Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COLUMBAR

COLUMBAR. Sorte de carcan où le supplicié était emprisonné par le cou. Le trou par où passait la tête devait ressembler aux ouvertures d'un colombier; de là le nom donné à cet instrument'. (Comparez les diverses 1. L'espèce à laquelle appartient le pigeon domestique ne fut pas connue de très bonne heure en Grèce. Homère ne nomme que l'espèce sauvage (tténetat, 7:e),etéles), qui est plus petite, noire ou grise, à pieds rouges et rugueux, et qui ne s'apprivoise pas 2. Celle-là abondait dans le pays 3. Les pigeons blancs (7teptaaepxi ).evas( qui deviennent facilement privés, et qui furent, après leur mélange avec les premiers, l'origine de la race domestique", étaient depuis longtemps en Asie des oiseaux familiers, élevés autour des temples de la déesse que les Grecs assimilèrent à leur Aphrodite. Ils n'apparurent en Grèce qu'à la fin du vi° siècle av. J.-C; vers le milieu du même siècle', ils y étaient déjà communs, et employés quelquefois, comme en Orient, à porter rapidement des messages'. On ne peut douter qu'il n'y eût dès lors des constructions élevées exprès pour servir d'habitation aux pigeons, et l'on doit présu lr`4 t mer qu'elles étaient oem _~ plus ou moins semblables aux grands colombiers en forme de tour dont l'Orient possède encore de remarquables exemptes 7, ou à la tour des colombes du temple de Paphos qui est représentée sur les monnaies de Cypre Une bractée ou feuille estampée en or, d'origine certainement orientale, recueillie dans les ruines de Mycènes (fig. 4736), offre aussi le type d'un semblable co lombier sacré'. Dans la célèbre mosaïque de Palestrinc où sont représentées des scènes qui se passent sur les bords du Nil, on voit un colombier en forme de tour (fig. '1737) : le toit conique est percé d'ouvertures rondes en files étagées. Plusieurs auteurs anciens ont signalé l'instinct qui porte les pigeons, et particulièrement ceux qui ne sont pas entièrement domestiques, à chercher un asile dans les endroits élevés, tels que les combles des fermes et les tours qui sont construites pour les reFig. 1737. Colombier. cueillir au milieu des champs : c'est un moyen indiqué par Varron et par Galien pour prendre et retenir ceux qui sont sauvages. Le premier appelle ceux de cette espèce ,genus agreste ou saxatile " ; le second sous le nom de (3oaxré eç, éyptat ou vôµsïct, distin gue les pigeons des tours des pigeons domestiques (xairotx(Stot)72. La forme de tour parait avoir été habituellement préférée 13, mémo dans les villes, où on élevait des colombiers au sommet des toits ". Dans la campagne on en construisait de très grands pouvant contenir jusqu'à 5,000 oiseaux". Les écrivains qui se sont occupés de l'élève des pigeons, Varron surtout, entrent le dans des prescriptions minutieuses au sujet de leurs habitations. Ils recommandent particulièrement que le pigeonnier soit couvert d'un enduit blanc et poli, et percé d'un nombre aussi grand que possible d'ouvertures rondes, étagées depuis la base jusqu'à la voûte, par où il soit facile aux pigeons d'entrer et de sor tir ; elles doivent donner accès à des boulins ou cdiules séparées où ils puissent s'accoupler, et devant l'entrée il doit y avoir une petite plate-forme où les pigeons se réunissent avant de pénétrer à l'intérieur. On voit au musée de Naples (fig. '1738), des tables de terre cuite per cées d'ouvertures en arcade, qui ont pu servir d'entrée à des colombiers. Des tables semblables remplissaient, dans plusieurs maisons de Pompéi, des baies intérieures de manière à faciliter l'aération. On faisait en terre aussi des boulins où les oiseaux nichaient 17. Il est remarquable que Varron dans ses explications se sert du nom grec septs' eoemv pour désigner le colombier, et, réserve le mot columbaria (au pluriel) pour les COL 1334 COL cellules destinées aux couples. Cependant columbarium s'emploie aussi pour l'édifice tout entier 13. II. Le même mot a reçu diverses applications motivées par une certaine analogie d'aspect que donnent à quelques constructions des ouvertures régulièrement percées comme celles d'un colombier. La plus importante est celle qu'on en a faite à des édifices destinés à la sépulture, dont les murs sont garnis de niches rangées en files étagées du haut en bas, où étaient déposées les urnes qui contenaient les cendres des morts. Comme pour les colombiers, le nom de columbarium paraît s'être étendu de ces niches, qui leur donnaient l'aspect qui leur est. propre, à la construction tout entière f9. On en peut voir encore à Rome des restes considérables. Mais peut-être les Romains en ont-ils pris le premier modèle chez leurs voisins : en plusieurs endroits de l'Étrurie on rencontre, aux alentours des villes, des rochers creusés de niches nombreuses; mais à peu près partout les urnes qu'elles devaient contenir ont disparu ;aucun débris, aucune inscription ne permet ordinairement de déterminer si ces sortes de cimetières sont étrusques en effet, ou romains. Atiéies cependant, située si près de Rome et détruite entièrement dès l'an 359 de Rome (396 av. J.