Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

COQUUS

COQUUS ou COCUS. Grèce. En grec, le mot propre pour désigner les fonctions de cuisinier est µxyatpoc ; d'autres termes sont employés pour désigner différentes nuances du même métier : é o7COtéc', ôtIl«p'ru'tr,ç2, celui qui fait la cuisine ordinaire à bon marché; Éaé«rpoç3, sorte de maître d'hôtel qui convie à table les invités d'un roi ou d'un grand ; .iiEo;oapyéç 4, celui qui fait des gâteaux et des plats doux; xupvxoaotéc 6 N.«, fç 6, les cuisiniers employés dans certains temples, etc. Les lexicographes anciens font dériver le mot a yetpoç de auyfç, g.eu, galette de farine, ou bien de µâaata, µ7 '7a,, pétrir 7. En effet, à l'origine, la fabrication du pain [PISTON] était l'acte principal de la cuisine, et les attributions de cuisinier comprenaient indistinctement tout ce qui se rapporte à l'alimentation. Au temps d'Homère, ce sont les femmes esclaves qui sont occupées à moudre le blé dans l'intérieur de la maison', et sans doute à préparer tous les accessoires du repas ; on ne voit pas que les fonctions de cuisinier soient attribuées à un serviteur en particulier. Bien plus, il est d'usage que les hommes libres, même les héros et les rois, se chargent d'immoler les animaux destinés aux repas et, avec l'aide de quelques serviteurs, procèdent eux-mêmes au dépeçage et à la cuisson des viandes. Le dîner offert par Achille dans sa tente aux envoyés des Grecs les repas chez Ménélasi0, chez Nestor", la réception d'Ulysse par le porcher Eumène f2, sont des exemples typiques de cet usage qui de 1 vait être de règle pour tous les jours. Toutefois, on peut croire que l'intervention directe du chef de la maison est due, dans la plupart de ces cas, au désir d'honorer un hôte; il est probable que, dans la vie ordinaire, le soin de ces apprêts était laissé à de jeunes compagnons d'armes (xelpot) ou bien à des écuyers tranchants (Sut,;pof), dont le rôle a déjà été expliqué plus haut [COENA, fig. 1.690]. De toute façon, dans la vie homérique, ces fonctions n'ont aucun caractère servile, comme on l'a fort justement observé". Les apprêts d'un repas sont en même temps ceux d'un sacrifice aux dieux; il s'y môle toujours une pensée religieuse qui leur enlève toute vulgarité. Cette simplicité de la vie héroïque servit plus tard aux cuisiniers à se targuer de noblesse et à compter parmi leurs ancêtres des personnages illustres comme Cadmos" et Coroebos 15. En réalité, cela prouve seulement que la cuisine devint assez tard en Grèce un métier et que pendant longtemps on se contenta du repas le plus simple, préparé dans l'intérieur de la maison par les soins des maîtres eux-mêmes. Hérodote donne k entendre que de son temps les Grecs ignoraient encore l'usage des horsd'oeuvre et des plats nombreux et compliqués, que goûtaient déjà les Orientaux 16, et Athénée dit que jusqu'au temps d'Alexandre Athènes même fut renommée pour la frugalité et la simplicité de la nourriture ". Nous pouvons croire cependant qu'avant cette époque les Athéniens avaient introduit chez eux un certain luxe de table qui comportait un personnel assez nombreux. Dès le milieu du ve siècle, il est question des µâyetpot, chargés spécialement d'apprêter les repas; dans une comédie de Cratinos, un des rivaux d'Aristophane, on voit apparaître le personnage du cuisinier qui vante son art et dit qu'il n'est pas donné à tout le monde de savoir assaisonner un poisson18; chez Aristophane, la servante de Proserpine annonce à Xanthias, qu'elle prend pour Hercule, le menu que sa maîtresse a fait préparer pour lui : deux marmites de pois cassés, un boeuf entier, des gâteaux et des galettes, des volailles bouillies, des croquettes frites et du vin délicieux ; on n'attend plus que lui, car le cuisinier allait retirer les poissons du feu et l'on dressait la table". Faut-il