Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COLOR

COLOR, medicamen, medicamentum , venenum3, atramentum8. Xpéau, tépuaxov4. Tout principe colorant, couleur. Nous nous occuperons ici des produits naturels COL 1326 COL et artificiels qui fournissaient aux anciens leurs couleurs, en renvoyant pour leurs emplois aux articles sur les divers arts et industries. Les couleurs connues au temps où Pline écrivait son Histoire naturelle étaient aussi nombreuses que celles dont la peinture, la teinture, la verrerie et l'émaillerie disposaient au xvie siècle de notre ère"; mais les descriptions et le classement que les auteurs grecs' et latins 7 nous en ont transmis font preuve du caractère empirique de leurs observations, aussi bien que de leur ignorance touchant la production et la composition de la plupart des substances employées de leur temps. C'est ce que l'on verra quand il sera question de l'extraction et de la fabrication des couleurs. Mais ce qui rend cette étude encore plus difficile, c'est l'indécision dans la désignation des couleurs elles-mêmes', tant chez les Grecs que chez les Romains; indécision telle, qu'elle a même donné lieu naguère à de vives discussions sur I'état supposé rudimentaire de l'organe de la vue chez les Grecs du temps d'Hésiode et d'Homère 9. Le règne animal fournissait aux anciens : le purpurissum10 ou ostrum'1, pourpre; le caecum, blata, kermès, cramoisi "2; la galla13, noix de galle ou galle d'Alep; l'elephantinum 1b, noir d'ivoire; la sepia 1", sépia. Le règne végétal donnait : le lutant 16, gaude; la violal7 viollier et violette; la radix rubia18, rubia tinctorum, erythrodanus, sandyx, warentia, garance ; le vilrum ou isatis, glastum ou glastum 19, pastel, guède ou vouède; la thapsia 20; la radix91, racine du lotus; le vaccinium22, isatis ou hyacinthus des Grecs, appelé aussi hysginum, vaciet ou myrtille; le fucus43, anchusa, laceha, orseille et orcanète; la cinnabaris indica84, sang dragon; le crocuma" ou crocus, safran; la resina, résine, qui, brûlée et mélangée de gomme, donne l'indieum26, mot qui signifie tantôt l'indigo et tantôt l'encre d'Inde; les sarmenta27, taedae schidiae, fax vini ou tryginum qui, réduits en charbons et pulvérisés, donnent le noir de fumée, etc. Ils tiraient enfin du règne minéral de nombreuses variétés de marnes, de craies, de terres, d'ocres terreuses et de sels métalliques, qui le plus souvent recevaient leur nom du lieu de leur provenance. C'étaient : la creta argenlaria ", craie blanche marneuse, la creta de Melos ou melinum ", celle de Samos 9D, d'Érétrie 31, le paraetonium 92, la craie de Cyrène33, la selinusia9L, la cimaliana1", l'alumen 36 et l'anularlûm$7; la silis" ou ochra, ocre jaune ; l'haematites39 ou rubrlca, sanguine; la sinopisd0, bol rouge présentant la variété de cicerculus4Y, gris ou gris brun; la terra lemma42 ou sphrages, ocre rouge; le phrygïus lapis°3, scorie volcanique rouge; le cyanos ou saphir 4, lapis-lazuli; le chaichas4" ou silis caeruleum, le cobalt; l'armeniumG6, bol vert; le viridis appianumn, tsoSo'rwv, vert de Vérone; la chrysocolla43 jaune et verte, mica, talc, malachite, spath vert; la creta viridis49, vert de montagne ;1'auripigmentum 50, arsenicum ou arrenicum 59, orpin ou orpiment ; la sandaraca", réalgar. Enfin les anciens savaient fabriquer: le psimmythiurn" ou cerussa, céruse ; la sandaracha"5 ou cerussa usta, minium; la scoria plumbi 56, massicot; la scoria argenti"7, présentant trois variétés : la ehrysitis", litharge jaune ou massicot, l'argyritis S4, litharge blanche, et la molybditisB0, litharge terne ; la cinnabaris" minium, cinabre ou vermillon; l'aerugo 69, aeruca, rubigo ses, scolex aeris, vert-de-gris ou verdet, le caeruleum 63, azur ; la silis usta 84 ou rubrica, ocre brûlée rouge et rouge brun; lestimmi'",sulfure d'antimoine. Ils connaissaient aussi l'emploi des couperoses désignées sous les noms de sory", misy",calcantum68 et même atramentum, et savaient composer des vernis e9, des mordants, leucophorum 7°, et des mixtures. Plusieurs de ces couleurs