-C.), on a trouvé dans quelques-unes de ces cavités des objets purement étrusques40. Près de Toscanella21, des grottes forment plusieurs salles contiguës, dont les parois sont entièrement tapissées de niches semblables (fig. 1739), plus petites toutefois que celles qui se voient dans les chambres sépulcrales des Romains, et ne pouvant renfermer qu'une seule urne. A. Rome, ce mode de sépulture paraît avoir été adopté par les grandes familles, dont les affranchis et les esclaves étaient trop nombreux pour que leurs restes pussent trouver place avec ceux des membres de la gens, dans un même tombeau; car les familles moins étendues les y admettaient, à moins qu'il n'y eût contre l'un d'eux une cause d'exclusion formelle, ]sEPULCHuM, FAMILIA]. Des monuments semblables furent construits ensuite22, soit par des spéculateurs qui y vendaient des places aux personnes trop pauvres pour posséder un tombeau séparé et suffire à son entretien ; soit par ces personnes elles-mêmes réunies en sociétés organisées sur le modèle des collèges [coLL;uluM] pour en faire ensemble les frais. Les associés constituaient un fonds commun et versaient une contribution mensuelle (stips menstrua) pour alimenter la caisse (arca) d'où était tiré l'argent nécessaire, non seulement à la construction de l'édifice, mais encore à la dépense des funérailles (funeraticium) "3. La société était divisée en décuries (decuriae), chacune ayant son decurion; elle choisissait un desservant (sacerdos)24, un trésorier (quaestor) 26 ; on trouve aussi dans les inscriptions la mention de quinquennales"; enfin des curateurs (curatores) chargés de bâtir et de tenir en bon état le monument" et d'y marquer les places "9 (sortesM10, lotos 31 rationes, partes viriles 3", jus") auxquelles avait droit chacun des contribuants, au prorata de sa cotisation (rata parte, ex colleta pecunia 34), et qui était désormais sa propriété : il pouvait en conséquence les donner, les vendre ou en en disposer par testament35. Les places étaient réparties par le sort (ex sortitione 36), d'abord entre les files des ossuaires se succédant de bas en haut, puis dans chaque file horizontalement 37, de manière que personne n'eût à se plaindre du lot qui Iui était échu. Certaines places, et particulièrement celles des rangées inférieures, étaient préférables parce qu'elles étaient plus en vue, plus accessibles, plus commodes pour l'accomplissement des cérémonies du culte des morts, et l'on voit par les inscriptions que le privilège de les choisir n'était accordé que par exception, comme l'était aussi la dispense des charges (immunitas), en récompense de services rendus à la communauté 88. Les lots et les places assignés à chacun étaient marqués, après le tirage au sort, par une inscription (ïnscriptio) tracée sur le mur ou gravée sur une tablette (tessella), et qui était remplacée plus tard, au besoin, par l'épitaphe (titulus) définitive 39. Dans les parties les plus éloignées de l'empire romain4o, on a trouvé des tombeaux de famille (sepulcra famillariarl) auxquels la présence de niches nombreuses destinées aux urnes cinéraires a fait étendre le nom de columbarium; mais c'est seulement à Rome que l'on peut étudier les types des vastes édifices auxquels convient proprement ce nom. Situés tout autour des murs de la ville et, comme les autres tombeaux, sur le bord des grandes voies qui en sortaient, ils consistent en COL .__1335 °-COL de grandes salles rectangulaires, à moitié souterraines, à moitié élevées audessus du sol, dans les murs desquelles les niches (locus, locus nairement voûtées en demi-coupoles, quelquefois carrées, sont régulièrement espacées et alignées en files (gradus e, /inca , ollacium °o),Dans chaque niche se trouvent le plus eme nt deux urnes [nu., eN'. (Tee igllec-unes en renferment rois ou quatre, d'autres une seule; ces urnes sont fixées dans la ms sonnerie, de telle façon qu'elles ne peuvent être dé placées et qui l'on n'aperçoit ce que leur couvercle (ope; culum 7) dépassant la banquette sous l'arcade (fig. 1740). Des urnes nouvelles ont dû être quelquefois placées dans une niche déjà garnie; elles ne sont pas alors engagées dans le mur, Ces vases ordinairement sont de terre, mais on en rencontre parfois de marbre, d'albâtre, de verre ou d'autres matte-. res k8, Quelquesuns, placés plus en évidence, sont plus élégants ou plus ornés; il y en a qui ont la forme d'édicules ou de coffrets couverts de sculp tures. Les niches elles-mêmes sont quelquefois rem placées par des constructions ayant use frets on soutenu par des colonnes (aedirula, ciner "um),.