Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

CONFUSIO

COAFCSR Cette expression et celle de commixtio désignent les mélanges des matières, et sont a peu près indifféremment employées par les jurisconsultes romains; mais les commentateurs modernes y ont introduit une distinction : à leurs yeux confusio signifie un mélange de choses liquides et commixtio un mélange de choses solides, en rattachant ces cas à leur théorie de l'accession. La question juridique, qui naît à propos du mélange, est celle de savoir à qui il appartiendra lorsque les matières mélangées avaient des maîtres différents. Pas de difficulté lorsque le mélange a eu lieu par la volonté des deux parties ; la masse est commune entre elles 1. Mais en cas de contestation, les jurisconsultes décident que si chaque matière peut, être isolee de nouveau, elle appartiendra à son ancien propriétaire ; si elle ne hi peut, soit qu'elle ait changé de nature par le mélange, soit simplement qu'on ne puisse plus la distinguer, il y aura lieu à l'action Oon;v1CNI DIVIDUNDO pour partager entre les divers propriétaires, au prorata de chacun. Si les choses demeurent distinctes, mais non reconnaissables comme les groins de deux tas de hie mélangés, il n'y a pas à proprement parler communauté-, mais le pruprielaire ne détient pas a l'action en revendication de la quantité. qui lui appartient, sauf 1 c giement à intervenir dans l'ai bilri',w du judex, à raison de la différence des qualités 2. Sur un autre sens de confusio voy. SERVITUTES. F. B n'osa. CO`iGIAR1IJM. Ce mot était quelquefois employé pour designer un vase de la capacité d'un coNCICS. Il a ce sens fans un texte légal concernant les mesures en usage dans les cabarets 1. Il est rarement usité avec cette acception. Plus fréquemment il signifie largesse faite au peuple. Dans ce cas, aussi bien que dans le précédent, il dérive du mot congius. A l'origine, en effet, cette largesse consistait en un congius d'huile ou de vin, distribué au peuple; de là ce texte de Quintilien : « congiarium commune liberalitatis atque mensurae 2 », Dans la suite l'usage dégénéra; le congius cessa d'être la mesure habituelle de ce genre de libéralité; la ration d'huile ou de vin fut remplacée par d'autres denrées, ou par de l'argent; mais, comme il arrive souvent, la dénomination primitive survécut au fait qui lui avait donné naissance. 1. Sous la république. Cette institution et le mot qui la désigne sont antérieurs à l'empire. Le congiarium paraît avoir été, à l'origine, un supplément aux distributions officielles. P. Cornelius Scipio (celui qui plus tard eut pour surnom hfricanus) et son collègue M. Cornelius Cethegus, élus à l'édilité, distrihuerentau peuple des congii d'huile'. M'. Ami lius Glabrio, candidat à la censure et rival de Caton, élail en possession de la faveur populaire, à cause des nombreux coiagiaria qu'il avait distribués 4, A son retour d'Asie, Lucullus fit distribuer au peuple, cc in congiarium n, plus de cent mille barils de vin'. Cicéron reproche à Antoine de s'être attaché « muneribus, monumentis, congiariis, epulis, mullitudinem imperitam'. » On distribuait aussi du sel au peuple : Pline, ap pliquant à des époques reculées le langage usité de son temps, dit que le roi Ancus Mareius fit distribuer au peuple six mille boisseaux de sel « in congiario » Avec le blé régulièrement distribué, le vin, l'huile, le sel, constituaient les aliments essentiels à la vie. Les riches citoyens de la République, soit pour se concilier la faveur du peuple, soit pour se montrer reconnaissants d'une élection, lui faisaient aussi un autre genre de largesses, les repas publics [EPULaE]. 