étaient d'un si grand prix qu'il était d'usage de fournir certaines d'entre elles aux peintres que l'on chargeait d'un travail; c'étaient, suivant Pline 71, les couleurs fines, soit le minium, l'armenium, la cinnabaris, la chrysocolla, l'indicum et le purpurissum. ALnus cousit, Aeuxov. Le blanc était fourni par la chaux éteinte étendue d'eau ; mais il était peu en usage, à cause de sa ténuité ; on employait de préférence les blancs de Mélos ou de Samos, 1a craie argentaire, celle d'Érétrie, le paraetonium, la craie de Cyrène, celle de Sélinunte, et la céruse. On appelait melinum7", ou blanc de Mélos, deux subi. COL 1327 COL stances entièrement différentes; l'une était une craie argileuse et l'autre de la céruse native. Il en était de même du blanc de Samos. Ces blancs de plomb natifs°a renfermaient plusieurs corps étrangers, entre autres du soufre, qui leur communiquait une teinte jaunâtre ; en en frottant des vases de cuivre, le métal prenait une patine violacée ou irisée. La craie argent taire 74, creta argentaria, était une marne calcaire blanche à grain très fin, apte à recevoir certaines teintures au moyen de sucs végétaux ; son nom provenait de ce que l'on s'en servait pour polir l'argenterie, La terre d'Érétrie, Eretria terra, présente deux variétés, l'une blanche et l'autre grise. Le paraetonium i5, ainsi appelé du lieu d'origine, situé sur les confins de la Libye et de l'Egypte, comprend sous un même nom deux terres absolument distinctes : l'une douce et grasse au toucher qui est le silicate de magnésie hydraté, pierre de lard ou stéatite, substance que l'on a pu confondre avec la magnésite compacte ou écume de mer, et que l'on désigne aussi quelquefois sous le nom de pierre de savon ; c'est la même qui sert de nourriture pendant les inondations aux sauvages des rives de l'Orénoque et du fleuve des Amazones. Les dendrites que la stéatite offre à l'intérieur sont attribués par les minéralogistes à desinfiltrations d'oxydes de fer et de manganèse, et par d'autres naturalistes à des vestiges de corps organisés, d'où résulterait sa faculté nutritive. Le nom de paraetonium désignait également un carbonate de chaux rhomboédrique crayeux, contenant des traces de magnésie dont les bancs de différents âges contiennent de nombreux détritus et coquilles fossiles. 111. Donner", en examinant avec soin les blancs conservés au musée de Naples, s'est assuré que les échantillons catalogués sous les numéros 360 et 431 présentent dans leur cassure les empreintes de petites coquilles de la grosseur d'un pois; la nuance de cette terre est légèrement jaunâtre et la matière se trouve dans son état natif sans avoir subi aucun lavage ni sassage. Toutes ces observations concordent avec la description de Pline, qui ajoute que Cyrène et l'île de Crête fournissaient également cette terre. La cimolithe ou cimoliei7, cainoliana recta, provenait de l'Ombrie; c'est une craie schisteuse, tenace etdifficile à pulvériser : c'est pourquoi, pour la délayer, on la faisait bouillir dans l'eau; elle servait, une fois réduite en pâte et séchée, à imiter et remplacer le paraetonium et la craie d'Érétrie. La selinusia ou craie de Sélinunte imprégnée du suc du glastrum, ou de l'isatis des Grecs, notre pastel, servait à imiter l'indigo. On employait au même effet l'annulaire (annularia creta) ainsi appelée à cause de l'emploi qu'on faisait aussi de cette craie unie au verre pour fabriquer les fausses pierres des anneaux du peuple15. La ce7 ussa, céruse ou blanc de plomb, se fabriquait près des mines de plomb. La plus vantée était celle de Rhodes. On disposait au fond des tonneaux des sarments plongés dans du vinaigre, et sur les sarments des morceaux de plomb; on refermait les tonneaux, et après un certain temps Ies morceaux de plomb se trouvaient convertis en céruse qui, recueillie, lavée et séchée, donnait la couleur employée en peinture. ATER°° on NIGER COLOS. piD, v. Le noir. --Le chalcantum, le sort' et le misy formaient la base de l'alramentum sutorium ou noir de cuivre employé en teinture; le