour le nombre d'années désigné par la loi, ordinairement trois années". Nous venons d'entrer dans les détails d'organisation; il convient de présenter ici d'après Madvig s6, et T. MommsenY7, suivis par J. Marquardt", la liste probablement incomplète "9 des colonies de citoyens romains fondées jusqu'en 654 de Rome, ou 100 ans avant J.-C., époque où ces colonies présentèrent surtout un caractère agraire et économique. On cite Labicum fondée longtemps après Ostia (quiforme le n° 1 sous la royauté) en 336 de Rome, ou 400 avant J.-C. 30; 2. Antium, en 416 de Rome" = 338 avant J.-C. ; 3. Anxur ou Terracina 32, en 425 de Rome = 329 avant J.-C ; 4. Minturnes en Campanie ; 5. Sinuessa en Campanie, ces deux colonies fondées" en 458-296; 6. Sena Gallica en Ombrie ; 7. Castrum Novum en Picenum ", toutes deux fondées en 471 de Rome =282; -8.Aesium en Ombrie35, maintenantlesi, en 507=247; 9. Alsium en Etrurie3fi,507 de Rome =217. -10. Fregenae enÉtrurie37, an de Rome 509=245; 11. Pyrgi en Étrurie", avant J.-C. 563 =191 ; 12. Puteoli en Campanie ; 13. Volturnum en Campanie; 14. Liternum en Campanie; -15. Salernum en Campanie; 16. Buxen• tum en Lucanie ; -17. Sipuntum en Apulie ; 18. Tempsa, en Bruttium; 19. Croton en Bruttium, toutes" en 560=194; 20. Potentia en Picenum; 21. Pisaurum en Ombrie b0 en 570=184 ; 22. Parma en Gaule Cispadane ; 23. Mutina en Gaule Cispadane; 24. Saturnia en Étrurie, en 573=181"; 25. Graviscae en Étrurie 42 en 573 = 181 ; -26. Luna en Étrurie 43, en 574=180, et encore en 577=177;-27. Auximum en Picénum 44, en 597 =157 ; 28. Fabrateria en Latium en 630=124`5; 29. Minervia, autrefois Scylacium dans le Bruttium ; 30. Neptunia ou Tarente 06 en 632 =122 ; 31.Dertona67, en Ligurie;-32. Eporedia en Gaule Transpadane68; enfin hors de l'Italie : 33. Colonia Junonia Cartago qui ne subsista pas; 34. Narbo-Martius en 636 = 118. On accordait aux magistrats chargés de conduire la colonie un état-major et une suite nombreuse 49 de géomètres arpenteurs, agrilnensores, librarii, praecones, initores, et d'augures, pour prendre les auspices et procéder à l'installation de la colonie. Comme la deductio coloniae était une affaire importante et propre d'ailleurs à concilier la faveur du peuple, la mission de curator coloniae deducendae était souvent attribuée à des personnages importants, à des consulaires ", on le voit par l'exemple de L. Quinctius, de Caeso Duilius, de C.Terentius Varro, et de P.Aetius Paetus. Quels motifs présidèrent àla fondation des colonies de citoyens Romains pendant cette période? il s'agissait surtout d'assurer la domination romaine 51 sur des villes conquises et dépouillées en tout ou en partie de leur territoire, autrement il y aurait eu simple assignation de terres. La colonie jouait le rôle d'une sorte de garnison (praesidium) destinée à la fois à tenir en bride les nouveaux sujets, et à défendre le territoire romain (specuta ou propugnaculaimperii) contre d'autres ennemis, c'est ce que dit en termes formels Siculus Flaccus 52. Aussi les colo COL 1305 COL nies n'étaient-elles pas envoyées d'ordinaire dans un lieu non déjà couvert de maisons (locunz certum aedificiis ?nus nitum S9), bien que le fait ne soit pas sans exemple". Si la ville n'était point fortifiée, on la mettait à l'abri d'un coup de main ". Lorsque les anciens habitants avaient été exterminés ou dépouillés de tout leur territoire, on procédait au partage du sol entier de la cité. Mais souvent" les nouveaux sujets n'en prenaient qu'une partie, habituellement le tiers, attribué à titre de châtiment [MULCTA] au domaine public [ACER rupins], le reste leur était rendu; mais la partie vacante du territoire était assignée à la colonie de citoyens romains qui devait garder la cité. Les curatoues, en vertu d'une clause de la loi spéciale, statuaient sur toutes les difficultés 57 nées du partage, ou Outre le motif principal déjà indiqué, d'autres raisons secondaires portèrent les Romains à fonder les premières colonies: ainsi :1° On y voyait un moyen d'étendre la race romaine en Italie, de façon à assurer le recrutement de l'armée (ad supplendum civium numerum 59 ou aucttsm Ibomanum nomen60ou stilpi,saugendae causa81).2° Quelquefois il s'agissait de repeupler une ville ruinée par la guerre63; ou de recruter une colonie notablement affaiblie83.3° Plus tard surtout, les colonies eurent un objet à la fois politique et économique, celui d'écarter de Rome des citoyens indigents et turbulents, pour Ies transformer en colons et propriétaires laborieùx : on en voit quelques exemples avant les Gracques". 4° Certaines colonies de citoyens romains nommées colonie ntaritimae furent chargées comme praesidia" de veiller à la défense des côtes de l'Italie. Aussi prétendaient-elles avoir le privilège d'exemption du service militaire hors de leur enceinte66; nous reviendrons sur ce point, en parlant de la condition des habitants d'une colonie87. Le nombre des citoyens envoyés pour coloniser était déterminé par la tex colonica; il était originairement de 300 familles, comme à Caeninae, à Antemnae et à Fidenae 68. Suivant Niebuhr et Walter, ce chiffre correspondait à celui des gentes primitives, et chaque gens fournissait une familia; c'était un moyen d'éviter la division des antiques lots ou heredia entre les fils de famille patricienne de Rome S9. La nouvelle famille devait recevoir deux jugera70 sur le terrain de la colonie. Ces chiffres modiques furent assez longtemps maintenus, et on en trouve encore un exemple au cinquième siècle dans la colonie maritime d'Anxur71; on voit même, après la guerre d'Annibal, trois cents familles envoyées dans les colonies maritimes de Buxentum, Liternum, Puteoli, Salernum etVuiturnum72. Cependant déjà dès le quatrième siècle de Rome", et surtout après la seconde guerre punique", Rome accrut le chiffre des colons, qui s'éleva à 1,000, 2,000ou3,000.Quant au nombre des jugera assignés à chacun, il variait entre deux et dix"; c'est par une faveur extraordinaire qu'on trouve en 577 de Rome une deductio colonica78 avec des lots de 51 jugères 1/2, aux deux mille citoyens envoyés à Luna, pris sur un territoire enlevé jadis par les Ligures aux Étrusques. Pour obtenir le nombre de colons fixé par la loi, les sénateurs faisaient d'abord appel aux personnes de bonne volonté77 qui se présentaient (nomen dare), et recevaient leur inscription (adscribereT5). Plus tard, on admit même des Latins à s'inscrire 78, Ceux-ci, en vertu de leur commercium [LATINITAS], pouvaient bien acquérir la propriété romaine tenaient pas la cité romaine par le seul fait de leur colonisation. C'est ce que décida le Sénat86, à l'occasion des habitants de Ferentinum, en 559 de Rome, ou 195 av. J.-C. Lorsque le nombre des volontaires était insuffisant, on procédait comme en matière de recrutement pour l'armée [DELECTUS] ; car l'envoi dans une colonie était assimilé à un service militaire, dont la charge pesait sur tous les citoyens propres à la guerre9l. Le consul présidait à la levée des colons par voie de tirage au sort" (familias conscribere). Les triumviri ad coloniam deducendam conduisaient les colons au territoire indiqué par la lex colonica; ils avaient aussi pour mission de le partager entre les colons "; également nommait-on parfois ces curateurs triumviri coloniae deducendae agroque dieidendo84, ouagre metiundo dividundoque, ou agrarii. Il ne faut pas cependant confondre complètement la fondation d'une colonie avec une tex agraria [AGRARIAE LEGES "], lors même que l'établissement a lieu sur un terrain détaché de rager publicus; car, dans une colonie, les colons forment un groupe régulièrement organisé, et destiné à fonder une cité, à la différence du cas où une loi d'assignation distribuait des terres à une partie, ou à l'ensemble des plébéiens de Rome, ou à des soldats à titre de récompense. Quoi qu'il en soit, les curateurs procédaient d'abord à la délimitation générale du territoire, pour arriver à sa distribution (agro dando86 ou agris dandin assignandis). Le mesurage avait lieu