11, Sous l'empire.Les largesses impériales étaient désignées sous le nom général de LeCRGrrlO ou liberalitas 8. Mais ces largesses étaient de plusieurs sortes: la largitio frumenti ou fruoientaria, le donativum et le çongiarium, Le DoNAT1vUA1 était une libéralité faite aux soldats ; le congiarium était distribué au peuple. La différence est nettement marquée dans plusieurs textes: additum donativum militi, ongiarium plein 9. Bien avant l'époque impériale, la nature du eongiaiium avait changé. Le copains, mesure pour les liquides, n'entrait plus pour rien ni dans l'espèce ni dans la quantité des choses distribuées. De bonne heure on donna de l'argent f2; à l'huile, au vin et au sel, s'ajoutèrent plus tard de la viande t1, des vêtements "2. Il fut aussi distribué des mets recherchés ", des esclaves 54, des chevaux 13, des chars "0, des perles", des vaisseaux78, des maisons49, et même des CON 1 443 CON terres 20. Toutefois il faut se garder de généraliser ces derniers exemples ; ce sont des faits isolés dus à. des caprices et à une folle prodigalité 21, Les congiaria de l'époque impériale nous sont connus 3° par les monnaies, 2° par des textes anciens dont le principal est la liste du Chronographe de l'an 354, 3° par un petit nombre de monuments épigraphiques. Io Ces largesses ne commencèrent à être mentionnées sur les monnaies que sous le règne de Néron. Elles y sont indiquées par les mots congiarium ou liberalitas, accompagnés souvent d'un chiffre indiquant si cette distribution est la première, la seconde, la troisième, etc. Nous avons un congiarium VIlII d'Antonin 22 et une liberalitas VIIlI de Caracalla 23. Après Septime Sévère on ne retrouve plus le mot congiarium sur les monnaies; il est, à cette époque, entièrement remplacé par le mot liberalitas qui sert aussi à désigner les donatiua et la liberalitas Augusti divinisée. Les monnaies d'Hadrien nous offrent les premiers exemples du mot liberalitas 24; les derniers connus retrouvent sur des monnaies de Claude le Gothique2'etdeQuintillus, son frère 26. 2° Tacite, Dion, les auteurs de l'Histoire Auguste, Ilérodien, etc., mentionnent des congiaria dont nous aurons, un peu plus bas, l'occasion de citer quelques uns. Le Chronographe de l'an 354, dans sa liste intitulée Imperia Caesarum, énumère les congiaria de chaque règne; sa nomenclature s'arrête à celui de Constantin et de Maxi mien u. Le dernier texte où il soit fait mention d'un congiarium est le passage des Fastes attribués à Matins concernant le triomphe de Théodose sur Maxime et son entrée à Rome avec son fils Honorius le 13 juin 38925, 3° L'épigraphie, si l'on excepte le monument d'Ancyre quelques fragments des Fastes'' et quelques inscriptions, ne fournit guère de renseignements sur le congiarium. Les revers d'un certain nombre de monnaies représentent la distribution d'un congiarium; ils offrent tous le mémo type avec quelques variantes [fig. 1894, 1895, 18961 . L'empereur siège sur une estrade (suggestifs); c'est tantôt lui-même, tantôt un homme en toge, assis, qui fait devant lui la distribution. Un homme gravit les degrés de l'estrade ou se tient debout au pied, ouvrant le pli de sa toge, la Libéralité, uBERA souvent figurée à côté du distributeur tenant une tessère ou une corne d'abondance; d'autres fois Minerve est présente sur l'estrade 1'. Sur un bas-relief de l'arc de Constantin, à Rome, l'empereur est repré senté distribuant un congiarium (fig. 1897); la scène se rapproche beaucoup de celles qui sont figurées surlesmonnai L'empereur distribuait de l'argent, des dons en nature, et, plus souvent, des bons [TESSERAE], en échange desquels le porteur recevait dans des bureaux spéciaux la somme, les vivres ou les objets auxquels il avait droit 32. Lorsque ces bons, au lieu d'être distribués individuellement, étaient lancés au hasard dans la foule, on les nommait MIssILIA 33 Ils devenaient souvent l'occasion d'un