aussi croire, d'après Athénée 20, que tous les cuisiniers jusqu'aux premiers Macédoniens aient été des hommes libres et que dans aucun auteur comique, sauf dans Posidippe, on ne trouve un cuisinier esclave ? Il nous paraît probable, au contraire, que l'art culinaire dut être beaucoup plus tôt abandonné à des serviteurs subalternes. Ne voyons-nous pas, par de nombreux fragments de la comédie nouvelle, que le type de l'esclave cuisinier, fripon et hâbleur, devient dès le commencement du ive siècle un type très commun sur la scène grecque? Leurs noms mêmes désignent des esclaves : EGpoc, K«pfwv, .40'tXt s, DuCS«?,oç 23 ; ce sont des surnoms qui désignent leur pays d'origine ou leur caractère de voracité et de fourberie. On les fait venir souvent de l'étranger, de Byzance, de Sicile, etc." ; dans une comédie de Posi t'OQ -1cS00 a. 1935 cuisinier dii formellement qu'il a fie acheté c. ,._ Jr vile condition, les cuisiniers d'.Àthènes pris dans la ville une plate assez coneidé si l'on en juge par les railleries dont les poètes nt leurs prétentions. Ce sont des artistes en leur ter. ; leur apprentissage dure deux e as sous la diree l'un d'un cuisinier en réputation „ .. at ce temps, ils portent le tablier (-xspl(aet .) de 1 si ie .i ". Souvent rnérne, on les prend tout enfants pour 1..; inti uire'°..'r"üsitlippe noll représente urge scène où le cuisinierhet, réunissant ses disciples, leur fait un cours burlesque sur les qualités qu'ils doivent acquérir : la lui'ten_erie, l'audace, le parler haut=s. Un. autre raconte ses débuts sous les ordres du fameux cuisinier Sidon, le maître de l'art (r i ,Yô; ers 'ta/pers), qui lui apprenait toutes les sciences pour e rendre digne de ses hautes fonctions ; l'observa des astres et du cours des saisons, parce que les aitments changent de qualité suivant l'époque; l'architecture, pour avoir une cuisine et une cheminée en bon état, où la fumée ne vient pas gâter les mets ; la stratégie, pour ranger tout en bon ordre et servir à point, chaque plat, etc. 27. Meme plaisanterie dans un autre fr,a«ment, de hico;i tue : l'art de la cuisine est une ve-te synthèse 1 tt _es sciences qui réunit Fana ,. la médecine, ieru,ie la géométrie°$. En somme, la , uni_ Lion philosophique du cuisinier est « une intelligence en. moins d'imagination qu'à un poète ". Suiv'ant un autre, la civilisation humaine a n, ,relié suivant les progrès de la cuisine; carles boulines ont, C :un; tn par s'entredévorer; puis ils ont trouvé leur alun n iss la c. air d animaux, enfin ils ont appris a l'i, '-eisonner; etc. ; c'est ainsi que leurs moccurs se sont polies à mesure q u e e leur cuisine devenait meilleure sh La comparaison du cuisinier avec un général en chef revient en plieietii endoit. "; ermerni, c'est la bande des convives fi fi", qui i e l at depuis q'noie jours du dîner annonce, et 1 faut s'irsf rue la goixl, andis " . 1'sur un métier st difficile. 1" i cuisinier n'a pas seulement l leçons de se m, C i i met entre iea mains des liures qui contiennent 1 de son art )rrl rapt GJ"0 ex11151111 (n' 'ff11 t,_Crx xai ) 3i et 'il est , e, il plissera sen nuits a les étudies' traités stem nombreux ; on compte ceux de Sophron, de 'lu tiuès de Claio, de Tyndarichos de Sicytone, ~yrhies 3' c'est 1a IhiA cxaikia u.aiystetxri de Parmenion d. ., ', etc. Enfin, de temps à autre, le disciple subit et repond an. ;ï.i' -hune ,le son icilitre suri nu'.er les mets". Ce n'est qu'après ces long li ét qu'il peut aspirer à devenir un de ces artistes fila . ont on cite les noms et qu'un seul plat a suffi à rendre bres `;ei,t de,iiic eux. sont comparés aux sept sages ,. Agide Rhodes n'a pop son pareil pour cuire a p,cien. Néreus de CI '. i -iur 's s:. r onncr un u„ s es, t'es. At.. „uin pour la. ~e de Euthunos; quant à Lamprias, il a une recette unie que pour le ragolF