Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

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AED triciens et de leurs clients C'est probablement dans les comices, investis désormais d'une forme constitutionnelle, que continuèrent d'être nommés pour un an les tribuns et les édiles 0. La seconde rogation de Volero était relative au droit de convoquer les comices pour leur soumettre des propositions d'intérêt public''. Nous n'avons pas à insister sur ce point : notons seulement que les tribuns seuls paraissent avoir exercé à l'origine le droit de convocation de ces assemblées (jus concionis), mais il fut étendu par une loi aux édiles avec le droit d'accusation devant le peuple 12. Ceux-ci eurent la garde des archives plébéiennes, déposées dans le temple de Cérès '3. En l'an 454 av. J.-C., tous les magistrats obtinrent le droit de prononcer une amende contre ceux qui porteraient atteinte à l'obéissance et au respect à eux dus dans l'exercice de leurs fonctions (jus mulctae dictionis) t1. On fut autorisé dès lors à donner aux tribuns et aux édiles le titre de magistrats t6 qui leur manquait encore; mais il est certain que déjà le droit de convoquer les comices tribus, et celui de porter devant eux une accusation criminelle étaient reconnus aux édiles : ils avaient dès lors le jus concionis. On peut admettre aussi que le jus edicendi, c'est-à-dire le droit de régler à l'avance, par des arrêtés généraux, la solution des affaires de marché dépendant de leur juridiction, et la police des temples et places soumis à leur surveillance, furent dès lors accordés à ces magistrats. Mais il leur manquait le jus auspicii 16, pour avoir en droit le rang de magistrats du peuple romain [MAGISTRATUS]. 11 est probable qu'à partir de cette époque les fonctions des édiles tendirent à se détacher peu à peu de la sphère d'autorité des tribuns, dont ils avaient été considérés d'abord surtout comme des auxiliaires (collegae minores) '7. Souvent, en effet, on les voit chargés auparavant de mesures d'exécution, par exemple à l'égard de condamnés 1", service subalterne " y dont il est plus rarement fait mention par la suite, sous l'empire d'une législation nouvelle que nous allons exposer. Après l'expulsion des décemvirs, et avant la nomination des consuls, en 444 av. J.-C., le peuple avait, par un plébiscite spécial, maintenu le droit de PROVOCATIO, qui fut consacré de nouveau par la loi Valeria Horatia, et par un plébiscite proposé par le tribun Duilius, à l'encontre de toute magistrature 20; en outre, une loi proposée par le consul M. Horatius garantit solennellement le caractère sacré et inviolable des tribuns et des édiles P1. Les auteurs de la nouvelle loi établirent encore en règle absolue que les sénatus-consultes seraient déposés dans le temple de Cérès et confiés à la garde des édiles plébéiens, pour soustraire ces documents à l'arbitraire des consuls, qui pourraient les supprimer ou les altérer 22. Ainsi la mission des édiles ne se borna plus sous ce rapport à la conservation des archives des comices plébéiens; peut-être s'étendit-elle encore aux archives des centuries. De même, ils furent chargés par les tribuns de faire graver et exposer en public les tables d'airain où étaient inscrites les lois décemvirales ; cependant d'autres prétendent que l'initiative à cet égard appartient aux consuls 23. Lange fait remarquer avec raison 44 que les édiles devenus magistratus minores n'eurent pas une mission strictement limitée, et que leur activité s'exerçait dans des voies très-diverses, suivant l'impulsion qu'ils recevaient des tribuns ou du sénat. On peut ajouter que la même indétermination est un caractère commun à la plupart des magistratures romaines, qui se limitaient en général parleur concours plutôt qu'elles ne se renfermaient dans un cercle légal d'attributions rigoureusement déterminées. Quant à la direction imprimée par le sénat aux édiles, c'est aussi une application normale de l'auctoritas senatus qui s'explique par l'absence, l'éloignement ou la multiplicité de fonctions des autres magistrats. C'est ainsi qu'on voit le sénat confier aux édiles la mission d'empêcher l'introduction à Rome de cultes étrangers 26, celle de veiller à l'approvisionnement de la ville (cura annonae) °-a, indépendamment de la création à cet effet de praefecti annonce dans les temps