solennellement après avoir pris les auspices (posita auspicaliter grorna 87), ce qui donnait à l'ensemble de l'opération une consécration religieuse. Aussi tant qu'existait une colonie ainsi fondée, en conduire une autre au même lieu eût été commettre un sacrilège". Nous renvoyons les détails sur la délimitation à la section IV (des colonies militaires). Il suffit de constater ici que le terrain régulièrement mesuré était aborné, et les lots distribués entre les colons. L'excédent qui pouvait rester demeurait au domaine de l'État [ACER PUBLICUS], ou parfois attribué à de nouveaux colons supplémentaires8', ou même concédé à titre de IL 164 COL -1312-m COL le territoire de Mantoue enveloppé dans la confiscation de Crémone 303. Organisation des colonies militaires 30'. Les bases de cette organisation étaient posées à l'origine par un sénatus-consulte suivi d'une loi comme précédemment, plus souvent par une ordonnance rendue par le général fondateur, en vertu de son IMPERIUM dictatorial. Cependant Sylla fut autorisé par la loi Valeria. Néanmoins on donnait encore à ce règlement le nom de formula ou lex coloniae, ou agraria, ou agrorum, ou coloticaS05. Elle déterminait le nom de la colonie, ordinairement formé de celui du créateur 906 ou de la légion307, l'étendue de son territoire, le nombre des colons, la nature et l'étendue des lots ou sortes, le mode de délimitation, et la qualité des employés, curateurs, etc., les rapports des colons avec les anciens habitants (incolac), s'il y avait lieu, enfin l'organisation municipale de la colonie. Souvent la loi n'était que la reproduction partielle d'un règlement antérieur qui servait de type308 pour l'assignation des terres, etc. ; il y avait aussi une sorte de formulaire pour le cahier des charges relatif à l'entreprise des travaux de délimitation. Il nous reste 309 une lex (locationis) limitum des triumvirs Octave, Marc Antoine et Lépide, relative à cet objet. Les curatores désignés par le fondateur étaient revêtus du pouvoir militaire et souvent du pouvoir judiciaire S1' suffisant pour régler les difficultés relatives à l'installation'", et le conservaient pendant un temps déterminé, le plus souvent de trois à cinq ans. Ils faisaient procéder par les arpenteurs [AGRIMENSORES] et les augures aux travaux préparatoires de délimitation91'. D'après les principes de la science empruntée aux Étrusques [Austin, TEMPLUM] 3t9, les agrimensores déterminaient exactement les quatre points cardinaux; ils tiraient du nord au sud une ligne droite nommée cardo maximus, et, de l'est à l'ouest, une seconde ligne qui coupait la première à angle droit, au centre du territoire, et nommée decumanus maximus. Lorsqu'il s'agissait de fonder une cité nouvelle, on s'arrangeait de façon à placer le forum de la ville à bâtir, au point de rencontre des deux grandes lignes, où l'on posait des bornes', et les principales rues de la ville, suivant les lignes qui se coupaient, aboutissaient directement aux quatre portes, comme on en voit un exemple dans la colonie d'Admedera en Afrique 3u. Ainsi la cité présentait à peu près (fig. 1717) l'image Fig. 1717. d'un camp romain, où les principia répondaient au forum. On appelait gruma ou Gnor. 318 à la fois l'instru ment des arpenteurs et le point de rencontre des deux grandes lignes. De là le nom de gromatici donné aux livres écrits 317 sur cette science et aux agrimensores qui la pratiquaient. Lorsque la ville devait être établie sur des rochers ou sur une hauteur non cultivable, ou s'il s'agissait de coloniser une ville existante, il fallait choisir un autre point central318 sur le territoire cultivable, le plus près possible de la cité (fig. 1718). On entourait celle-ci d'une muraille, lorsqu'elle n'en avait pas encore (mure ducta colonia319), comme il arriva lors de la nouvelle deductio coloniae faite par Auguste, en 725 de Rome, dans la ville de Patras '20. On procédait ensuite à la délimitation du terrain cultivable seulement renfermé dans le territoire de la colonie (qua faix et avaler exierit 381), et le contraire eût donné lieu à des plaintes comme celles que Tacite met dans la bouche de certains soldats 332. Ainsi l'on n'y comprenait ni les forêts, ni les carrières, ni les mares33$, qui demeuraient in soluto, in absoluto, c'est-à-dire sans mesurage ou délimitation officielle; cependant à un territoire suffisant on ajoutait parfois des portions de bois ou de pâturages destinées à être alloties en propriété3''. Lorsque l'ensemble du territoire d'une cité était traversé par des zones de terrain non cultivable, on ne le divisait pas en centuries (i77 jugeribue assignare), comme d'ordinaire, mais en bandes plus ou moins larges (in praecisuris et laciniis assignare 325). On comprend que les bois sacrés et les lieux religieux325 étaient laissés en dehors de la délimitation. Mais quelquefois, même au milieu du territoire cultivable, on laissait un canton non mesuré et sans limitation; il prenait le nom de lova relicta, comme les terrains infertiles de l'intérieur327; d'autres fois on ne mesurait pas un canton en dehors des limites 398 de la plaine assignée (extra limitum ordinationem), mais cependant renfermé dans le territoire national de la colonie; ces cantons se nommaient loca extra clusa et demeuraient ainsi libres, in soluto 399. Il faut remarquer en outre que. même dans la plaine mesurée comme on le dira bientôt, il restait, vers les extrémités, des portions"' ne formant pas une centurie complète ; souvent même, quand ce terrain était trop vaste, il demeurait à l'intérieur des centuries entières en excédant sur le nombre des sortes ou parts à distribuer. Ces portions mesurées mais non partagées s'appelaient subscesiva. On ne doit pas les confondre avec les loca relicta et extraclusa, non mesurés331; cependant ceux-ci COL 1313 COL étaient traités à peu près de même, jure subscesivnrum. Voici en effet quelles étaient les règles appliquées aux terrains non destinés à une assignation immédiate : ils faisaient partie du domaine de l'État, [AGER PUBLicus), imprescriptible en droit romain. Ausssi donnait-on une description complète 332 même des subscesiva. Ces terrains étaient, en effet, tantôt employés à une augmentation de la colonien, et servaient à de nouvelles assignations, tantôt concédés à la colonie, à titre de biens communaux 334, alors elle en usait pour le pâturage commun (pascua vel rompascua). On las affermait à long terme comme agri vectigales [EammYTEUSts]. Les concessions accordées aux communes étaient consignées dans un livre appelé liber beneficiorum 336. Dans les anciennes cités que l'on colonisait, il pouvait arriver par une faveur spéciale et exceptionnelle, pour d'anciens habitants (incolae), amis et protégés du général, que certains domaines fussent laissés en dehors de la délimitation générale (on les nommait fundi excepti336), ou du moins qu'ils fussent, après cette opération, restitués à leur ancien propriétaire (agrum redditum) 337 ou échangés contre des lots d'une égale valeur (commutatum pro sua). Mais le plus souvent les habitants pérégrins, ou même trop souvent les citoyens romains dépossédés par les vétérans en Italie, comme cet Ofellus dont parle Horace 333 étaient réduits à demeurer comme fermiers sur leurs propres immeubles, dans les territoires colonisés militairement. Quand la banlieue de la ville ne suffisait pas à la colonie, parfois la lex coloniae enlevait une partie de son terrain à une cité voisine, comme à Capoue 33° pour Casilinum et à Mantoue pour Crémone b1i0. Le tout était compris dans une délimitation commune 3"; ou bien le canton détaché formait une commune distincte sous le nom de praefectura 349, où un délégué de la colonie était envoyé pour rendre la justice. Pour la préfecture, nous renvoyons à l'article PHAEFFCTURA. Walter343 admet avec raison qu'il ne faut pas confondre n4 les préfectures relevant d'une colonie avec les préfectures mentionnées comme cités (civitates) par Siculus Flaccus346. En effet, dans les premières la juridiction3"3 