chalcantum n'est autre chose qu'un sulfate de cuivre pur et cristallisé, quoique Pline le confonde parfois avec le sory, qui est un sel variolique ou un mélange de sulfates de cuivre et de fer impurs avec excès d'acide. L'immersion ou l'enduit préalable de l'étoffe ou du cuir dans une infusion de noix de galle produisait un noir pareil à notre encre à écrire. Le chalcantum se tirait d'Espagne ; les mines de Cuença présentent encore le même minerai cuivreux. On menait l'eau dans la mine, puis on faisait bouillir cette eau mère avec un volume égal d'eau douce ; on transvasait le tout dans des bassins de bois, dans lesquels on faisait pendre des fils auxquels étaient suspendues des pierres en guise de poids; la cristallisation s'opérait autour de ces fils produisant des cristaux bleus et transparents de sulfate de cuivre. On se contentait parfois de faire évaporer l'eau mère, et on obtenait alors un produit impur auquel la présence des sels de fer donnait une couleur jaune ; cette dernière méthode était suivie dans l'île de Chypre. Le sort' provient de la décomposition du minerai appelé chalcités, pyrite de cuivre; c'était donc un chalcantum impur; on le récoltait sur la mine même et on le tirait d'Égypte, de Chypre, d'Espagne et d'Afrique. Cette substance devient noire, a une consistance spongieuse, un aspect gras quand on la broie, et son odeur nauséabonde excite le vomissement. Le misy, qui se trouve sur le même minerai en poussière jaune, mêlée d'étincelles d'or (pyrites non décomposés), n'a pas d'application en ce qui concerne les couleurs. La noix de galle et aussi l'écorce du chêne "donnaient un noir employé pour la teinture. La fabrication de l'indicum, encre à écrire [ATRAMENTU➢1], donnait comme produit subsidiaire un noir de fumée employé en peinture ; on remplaçait souvent dans ce but la résine par des sarments, des éclats de pin et la lie de vin. Le peintre Apelles imagina de calciner l'ivoire, ce qui lui donna l'elephantinum ou noir d'ivoire. Notons en terminant le stimmi, sulfure d'antimoine, qui donnait un noir d'un usage restreint, et la sepia qui, mélangée d'un peu d'alun, servait dans la teinture. FLAVUS OU LUTEUS COLON. âavedv, sbypdv. Le jaune. La sais ochraaf, ocre, est un peroxyde de fer hydraté, mélangé avec un limon terreux; il se trouve le plus souvent auprès des filons de fer. Sa couleur est le jaune variant du clair à l'orangé. Les anciens connaissaient diverses qualités de sais, la plus estimé était la silis attica; puis venait le sil marbré, valant moitié moins que le précédent; la sais syrique provenait de l'île de Syros; celle d'Achaïe était employée pour les ombres; enfin celle de Lydie, qui se vendait à Sardes, mais qui du temps de Pline n'était plus de mode. La sais se trouvant à I'état natif ne subissait, avant d'entrer dans le commerce, que la trituration, le lavage et le séchage. On imitait l'ocre attique au moyen de craie érétrienne plongée dans une décoction jaune de viola, violier, ou encore dans le suc du lutum ou gaude, reseda luteola de Linné. COL 1328 COL La spuma argenti, scorie d'argent, produit accessoire de la fusion du minerai d'argent, ne contient que fort peu d'argent ; les anciens lui reconnaissaient trois variétés : la chrysitis qui était censée contenir de l'or, d'où son nom, tandis que ce n'est qu'un oxydule de plomb jaune, connu dans le commerce sous le nom de massicot; l'argyritis, plus blanche, est la litharge, et la molybditis, composé de sulfures de plomb, d'argent, d'antimoine et de bismuth, avait une teinte indécise et terne. L'auripigmentom, arsenicum, arrenicum, orpiment, est le sesquisulfure jaune d'arsenic ; ce produit se trouve à l'état natif, notamment en Syrie, à fleur de terre, dans les mines d'or et d'argent, et par suite de sa couleur d'or, les anciens croyaient qu'il contenait de l'or, si bien que Caligula n ordonna qu'on le traitât pour en extraire ce métal; mais ce premier essai n'ayant donné que de très maigres résultats, on en abandonna l'idée. L'orpiment se trouve encore dans les fissures des