difficiles. Peut-être en fut-il ainsi de la direction des jeux publics, surtout pour les jeux patriciens, qui leur furent confiés 27, avant la création des édiles curules, en 367 avant J. C. Ces fonctions habituellement indépendantes de l'office des tribuns, et subordonnées au sénat et aux consuls, amenèrent peu à peu les édiles à n'avoir plus qu'une inviolabilité théorique 29. Néanmoins, il subsista des traces marquées de l'ancienne dépendance dans laquelle l'édilité avait été placée. Ainsi les édiles plébéiens n'eurent pas à l'origine, comme les édiles curules dont il sera parlé ciaprès, les insignes des magistrats romains [111AGISTRATUS], le droit de porter la robe prétexte, ni de siéger sur une chaise curule29; ils avaient un simple subsellium (Voy. plus loin, fig. 138,139) . Leur élection se fit toujours dans les comices tribus, et sous la présidence d'un tribun de la plèbe; avant eux l'on nommait les consuls, etc. 30. Enfin, cette magistrature demeura jusqu'à la fin aux seuls plébéiens "; on en exclut aussi tout citoyen dont le père ayant rempli un office curule était encore vivant 32. Arrivés à ce point de notre matière, nous devons aborder ce qui concerne l'édilité curule, dont les fonctions furent presque identiques à celles des édiles plébéiens, et la destinée ultérieure à peu près la même. Il suffit donc de noter les points de différence entre les deux offices. II. Aediles curules. Leur création remonte à l'année 367 avant l'ère chrétienne. Tite-Live u nous en explique l'occasion et le motif. Après l'admission des plébéiens au partage du consulat, le sénat proposa de célébrer, à l'occasion de cette paix des deux ordres, les grands jeux [LEM], en y ajoutant un quatrième jour; les édiles plébéiens reculèrent devant cette charge, et les jeunes patriciens s'offrirent pour la supporter, en exerçant les fonctions d'édiles ; un sénatus-consul te décida que le dictateur demanderait au peuple la création de deux édiles patriciens. C'était une nouvelle charge curule ajoutée àlapréture, détachée en même temps du consulat; aussi, sur les plaintes des tribuns, on admit que les édiles curules seraient pris chaque année alternativement dans lés deux ordres; plus tard le choix devint libre i4. Quelles différences séparent l'office des édiles curules de l'édilité plébéienne? C'est une des questions les plus obscures de l'antiquité romaine 35. Au point de vue des honneurs extérieurs, la diversité est bien marquée. Les édiles curules, comme on l'a déjà vu, avaient les insignes d'un rang supérieur : ils portaient la robe prétexte et siégeaient sur des chaises curules 36. On les voit sur quelques mon naies assis sur les siéges à pieds recourbés auxquels on donnait ce nom: telles sont celles des édiles Furius et Plaetorius. Une monnaie du premier, avec les noms p. FOVRIYS CRASSIPLS au revers, et à la face le titre AED. cvR, est reproduite (fig. 137). Aux édiles plébéiens furent assignés, ainsi qu'aux autres magistratus minores, les siéges à pieds droits appelés subsellia, que l'on voit sur d'autres monnaies. Sur celle qui est reproduite (fig. 139), deux édiles du peuple, Fanius et Critonius, tion est indiquée à la face (AED. PL.),sont assis sur un siége à deux places ou bisetHum, qui n'est qu'une variété du subsellium. En un principe, aux édiles, même curules, que la qualité de MAGISTRATUS MINORES; ils n'avaient pas de licteurs ni d'imperium proprement dit. Leur élection avait lieu dans les comices tribus, par analogie sans doute avec ce qui se passait pour celle des questeurs, les plus anciens magistratus minores 37, et, pour les édiles curules, sous la présidence d'un magistrat revêtu de l'imperium, comme un dictateur, ou plus généralement un consul 38. L'élection des édiles avait lieu dans l'ordre hiérarchique après celle des consuls et des préteurs et avant celle des questeurs 35. Dans les comitia aedilicia, Lange note cette particularité que le partage égal de voix entre deux candidats était vidé par un tirage au sort sortitio aedilicia d0. Les édiles curules eurent, dès le principe, le jus concionis, le jus edicendi, el. le jus mulctae dictionis, déjà reconnus aux édiles plébéiens par la loi Ateria Tarpeia 41; les premiers obtinrent de plus les auspicia minora, qui ne furent accordés aux derniers que plus tard, mais antérieurement à 340 avant J. C. 4R. En outre, la direction des grandes fêtes romaines demeura réservée aux édiles curules, qui succédèrent à cet égard aux consuls Ç3, tandis que certains jeux, comme on le verra plus loin, furent attribués aux édiles plébéiens, et que d'autres restèrent communs aux deux magistratures 44. Mais la question capitale est celle de savoir si le jus edicendi appartint exclusivement, ou d'une AED 97 AED manière plus étendue, aux édiles curules. Il est certain que les jurisconsultes romains du troisième siècle après J.