appartenait à un délégué de la colonie. Si dans ce canton détaché il restait un excédent non occupé par les colons, on le rendait 347 soit aux anciens propriétaires, soit à la cité dépouillée, qui le reprenait alors sous sa juridiction. Dans le cas, au contraire, où les suppléments de territoiré étaient insuffisants, on attribuait aux colons non apportionnés quelques lots dans une autre cité34a, mais alors ils demeuraient soumis à la juridiction de celle-ci. Lorsque le territoire cultivable était déterminé, on posait à la limite des grandes lignes de cette aire (extremitas)3"° des bornes en pierre, triangùlaires ou carrées (ara), des signes ou des inscriptions sur les rochers. C'étaient les termini territoriales 350. On procédait à la subdivision de Il. la plaine à partager. Pour cela on tirait un certain nombre de lignes parallèles 351 au decumanus maximes, également écartées les unes des autres, et qui se nommaient decumani minores; on tirait d'autres lignes parallèles au cardo maximus et nommées sardines minores. Chacune de ces lignes avait son numéro, à partir du decumanus ou du cardo maximus. Elles s'appelaient limites, et leur écartement 539 dépendait de l'étendue donnée à la centurie, d'après celle de la plaine et d'après la lex cDloniae. Dans les colonies des triumvirs, la centurie était de 50 jugères, à Crémone de 120; Auguste la porta à 400 à Beturia Emeritae 353. Les divisions du decumanus étaient chacune de 40 actus, celles du cardo de 20. Les limites, en se coupant à angle droit, formaient autant d'espaces carrés (fig. 1719), qui K portaient en effet l'ancien nom de centuriae. A l'en droit où se rencontraient les lignes on plaçait une borne 366 où étaient inscrits les numéros du cardo et du decumanus y afférents (fig. 1720). Par ce moyen, il était facile de désigner chaque centurie et d'en retrouver la situation précise. La colonie étant tournée du côté de l'orient, on indiquait une portion 3`6 d'après les régions qui se formaient autour d'un point où un decumanus rencontrait un cardo, et d'après le numéro de ceux-ci (fig. 1721): ainsi dans la région à droite, III decumanum, au delà du cardo II, in regione dextra decumanum III ultra cardinem II, ou en abrégé DD. III. V. K. II etc. 336. La matière, la forme, le nombre et la grandeur des bornes étaient exactement déterminés par l'ordonnance du fondateur de la colonie317 et chaque fondateur consa crait les mêmes signes pour les colonies par lui établies: c'est ainsi qu'ily avait des bornes de Gracchus, d'Auguste, de Tibère, etc., nommées termini ou lapides Graccâani, Augustei, Tiberiani, Caii Caesaris Claudiani, Neroniani, Vespasiani, Trajani. La préparation 368 et la pose (le ces bornes était effectuée par les agrimensores. La formule du contrat dressé pour les colonies des triumvirs nous a été conservée dans le Liber coloniarum 369. Régulièrement ces bornes étaient en pierre, et, en cas de nécessité, en bois 360. On y plaçait aussi des lettres et d'autres signes qui permettaient au concessionnaire de retrouver la ligne de limite et Ies bornes voisines 3G1. Du reste, la nature de la plaine ne permettait pas toujours de 165 J COL 131 i -COL la diviser en lots carrés ; suivant. les circonstances on traçait 3h9 d'antres parallélogrammes, strigae ou seamna (fig. 1722), allant du nord au sud ou de lest à l'ouest. Parfois aussi, lorsque la ville avait une délimitation régulière de son territoire, elle était maintenue: ainsi à Naples, où elle émanait des Grecs 383. Les lignes de limites servaient aux communications d'après les règles suivantes 36`. Chaque cin quième limes, depuis et non compris le niaximus cardo ou de"n;nanus, était appelé actuarius ou quintarius; les i.orniédia.res linearii ou s',brunsi,ré. La lex calo, ie~ it+aqui concernait t'usai de ces :imites comme lier n,'tcum ou voies publiques', communales limites ç c ; 'lire lopin cnion'ica7n itin.eri pub/Zoo service debent. En général, le decurnanus rnaxirnus ou ligne principale, de l'ouest à. l'est, devait avoir une largeur de 40 pieds; le cardu maxiinus qui le coupait perpendiculairement, en allant du sud au nord, ne comportait que 20 pieds, Les aetuarii furent portés à 12 pieds de large dans beaucoup de colonies, et notamment dans celles qui furent créées en vertu des lois Sempronia de Gracchus, Cornelia de Sylla et Julia d'Octave, et servirent de chemins publics; dans d'autres S86 seulement de chemins de desserte pour les propriétaires '0 oisins. En Italie 3U7, les -ubrun z i eux-mêmes obtinrent une largeur de 8 pieds et servirent à I exploitation des riverains. Le formulaire du Liber colon arum mentionné plus haut en donne un exemple 383. En général, au contraire, les linearii 9fi9 ne consistaient que dans une ligne idéale pour le mesurage ; mais ils pouvaient suivre une limite privée, et alors leur largeur devait être de cinq pieds (secundum legem 9lamiliant). Lorsqu'un limes se trouvait sur un sol qui ne contenait pas pour a -e voie publique, on l'échangeait avec, les voisins 970 La largeur des chemins était-11e comprise dans l'étendue totale du territoire à p t 'iiebuhr 3"1 a soutenu l'affirmative, et Rudorff 37z la négative sans restriction.. On doit préférer l'avis mixte de Walter, qui, d'après les textes de lavginuss 372 et, de Siculus Flaccus 3'4 admet que cela dépendait des contrées. En effet, souvent les cours d'eau in assignationem anensurae radent 395; or tel est aussi, pour les chemins, le cas des locutions in assignationem venire, modo ass'ignatioois ceder'e, in rnensurum centuriae eadere 378. Le voisinage des rivières était considéré comme un avantage qui compensait la perte de terrain résultant de leur putation sur la contenance de la masse partageable. Quand tous les travaux préparatoires de délimitation et de formation des lots étaient achevés 377, les euratores de la colonie, ou le legatus qui représentait le général fondateur, conduisaient la légion ou le corps de vétérans, avec ses tribuns et centurions, en ordre militaire et avec ses enseignes (vexille) 3'3. Ces signa niil;taria sont le type habituel des monnaies des colonies 379 (vo', p. 1321), Arrivé sur les lieux, le legatus procédait à la cérémonie de la fondation de la colonie. Après avoir pris les auspices 380, le triumvir, le rurale;', ou le legrtus suivais, l'ancien rite 331 pour tracer le sillon qui figurait l'enceinte de la colonie, au moyen d'une charrue attelée d'un taureau à droite et d'une vache à gauche. Le fondateur avait le einctus Gabinus 332 c'est-à-dire le vêtement relevé e la mode gabienne [TOea], une partie de la, toge servant à voiler la tête; il avait soin de faire rejeter la terre en dedans de l'enceinte (ut glebae omnes iutrinsectes cadmient). Pour marquer une porte, on ôtait le soc et on suspendait la charrue. C'était le mode emprunté aux cérémonies étrusques, et qu'on prétendait avoir été observé par Romulus lors de la fondation de Rome. Dans ces colonies militaires, ce n'était plus évidemment qu'une simple cérémonie d'inauguration, d'où l'on faisait dater l'ère de la colonie 883 et qui était rappelée sur les médailles ou monnaies 38" ("oy• plus loin, P• 1321). Ensuite on s'occupait activement de fortifier la colonie, si elle ne l'était pas déjà suffisamment; car les colonies étaient, d'après leur destination, toujours munies d'une enceinte, bien qu'elles ne fussent pas les seules villes fortifiées 385. On dressait un plan détaillé du territoire de la colonie 388, nommé forma, pertica, centuriatio, tnetatio, cancellatio, _typon., ces, et destiné aux archives de l'empire 38'. Un autre exemplaire du plan était gravé sur le bronze (ces fxum), pour demeurer dans la colonie m. A ces plans on joignait un commentaire°'°, dont chaque original était certifié de la main du fondateur (eommentarii, libci aeris, sc) ;ratura) et où les fonds étaient désignés par des lettres correspondantes 396 à celle du plan ; les rassie litterarum 391 mentionnés par les Gromatici 892 se rattacheraient à cette particularité. La contenance des lots n'était pas