cratères volcaniques, où il se sublime, et quelquefois aussi dans les mines de cuivre. La chrysocolla des anciens comprenait sous une même dénomination un grand nombre de substances [CHRYSOCOLLA], dont la couleur variait du jaune au vert et dont la composition présente toutes Ies variétés imaginables. Les descriptions qu'en donnent Pline et Vitruve en rendent la détermination exacte fort difficile; cependant on peut en déduire, pour ce qui concerne la couleur jaune, qu'on entendait sous le nom de chrysocolla: le la substance de ce nom employée par les orfèvres ou santerna, qui n'est autre que le borax, servant à souder l'or et l'argent, d'où le nom générique de chrysocolle ; des talcs friables; 3° du mica, que l'on trouve en abondance dans les roches granitiques ou volcaniques en décomposition, connu sous le nom de poudre d'or; c'est de mica sans nul doute que l'on saupoudra 83 l'arène du cirque sur laquelle Néron, empereur, vêtu d'un costume de même couleur, devait comparaître comme conducteur de char; 4° une substance que l'eau enlevait des minerais dans les filons d'or, d'argent, de cuivre ou de plomb et qui formait par l'évaporation de l'eau des concrétions de la dureté de la pierre ponce; on les pilait, on les lavait et les desséchait, puis on conservait la matière en tomentum, bol ou pâte. La nuance variait suivant les mines; et on employait la gaude84 (lutum) dans le cas où le jaune était trop pâle. Toute chrysocolle devait du reste être imbibée d'alun avant de prendre la teinture. CAERCLGOS COLOR. Kuavouv. Le bleu. Le caeruleum, azur, était detrois espèces : l'égyptien, le cyprien et le scythique. Les deux premières étaient des frittes métalliques devant leur coloration au cuivre. Pouzzoles en possédait une fabrique établie sur le système égyptien par un certain Vestorius, d'où le nom d'azur vestorien. Vitruve 80 nous a transmis le mode de préparation de ce caeruleum : on broie, dit-il, du sable avec de la fleur de natron, jusqu'à ce que la matière soit fine comme de la farine, on y mêle de la limaille de cuivre, on en forme des boules en les pétrissant avec de l'eau. Après les avoir fait sécher, on les place dans un pot de terre placé sur un fourneau, et l'on chauffe jusqu'à ce que ces matières diverses soient en fusion et se transforment en une couleur d'azur. La fritte ainsi obtenue était concassée, puis pulvérisée et sassée au fur et à mesure par les peintres, comme l'a prouvé l'examen des couleurs soumises à Chaptal au commencementde notre siècle °. Ce chimiste mentionne, en effet, une couleur trouvée en petits fragments, d'un bleu plus clair à la surface qu'à l'intérieur et où l'analyse a fait reconnaître de l'oxyde de cuivre, de la chaux et de l'alumine. Humpbry Davy 87 a reconnu dans une couleur analogue, trouvée à Pompéi, une quantité notable de silice, et il propose le procédé suivant pour en obtenir une semblable ; on mélange : On chauffe fortement pendant deux heures, et on obtient une fritte bleue pareille à celle des anciens,qui, pulvérisée, est de même d'un beau bleu de ciel foncé. Ce mode d'incorporation 88 de la couleur dans une substance vitreuse a une grande analogie avec l'incorporation qui s'opère au sein de la terre du bleu d'outre-mer dans le lapislazuli. Le savant anglais affirme que les parties bleues des peintures du monument de Caius Sestius, de la Noce Aldobrandine et des bains de Titus, à Rome, ont été faites avec cette matière 89. L'existence de la même couleur bleue à Rome, à Pompéi, à Herculanum et dans plusieurs villes romaines de la Gaule démontre que la fritte d'Alexandrie était d'un emploi général pour la peinture et la décoration90. C'est d'une pareille couleur qu'étaient peints les triglyphes et les mutules du Parthénon, à Athènes, où l'on en a retrouvé des restes 91 Le caeruleum scythique n'est autre que le bleu d'outremer extrait du lapis-lazuli, du cyanos ou saphir des anciens; les diverses qualités que cite Pline correspondent aux diverses nuances que l'on rencontre dans cette roche etles termes de lomentum, boi,et