-C. et, d'après eux, Justinien mentionnent exclusivement les édits des édiles curules45 relativement à certaines ventes faites sur les marchés, ou à la police urbaine d8; cependant on ne peut nier que les édiles plébéiens n'aient eu une certaine juridiction, devenue à cette époque indépendante du tribunat, et relative aux mêmes objets. On peut supposer que le jus edicendi fut d'abord exercé concurremment par les deux classes d'édiles, et que ceux dont le rang était le plus élevé s'occupèrent plus spécialement de cette partie importante de leurs fonctions, qui finit par leur demeurer en partage 47, en sorte que les édits recueillis ensuite portèrent exclusivement le nom des édiles curules; ou bien que ceux-ci donnèrent seuls leur nom à l'édit rédigé en commun. Au temps de Cicéron, on voit déjà réunir en recueil les Manilianae venalium vendendorum leges du jurisconsulte Manilius, contemporain de P. Mucius 46. Du reste, les édits des édiles étaient de deux natures [EDICTUM], les uns généraux et réglementaires, publiés à leur entrée en fonctions ; les autres rendus suivant les circonstances 40 L'ensemble de ces édits revisés sous Hadrien et formant un seul corps, en même temps que les édits prétoriens, obtinrent la même autorité, et le Digeste de Justinien nous en a conservé des fragments nombreux 50. Quant à la garde des archives, on peut conjecturer qu'elle fut au moins partagée par les édiles curules, si elle ne leur fut réservée; car, au temps de Polybe 51, les archives n'étaient plus dans le temple plébéien de Cérès, mais bien au Capitole, où l'historien put voir les traités conclus par Rome avec Carthage. Pour embrasser l'ensemble des attributions communes aux édiles curules et plébéiens, vers la fin de la république, on peut prendre pour hase un passage de Cicéron 53 qui, dans son traité De legibus, se borne souvent à résumer le droit existant. Or, il dit 5a : suntoque aediles curatores (Irbis, annonae, ludoru'myue solemnium. C'est cette division que nous allons suivre. Cura Urbis. Le soin de la ville embrassait : 1° La police municipale". Les édiles réunirent à peu près tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la sécurité intérieure de la ville. Ainsi ils furent chargés de la poursuite, de la recherche et de l'arrestation des malfaiteurs, tels qu'empoisonneurs, magiciens 56, etc., de la surveillance des bains, des tavernes, des réunions et des discours publics, de la répression par châtiments corporels des esclaves et gens de bas étage 56. Les édiles avaient leur tribunal sur le Forum, et là ils appliquaient eux-mêmes une peine dans le cas de légères infractions aux règlements de police contenus dans l'édit; ils poursuivaient les faits plus graves, par accusation directe devant les comices tribus , ou les dénonçaient aux consuls 57. Leur juridiction générale sur la police des rues et marchés leur permettait plus aisément qu'aux autres magistrats de constater les délits et XVIII, 8; Dio Cass. XLIX, 43; Gell. X, 6; Suet. Tib. 34; Tacit. Ann. II, 85; 1. d'atteindre les coupables. C'est ainsi que leur office se développa aux dépens de celui des anciens QUAESTORES PARaICIDII, et subsista après la création des TBIUMVIICI CAPITALES 56. Ceux-ci remplirent en général les fonctions d'officiers de police d'un ordre inférieur, chargés en cette qualité de l'exécution des mesures de sûreté 58. L'immensité de la ville de Rome et l'étendue des fonctions des édiles nécessitèrent sans doute la création de ces magistrats, qui leur furent subordonnés, ainsi que les TRIUMVIRI NOCTURNI 60, avec leurs postes d'esclaves publics et de gardes de nuit salariés. Enfin, il y eut aussi, pour suppléer les magistrats pendant la nuit, des quinqueviri cis Tiberim, et ultra Tiberim 87. L'édilité, étant dépourvue d'IMPERIuM et des droits de vocatio et de prensio, ne pouvait avoir pour agents des v1ATORES dans