Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

FORCEPS

FORCEPS. Le sens le plus général de ce mot est celui de pince et l'étymologie paraît prouver qu'il a d'abord signifié pince à feu. En effet, forceps est probablement pour formiceps, mot formé de capio et du vieux mot formus signifiant chaud, correspondant au grec O~p~dç'. On trouve quelques exemples du pluriel forpices et de l'ablatif singulier forpice, qui feraient supposer une forme secondaire forpex' ; mais elle n'est pas suffisamment attestée pour être considérée comme un archaïsme 3. Les équivalents grecs du latin forceps seront énumérés plus loin, dans l'exposé que nous allons faire des différentes acceptions de ce mot. 1. La plus fréquente et sans doute aussi la plus ancienne est celle de pince à feu, les tenailles des forgerons et des ouvriers en métaux ', en grec 7tuoÿypa, x2px(90;, 7rdyoupo;, Ospu.ar'r (ç. Le premier de ces termes se trouve déjà dans Homère, une fois désignant l'outil d'Héphaestos 5, une autre fois celui d'un orfèvre s. Dans une épigramme de l'Anthologie, un forgeron dédie à Héphaestos les instruments de sa profession, le marteau (ct7ti-ilp), la pincette (xa.pxlvo;) et les tenailles (7topâypr,) 7 FOR 12!0 FOR Ce passage suffirait à prouver que =pxave; et rupccypx ne sont pas tout à fait synonymes, malgré l'assertion contraire d'un lexicographe Le xapxtvo; 2 paraît être la pince de l'orfèvre, plus soignée que la 7tupxyp2 et présentant peut-être une plus forte courbure 3. Cet instrument doit son nom à sa ressemblance avec les pinces d'un crabe (xcepxfvo,) ; du reste, le latin forceps a pu désigner aussi quelquefois les pinces et les antennes de certains animaux, bien que la lecture forficbus pour forcipibus ait prévalu depuis Sillig dans les éditions de Pline'. 7lzyoupog est aussi le nom d'un crabe b; Ospil.aa:pis, mot dont l'étymologie indique l'acception générale de pince à feu (Oantd), est plutôt une pince d'orfèvre G. Quant à la signification de cy€vôu),a, elle n'est établie avec précision par aucun texte ; c'est par hypothèse seulement qu'on y a cru reconnaître une pince'. La pince à feu a essentiellement pour objet de permettre à l'ouvrier de tenir le métal brûlant sur l'enclume et de l'en retirer après l'avoir travaillé au marteau. C'est donc l'outil indispensable des forgerons et, en cette qualité, elle est très souvent donnée comme attribut à Iféphaestos, tant par les poètes que par les artistes [vuLcANllSj 8; on la place aussi entre les mains des Cyclopes'. Nous avons publié plus haut la représentation d'un ouvrier égyptien tenant une pince (fig. 997) et celles d'ouvriers grecs et romains travaillant dans des forges (fig. 2956, 2964, 2965, 2968, 2969). Sur un autel en marbre trouvé en 1819 à Veii, qui paraît être une copie du pufeal Libonis du forum romain, on trouve réunis les attributs de Vulcain, le bonnet pointu, le marteau et les tenailles f0, qui figurent aussi sur les monnaies de T, Carisius Bartoli et Jahn ont également publié, d'après un dessin de Ligorio, une urne en marbre, sur laquelle est représenté un forgeron tenant une pince ; une autre pince est suspendue dans le champ 12. On en voit deux figurés sur la pierre funéraire de G. Vibius,eerarius, au Musée des Offices à Florence 13. Une stèle du musée de Sens, figurant un forgeron gaulois, a été reproduite cidessus (fig. 2970)". On a vu aussi la représentation de pinces sur une monnaie de Populonia(fig. 2953). Dans une peinture de vase', les branches de la pince forment un double croisement (fig. 3161); c'est une forme tout à fait exceptionnelle: on n'en rencontre pas d'autre exemple. On possède encore des pinces antiques plus ou moins bien conservées. La figure 3162 a été dessinée d'après un spécimen du musée de Zurich 18. Il est rare que les mordants de la tenaille soient aussi courts; ils sont souvent très allongés, avec des extrémités effilées, comme on le voit dans la figure 316317, ou, au contraire, terminées par deux plats s'appliquant l'un sur l'autre (fig. 3164)16. Le pre mier exemple appartient à la Grande Bretagne où l'on a découvert des pinces en plusieurs endroits, parmi d'autres restes romains 19 ; le second provient des fouilles faites au Châtelet, en Champagne. Cette partie de l'ins trument, aussi bien que les branches servant à le manier, sont quelquefois élégamment ornées, quand la pince n'a pas été destinée aux rudes travaux industriels. Telles sont (fig. 3165) des pinces de bronze terminées en têtes de serpent, trouvées à Vulci, à l'intérieur d'un brasier, avec deux crochets à remuer les charbons, recourbées en forme de main. Les deux tiges des pinces sont munies de roulettes "Al en existe de semblables au Cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale, au Musée de Berlin et ailleurs 21. Les pinces en fer ne sont pas rares dans les musées, mais nous n'en connaissons pas qui ré FOR -1241 FOR iolldent-aux tenailles actuellement employées par les menuisiers et les charpentiers pour arracher les clous. IL Nous ne traiterons pas ici deS pincettes [VOLSELLAE], mais il est nécessaire de dire quelques mots des diffé rentes sortes de pinces chirurgicales (aa6(;)1. Les prin cipaux types de ces instruments ont déjà été reproduits à l'article CHIRURGIA (fig. 1379-1384). On se servait de pinces pour extraire des blessures les fers de lance ou de flèche ; cette espèce de forceps s'appelait, en grec, 4StoOylpa2. La pince du dentiste, recourbée aux extrémités3, s'appelait 6Sov ârpa ou Oepu,26..-p(;4, dentharpaga°; une variété de cet instrument, destinée à arracher les racines de dents brisées, était dite u «fig. 1383). Dans Ovide, Térée coupe la langue de Philomèle avec un forceps 7; le xapx(vo; servit aussi comme instrument de torture à Agathocle dans les traitements barbares qu'il fit subir aux femmes d'1geste en Sicile 3. On le voit, sur un vase peint °, employé de la même manière par des Silènes qui torturent Lamia. Pollux Se trouvait, dans les inscriptions attiques, la mention de xapx(vot destinés à soulever des pierres. Ce sont les mêmes machines que Vitruve appelle f'orcipes 11, tenailles de fer dont les deux branches allaient s'enfoncer dans des trous que l'on pratiquait aux pierres et permettaient ainsi de les soulever à l'aide d'une moufle. Ces tenailles s'appelaient aussi LUPUS (on dit aujourd'hui louves) ; une peinture de la maison de Siricus, à Pompei (fig. 3165) montre cette machine servant à la construction des murs de Troie 1z. Quelques manuscrits portent for fïces (ciseaux) au lieu de forcipes (tenailles) ; c'est une confusion dont nous avons déjà cité plusieurs exemples. V., Dans la langue technique de la stratégie, on appelait forceps ou forfex la disposition en V que prenait un corps de troupes lorsqu'il voulait laisser avancer, pour l'envelopper ensuite, un corps ennemi qui marchait sur lui en formant un coin (cuneus) 13. SALOSSoN REINACU,