Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article COMISSATIO

COMISSATIO. Chez les Romains, comme chez les Grecs [sYMPosioN], le repas [COENA] était souvent suivi, soit immédiatement, au dessert, soit un peu plus tard dans la soirée, d'un banquet où l'on ne faisait que boire, causer et se divertir. On y recevait aussi des convives qui n'avaient pas pris part au repas (comissatores) 1. Après avoir dîné chez soi ou chez quelque ami, il arrivait souvent qu'on se rendît chez une autre personne pour assister à la comissatio Il est fait mention de ces banquets dès le temps de Plaute La mode semble s'en être introduite à Rome avec les moeurs de la Grèce. C'est ce qu'indique le nom même, incontestablement dérivé du grec xô,µoç orgie ; pendant longtemps ils paraissent avoir été considérés comme peu convenables. Dans ces réunions on suivait tous les usages grecs, on s'oignait de parfums, on se couronnait de fleurs 4 ; on choisissait un président de table (magister° ou arbiter bibendi, rex 6), désigné souvent par un coup de dés 6, et qui avait les mêmes attributions que le symposiarque chez les Grecs : il réglait le choix des vins, la proportion dans laquelle ils devaient être mélangés d'eau, la quantité qu'on en devait boire et l'ordre qu'on devait suivre en le versant aux convives, etc., cela s'appelait « more graeco bibere » 8. Tandis que, pendant le repas, chacun faisait lui-même son mélange et demandait à volonté de l'eau chaude [CALIDA] ou glacée, pendant la comissatio, au contraire, le mélange était fait d'avance dans les cratères [CRATER], où on le puisait avec le CYATnus (représentant une mesure de litres 0,0456, en mesure duodécimale une uNciA), et l'on versait dans les coupes autant de cyathi que le magister en avait ordonné. C'est ce qu'on appelait, en se servant d'un mot grec, xuxOiEt'l, xuagEaAat 9. La quantité variait d'un àdix ou même à onze 16 (un deunx, qui équivaut à un demi-litre). Il y avait différentes manières de boire : ou bien on buvait à la ronde, en commençant par le convive occupant la place d'honneur (a summo 11), ou par un autre que l'on désignait 12; ou bien on appelait un des convives et, après avoir vidé la coupe, on la lui repassait pleine, en lui adressant un souhait; cela s'appelait propinare 13 scpoz6:Ety; ou bien on portait des toasts et des santés: dans ce dernier cas on versait dans la coupe autant de cyathi qu'il y avait de lettres dans le nom de la personne à qui la santé était portée (bibere nomen, bibere ad luteras ou ad numerum 1i. Les formules prononcées nous sont assez connues, tant par les poètes que par les inscriptions qu'on lit sur les vases mêmes qui servaient dans ces occasions : bene tibi ou bene te, bene nos, bene vinas, multis anuis vinas, ~e]orizç, pipe, pipe soi scie 1â, etc. Un usage, qui fut introduit dès l'époque d'Auguste par l'obséquiosité du sénat, exigeait que dans tous les banquets, tant privés que publics, on portât la santé de l'empereur 16. On n'oubliait pas non plus « notre brave armée » (pro salute exercituum). Il fallait à chaque santé vider sa coupe, et, autant que possible, d'un seul trait 17. COM -137% COM Ces réunions se prolongeaient parfois fort avant dans la nuit 18. L'institution du rex convivii put être considérée comme ayant été très salutaire à l'origine et attribuée même à la sagesse des ancêtres 19 ; mais les banquets prirent assez promptement chez les Romains le caractère d'orgies, dont la grossièreté n'était même pas tempérée comme chez les Grecs par des divertissements d'un ordre plus relevé. Le nombre était petit de ceux pour qui des conversations sérieuses faisaient l'attrait de ces réunions 20. De bonne heure on y introduisit avec le joueur de flûte, dont la présence était nécessaire pour les libations 21 des chanteuses, des chanteurs et des musiciens de toutes sortes n. Le maître de la maison, s'il se piquait de littérature, faisait lire quelques poésies2.1; parfois il faisait subir à ses convives l'audition d'une pièce de sa composition, ou des productions poétiques de ses amis 2'. Les convives avaient pour s'égayer d'autres divertissements [ACROONIA] c'étaient des comédiens 2', des mimes 26 des bouffons, des faiseurs de tours ; des femmes venaient exécuter des danses lascives n, et quelquefois on vit des gladiateurs s'entretuer devant les tables n. Les dés étaient aussi un des passe-temps ordinaires E8. Les femmes, les enfants, qui assistaient, chez les Romains, aux repas, finirent par prendre part à d'indignes plaisirs; ils virent et entendirent, dit fort bien Marquardt, « des choses dont ils auraient dû rougir : la femme défiait les hommes à boire ; les chanteuses et les bouffons étaient les propres esclaves de la maison [Moufo, CINAEDUS, SCURRA]; les enfants voyaient leurs pères dans un état d'ivresse complète et les serviteurs portaient en souriant les maîtres dans leurs lits 30. » Cu. M.