la même dans toutes les colonies '11'; elle variait suivant la fertilité du territoire, C'est à tort que le savant R.udorfi a entendu dans ces textes 395 cette inégalité des sortes acceptae de la même colonie. Certains colons, d'après leur qualité de centurion ou de cavalier, pouvaient recevoir plusieurs lots. A cet égard, on suivit depuis Octave en général le système inauguré par la tex Julia pour les colonies de vétérans 39', de finitis pro grade enjusgue et temporibus mititiae et rommuslis missionum ne aut aetate eut inepte post missionem sollicitai ad ces novas possint. Quand le sol était inégal en COI, -1315COL valeur, on assignait des lots pro aestintatione ubertatis, comme à Ca pis, Portus, à l'embouchure du Tibre, etAmeria 396 Les centuries ne contenaient donc pas toujours un nombre égal de lots (sortes), et il pouvait y avoir des propriétés 39' dont les limites s'étendaient sur quatre centuries. Les lots étaient délimités, après des cérémonies religieuses, el séparés par des bornes spéciales (termini proportionales)398. Toutes les opérations terminées, on procédait au tirage au sort des lots entre les colons, suivant un mode dont Hyginus 399 indique les détails. Quand le nombre des coloni était insuffisant, on le complétait au besoin, en empruntant des habitants aux villes voisines: c'est ce qui eut lieu à Carthage Y00 lorsque cette colonie fut de nouveau deducta, en 125 de Rome ou 29 av. J.-C. par Auguste, et à Patrae L°1. Ensuite les colons étaient envoyés en possession de leur domaine, et la nouvelle ville coin mencait son existence municipale. Condition des habitants des colonies militaires. En principe, les colonies militaires étaient du nombre des coloniae civium romanorum. Au point de vue du droit public 4Ô=, elles formaient une cité dont la constitution était celle des villes d'Italie ; chacune avait son populus, un sénat ou ordo decurionum, et des magistrats municipaux, des duoviri (et des quatuorviri seulement par exception h00), duoviri quinquennales, praefecti, quaestores, aediles 400. Il en était de même pour les colonies fondées en province, ainsi que le démontrent les listes dressées par Eckhel 403 et par Zumpt. Ainsi on trouve notamment des II viri et des 1 V viri dans les colonies suivantes: Augusta Praetoria 806, Cabellio 467 Nemausus, qui fut d'abord cité latine, puis colonie militaire 40B, Narbo409, Vienna 41° Lugdunum 41, Colonia Agrippina 819, Noviodunum 813, Avent icum M14, Juvavia b1t, Teurnia, qui plus tard fut une colonie, et Salona416. Remarquons que dans la colonie de Carthage, les II viri portaient le titre de suffetes sur les monnaies. Dans les colonies situées en Italie, les anciens habitants, quand ils n'étaient pas expulsés, continuaient à faire partie de leur tribu romaine avec jus suffragii, mais en acquérant le jus honorum et suffragii, dans leur cité nouvelle 417. C'est ainsi qu'à Pompéi, les anciens Pompeiani et les colons étaient en lutte violente dans les élections municipales 478, Il parait que, dans plusieurs colonies les anciens municipes et les colons nouveaux avaient droit à un certain nombre de décurions : tels étaient les decuriones Arretinorum veterum 819, les curiales veterum Perentinorum 440, les F'abraterni veteres et novani 4x1 La complexité de cette population petit expliquer comment telle ville peut être traitée en même temps de municipe et de colonie, et les habitants appelés municipes et coloni452. De leur côté, les colons militaires demeuraient aussi membres de leur ancienne tribu romaine"' [rrIBUS] et soumis au census romain, tribu qui pouvait être différente de celle des anciens municipes, on des antres colons. Ce fait explique très bien, comme l'a t'ait remarquer Waller, comment, dans certaines colonies comme Paesulae et Horta404, les magistrats nommés appartenaient à une autre tribu que le reste des habitants; souvent à Florence 495, qui faisait partie de la tribu Seaptia, on trouve des II viri, l'un de la tribu Atniensis, l'autre de la tribu Quirina. Il faut donc écarter les autres explications tentées par Cori, et par Henzen et Mommsen'2'. Peutêtre faisait-on des rectifications lors du recensement quinquennal. Lorsque les colonies militaires étaient établies en province, les colons seuls avaient le jus civitatis, le droit de cité romaine, avec toutes ses conséquences. Par exception, la tex coloniae pouvait comprendre parmi les colons certains incolae, additis provineialiatt,b validissimis, en leur rendant leurs terres (redditun427). Quelquefois même le droit de cité était concédé à tous les anciens habitants, comme cela eut lieu à Emporia§20: à Cologne on donna le connubium à la population germaine avec les colons romains 489. Mais en règle. les incolae conservaient leur situation antérieure au point de vue de la cité et demeuraient peregrini. Au point de vue du droit privé, les colons jouissaient de toutes les prérogatives attachées à la cité romaine, jus comrnercii, connubii, etc. L'allotissement de leurs portions leur donnait la propriété quiritaire 43° [DommicM EX JURE oulurriuM]. Dans la ville de Fundi, le livre des colonies "" constate qu'Auguste ne leur avait donné que la jouissance indéfrnie(cultura assignatus), en laissant la propriété à l'.1GER ruBLmus. Cela dépendait du jus établi par la lex coloniae 431 Quand la colonie était fondée en province, les colons ne pouvaient obtenir le domaine quiritaire du sol 433, à moins qu'elle n'eût été gratifiée du Jus OTALOCU3?. Quelquefois des fonds étaient exemptés des charges municipales et mis en dehors de la situation ordinaire de la colonie à raison des mérites des concessionnaires; ils étaient susceptibles de propriété, comme s'ils étaient sur le sol romain 434: fundi excepti bene meritoruyn in totem privat'i, j'unis et in solo populi romani. A plus forte raison, les pérégrins laissés comme incolae ou fermiers sur la colonie, ou attribués à son territoire, rte pouvaient oit jouir de la propriété civile sur le soI, ni des autres prérogatives du jus civile. L'aliénation des lots était quelquefois interdite aux colons 433 pendant un certain temps par la lex coloniae. Jules César défendit dans les colonies qu'il fonda cette aliénation pendant vingt ans430; mais plus tard on ne voit plus de semblables COL _131 6 COL restrictions, Aussi les ventes, échanges, etc., amenèrent des morcellements des lots, et de nouvelles bornes privées 437, en sorte que les anciens limites disparurent graduellement; ainsi le terrain limitatus ne fut plus couvert que de limitations analogues à celles du terrain ou ager arci/nius, more arci finie 436 Les colonies militaires établies depuis Sylla ne répondirent pas au but d'une colonisation véritable, le développement de la culture; mais elles satisfirent momentanément les possessores Sullani, sans les enrichir toutefois. Ils ne purent exploiter habilement les sortes assignatae, ni les aliéner à raison d'une clause spéciale de la loi Corne/Ut b35, Vingt ans après, il s'était formé des lots abandonnés de grands domaines (latifundia) sur Iesquels certains possessores Sullani 440 s'étendaient impunément, Parmi eux Zumpt 441 distingue deux classes d'individus : d'abord ceux qui avaient acheté aux enchères les biens des proscrits, et qui avaient un titre légal, sinon légitime à ces biens; en second lieu ceux qui avaient irrégulièrement occupé des biens confisqués, ou acheté illégalement des lots assignés aux vétérans. Quant aux anciens propriétaires spoliés, ils allèrent grossir le parti de la misère à Rome. Les lois Plotia44s et Servilia ilulli, en 691 de Rome 69 av. J,-C., tendirent en vain à faire cesser cet état de choses443 La loi agraire de Tullus voulait consolider l'état présent pour mettre un terme aux débats sur la possession de rager publicus 4'°4; mais Cicéron la fit échouer par son éloquence. La loi Flavia, inspirée par Pompée dans l'intérêt de ses soldats, échoua également 446 ; mais les lois de Jules César (leges Juliae agrariae) remontent à 695 de Rome. Les lots assignés tant aux vétérans qu'à des bourgeois indigents ayant trois enfants ou plus étaient encore inaliénables pendant vingt ans". Quant aux lois agraires que Jules César porta durant sa dictature (705 à 709 de Rome ou 49 à 45 av. J,-C.), il fonda en 44 av. J.