le sens technique et juridique du mot 63 (sauf le cas où les édiles plébéiens agissaient en exécution d'une commission des tribuns). Cependant, plus tard on trouve mentionnés dans les textes et les inscriptions des viatores des édiles 6a; de plus, il est question d'une loi Papiria qui en aurait concédé aux édiles plébéiens. Sans doute il ne s'agit pas ici des simples messagers que la pratique avait confondus avec les viatores; une loi n'aurait pas pris le soin de statuer sur l'emploi d'agents purement officieux ; il est probable qu'avec les viatores, le jus prensionis, déjà exercé par permission des consuls, fut étendu par l'usage aux deux classes d'édiles 64 2° La police des cultes et des moeurs. Elle appartenait en principe aux censeurs ; mais les censeurs, nommés tous les cinq ans, ne restaient en fonctions que dix-huit mois; d'ailleurs, les édiles, sauf délégation spéciale du sénat, n'eurent pour mission que de réprimer les infractions commises à des lois ou règlements en vigueur u. C'est ainsi que l'introduction de divinités ou de cultes étrangers, considérée comme contraire au droit public romain fié et à l'intérêt du culte national, put être poursuivie devant les comices tribus, ou directement punie par les édiles. Les édiles étaient souvent aussi chargés des supplications [SUPPLICATIO]. Le droit d'inspection des tavernes et auberges impliqua le droit de haute surveillance sur les prosti tuées67 et sur toutes les femmes qui menaient une vie scandaleuse. On voit que plusieurs femmes de rang honorable furent poursuivies par les édiles devant les comices et condamnées à l'amende. Ils réprimaient également la bigamie [RIGAMIA] B8 et le sTUPRUD; commis avec une femme ayant la qualité de materfamilias [MATRIMONIUM] 8a, enfin la violation des lois agraires et somptuaires70 ou relatives aux jeux de hasard". 3° La salubrité, la voirie et les btîtitiments. Salubrité. Ces attributions des édiles n'étaient ni moins importantes ni moins multipliées. Ils avaient la surveillance des bains publics 72 et celle des fontaines, aqueducs et prises d'eau, avec droit d'accorder des concessions,en l'absence descenseurs". Il en était de même pour le curage et l'entretien des égouts "; ils surveillaient le personnel des AQUARII. Dans les distingue des précédents, I, p.308 ; fr. t Die. De off. praef. erg. 1, 15; Tit. Liv. Dtonys. II1, 67. 13 AED 98 AED le cas où une épidémie venait à éclater, il semble, d'après un fait indiqué par Tite-Live, qu'il appartenait aux édiles de s'enquérir des causes de mortalité pour en faire un rapport aux consuls n. Enfin on est mieux fondé à admettre leur droit d'inspection en ce qui concerne les funérailles, surtout pour faire observer les lois somptuaires 76. Voirie. La voirie en général, quelquefois l'ouverture, et en tout cas l'entretien et le nettoyage des rues et places publiques de Rome étaient soumis à la haute direction des édiles. En principe, l'AERARIUM devait supporter les frais du pavage le long des édifices publics, jusqu'au milieu de la rue, et le propriétaire du bâtiment en face l'autre moitié; ailleurs les riverains se partageaient les frais 77. Si le propriétaire ne pourvoyait pas à la construction, les locataires étaient autorisés à la faire, en lui imputant les frais sur le montant du loyer 78. En cas de négligence des propriétaires, les édiles faisaient adjuger les travaux par l'intermédiaire des questeurs urbains, et recouvrer par l'adjudicataire contre le contribuable les frais qui, en cas de recours à la voie judiciaire, montaient à moitié en sus, à titre de peine 79. Cependant il importe de remarquer que l'ouverture de voies nouvelles ou le redressement des pentes incombait en général aux consuls, tandis que les édiles n'avaient qu'à présider à l'exécution ou aux travaux courants d'entretien "0. Cependant on voit, en certains cas, les édiles établir une pente ou montée (clivas publicus) destinée à faire parvenir les voitures sur l'Aventin. Le nettoyage des rues était sous la direction des édiles. L'exercice de cette attribution se nommait viam purgare ou verrere; reficere indiquait l'exécution des réparations, et sternere l'établissement de la voie ou son entretien en la couvrant d'un lit de pierres N1. L'office des édiles consistait aussi à prohiber et à faire disparaître tout ce qui pourrait faire obstacle à la circulation dans