noir, Enfin, celui qui parle s'adjuge complaisamment la septième place pour une recette que n'avaient pas trouvée les autres ; l'art de voler (AApov Tà s)5énrety) 3b, Au milieu de ces bouffonneries on rencontre parfois un conseil pratique : avant tout, applique-toi à connaître le goût des convives h0 Sous ces formes plaisantes ou sérieuses, on sent le haut sentiment que les cuisiniers grecs avaient de leur inmportance..A Sybaris, une loi spéciale accordait au cuisinier qui inventait un plat nouveau le privilège exclusif de le préparer et de le vendre aux consommateurs ". A Athènes, ils règnent en maîtres sur les autres serviteurs de la maison; nn proverbe disait , « Quand le cuisinier fait une faute, c'est le joueur de fl_11te qui recuit les coups A2. » Ils ont sus leurs ordres une troupe de subalternes qui leur obéissent ponctuellement et qui font le gros outirage : c'est l'poaotos qui hache les condiments, allume et souffle le feu." : dans un groupe en marbre du musée de Naples, on voit un jeune serviteur remplir cet office e côte du cuisinier qui s'ap prête à. faire cuire une truie, peut-être pour un sacrifice (fit, 19351; c'est le ':paie Anse'; qui arrange la table, lave la vaisselle, remplit Ic:s coupes"; c'est le téxcs,1 ché "5, etc. .Dans un dîner d'apparat on ne compte pas andins de douze cuisiniers employés aux préparatifs du festin °6. Ajoutons cependant que les maisons bourgeoises ne comportaient pas pour tous les jours un train aussi. luxueux. On avait des facilités pour se procurer, quand oit en avait besoin, un plus grand nombre de cuisiniers. ii y avait à Athènes, sur l'Agora, un endroit spécial, appelé ixxtE E a, où se tenaient des cuisiniers de louage avec tous leurs ustensiles et leurs aides ". Les mêmes détails sent ratp riss r un auteur latin, Plaute, qui traduit des pièces et qui, par conséquent, décrit en général les m s d'Athènes plus que celles de Rome; dans sa Cet. t . e d'une comédie de Diphiios, un cuisinier loué r r rue noce s'installe avec toute sa troupe dans la maison et y commet de gaspillages sans nombre ", de meure dans le Pseudolus''9. Aussi voyons-nous qu'on prenait e l'égard de ces cuisiniers quelques messires de surveillance et qu'avant de se mettre en location, ils devaient donner leur nom aux magistrats GxNAE_tos:oror 0; en cas de déprédation, on pouvait alors exercer contre eux des poursuites. En somme, hi luxe en ce genre paraît avoir été poussé à. sthènes, dès le Ive siècle, aussi loin qu'il le fut à Rome. Le menu du repas resta saris doute moins extraordinaire et moins compliqué en Grèce; niais le nombre et l'importance des cuisiniers n'y fut pas moindre. Athénée raconte que le eur',inïer de Ue'n i trius de Phalère, nommé Noscliion, s'enrichit à tel point avec les restes de la table e id. p. 521. -82 t i. IX. p 381. 41 Id. IX, p. 405. La fin 1Pl' es'e faite COQ -150W COQ de son maître, qu'en deux ans il put acheter trois grandes maisons, et que dans la ville beaucoup de familles haut placées eurent à souffrir de ses déportements et de ces insolences 51. Xénophon s'indignait déjà des raffinements (r.tiv xvr',p.xsa, aoa(alrxex) qu'on avait introduits dans la cuisine de son temps, et Platon n'hésitait pas à chasser les cuisiniers de sa République °2. Nous venons de voir, en effet, par de nombreux fragments, la place importante qu'ils occupent dans la société athénienne de cette époque. Le cuisinier est un des types caractéristiques de la comédie nouvelle 53. et les Latins n'ont fait que. le transporter sur leur scène, ou nous le retrouvons sous les traits amusants de Gongrio, d'Anthrax, de Gario, de Cylindrus". C'est la même figure d'esclave, hâbleur, voleur, nirmand, beau parleur", Sur la, scène grecque, ii se présentait, parait-il, sous deux aspects et sans doute sous deux masques diffé rents : le premier masque, appelé