tritum, trituré, qu'il donne aux qualités inférieures, sont un indice de plus de l'origine de cet azur. Il se pourrait que le nom d'armenium ait aussi désigné le bleu d'outremer92. On frelatait ces azurs au moyen du sable d'Espagne pulvérisé et de la craie blanche de Sélinunte teints avec le suc du glastum ou c'itrum, pastel. On employait également dans ce but la craie d'Erétrie mélée à une décoction de fleurs de violier desséchées. Le s'ilzs caeruleum de Pline, que l'on trouvait dans les mines d'or et d'argent, paraît être le bleu de cobalt °II, ya xé; de Théophraste, bleu qui n'a été trouvé par aucun des chimistes ayant fait des analyses de matières colorantes, mais qui se rencontre dans la verrerie ancienne 9''. L'indicum, indigo, introduit depuis peu dans le monde romain à l'époque de Pline. Cet auteur, dans la description qu'il endonne,confondévidemment l'indicum,encre d'Inde ou de Chine, etl'indicum, indigo, que l'on tire bien réellement d'une plante, l'indigofera tinctoria de Jussieu, fait COL -1329 COL qui se trouve confirmé par Dioscoride.L'éloignement considérable des lieux de production de l'indigo explique le peu de clarté dans la description du procédé d'extraction de la matière colorante. Il reste avéré que ce qu'en rapportent Dioscoride, Pline et Isidore de Séville, est fondé sur la vérité, puisque la plante produisant l'indigo ne peut développer cette couleur qu'à la suite de fermentation 95 ; les roseaux dont parlent ces auteurs seraient les bambous employés à remuer les matières en fermentation. L'indigo était d'un prix élevé : aussi ne se faisaiton pas faute de le frelater au moyen de la fiente de pigeon ou de la craie de Sélinunte et de l'annulaire teintes au moyen du pastel, ou de l'écume de pourpre. Le pastel, glastum, vitrum, isatis des Grecs, fut toujours la teinture bleue la plus en usage. V1a1Dis cucul. X)empév, ,apzatvov. Le vert. L'appianum 9s, vert de Vérone, était fourni par la craie verte et l'argile verdâtre sablonneuse. Chaptal l'a trouvée parmi les couleurs de Pompéi. Elle était encore désignée par le nom de creta viridis ou vert de montagne. L'armenium 97, bol vert d'Arménie, argile native colorée par des sels de cuivre, vert-de-mer; les craies argileuses d'Espagne teintes en jaune et mélangées à l'azur, servaient à l'imiter. La chrysocolla, variété verte, comprenant la malachite, le spath vert, carbonate de cuivre et hydrocarbonate de cuivre, était due à des infiltrations aqueuses dans des filons de cuivre, ou dans ceux d'autres métaux mêlés de cuivre. On imitait la chrysocolla de la même façon que le vert d'Arménie. Celle qui était employée par les peintres portait le nom d'orobytis et provenait de Chypre, d'Arménie et d'Espagne; la plus estimée était celle qui présentait la nuance du blé dans sa verdure la plus fraîche. Pour transformer la variété jaune en chrysocolle verte, il suffisait de la broyer avec de l'alumen schistum, sulfate d'alumine, avant de lui faire prendre les teintures végétales donnant le bleu ; on pouvait de la sorte graduer les nuances à volonté. L'aerugo, aeruca 98, verdet ou vert-de-gris, oxyde de cuivre ou sous-carbonate de cuivre, se trouvait à l'état natif dans la propriété d'un nommé Theodotus, de Smyrne, d'où son nom de Theodotion; on le détachait également des minerais de cuivre pendant les cuites, d'où son autre nom de scolex aeris. Les anciens nous ont transmis le mode suivi pour le produire d'une manière industrielle : on suspendait des feuilles de cuivre dans des tonneaux fermés par un couvercle de cuivre et au fond duquel se trouvait du vinaigre, ou bien on plongeait des vases de cuivre dans des pots remplis de vinaigre; on avait soin de racler le métal chaque jour, en renouvelant le vinaigre au besoin, jusqu'à ce que le métal fût entièrement dissous. Certains fabricants remplaçaient le vinaigre par du marc de raisin, ou bien ils arrosaient de la limaille de cuivre avec du vinaigre, ou jetaient des rognures de cuivre coronaire dans le vinaigre, ou encore pilaient la limaille imbibée de vinaigre