les rues et places ; ainsi ils devaient interdire d'y pratiquer des fossés ou excavations, ou travaux quelconques; d'y déposer des cadavres d'animaux, des ordures, matériaux ou objets de nature à obstruer le passage; devant les boutiques de foulons ou de charrons, il n'était pas permis d'étendre des étoffes pour sécher, et les chars devaient être placés dans certaines limites (ut non prohibeant vehiculum ire)". L'auteur de travaux irrégulièrement faits sur la voie publique pouvait être fustigé par le passant (ab obviante), si c'était un esclave, et, si c'était un homme libre, il était dénoncé aux édiles, qui lui appliquaient une amende conformément à la loi, et faisaient disparaître les obstaclese3. En vertu du même principe, l'édit des édiles prohibait non-seulement les attroupements et les rixes sur la voie publique, mais le passage même des animaux nuisibles, s'il s'effectuait d'une manière dangereuse pour la sécurité des passants84. En outre, la 7abula Heracleensis8t, qui contient les détails les plus curieux et les plus étendus sur cette partie de l'office des édiles, nous apprend qu'il était défendu de conduire des chariots dans la ville à certaines heures, et sauf des exceptions déterminées. Bhtiments. Les édiles, d'après le témoignage de Varron, avaient la surveillance des temples (procuratio aedium sacrarum) et des bâtiments publics et privés86. En principe, nous croyons 87 que la construction et les travaux d'amélioration des édifices publics appartenaient aux censeurs, et, à leur défaut, à des officiers spéciaux (quinqueviri muris turribusaue reficiendis, et triumviri Bani reficiendis aedibus) 88 ; mais les édiles veillaient à la conservation des bâtiments dans leur intégrité; ils les préservaient de toute usurpation ou dégradation; enfin, ils en réglementaient l'usage public89, et informaient les censeurs ou les consuls de la nécessité d'exécuter des réparations. Cependant on les voit quelquefois consacrer le produit des amendes de leur juridiction à des embellissements ou à la création de constructions nouvelles 90, sans doute en vertu d'une autorisation supérieure, et Papinien indique comme appartenant à leur office l'établissement des ponts 91. Relativement aux édifices privés, le droit d'inspection des édiles leur permettait de prohiber toute entreprise sur la voie publique, toute saillie ou projection 92; d'ordonner la réparation ou la démolition des maisons menaçant ruine, sous peine d'amende 98, sans préjudice du droit pour les voisins de demander la cautio damni infecti [DAMIVUM 1NFECTUM] 94. Les édiles avaient sans doute également le droit de déterminer l'alignement des nouvelles constructions le long des voies publiques; enfin ils devaient prévenir les incendies, ou pourvoir à leur extinction, avec l'aide des quinqueviri, des triumviri nocturni" et des staliones vigneau. Les quatre édiles formaient un collége, où les curules portaient le titre de majores, et les plébéiens celui de minores collegae 96, bien qu'en général leurs attributions fussent identiques ; aussi entraient-ils tous en fonctions e7 pour un an, comme les consuls, aux calendes de janvier 96, quoique nommés à des époques différentes. Il paraît cependant que, vers la fin de la république, ils furent élus en même temps; car la loi Julia municipalis leur prescrit de s'entendre, dans les cinq jours de leur entrée en fonctions ou de leur désignation 99, sur la répartition entre eux des quartiers de la ville, ou sinon de procéder à un tirage au sort too On divisait le cercle formé par le territoire de Rome, et un rayon de mille pas autour, en quatre circonscriptions ayant sans doute pour base les quatre quartiers autrefois distingués par le roi Servius Tullius, mais agrandis par l'accroissement des rues ou habitations continues; c'est ainsi que plus tard Auguste divisa la cité en quatorze quartiers ta Mais, à l'époque dont nous parlons, chaque édile avait sous sa direction spéciale la police et la voirie d'un de ces quatre arrondissements1t1. Pour exécuter leurs ordres, on mettait à leur disposition un nombreux personnel 1°M : indépendamment des triumviri capitales, des quinqueviri, des triumviri nocturni et des stations vigilum, déjà nommés, les AED 99 AED édiles avaient sous leurs ordres des quatuorviri in urbe et des duumvir extra urbem vus purgandis, officiers chargés spécialement