t aL55)V, peut-être du nom d'un acteur itiégarien qui l'avait inventé ", représentait le cuisinier indigène, le cuisinier d'Athè nes i l'autre, appelé eÉLaiSs était le cui sinier étranger, venu de Sicile ou d'ail leurs °7. Leur costume devait se compo ser de la courte tunique (,' Tèiv oo )1x53) que portaient les serviteurs et les es claves, avec la ceinture autour la 'e (Itaç(.,oiux) comme signe disti i' ques terres cuites grecque si piquantes dans leur fariih iie peuvent en donner une idée (fig. 1936) 5", Le luxe des cuisiniers n'était naturellement pas poussé au même degré dans toutes les villes grecques. Fendant qu'a Athènes, en Béotie, en Sicile, et dans les villes de la Grande-Grèce comme SybarisG0, il avait un grand développement, Sparte au contraire résista plus longtemps a l'invasion des raffinements culinaires 81. On n'y tolérait des cuisiniers que pour l'apprêt le plus simple des viandes, et Elien prétend qu'on chassait de la ville ceux qui essayaient d'y introduire quelque recherche 52. A côté des cuisiniers qui pratiquaient leur méfier dans les maisons particulières, il faut placer ceux dont l'industrie s'adressait au public ou à un certain nombre d'individus rassemblés. Parmi les premiers nous compterons le fameux marchand de boudins (âi?,as -di.-r,c(, qui est le héros des Chevaliers d'Aristophane n : c'est un de ces ôLorotoi dont nous avons déjà parlé, établis sur l'agora ou promenant en public leurs denrées qu'ils offrent aux passants. Le scholiaste le représente entrant en scène avec son éventaire rempli de boudins et de tripes, qu'il porte devant lui; une petite figurine en terre cuite d'Asie Mineure reproduit avec beaucoup de comique un marchand forain de ce genre, et c'est peut-être aussi un cuisinier ambulant que figure une terre cuite de Tanagra. au Musée de Berlin, sous les traits d'un homme assis à côté d'un gril, avec une planche à pâtisserie sur les genoux; à gauche est une sorte de saucière fiasse dans laquelle trempe une cuiller; de l'autre côté, une écuelle dont le fond est rempli d'une matière blanche, sel ou farine (fg. 5937) 5 . D'après M. Ttayet, ce personnage serait ( cupé à confectionne_ une de ces galettes compliquées, mêlées de miel et ba,gnées dans l'huile, dont le peuple d'Athènes se régalait, et qu'on appelait. iaeooirxii cas-ai. Parmi ceux que leurs fonction, atta.haient à un service public, les plus importants sont les cuisiniers des terni les qu'il :faut distinguer des sac'i tîcate_ir5 [ss mils", , sachsnos] et qui n'ont aucun caractère sacerdotal"; mais leur profession les appelle a rendre de nombreux services, et ils doivent être experts dans l'art des sacrifices (s'9 Qi;°tr';i, Illinatipoi)". Aussi Alexandre, pendant une de ses campa gnes, écrit-il à :sa mère Olympias de lui envoyer un cuisinier connaissant le rituel (Oulu:. le'771toov). Elle répond en envoyant, un certain PoPgna qui sait, dit-elle, comment doivent s'accomplir tous les rites de la religion nationale, toutes les solennités orgiaques et heehique. (-na. h7à. zà r;x = é par Athénée", un personnage de comédie dé- c` ie la cuisine est de tous le` arts celui qui est le plis utièi la religion. Dans les grands sanctuaires, de, cuisiniers spéciaux étaient attachés au service di. temple. 3 n ba,relief nous représente à côté d'un sanctuaire et d'un arbre sacré '?ne troupe de cuisiniers qui i: évidelmuent daims liés aux tpt;'ets .l'un sacrifice (fig. 193S) s". Les serviteurs de cegenre étaient en grand nombre à Délos, (3d ils pore talent le nom de as-suce, y;°(Yuàot; à Delphes, ils s'appellent COQ 1502 COQ x0tpuro7rotol70. Dans une inscription d'Anactorium, le uzyEtpo; est nommé parmi les autres serviteurs d'un temple avec l' a-riapyo;, le gévit;, le iEpapépoç71. Une inscription de Thèbes le nomme à côté de l'docatirp, sorte de Stuxovoç qui assistait le