dans des mortiers de cuivre. Ces divers procédés donnaient tous le même résultat, soit des acétites et sous-acétites de cuivre qui, avant d'être livrés au commerce, étaient farés, formés en pains et desséchés au four. R. Davy 99 n'a trouvé que des carbonates et non des acétates de cuivre; mais il remarque qu'à la longue les acétites se transforment en carbonates, de sorte que l'échantillon qu'il a analysé pouvait fort bien à l'origine avoir été un véritable vert-de-gris. La variété désignée sous le nom de scolex aeris se abriquait en mélangeant du cuivre de Chypre avec un poids égal de sel ou de natron dans du vinaigre blanc aussi fort que possible; on obtenait ainsi un mélange d'acétite et de chlorure de cuivre d'un aspect vermiculé, défaut que l'on faisait disparaître par l'adjonction d'urine. Les falsifications des vert-de-gris se faisaient au moyen de gomme, de pierre ponce et de marbre pilés en poudre et mélangés de sulfates varioliques; ces falsifications du reste étaient faciles à reconnaître en chauffant la substance douteuse sur une pelle de fer. Le verdet conservait sa couleur, tandis que le produit frelaté passait au rouge. Remit. «otvlxniv, ipvtpév. Le rouge présente une grande variété de nuances, du rouge clair au rouge brun et au brun. Il était aussi employé pur, par exemple, pour les décorations monochromes et les peintures des navires 100 Ces gradations étaient fournies par les matières suivantes101 : l'haematites, hématite, peroxyde de fer, rouge foncé; fer ocreux, hydroxyde brun ocreux; fer oxydé, rouge ocreux, doux et onctueux au toucher et qui n'est autre que la sanguine. La première variété venait de l'Ethiopie, la seconde d'Arabie et la troisième qui s'appelait élatite, provenait de Sinope. L'élatite soumise au feu passait au brun et prenait le nom de miltites, s.fkros. Les anciens produisaient artificiellement l'élatite en soumettant l'ocre jaune au feu ; la substance ainsi obtenue était désignée sous le nom de salis usta ou simplement usta (brûlée), ocre brûlée. La rubrica1", ocre terreuse rouge natif qui se tirait de Sinope en Cappadoce, connue actuellement sous le nom de bol rouge, est une argile ocreuse dont la formation se rencontre entre le calcaire alpin et le gris argileux. Dioscoride la confondait avec le vermillon, l'appelant N.0,Tos .~_tvnrt'txÿ; ; et Strabon, en pariant du cinabre d'Espagne, ajoute qu'il ne le cède en rien à la terre de Sinope. On en trouvait encore en Égypte, en Espagne, aux îles Baléares et dans l'île de Lemnos; cette dernière était désignée sous le nom de terra Lerrlnia; on ne la vendait que munie d'un sceau ; d'où son nom de sphragis. La cerussa usta, céruse brûlée, oxydule de plomb ou minium, s'obtient en calcinant la céruse ou carbonate de plomb, qui perd son acide carbonique par l'action du feu. Cette substance est désignée par le nom de sandaracha dans Vitruve; Dioscoride l'appelle lail,TOS ou axvlapéte 103 La découverte en fut fortuite et due à l'incendie du Pirée ; Nicias (330 ans av. J.-C.) fut le premier à s'en servir. La meilleure cerussa usta provient de l'Asie; elle est surnommée céruse purpurine; on l'imitait à Rome en brûlant de l'ocre marbrée que l'on éteignait dans du vinaigre. IL 167 COL -133(i -COL La sont-lyse était un mélange de minium et de sanguine produisant, selon Davy, l'effet de notre cramoisi : enfin le st ricurle désignait un mélange de sandyx et de rouge de Sinope. Le tenue de sumiyes tQ` s'appliquait encore à une teinture végétale, qui probablement n'était autre que la gare mie, quoique celle-ci fût plus connue sous les noms de a. ii mie, rnbia tinetorum, erytiarc' s ou enfin s 'ta tut, d'où notre mot garance. La cinnebaris ou minium, xivvétsptç, atà,anç des Grecs, cinabre et vermillon, est un sulfure double de mercure, qui se trouve à l'état natif dans les mines d'argent et dans celles de mercure. Nous renvoyons pour la métallurgie du cinabre à l'article eniiiNhumus, Le bol d'Égypte et la rubrica de Lemnos servaient à frelater le vermillon, que l'on pouvait encore imiter dans la