du soin de la voirie 104; un certain nombre de scribes empruntés au collége des scribes [sCRIBAE] 10' et des hérauts [PRAECONES].Plus tard, ils eurent sans doute aussi pour auxiliaires les naagistri vicorum ou VICOMAGISTBI 108. Les scribes et les hérauts des édiles curules tenaient leur bureau dans la Schola Xantka, près du Forum, et fournissaient le personnel attaché au tribunal édilitien f07. Il y avait en outre des APPARrro EES, des LIBBAEII ou commis écrivains, des VIATORES 103 ou huissiers; enfin, un grand nombre d'esclaves publics 109 De plus, les édiles louaient publiquement des travaux à des entrepreneurs ou redemptores (per quaestorem urbanum in folio, eu nive qui aerario proeerit). Les frais étaient supportés par deux caisses spéciales, remplies par une partie du produit des amendes (pecunia multaticia)1f0, et affectées séparément aux dépenses des édiles curules et à celles des édiles plébéiens. Cura annonae. Dès une époque reculée, les édiles furent investis de la cura annonae, et eurent à ce titre la mission de faire amener des blés à Rome dans les temps de cherté 111 de les distribuer à bas prix et de prendre des mesures prétendues salutaires contre les spéculateurs qu'ils frappaient d'amendes pour accaparement 112. Parfois ils distribuaient même du pain aux indigents devant le temple de Cérès". Les édiles curules surtout paraissent s'être occupés du transport des blés des provinces à Rome 111 ; quelquefois ils faisaient, à leurs dépens, des distributions d'huile 115 Cependant on voit dans des cas d'extrême disette nommer un officier spécial [PEAEFECTUS ANNONAE]. La police des marchés est aussi une des plus anciennes attributions des édiles ; elle consistait non-seulement à prohiber, mais encore à réprimer la mise en vente des denrées gâtées ou nuisibles 116qui devaient être détruites ; quelquefois même les édiles faisaient frapper de verges les marchands d'utensilia, ou denrées nécessaires. En outre, ils réglaient par leur édit différentes clauses de la vente des esclaves et des bêtes de somme 117, et avaient dans leur juridiction les procès relatifs à ces marchés. La régularité des poids et mesures était placée sous leur inspection 118 ; ils pouvaient faire briser ceux qui étaient faux 119 Le commerce du capital monnayé [FEMIS], qui demeura d'abord entre les mains des patriciens, passa ensuite aux riches chevaliers, et spécialement aux ARGENTARII, qui avaient des comptoirs [MENSAE] sur le Forum. Les lois prohibitives ou restrictives de l'intérêt (usera) furent en général appliquées par les édiles, et particulièrement par les édiles curules. On voit ces magistrats fréquemment mentionnés comme ayant fait poursuivre et condamner à l'amende les usuriers 120 Les édiles s'occupaient aussi de pourvoir à l'exécution des lois sur l'AGER PUBLICUS et les pâturages publics (pascua publica)121; sans être sans doute limités par leur compétence territoriale, ils poursuivaient les détenteurs de fonds dépassant les limites fixées par la loi Licinia, et les fermiers des pâturages qui y plaçaient un nombre de têtes de bétail supérieur au chiffre déterminé par la CENSORIA LOCAT1O. Ce droit de poursuite paraît n'avoir été sans doute qu'une conséquence du jus mulctae attaché à leur magistrature, et des devoirs de surveillance générale qu'elle impliquait. Cura ludorum solemnium. Ce qui donnait le plus d'éclat et d'importance politique à l'édilité, c'était la mission éminemment populaire qui leur incombait de présider aux jeux et aux fêtes publiques 122 Peut-être, à l'origine, les édiles ne furent-ils chargés que de l'ordonnance et de la surveillance des fêtes ; ensuite ils en eurent la direction. Dès l'an 313 avant J.-C., on les voit présider à l'ornementation du Forum et des rues où doit passer le cortége d'un triomphateur 1E3, ce qui fut ensuite d'usage pour toutes les solennités 124. Le partage de la direction des fêtes entre les deux classes d'édiles paraît avoir été opéré dès le principe par le sénat et les consuls, de manière à réserver aux édiles curules la part la plus importante. On sait du moins que ces derniers étaient chargés des jeux appelés ludi romani et ludi Megalenses. Au contraire, les ludi plebeii demeurèrent confiés aux édiles plébéiens [LuDI] 125. La dépense fournie primitivement par le trésor public ne dépassait pas 500,000 as Ses L'insuffisance de cette somme conduisit, comme on l'a dit, à imposer aux provinces des contributions qui durent être limitées par un sénatus-consulte 127 Les édiles comblaient le déficit au moyen des caisses des amendes, ou, ce qui devint la coutume à partir de l'an 213 av. J.