prêtre dans la préparation des sacrifices". Ménandre, dans sa comédie du Flatteur, mentionne un cuisinier employé dans la grande fête d'Aphrodite Pandémos 73. La cuisine des sacrifices et des fêtes était réglée d'avance; on ne pouvait pas s'en écarter sous peine de sacrilège, et Athénée raconte qu'au Lycée, un cuisinier qui avait servi un plat nouveau fut puni du fouet pour son habileté coupable 74. Nous trouvons encore les cuisiniers attachés au service de certains collèges ou corporations ; un catalogue de Corcyre nomme le s 'etpo; à côté de l'oivoyéo; et des autres rr;p€Fat d'un collège 75. Il est placé parmi les esclaves publics (ècp4c ot) à la suite d'une liste de NoMOPHYLAI3ES et d'AGONOTLIÈTES de Sparte 76. Home. On rapproche le mot coquus, et mieux cocus, ce an me le témoignent toutes les inscriptions 77, du verbe grec xuxaw, miscere, qui implique un sens analogue à celui de ptrro , pétrir i8. En effet, à Rome comme en Grèce, on ne sépara pas d'abord le métier de cuisinier de celui de boulanger [PISTOn] 79; tous les apprêts du repas se faisaient dans l'intérieur de la maison par les soins des hommes et surtout des femmes86. Cependant ces soins de ménage ne paraissent pas avoir eu, dans l'origine, un caractère solennel et religieux comme chez les Grecs. Une des plus anciennes traditions, relative à l'enlèvement des Sabines, rapporte que, d'après le traité convenu avec Romulus, les époux des jeunes filles enlevées s'engagèrent à ne pas leur imposer des travaux humiliants, comme de moudre le blé ou de faire la cuisine (vair' â?.E%v, gare g.ayetpcéety) 8f. On confia de bonne heure ce métier à des esclaves, si l'on en croit un texte de Tite-Live, qui nous donne en même temps la date à laquelle s'opéra un changement notable dans la cuisine des Romains. Ce fut après la guerre contre Antiochus le Grand (568 de R. ; av. J.-C. 186). « L'armée d'Asie introduisit dans Rome le luxe étranger et avec elle entrèrent pour la première fois les lits ornés d'airain, les couvertures précieuses, les tapisseries et autres tissus de prix, et, ce qui passait pour un grand luxe d'ameublement, les guéridons et les buffets. C'est alors... que les repas commencèrent à exiger plus d'apprêts et de dépense. Alors le cuisinier, considéré et employé jusque-là comme un esclave à vil prix, devint très cher; ce qui n'était qu'un métier fut érigé en art » 82 [coENA, p. 1277]. Ce témoignage concorde avec celui de Pline, qui remarque qu'après la guerre contre Persée (586 de R. ; av. J.-C. 168), on cessa de faire le pain à la maison et qu'on eut des boulangers Le commencement du 1v siècle av. J.-C. marqua donc à Rome l'essor de l'art culinaire; dans cette voie, les Romains dépassèrent vite leurs modèles, les Grecs. Les maîtres de maison qui n'étaient pas assez riches pour avoir des cuisiniers à demeure, ou qui avaient besoin d'en multiplier le nombre à l'occasion de quelque fete, allaient en Foreellini, Lexie. tot. latinit. s. v. Coguus. 79 Festus, III, s. v. cocu.; Plin. louer sur le marché. Plaute nous représente souvent cette scène dans ses comédies 81, et, bien qu'il traduise des pièces de poètes athéniens, nous sommes autorisé à croire que ce détail de moeurs n'est pas seulement grec, car Pline dit aussi qu'avant son époque les Romains louaient leurs cuisiniers au marché et ne faisaient pas la dépense d'en garder chez eux toute l'année 85. Ii y avait donc également à d'Athènes 97, où les cuisiniers de louage se tenaient avec tous leurs ustensiles. On payait les plus habiles un NuMSrus (aureus) à la journée; les ignorants acceptaient condition à une DRACHME 89. Leurs noms, dans les auteurs ou dans les inscriptions, sont généralement des sobriquets qui indiquent leur condition d'esclave et leur métier : Conyrio, An Parmi eux on trouve des affranchis 90. Les petites cuisines en plein