peinture en appliquant sur la, sandyx minérale une couche de purplr'issum mélangé de blanc d'oeuf. Le coccrlr,z (faiatiae t", graine d'écarlate, coccus ilicO de Linné, kermès des Arabes, d'ors kermesi, cramoisi, es-1; un petit insecte dont lits femelles te onddos s fixent sur le chêne vert, 4 :ercns "tex, y prenant la forme d'un grain, et non pas une, graine de plante, comme le croyaient Ies anciens, Ces petits animaux, écrasés, donnent une couleur rouge écarlate de même nature que le coccus cadi du Mexique, notre cochenille (cocclr-fj. La cirzricbaras indica ou sanies de Lsioscoride et de Pline est, notre sandragon, résine qui sort des incisions pratiquées au tronc du pterdear5us ente() de Linné, du pterocarpus sartatium ou du dracona draeo, etc., et non point, comme le croyaient les anciens, le sang d'un dragon mêlé e celui d'un éléphant expirant, I. "hysyinte,n ", plante dont la nature est peu connue, et la couleur elle-même douteuse, quoique Pline donne à cet égard une indication 107: hyacintha, in Gotha maxime puevenit, floc ihi fuma hys,ginula tingunt. M. Bliimner pense que l'hysyinunz était tiré de Pane/luxa tinetoræe de Linné, identique avec le vacc'enium des Romains et tiré des baies de la vaccillia rnyrtillus de. Linné. L'anchusa, le fucus, orseille, lichen, buccella de Linné, étaient, employées avec d'autres plantes pour fabriquer une couleur imitant la pourpre. 0l, s'en servait spécialement en Gaule pour teindre des vêtements d'esclaves H. Des y constaté la présence de l'oxyde demanganase dans deux échantillons romains de verre teint en poutre. .Les anciens connaissaient aussi Foire brune ou terre d'ombre, qui doit sa :teinture e un mélange d'hydrate de fer et de magnésie. Cette espèce d'ocre existe en Italie, à Nocera, en Ombrie, d'où lui vient son nom vulgaire, et clans file de Chypre 110 Pu'•purissum'", essaim. (que l'on ne doit pas confondre avec puniceum ou yotatxoei qui se rapporte au coceum)ti°, la pourpre 11, comprenant les nuances du blanc au noir qui pour les anciens étaient des couleurs passant par toutes les variations que comportent le jaune, le rouge et le bleu étendus ou concentrés. « Que l'on parcoure, dit Semper', dans un cabinet d'histoire naturelle, la partie « des coquilles et que l'on compare les mille nuances de a rouge foncé qui, à travers le violet, arrive au bleu ; qui du bleu, à travers le vert-de-ruer, atteint le jaune des al gues marines, et de ce jaune s'abaisse graduellement jusqu'au blanc; blanc qu'atteignent aussi séparé« ment le bleu et le rouge blanc spécial qui trouve toute « son expression dans le blanc de la perle, lequel reflète et contient quelque chose de tous ces tons fondamen« taus comme aussi de toutes leurs variations..._ alors seulement on pourra concevoir ce que les anciens enten (laient par couleurs de pourpre, ii et comprendre ce que les auteurs qui nous sont parvenus nous disent dans leurs descriptions, Pline, qui a. copié Aristote, nous donne la synthèse de ce qui était connu sur cette question dans l'antiquité : c'est lui que nous suivrons. La pourpre s'extrayait de coquillages marins de diverses espèces : le rocher fascié (murez t,'unculus de Linné), le buccin, hucrinze'nt, coquille univalve qui tire son nom de sa ressemblance avec l'instrument appelé BUCCiNCtd, qui donne un son de trompe, ou bien encore de la rondeur de sa bouche; enfin la pourpre (purpura ou pelagie 1151 ï c'est aussi une univalve du genre murex de Linné. Ces coquilles présentent des spirales dont le nombre marque l'âge. Les anciens les divisaient en plusieurs variétés, suivant leur nourriture et le lieu de leur demeure : la luteosis se nourrit de limon ; l'algensis d'algues : c'est la moins estimée. La taeniensis, qu'on trouve sur Ies bancs de rochers, l'est davantage, mais elle donne encore une couleur trop délayée et légère; la calenttensis, ainsi nommée du sable sur lequel elle repose, est admirable pour sa couleur conchylienne ; ruais la meilleure de toutes pour la pourpre est la dialutensis, nourrie sur différentes sortes de