( de entées avec plus ou moins de luxe, Des inscriptfiins sur des tablettes de marbre "911 de bronze clou au mur au-dessus ou au-dessous de chaque niche indiquent les noms, l'âge, la condition :les défunts, souvent aussi les noms des personnes qui ont pris soin de 1 eur assurer la sépulture, et d'autres circonstances encore 30. Les salles étaient faiblement éclairées par des jours pratiqués dans la voûte. Une entrée étroite y donne accès, et l'on y descend par un escalier, le plus souvent appuyé à l'un des dotés et dont les murs sont creusés de niches comme les autres parois. Les figures qui accompagnent cet article éclairciront ces explications et donneront une idée suffisante des différen tes classes d'édifices auxquels peut convenir le nom de colu'nbarium. Un des plus vastes et des plus importants, car il pouvait recevoir les cendres d'au moins 3009 per sonnes, est celui qui fut construit gour les affranchis et les enclaves de Livie, femme d'Auguste, un peu avant 'e deuxième initie en dehors de la ville, sur la voie Ap t-pieline Ii parait -_~ être resté en usage jusqu'au temps de Claude. On le retrouva en 1726 ; ses ruines furent abandonnées après la découverte et il en reste peu de chose aujourd'hui; mais elles ont été mesurées et dessinées avant leur destruction. Nous en den... nous le pian et lute ; ue en élévation (fig. 1741), d'après l'irone.. st'". liure" h )fan on. a figuré d'iin côté Ces . nues pleins avec indication de l'appareil réticulé I'' la construction; de côté a été marquée la place vies niches contenant ies urnes. (fig. 4742). L'édi fice forme no'si'ne on voit un parallélogramme, mesurant COL 1336 COL en longueur 36 pieds romains et 21 en largeur. Huit enfoncements dont quatre en hémicycle et quatre carrés, coupent la ligne droite des quatre faces. L'un de ces derniers, auprès du quel on a dessiné un morceau de l'ancien pavé, en opus tessellatum termine par un passage qui conduit à mie autre chambre située à un étage supérieur (fig. 1743) et beaucoup plus petite, dans les murs de laquelle étaient également placées des niches et, comme dans la salle principale, quelques sarcophages teintés en noir sur le plan). L'escalier qui mettait en communication les deux étages, et dont les parois sere aient aussi d'os suaires, se trouvait à l'une des extrémités. De l'autre côté était l'habitation réservée au gardien du monument, à côté de laquelle on voit un fourneau dont les murs étaient garnis tout autour de tuyaux de chauffage. Les figures suivantes présentent des types de coluinbaria bâtis par un entrepreneur ou par une association pour servir à la sépulture d'un grand nombre de copartageants. Le premier (fig. 1744, 17 1i), retrouvé en 184012, paraît avoir reçu des cendres depuis le règne de Tibère jusqu'à celui de Claude. Il forme un carré long dont le plus grand côté mesure 34 palmes et 1/2 (71°,50,, la plus petite 25 palmes et 1/2 (5`",65) et en hauteur 28 palmes jusqu'à l'imposte. Au-dessus, la voûte a disparu; elle venait s'appuyer, au centre de la salle, sur un fort pilier rectangulaire dont les quatre faces sont garnies comme les murs tout autour et comme celui même de l'escalier, de columbariade la forme ordinaire. A quelques places seulement on voit des édicules plus ornées. Une grande niche destinée peut-être, à l'origine, à recevoir une statue, et qui contient seulement un buste, a été ellemême creusée pour recevoir des urnes; un peu au dessus de la moitié de sa hauteur, le pilier se rétrécit et sa partie supérieure est décorée de peintures Ce monument, où le constructeur s'est surtout occupé. comme dans la plupart de ceux du même genre, de ne perdre au cune place, ne diffère pas essentiellement de celui des affranchis de Livie; l'architecture seulement en est moins somptueuse. Celui dont nous donnons ensuite le dessin (fig. 1746), destiné comme le précédent à conserver les cendres des personnes de toutes conditions qui y achetaient des places, est beaucoup plus élégant 53 ; il semble que chacun des acquéreurs, selon sa fortune et son goût, ait embelli la place qu'il avait choisie en faisant décorer une de ces édicules dont les frontons, les colonnes et les frises sont