vent, fréquentées par le menu peuple et par les esclaves, étaient connues des Romains. Une peinture d'IIerculanum nous montre un de ces cuisiniers installé sur la place publique avec son fourneau portatif et entouré de sa clientèle ordinaire (fig. 1939)91. Martial nous représente aussi le marchand de cervelas chauds colportant sa marchandise dans des réchauds et enroué à force de crier 92. Sous l'Empire, à mesure que le luxe s'accroît, les cuisiniers occupent un rang de plus en plus considérable. Les inscriptions nous montrent une sorte de hiérarchie qui s'établit entre eux ; l'un s'intitule vicarius supra cocos93 d'autres portent le nom d'archimagirus, conservé aussi par quelques auteurs". Les cuisiniers impériaux en particulier sont d'importants personnages ; ceux de l'empereur Hadrien ont fondé un colleyium cocorum dont le siège est au Palatin 95; ce qui explique sans doute le titre de scriba cocorum mentionné ailleurs 96. Les apprêts compliqués des gigantesques festins auxquels s'étaient accoutumés les empereurs et les riches Romains devaient exiger, en effet, un nombre considérable de cuisiniers et d'aides de tout genre, marmitons, coctores, porteurs de bois, servi fornacarii ou focarii, esclaves allant aux provisions et au marché, obso -85 Plin. XVIII, 28: 86 Plant. Pseudol. 804.-87 Cf. note 47.88 Plant. Pseudol. Sidon. Apoll. Ep. H, 9. 95 Orelli, 1. c. ; un collège analogue est encore mentioué COQ 1503 COR natores, sommeliers, cellarii, etc. 97. L'esclave occupé à broyer ou à pétrir des aliments avec deux pilons, que représente une peinture étrusque (fig. 1940), est sans doute un aide de ce genre 98. Nous en voyons d'autres réunis et occupés avec leurs ustensiles culinaires autour d'un fourneau allumé, dans une fresque étrusque, trouvée près d'Orvieto (fig. 1941) 99. Sénèque accuse les cuisiniers d'être cause de la plupart des maladies dont souffraient les riches Romains ioo Déjà, sous la République, le fils d'un cuisinier pouvait devenir un person ~, tl~ ~1 _ nage dans la ville et briguer des fonctions publiques, comme nous l'apprend un jeu de mots de Cicéron disant à un candidat dont le père avait exercé ce métier : « Ego quoque (coque) tai favebo 101 „ Nous n'avons pas à insister ici sur le développement que prend sous l'empire la cuisine romaine [COENA, CIBAHIA]. Nous noterons seulement ce qui se rapporte au métier même des cuisiniers. Martial leur donne un conseil pratique qu'il emprunte d'ailleurs aux Grecs : Ausone décrit aussi, en vers précieux et élégants, le doux plaisir avec lequel le cuisinier goûte aux plats de sa façon d03. Il est vrai qu'un graffite de Pompéi dépeint sa condition sous des couleurs moins agréables : aux convives le mets succulent, au pauvre cuisinier le droit de lécher le fond de la marmite ou du chaudron 104 Parmi les livres de cuisine qui étaient à la disposition des Romains, il en est un que nous avons conservé et qui est un spécimen précieux de ce genre d'ouvrage. C'est le traité De opsoniis et condimentis sine arte coquinaria d'Apicius. Cet ouvrage porte le nom d'un illustre gastronome qui vivait au temps de Tibère et dont les auteurs parlent souvent105 : Pline le qualifie de « nepotum omnium altissimus gurges ioo. » Il est certain qu'il avait consigné par écrit ses idées sur la cuisine ; mais ce n'est pas son ouvrage que nous possédons. Le traité que nous avons paraît être une traduction latine des nombreux manuels grecs sur la ma tière (i4 apTwrtx«) et date sans doute du ine siècle ap. J.-C.107 Il est divisé en dix livres et contient un grand nombre de recettes culinaires qui sont pour nous fort curieuses. Ajoutons enfin qu'à Rome, comme en Grèce,le cérémonial du culte exigeait évidemment la présence de cuisiniers dans les temples, où ils secondaient les prêtres, sans avoir aucun caractère sacerdotal 103. E. PoTTIEB.