terrains. La meilleure saison pour la pioche est après la canicule et avant, le printemps, car à cette époque les mollusques déposent leurs œufs entoures d'une masse visqueuse, et par suite donnent les sucs trop étendus1'. On prend les pourprés en jetant dans la mer des nasses à tissus serrés dans lesquelles les pêcheurs mettent des coquillages bivalves comme amorce ; les animaux remis à la mer reprennent vie, ouvrent et ferment leurs coquilles; les pourpres se précipitent sur eux, en tendant la langue qui leur sert, de dent; ceux-ci, excités par la douleur, referment leurs valves, et on s'empare des pourpres Couleur conchylia. le lilas bleu (couleur de l'héliotrope). le bleu-rouge(couleur de la mauve) le jaune (viollier d'automne). Tyrynthine (tiriamethyste). Pou re héliotr e e , COL 4331 COL victimes de leur avidité. Pollux 117 raconte la pêche un peu différemment: suivant lui, on remplace les coquilles bivalves par des poissons. Pline, Aristote et tous les auteurs anciens en général disent que le suc précieux se trouve en partie dans le manteau, en partie dans une petite veine incolore (blanche) ; chaque animal n'en fournit que quelques gouttes 118, qui sont d'un rose foncé ; on tâche de prendre les pourpres vivantes, car elles perdent en mourant la précieuse liqueur. Cette liqueur était désignée par les anciens sous les noms deàotog, flos 119, fleur; nde.u, sang 1d0; ou encore liyuor, sanies, sucus 121. Nous avons vu comment on pêchait ces mollusques; pour en extraire la pourpre on pilait vivantes les plus petites coquilles, en se contentant d'extraire des plus grandes la portion qui contenait la pourpre. Pendant les premiers temps de la fabrication de la pourpre, on traitait de suite ces matières afin d'en extraire la couleur. Les fabriques étaient alors toutes sur le bord de la mer: telles étaient 122 celles de Tyr en Asie, du Méninx et des côtes des Gétules en Afrique , de Laconie en Europe. Lorsque les fabriques se multiplièrent, on conserva le précieux suc en le salant 7E0, dans la proportion de vingt onces de sel par quintal de matière, et plus tard encore, au temps du Bas-Empire, on séchait j2'`, après concentration, les chairs pilées ou coupées, et lorsque l'on voulait passer à la fabrication des couleurs, on faisait gonfler de nouveau cette matière en l'infusant dans l'eau. De toute manière, après avoir fait macérer trois jours, on doit faire bouillir la liqueur dans du plomb; cent amphores se réduisent à cinq cents livres de matière. 1l faut une chaleur modérée, après que les chairs adhérentes aux veines ont été enlevées avec l'écume ; le dixième jour après que la matière s'est liquéfiée, on trempe dans la chaudière des flocons de laine bien dégraissés pour essayer la liqueur, et on fait concentrer encore, s'il en est besoin. Veut-on se procurer des couleurs pour les peintres, c'est de la craie argentaria 12m que l'on infuse, au lieu de matières textiles, en produisant de la sorte à chaque nouvelle immersion une qualité inférieure àla précédente, Les nuances aussi étaient obtenues par la teinture du buccin et celle de la pourpre séparées ou associées, ou combinées par cette teinture avec la matière colorante tirée du coccus, du fucus et même des sucs de plantes dont les variétés se rapprochaient de l'original et servaient à le contrefaire 126 Ces nuances, au nombre de treize, sont les suivantes : Couleurs formées par la combinaison 1 Pourpre mauve de Tyr, de divers sucs. Pourpre jaune de Tyr, Pourpre coccine de Tyr (hysgiitum. doublement rouge). Sans entrer dans le détail de la composition de ces nuances (nous renvoyons à l'article T1eCTOBtA), il reste avéré que les tons obtenus étaient des plus riches et des plus variés. L'iode sans aucun doute est la base de toute cette série de couleurs, qui présente souvent des tons rouges et rosés de la plus entière franchise. Les matières colorantes que nous venons d'énumérer trouvaient chez les anciens comme de nos jours les emplois les plus variés. Nous renvoyons pour leur application aux articles spéciaux. W. FoL.