-C. la Colonia Julia Genetiva, à Urson, en Espagne, confirmée plus tard par une loi Autoria; il agit comme Sylla à titre d'imperator, et même sans loi spéciale, par ses legati ou lieutenants, qui conduisirent les colons en grande partie vétérans 447, indépendamment de la transportation de quatrevingt mille pauvres dans les colonies transmarines 448. Les colonies militaires des triumvirs, fondées sur la spoliationd45, ne paraissent pas avoir mieux réussi que celles de Sylla, et ne firent que soulever les justes clameurs et même les résistances des Italiens'". Mais la forme antérieure suivie pour fonder les colonies militaires par Sylla et par Jules César devait être imitée sous l'empire, comme on le verra bientôt. En outre, suivant Mommsen 651, le procédé de la deductio coloniae imitait d'abord la cérémonie du lustrum; ainsi elle avait Lieu sous le vexillum 452 et Ies colons étaient partagés en pedites et equites 413; mais la deductio des légions en corps n'appartient pas à la république 464; l'exercitus de la colonie républicaine n'a pas plus de tribuns et de centurions que l'exereitus du cens de Servius Tullius, suivant la remarque de Mommsen45S. On n'a pas de catalogue assez completb56 pour les colonies militaires fondées depuis Sylla jusqu'à la fin de la république ; nous avons cité les plus certaines dans l'introduction historique de notre 2e section, ne fut plus fondé que des colonies militaires ou assimilées à celles-ci; nous n'aurons donc pas ici à faire de subdivi sion. Mais souvent le Jus LATII 457, ou la cIV1TAS ROMANA ou le Jus ITALICUM furent accordés par les empereurs en vertu de leur autorité proconsulaire, et peut-être, suivant Zumpt". de leur censoria potestas, à des cités déjà existantes455 Il est difficile d'énumérer complètement les diverses colonies de l'empire depuis Auguste. Il suffira d'indiquer ici celles de cet empereur et les principales établies par ses successeurs. Dans le monument d'Ancyre L60, Auguste signale deux opérations d'ensemble en cette matière. D'abord en l'année 724 de R. = 30 av. J-C,, il dut congédier et pourvoir les vétérans des légions d'Antoine et de Lépide et des siennes propres, Les troupes auxiliaires furent dirigées vers leur pays. Parmi les vétérans citoyens, ceux qui avaient le moins d'années de service et qui n'étaient pas retenus dans l'armée permanente furent indemnisés en argent ; les autres reçurent une assignation de terre soit en Italie, soit en province 481 Les habitants des cités italiennes qui avaient embrassé le parti d'Antoine furent transportés dans des colonies transmarines,notammentàDyrrhachium et à Philippi, et leurs anciennes communes, constituées à nouveau comme colonies d'Auguste 468. Dans d'autres cités d'Italie les habitants furent expropriés, moyennant indemnité, d'une partie de leur territoire et les portions ainsi détachées (praedia collaticia) furent attribuées à des vétérans, en sorte qu'il y eut dans ces localités, soit une double commune, celles des cives veteres et celle des cives novi 463 (la commune ne devint de cette manière une qu'avec le temps), soit des vétérans admis immédiatement comme citoyens de l'ancienne commune. Du reste le nom de colonie fut employé alors dans les deux cas 464. Il y en eut en tout environ vingt-huit 405 On peut les énumérer assez sûrement dans l'ordre suivant, d'après les travaux les plus récents 466 COL 1317 COL 1. Acerrae b87, 2. Atella 468, 3. Beneventum 469, 4. Cumae, 5. Graviscae, 6. Nuceria, 7. Puteoli, 8. Sora, 9. Teanum Sidicinum, 10. Liternum, 11. Volturnum67Q, 12. Min turnae671, 13. Capua 479, 14. Ariminium 473, 15. Augusta Taurinorum 474 16. Perusia "5 17. Parera 4'16, 18. Verona 477 19. Ateste 478, 20. Brixia 4i9 21. Dertona ;80, 22. Augusta Praetoria Salassorum 451 23. Julia AugustaBagiennorum 483 24. Firmum 483, 25. Bononia 484, 26. Venafrum 485, 27. Abellinurn 486, 28. Florentia (Firenzuola, près Parme) 457 La plupart de ces cités étaient des communes déjà existantes, qui furent grossies par l'annexion de vétérans et obtinrent le jus eoloniae, comme nous le savons pour Ateste 488. La seconde série de fondations de colonies, en 740 de R. = 14 av. J-C., paraît avoir eu pour théâtre les provinces d'Espagne et de Gaule Narbonnaise, où Auguste intervint spécialement entre les années 16 et 13 av. J-C. Elle est d'ailleurs mentionnée dans le monument d'Ancyre, parce qu'on y procéda également par achat des terres à distribuer. Mais on peut admettre, avec Marquardt, que si l'on agit directement dans les autres provinces où ce prince créa des colonies, telles que l'Afrique, la Sicile, la Macédoine, l'Achaïe, l'Asie, la Syrie et la Pisidie 489, c'est que les domaines de l'État (alter publieus) suffisaient à la colonisation. Ainsi Patras en Achaïe était ruinée depuis longtemps 490 et fut prise d'assaut par Agrippa en 723 de R. ou 31 av. J-C 491 et son territoire suffit non seulement à pourvoir des vétérans des X° et XII' légions 499, mais il permit aussi de pourvoir des Grecs habitants du voisinage qui furent de même admis dans la colonie 493. Du reste toutes les assignations n'eurent pasla forme de colonie sous l'empire: dans des pays peu cultivés ou nouvellement conquis on agit autrement. Ainsi l'on plaça dans les premières cités des habitants du pays sur l'ordre du prince, sans avoir le titre de colons 494 ; dans toute la Dacie, peuplée par Trajan, il n'y eut que deux colonies 495. Après Auguste, qui fonda en Italie 28 colonies militaires 496 et plusieurs autres en province49', ses successeurs en instituèrent un grand nombre pour les vétérans; on peut voir pour Tibère un fragment de lexcoloniae495,et pour les autres empereurs le Liber colcniarwn199. D'après le règlement d'Auguste (tex Julia), les prétoriens après leur temps de service 500 furent apportionnés en Italie, les légionnaires en province, lorsqu'on ne leur payait pas une récompense en argent (praemium militare) 691. En effet, les cohortes zlrbanae et »1scIeriae étaient recrutées en Italie 509 et les légions chez les provinciaux "9; il était donc naturel de replacer ces derniers hors de l'Italie 504 En 50 après J.-C., la Colonia Agrippinensis fut fondée, sous Claude o'',avec l; jus italicum et Camulodunum en Bretagne 59'. Sous Néron fut créée à Antium une colonie de vétérans prétoriens 507. Tarentuui fut rétablie ainsi que Puteoli au moyen de veterani adscripti, avec le titre de colonie 558 (cognonlentulre c010805a0), Capua et Nuceria furent renforcées par un corps de vétérans 509. En revanche, Camulodunum fut détruite par les Bretons 510 en 61 de J.-C. ou 8(4 de atome ; Cremona en Italie, brûlée au temps de Vitellius, fut rebâtie sous Vespasienqui fonda d autres colonies 519. Suis ant quelquesuns, Titus établit Aelia. Capitolina que d'autres attribuent à Hadrien 513. On a un fragment de lex PTervae agraria qui indique une colonisation par cet empereur "4, Trajan fonda Nerona, la Colonia Trajana dans la Gaule Belgique, Sarmizegethusa, en Dacie, sous le rions de Colonia Ulpia Traj. Augusta. Hadrien créa Aelia Capitolina, et plusieurs anciens munieipes sis lui demandaient le litre de colonies; Sévère en conduisit une à Sebastena. On voit encore des colonies créées par Probus, et Alexandre Sévère 516 En 265 après J.