véritable trafic ara Dans quelles circonstances les empereurs distribuaient-ils le congiarium? il n'y avait pas de règle officiellement déterminée, mais il s'était établi des usages et des traditions. Quelques exemples nous renseigneront sur ce point A leur avènement, les empereurs Nerva i5, Trajan 't, Pertinax, qui vendit pour s'acquitter de ce devoir tous les objets précieux qu'avait possédés Commode 37, Septime Sévère 38, Elagabale 30, etc., gratifièrent le peuple d'un congiarium. Cesais ", Tibère 41, Trajan L2, Septime Sévère", Sévère Alexandre'", distribuèrent des congiaria à. l'occasion d'une victoire ou d'un triomphe. Une libéralité semblable fut faite au peuple, quand Néron 45 et Drusus 43, fils de CON 1444 CON Germanicus, Caligula 47, Néron 48, Commode 4fl, prirent la toge virile ; quand Antonin °0 et IElius Verus S1 furent adoptés ; quand Néron °2, Commode les fils de Septime Sévère ", furent élevés au consulat; quand Commode et Géta 56 furent associés à l'empire ; quand Commode se maria 57; quand Septime Sévère célébra le dixième anniversaire de son avènement °B. Quelquefois aussi les empereurs distribuaient des congiaria sans y être déterminés par un fait immédiat ; Auguste en donna un pour honoror la mémoire d'Agrippa °3, et l'empereur Tacite en donna de six en six mois 80. Ce n'est pas ici le lieu de dresser une liste de tous les congiaria; il est d'ailleurs facile de réunir les éléments de ce travail, qui a déjà été fait en partie 'On s'est demandé bien souvent quels étaient les citoyens admis à participer au congiarium. Marquardt pense, avec raison ce semble, que c'étaient les mêmes qui participaient aux distributions du blé ; c'est ce qui distingue le congiarium des missilia et des autres largesses faites à la foule indistinctement et sans choix. Toutefois l'empereur, dans certaines circonstances, étendait sa libéralité à un plus grand nombre C3. En effet, Auguste, dans ses distributions, n'oublia pas les jeunes enfants, malgré l'usage contraire 63. Sur la monnaie où est figuré le premier congiarium de Néron 64, et sur une monnaie analogue de Commode ", l'homme qui monte les gradins pour recevoir sa tessère est accompagné d'un enfant. Pline loue Trajan d'admettre les jeunes enfants à ses distributions d'argent 6G. On a trouvé à Rome l'épitaphe d'un enfant de six ans qui avait reçu un congiarium denariorum centum Les congiaria étaient pour le fisc une lourde charge. A l'aide des indications fournies par la liste du Chronographe, Marquardt a établi approximativementle chiffre des sommes employées à cet usage: pendant les 100 années qui s'écoulèrent entre l'année '16 av. J.-C. et la mort de Claude, la dépense monte à 216,950,000 deniers, c'est-à-dire, pour chaque année, à une moyenne de 2,169,500 deniers (3,250,000 francs) ; de Néron à Septime Sévère, c'est-à-dire pendant une période de 156 ans, on dépensa 1,269,500,000 deniers; en moyenne chaque année 8 millions de deniers (7,500,000), et cette somme fut encore dépassée dans la suite68. Nous avons dit que le mot congiarium désignait une largesse faite au peuple : quelquefois cependant, mais par exception, il usurpe le sens du mot donativum. Trois légions, dit Cicéron, «congiarium ab Antonio accipere noluerant 89 ». Nous trouvons encore congiarium ainsi employé dans l'alto cution d'Hadrien à l'armée d'Afrique,document officiel cependant, et qui fut gravé dans le camp de Lambèse par les soldats : «congiat' [i(i) n (omise) sestertium] Vm(illia) accipite70». Enfin, par extension, on appela congiarium des dons faits à des particuliers ; ce fut pour Fabius Maximus l'occasion d'un jeu de mots: trouvant trop mesquins les présents qu'Auguste faisait à ses amis, et ce ne sont pas des « congiaria, dit-il, mais des heminaria 71 ». H. TIII?,DENAT.