-C., à leurs propres frais128. Dès lors les riches, et spécialement les patriciens ou les chevaliers, durent avoir le monopole de l'édilité qui était le marchepied des honneurs129; on se ruinait comme édile, afin d'obtenir ensuite l'administration des provinces comme préteur ou consul, moyen habituel de refaire sa fortune pour acheter de nouveaux suffrages. Ce ne fut pas là une des moindres causes de la chute de la république. Les édiles organisaient aussi l'ordre, les décorations et les costumes des jeux scéniques et des cortéges publics, enfin la pompa circensis130 [ciacus] et la disposition du local; ils étaient chargés du maintien de l'ordre pendant les représentations, et avaient droit de correction sur les acteurs 131. Cependant on voit les ludi romani présidés par un magistrat supérieur, tel qu'un consul, le préteur urbain, ou un dictateur, en un mot, le plus élevé des magistrats présents 132; l'édile n'en demeurait pas moins chargé de la direction et des frais. La surveillance des édiles s'étendait au delà du cercle de la banlieue sur les cérémonies des féries latines [FERTAE LATINAE] 133 ; elle s'appliquait même aux jeux funèbres (ludi funebres) institués par des particuliers, notamment quant à la détermination de leur emplacement 134. III. Aediles cereales. Deux nouveaux édiles, chargés spécialement de l'approvisionnement des céréales, furent institués par Jules César, en 44 avant J.-C., sous le nom AED 100 AED d'aediles cereales ou ceriales'35. Ces magistrats choisis parmi les plébéiens durent aussi diriger les ludi cereales. Ils subsistèrent jusqu'au troisième siècle de notre.ère. IV. De l'édilité sous l'empire1 6. Le nombre et la classification des édiles ne varia plus à partir de Jules César ; mais leur importance s'amoindrit peu à peu sous l'empire, jusqu'au moment où l'édilité elle-même disparut complétement. La réorganisation administrative accomplie par Auguste eut pour résultat de restreindre les attributions des édiles. En effet, il enleva leur juridiction aux édiles curules, pour la réunir de nouveau à celle du préteur 13 en leur laissant toutefois la mulctae dictio, qui fut encore restreinte sous Néron 73'. Le sénat fixa pour les gages et les amendes la somme qui ne pourrait être dépassée par eux, avec distinction pour chacune des anciennes classes d'édiles. Leur droit d'accusation disparut avec les pouvoirs judiciaires des comices. Ils conservèrent jusqu'à Alexandre Sévère la cura urbis après la division de la ville en quatorze régions, mais en partage aven les consuls et les tribuns 139. Chaque région se subdivisait en vici, dont chacun avait des chefs élus nommés magistri''0. Néanmoins, les édiles gardèrent la surveillance spéciale des marchés, celle des comestibles et des poids et mesures''' ; mais ils perdirent, dès le temps d'Auguste, la surveillance des incendies, qui fut confiée à un magistrat nouveau, le pRAEFECTUS VI61LUM, avec sept cohortes de gardes (le nuit142. De mémo la cura annonce fut transmise à un pnnrFECTUS ANNONCE 7d3. Au contraire, le soin de la voirie urbaine'''', la surveillance des lieux publics comme les bains, les tavernes 155 ; celle des jeux de hasard et des maisons de prostitution"; enfin l'exécution des lois somptuaires l'7 continuèrent à faire partie des attributions des édiles. Mais la cura lwlorurn avait passé depuis longtemps aux préteurs 1u, bien qu'on rencontre encore la mention de jeux offerts volontairement par des édiles149 Lorsque l'édilité fut exempte de la charge des jeux, et aussi des avantages qu'on en tirait, on cessa de la rechercher; les empereurs se virent obligée d'imposer ces fonctions aux anciens questeurs ou tribuns 1'n; dès lors l'édilité s'effaça peu à peu, surtout depuis l'ordonnance de Sévère relative aux quaestores candidate [QUAESTOR] 15' Cependant on trouve encore dans une inscription du règne de Gordien III, c'est-à-dire entre l'année 238 et l'année 244 de notre ère, la mention des aediles cereales 112; les édiles sont aussi mentionnés dans le Digeste, mais par relation à leur édit, considéré comme faisant partie du droit honoraire"