-C. Verona fut repeuplée par Gallien 517 ; enfin Dioclétien éleva Nicomedïa en Bithynie au rang de colonie sta Les empereurs ne procédèrent pas toujours par deductio eoloniae pour récompenser les vétérans. Quelquefois les habitants d'une contrée conquise étaient réunis dans une cité qu'ils devaient construire, par ordre de 1 empereur dont ils prenaient le nom, sans former une colonie 519; aussi n'y en eut-il que quatre parmi les nombreux centres de population créés en Dacie par Trajan, et où il appela des habitants de tous les points de l'empire 590. Quant aux soldats, on les plaçait souvent dans des villes déjà existantes, en y achetant des lots de terrain aux frais de l'AERAsmusi STIUTAHE. Quelquefois ils formaient un collegium dans la cité, comme à Ostia, où l'on trouve un coltegium veteranorurn Augusti 79'. D'autres fois la deductio des vétérans était accompagnée d'une transformation de la cité par la formula en une colonie 599, avec une constitution nouvelle. Quoi qu'il en soit, les colonies impériales eurent, dans les premiers temps, une influence assez notable sur les forces de l'empire 393; elles servirent surtout à repeupler et à défendre les frontières; mais en général l'institution ne put prospérer. à raison soit du mélange des nationalités dans les colonies, soit de l'inaptitude des vétérans à la vie agricole 594, ou, par suite de l'adsca'ictio des soldats isolés, inconnus les uns aux autres et qui ne s'établissaient plus en corps, les colonies tombèrent en décadence ou s'éteignirent "5, en sorte qu'il fallait souvent les renouveler en y introduisant d'autres coloris COL -1318 COL avec attribution des lots vacants; de là les veleres et novi coloni et l'indication sur le plan des noms des uns et des autres, ce qui donnait ce qu'on appelait un aes miscellum. Quelquefois même on conduisait dans une cille une nouvelle colonie G' avec délimitation et assignation nouvelle ; cette deductio se renouvela à Puteoli sous Auguste, Néron et Vespasien '60, à Aelanum, en Apulie, sous Trajan et Marc-Aurèle 531 Organisation des colonies. Un décret de l'empereur suffisait à cette époque pour la constitution d'une colonie ; néanmoins cette ordonnance portait encore le nom de lex colonisa 0, On voit souvent citée la lex Julia d'Auguste dans les Gromatici veteres 533. Le musée de Florence possède un fragment d'une lex incerta coloniae"', dont l'époque n'est pas bien fixée, dans laquelle est citée une loi Aemtlie, et qui défend d'enterrer les morts et d'établir des ruches sur les terrains communaux. Une lex Tiberii de sepuicris parait aussi se rattacher à un règlement pour les colonies de vétérans do Tibère 535. La célèbre lex Mamïlia Itoscia Peducaea Alllena Fabia, n'était aussi qu'une ordonnance '3", préparée sous Caius Caligula (37 à 41 ap. ;.-C.) par une commission, pour l'exécution de ses colonies de vétérans. Les préceptes juridiques sur le déplacement des limites ont passé en trois chapitres dans la compilation de Hyginus. 'D'autres leges coloniarum ou agrorum citées par les Gromatici ou rei agrariaescriptores sont aussi des fragments de semblables règlements, ou empruntés à un formulaire permanent de la matière 557. La lex lVervae agraria n'est peut-être aussi qu'une ordonnance semblable à celle de Caligula pour l'établissement d'une colonie 598. Les ordonnances d'installation déterminaient comme précédemment le lieu et le nom de la colonie, le nombre des colons, l'étendue des lots, le mode de délimitation. etc. U31'. Mais peu à peu, au lieu de conduire en corps aveu leurs chefs tous les vétérans d'une légion, l'usage s'établit d'installer des soldats de différents corps et qui formaient une masse confuse plutôt qu'une colonie 540. Aussi se dispersaient ils assez fréquemment, et la colonie tombait en décadence. On en vint à envoyer dans une ville comme colons des troupes d'affranchis du palais impérial, faix iliae 5", ou à compléter une colonie militaire avec les habitants des cités voisines 5". Les anciens rites observés pour la fondation et la délimitation se conservèrent cependant assez longtemps. Condition des habitants des colonies impériales. En Italie, les colonies militaires avaient tous les droits des cités italiques543 établis depuis la fabula Jleracleensis ou tex Julia municipalïs. Bien plus, Auguste avait permis aux décurions de ces colonies d'envoyer à Rome leurs suffrages cachetés 544 ; le cognomentum coloniae militaris devint dans l'opinion préférable même au nom de aiualclriua m. Plu sieurs anciennes praefectui'ae avaient cessé de porterce titre par suite de la deductio d'une colonie, bien qu'il en existât encore quelques-unes 5460 Au point de vue du droit public, les colonies fondées en province différaient très peu des colonies de vétérans en Italie. Leur constitution municipale était la même ; tous les colons comme citoyens romains 527 prenaient part à la nomination des magistrats H viri ou peut-être / V viri, etc. En effet Zumpt a soutenu 548 que les derniers se rencontrent quelquefois dans les colonies comme dans les municipes, mais l'avis contraire est celui de Marquardt et de Mommsen. On y retrouve aussi un sénat (ordo decurionum), les mêmes emplois, les mêmes institutidns de bienfaisance "9. Cependant on ne rencontre de tribuniplebis que dans certaines colonies". La plupart ont des patrons élus par le peuple, ou consensu et bene/icio populi, parmi les grands de Rome, ou les plus hauts personnages 5'1 de la ville, et chargés de défendre les intérêts de la cité près de Chaque colonie avait son nom et ses insignes particuliers 553. Remarquons toutefois que le titre et les prérogatives d'une colonia civium ronlanorum étaient fréquemment accordés 502 à une ville de province où l'on n'avait conduit aucune colonie. En effet, ce titre était préféré à celui de municipe '', parce qu'il rattachait directement la ville à Rome, dont elle était réputée émaner directementJStl. Au point de vue du droit privé, les colons en Italie et en province jouissaient de toutes les prérogatives attachées à la cité romaine [C031MERCIUM et coNNUBIUDi[. Mais il faut rappeler cette importante différence, déjà constatée plusieurs fois, que le sol provincial n'était pas susceptible de la même raison, en signe de soumission au domaine du peuple ou de César, il payait un STIPENDIUM ou un TRIBUTUM suivant qu'il appartenait à une provincia populi ou Caesaris, tandis que le sol italique était exempt d'impôt direct, au moins depuis 587 de Rome. Peut-être faut-il dire, avec Walter 558, que celui-ci y fut rétabli en 711 par les triumvirs. Mais en admettant cet avis, on doit observer néanmoins que les fonds italiques n'étaient atteints que par le TRIBUTUM Ex CENSU stemm romanorum, suivant les anciennes bases de cette contribution ; ils ne supportaient donc pas d'impôt spécial foncier proprement dits". Au contraire, les provinciaux étaient assujettis à un impôt de capitation, et le plus souvent à une contribution directe spécialement assise sur le sol [tributum soli] 500. C'est en ce sens que Hyginus oppose rager more colonise divises, en Italie, comme immunis, à rager vecligalis ou provincial soumis au vaCTioxr OII TRIBUTUM SOLI 061. Quel ques colonies de province obtenaient parfois aussi le sus OTALIGUM 582, et même après le rétablissement du TRIBUTUM COL Es ccaSu en 711 de Roule, le résultat principal de cet ancien droit ou l'lMin;NITAS. De là les pressions coloniee immunes Sé3, agis colosici immunes par opposition au.s agr'i stipendiant 56k. Lorsque, au bas-empire, l'Italie fut assimitée aux provinces 626 pour la condition du sol, certaines cités ou colonies conservèrent cependant i'iminuritas. Sous Justinien enfin, le sol provincial devint susceptible de propriété romaine 638. Quant aux subscesïva des colonies, comme ils étaient fréquemment usurpés par les voisins 567, Vespasien et Titus en ordonnèrent une recherche afin de sauver cette partie de i.'AGEII puBucus, et les vendirent en partie au profit du Flscus. Mais plus tard l'empereur Domitien donna le reste aux possesseurs56'. DepuisDioclétienet Constantin, les colonies et les municipes furent au nombre des cités qui conservèrent des magistrats municipaux 6tiy, alors même que les premières n'avaient pas conquis le jus itaIieum; cependant Savigny a soutenu 576 que dans le cas seulement de cette concession, les villes gardèrent de véritables M=1GISTBATUS. iSlais on peut citer un grand nombre de textes 5a qui supposent des magistrats ou Il viii dans des villes d'Italie, d'Espagne, d'Illyrie, d'Égypte et d'Afrique, sans se référer à cette distinction. Dans