couvertde peintures, quelques-unes d'excellent style. C'est un intéressant spécimen j del'artdutempsd'Auguste. Le plan (fig. 1747) est celui d'une chapelle quadrilatérale ayant sur un de ses côtés une abside. La demi-coupole de ce côté et la voûte sont également ornées de figures peintes et de rinceaux de feuillage. L'escalier est placé sur la face opposée, tapissée de niches, qui contiennent chacune deux urnes, et semblables à celles des columbaria précédemment décrits; tandis que sur les autres murs sont appliquées les édicules dont nous avons parlé, de grandeur inégale et divisées en deux et trois étages de niches où l'on voit des urnes en nombre très variable. On y trouva aussi, lors de la découverte, des COL 1337 COL urnes de marbre en forme de coffrets sculptés, et un vase de verre contenant des cendres. Un cercueil d'argile placé sous l'escalier renfermait un squelette; un autre, caché sous les dalles, du côté droit de l'édifice, le corps magni d'ossements réduits en petits fragments. Comme dans la plupart des tombeaux, il y avait aussi dans celui-ci des lampes de terre et de bronze". Les sépultures touchaient partout les murs de Rome; fiquement paré d'une jeune fille, encore reconnaissable elles formèrent ses premiers faubourgs. Lorsque l'enceinte au moment où il revit la lumière et qui tomba en pousfut reculée, quelques-unes se trouvèrent encloses dans la sière au contact de l'air. Au milieu de l'hémicycle qui ville : ainsi les deux derniers columbaria dont il vient termine la salle, une dalle recouvre une cavité remplie i d'être question, situés à peu de distance l'un de l'autre, près de l'ancienne porta Appia (aujourd'hui San Sebastiano), à l'endroit où la voie antique de ce nom se sépare de la via Latina, étaient placés en dehors de l'agger de Servius Tullius et furent enfermés dans Rome, au m° siècle, parla muraille d'Aurélien. Là se trouvaient aussi le columbarium des esclaves et des affranchis d'une femme de la famille Marcella 55 et celui des enfants de Nero Drusus56 l'un et l'autre du temps d'Auguste et de Tibère; et, à II. peu de distance, celui d'une société formée pour assurer à ses membres la sépulture, dont les inscriptions savamment expliquées n ont puissamment contribué à éclairer ce qui se rapporte aux fondations de cette espèce. Le columbarium d'une autre société, connu sous le nom de Monumentum XXXVI sociorum58, était situé non loin delà sur la via Latina ; en dehors de l'enceinte, sur la via Appia, étaient ceux des Volusii n, des Caecilii G0, des Carvilii ai 168 COL 1338 COL des,lunii Silani " et d'autres encore. En remontant vers le nord, les fouilles, particulièrement fécondes il y a quelques années, ont fait reconnaître dans le voisinage des voies Labicana, Praenestina, Tiburtina, à peu de distance d'un columbarium déjà connu de la famille des Arruntii63, celui des Statilii, un des plus considérables de tous, datant des derniers temps de la République, et tout alentour une réunion de monuments du même genre, qui font de cette partie du mont Esquilin une véritable nécropole E4. Au nord, la famille Octavia et beaucoup d'autres avaient des columbaria près des voies IVomentana et Salaria, et dans l'espace qui sépare cette dernière de la Flaminia 65. On peut compter parmi les plus remarquables monuments de ce genre, à cause des peintures qui en décoraient les murs, ceux qu'on a trouvés au siècle dernier et plus récemment, en 1838, dans les jardins de la villa Corsini, aujourd'hui Pamfili, sur la via Aurelia 66 III. On appela aussi columbaria des ouvertures semicirculaires pratiquées dans les flancs d'un navire pour laisser passer les rames 67. Ces ouvertures ont, dans la plupart des monuments antiques où sont représentés des navires, I'apparence de trous ronds et étroits; mais la forme qui leur a valu leur nom est clairement visible dans la figure 4748, tirée d'une miniature du manuscrit de Virgile de la bibliothèque du Vatican 66 £V. Boulins ou cavités dans les murailles d'un édifice destinées à recevoir les têtes des poutres (lignorum cubilia); les Grecs les nommaient brai V. Ouvertures pratiquées sur une des faces latérales d'une roue mue à bras d'homme au moyen de laquelle on montait de l'eau ; c'est par ces ouvertures que l'eau se déversait dans une auge placée au-dessous70 [TYMPANUM). E. S.eemio. COLUM8ARIUS. I. Celui qui est préposé'à la garde d'un colombier a. II. Fabricant de jouets d'enfant (7cepta7;spo7xoioç) 2. III. Un personnage d'une comédie de Plaute adresse ce nom, comme une injure, à un esclave qu'il menace de la peine du coLUa1BAR. Nous dirions de même « gibier de potence », E. S.