les cités de province qui n'avaient ni le titre de colonie ni celui de municipes ou de eivitaies foederatae vel tiberae, la curie était dirigée par un principalis nommé pour quinze ans'72. G. HUMBERT. sants de la République, la règle invariable du droit public en matière monétaire était celle-ci. Les colonies de citoyens et les villes dont les habitants avaient été admis au droit de cité complet, se trouvant entièrement absorbées dans le peuple romain, n'avaient plus aucun droit de souveraineté locale; par suite, elles ne battaient pas monnaie et ne faisaient usage que des espèces officielles du gouvernement romain 575. Les villes admises au droit de cité restreint et passif (civitas sine su ffragie pouvaient, au contraire, avoir un monnayage propre et limité dans de certaines conditions 674 ; mais elles devaient en avoir reçu du sénat permission spéciale. Quant aux colonies dc droit latin, placées légalement sur le même pied que les villes alliées de l'Italie 7L, elles jouissaient du droit monétaire le plus eomput, sous le contrôle de l'autorité suzeraine de Rome. Jusqu'en 258 av. J. Cn c'est-à-dire jusqu'au moment où commença le monnayage de l'argent dans la cité reine [D1rNARlus], le droit monétaire des colonies latines fut sans restriction, s'appliquant à l'argent comme au bronze o76. Mais à dater de 268 on le restreignit, pour assurer un cours plus étendu à la monnaie d'argent officielle de la République 677. Le monnayage de l'argent fut interdit à toutes les colonies comme aux alliés italiques a7s. Peu après, vers 351a, Rome se réserva d'une manière exclusive la fabrication des monnaies pour toute l'Italie centrale et ferma Lus ateliers coloniaux de cette COL pion "9 En même temps, le système de l'As fut imposé portions du midi de la Péninsule qui avaient eu sque-là de la monnaie d'argent et employé d'autres .èmes monétaire, °a6. Enfin l'on enjoignit aux alliés qui conservaient encore un certain droit de monnayage et aux colonies Iatines qui continuaient à. fabriquer des espèces locales, de donner à leurs monnaies un poids inférieur à celles de la république. Ainsi l'on frappa dans ces villes des as sémonciaux un siècle avant qu'à Rome l'as eût cessé d'avoir le poids d'une once, 5311 Plus tard encore on interdit l'émission des as dans les colonies latines et dans les villes alliées u", et on ne permit plus d'y frapper que de petites monnaies divisionnaires. Cet état de choses dura jusqu'à la Guerre sociale et aux lois Julia et lalautia-lapina (90 et 89 av. J. Cil, qui admirent tous les Italiens au droit de cité romaine. La conséquence do ces lois fut de supprimer définitivement tout monnayage local en Italie et d'y substituer l'emploi exclusif des espèces frappées au nom de hoirie. en vertu du principe de droit public quo nous avons signalé Au contraire, les colonies latines de Sicile continuèrent alors leur monnayage, puisque les dispositions nouvelles relatives i' l'Italie ne regardaient pas cette province. Il en fut de même de celles d'Espagne. Mais aux unes et aux autres on continua à imposer de tenir le pied monétaire de leurs espèces municipales au-dessous de celui odes espèces de la République. Comme la loi Plautia-Pe piria avait décidé que l'as de Rome serait d'une demi-once, celui des colonies dut être désormais d'un quart d'once 18, L'époque de la dictature de César, de la guerre civile qui suivit sa mort, et du triumvirat est fort importante dans l'histoire de la numismatique coloniale. C'est alors que commence avec quelque développement le monnayage des colonies situées en dehors de l'Italie, et en même temps nous voyons apparaître alors des dérogations importantes aux règles de droit rigoureusement observées jusque-là sous la République. Au milieu du désordre de ces temps, il y a un moment de confusion et d'incertitude au point de vue légal, nul sert de transition au régime nouveau inauguré par l'Empire Gd3 Quand nous voyons la colonie de Carthage batte monnaie avant Auguste' D3, elle ne fait qu'use qu'avaient antérieurement les colonies tatlne,s, t classe desquelles elle appartient à cette poct le. Mais celle de Corinthe était, au contraire, une colonie de citoyens, qui par conséquent, d'après les anciennes règles, aurait dû être destituée de tout droit monétaire, Pourtant nous en avons des espèces coloniales, frappées sous le triumvirat, avec la tête de Marc Antoine 587, et peut-être faut-il rapporter quelques-unes de ces pièces au moment même de sa fondation, Ici la violation des anciens principes est manifeste. EIle ne l'est pas moins dans les monnaies du municipe de Gadès, antérieures à Auguste 606 Dion Cassius u' dit, en eRet,ferrnellenlentque COL 1320 -COL ce fut le droit de cité romaine que César accorda aux habitants de cette ville quand il en fit un municipe. L'existence de monnaies coloniales de Vienne, dans le pays des Allobroges, frappées entre 29 et 27 av. J. C. 09°, n'est donc pas une raison aussi décisive que l'ont cru M. Herzog'°' et ZHmpt s", de penser que cette ville n'avait d'abord que le droit latin et dut seulement à Auguste celui de cité complète. En effet, à la même époque, Lugdunum, bien que colonie de citoyens oB5, battait aussi des monnaies de bronze semblables, avec son nom de Copia 594. Les Gaules, dans la province Narbonnaise, nous offrent encore à l'époque du premier triumvirat, une autre dérogation singulière aux règles qui, depuis plusieurs siècles, limitaient aux espèces de cuivre le monnayage des colonies 595, Nemausus G95 et Cabellio 597 colonies de droit latin, Lugdunum 59s, de droit romain, toutes récemment fondées, produisent des émissions de quinaires analogues à ceux que fabriquaient alors, dans l'Aquitaine, la Celtique et la Belgique, les chefs des cités gauloises tributaires. Au milieu du désordre de ces temps il n'y avait donc plus de règles fixes, et tout était laissé dans cette matière au caprice des autorités provinciales et locales. Avec le principat d'Auguste les choses furent réorganisées, et l'on adopta une règle absolument nouvelle 599. Il n'y a plus désormais de distinction entre les colonies ou municipes de citoyens et les colonies jouissant salement du privilège de la latinité; tous sont également admis à fabriquer des espèces municipales, qui ne peuvent plus être que de bronze. C'est qu'il n'y a plus dans ce fait, comme autrefois pour les colonies latines, un droit appartenant ipso facto à une souveraineté restreinte, mais une concession gracieuse, un privilège accordé spécialement à telle ou telle ville déterminée par l'autorité souveraine. Aussi, bon nombre de monnaies coloniales mentionnent-elles l'autorisation particulière en vertu de laquelle la fabrication avait lieu "Oo Mais pour ce genre de mention, les usages varient suivant les provinces et les localités. Elle est constante pour les colonies de la Lusitanie et presque constante pour celles de la Bétique; au contraire, dans l'Espagne Tarraconnaise, Caesaraugusta est seule à rappeler l'origine de la permission qu'elle avait reçue. En Afrique, nous ne voyons semblable mention qu'à Carthage, à Utique et à Clypée. Dans tout l'Orient, elle ne se rencontre que sur deux monnaies isolées de Corinthe et de Patrae d'Achaïe. On reste, sous l'Empire, fidèle aux principes de la loi Plautia Papé'ia, en ceci qu'aucune des villes situées dans le territoire de l'Italie, et également investies du droit de cité complet, ne reçoit d'autorisation de monnayage municipal. Paestum fait seule exception sur ce point. On en a de petites pièces de cuivre aux têtes d'Auguste et de Tibère, portant les noms des duumvirs municipaux et la légende PAESti signatum tenatus consulta (ou plus souvent pété;, Paesti Signatum Senatus Consulta, ou bien T... D... Ds senatus sententia "0'. Ici c'était le sénat qui avait donné la licence pour cette exception au privilège qui lui appartenait de fabriquer seul, dans son atelier de Rome, la monnaie de cuivre destinée à la circulation de l'Italie en même temps qu'elle avait cours légal dans tout l'em Hors de l'Italie, la permission était, au moins dans le début, donnée directement par l'empereur. C'est ce que des villes espagnoles. Ces colonies appartiennent les unes aux provinces impériales de la Tarraconnaise et de la Lusitanie, les autres à la province sénatoriale de Bétique; de même, dans la province sénatoriale d'Achaïe, à Patrae, nous rencontrons aussi la mention d'une autorisation IMPETRATA 802. Ces permissions données par Auguste luimême, si elles étaient révocables de leur nature, étaient accordées une fois pour toutes et n'avaient pas besoin d'être renouvelées, même à un changement de règne, tant qu'on ne les retirait pas. Ainsi Italica et Romula, dans la Bétique, inscrivent sur leurs monnaies, au temps de Tibère, PERMissu DIVI AVGusti". Il est probable que la plupart des autorisations directes d'Auguste pour le monnayage de cuivre des colonies, comme pour celui des villes indigènes en Afrique et en Orient, ont été délivrées entre 27 av. J.-C., date où l'organisation des provinces fut achevée, où Octave reçut le titre d'Auguste et où les nouvelles règles pour les monnayages locaux durent être mises en vigueur, et 15 av. J.-C., date du partage du monnayage d'Empire entre l'autorité de l'empereur et celle du sénat". Postérieusement à cette dernière réorganisation monétaire, les permissions de monnayage aux colonies furent du ressort des proconsuls ou des légats pour chaque province. Ces autorisations ne sont pas alors seulement inscrites sur les monnaies de villes situées dans les provinces sénatoriales, comme l'Afrique et la Gaule Narbonnaise, mais aussi sur celles de villes de provinces impériales, comme la Syrie. Le plus souvent on mentionne le nom du proconsul ou du légat; par exemple, à Béryte, on lit PERMissu SILANI, du légat L. Clncilius Metellus Creticus Silanus fi05, à la fin du règne d'Auguste et au commencement de celui de Tibère sos Sur les monnaies de Clypée, dans la province d'Afrique, au temps de Tibère, on lit successivement les mentions 20 et 24 ap. J. C. Ceci montre clairement que les permissions monétaires nouvelles, pour les colonies, étaient désormais données par chaque gouverneur personnellement et rien que pour le temps de son gouvernement, devant être renouvelées à l'entrée en charge de son successeur. Après Tibère les permissions ne sont plus mentionnées dans les légendes des monnaies. « Il semble, remarque Th. Mommsen sos que depuis qu'elles n'étaient plus que temporaires et du ressort du gouverneur, elles COL 1321 COL sc confondirent petit à petit avec la surveillance générale et le contrôle supérieur que les gouverneurs avaient toujours exercés sur le monnayage des villes et des états nominalement libres sous la suzeraineté de Rome. n Ce n'est que sur les monnaies de Corinthe, du temps de Domitien, qu'on lit encore PERMissu IMPeratoras, parce que la ville reçut de nouveau de Domitien le droit de monnayage que Vespasien lui avait enlevé 609 En général, toute fabrication des monnaies coloniales, comme des monnaies provinciales ou des monnaies municipales des villes indigènes, là où il yen avait encore, prend fin de très bonne heure dans les provinces d'Occident610. En Sicile, la numismatique des colonies ne dépasse pas le règne d'Auguste 611 en Afrique et en Numidie celui de Tibère672, dans les diverses provinces d'Espagne celui de Caligula 613. Seule dans l'Occident, Babba de Mauritanie bat monnaie jusque sous l'empereur Galba 61 k. En Orient, au contraire, le monnayage municipal des colonies se prolonge jusqu'à la même époque que celui des villes grecques67'. Au ne siècle et au commencement du me on lui voit même prendre un développement plus considérable qu'aux époques antérieures, car un grand nombre de villes d'Orient sont alors déclarées colonies, particulièrement par Septime Sévère et ses successeurs, et transforment leurs monnaies grecques semi-autonomes en monnaies coloniales. Les exemples de ce monnayage, comme de celui des villes helléniques, deviennent très rares sous Gallien618, et il cesse entièrement avec la réforme monétaire d'Aurélien [AUREUS]. La langue officielle dans les colonies était le latin, même dans celles où il n'avait pas été envoyé réellement de colons et où c'était la population indigène qui avait été appelée en masse à ce titre. Aussi le latin est-il la langue des légendes de l'immense majorité des monnaies coloniales 6O. Même dans les grandes villes de Syrie et d'Arabie, faites colonies au me siècle, la substitution d'une légende latine à la. légende grecque coïncide généralement avec le changement de condition de la cité. Ce latin y est, du reste, très souvent barbare, rempli de solécismes et de fautes de tout genre; on voit que c'est une langue que les habitants ne parlaient pas et que Ies magistrats municipaux eux-mêmes ne savaient qu'imparfaitement. Pourtant, comme le grec tendait à devenir petit à petit, au nie siècle, une seconde langue officielle dans les provinces d'Orient, et à y passer sur le même pied que le latin, nous le voyons employé exclusivement sur les monnaies coloniales de Thessalonique de Macédoine, déclarée colonie par Trajan Dèce 618, de Philippopolis d'Arabie, qui reçut ce titre de Philippe avec son nom nouveau, ainsi que de presque toutes les colonies de la Mésopotamie; seule dans cette dernière région la colonie de Ninive a des monnaies latines 619, et la généralité de l'emploi du grec dans les colonies mésopotamiennes est d'autant plus remarquable qu'elles avaient toutes reçu des II, colons légionnaires620. Il n'existe pas de monnaie de ville prenant le titre de municipe qui n'ait une légende latine 621. Pour les monnaies coloniales romaines comme pour celles des villes grecques, la règle générale est celle de l'obligation de les décorer de l'effigie de l'empereur ou des personnes de sa famille. Pourtant l'obligation n'est pas absolue, et l'on y rencontre un certain nombre de dérogations698. Quelquefois, même sans que le nom du personnage représenté soit accompagné de l'épithète de divas, les effigies des membres de la famille impériale sur les monnaies des colonies ont un caractère commémoratif et n'ont été placées qu'un temps assez notable après la mort de ceux dont elles retracent les traits 623. Les types des revers sont aussi variés sur les monnaies de quelquesunes des colonies que dans la série des impériales grecques; ils font alors allusion aux anciens souvenirs historiques et mythologiques des localités où la colonie a été établie. Mais, de plus, sur les pièces de cuivre des colonies de l'âge impérial il y a certains types spéciaux et caractéristiques, qui se reproduisent dans presque toutes les villes et ont trait à leur condition légale 624. C'est d'abord celui qui représente (fig. 4723 et 1724) le fon Lf' dateur de la colonie'', vêtu suivant le mode du cinctus gabinus [TOGA], conduisant autour de l'emplacement de la ville la charrue, FH, 1723. Fig. 1724. d'une vache, avec laquelle il trace le sillon des limites5a. Ce type, comme celui (fig. 1725) de la louve allaitant les deux jumeaux" ,figure indifféremment sur les monnaies des colonies de citoyens et de celles de droit latin. Eckhel627 a établi d'une manière décisive que le type du Silène Marsyas debout, une outre sur l'épaule et la main droite élevée (fig. 1726), dans la pose même de la fameuse statue du forum romain, était un symbole du droit latin possédé par les villes. Servius 628 dit en effet qu'une semblable statue s'élevait sur le forum de chacune des villes latines pour expri.. mer sous une forme plastique la notion de leur liberté. Le type des enseignes militaires (fig. 1724) indique pour la colonie une origine due àune deductio de vétérans, surtout quand les enseignes sont accompagnées des numéros des légions qui ont fourni les colons, car les enseignes sans ces indications se trouvent aussi comme type monétaire du municipe d'ltalica en Bétique et des villes purement grecques de Nicée et de Juliopoiis de Bithynie, ainsi que d'Hiérapolis de Syrie 629. F. LENORMA18T. 166 COL 1322 -COL