Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GIGANTES

GIGANTES. Les Géants sont au premier,rang des êtres fantastiques et monstrueux qui, dans toutes les traditions de la race indo-européenne, servent à incarner l'idée des bouleversements volcaniques, des forces violentes et destructives de la nature, en opposition avec ses manifestations bienfaisantes. Dans la mythologie gréco-romaine, ils ont pris, grâce à la poésie et à l'art sous ses diverses formes, une place des plus importantes'. Le poète de l'Iliade ne les nomme pas encore, quoiqu'il connaisse des êtres qui leur ressemblent, les Titans, par exemple, avec lesquels on ,les a plus tard confondus. Dans l'Odyssée, ils sont conçus comme des hommes sauvages et monstrueux, pareils aux Lestrygons, habitant au voisinage des mystérieux Phéaciens, mais, au rebours de ceux-ci, pleins d'une folle insolence, à cause de laquelle les dieux n'ont pas tardé à les détruire. Leur roi GIG 1555 GIG Eurymédon était le père de la plus belle des femmes, qui donna le jour à Nausithoos, roi des Phéaciens, au temps où ceux-ci étaient eux-mêmes les voisins des Cyclopes'. Il est évident que tous ces êtres se mêlent dans une vue confuse du poète et qu'ils ont à ses yeux une signification identique. Chez Ilésiode, les Géants se rapprochent des héros proprement dits ; la partie la plus récente de la Théogonie en fait des mortels puissants, de haute taille, tout brillants sous leurs armures et munis de lances énormes; dans la partie la plus ancienne du même poème ils sont des fils de Gaia, au même titre que les Érinyes [FURIAE} et les Nymphes Méliennes, c'est-à-dire issus du sang d'Ouranos mutilé par son fils 9. On a supposé, non sans vraisemblance, qu'llésiode fut le premier qui, dans une partie aujourd'hui perdue de la Théogonie, a chanté le combat des Géants contre les dieux 3. II est certain tout au moins que ce sujet, où se résume tout ce que l'on peut dire sur ces créations de la fantaisie mythique, est antérieur à Xénophane : celui-ci, en effet, nomme parmi les imaginations insensées des premiers âges (7:aâcu«Ta Tiov npoiipu v) les combats des Géants, des Titans et des Centaures '. Ces combats chez Hésiode, tel que nous le possédons, ne sont encore que celui de Typhceus, être monstrueux né de l'union de Gaia avec le Tartare, après que les Titans eussent été chassés du ciel; et Typhceus sera, surtout pour l'art, le prototype des Géants5. Pour nous le premier poète qui ait chanté une Gigantomachie en localisant les exploits de ses héros est Pindare'; il a fait de cet épisode un drame animé, lui donnant pour conclusion la glorification de la race des dieux Olympiques. Il a placé le théâtre de leur lutte à Phlégra, une plaine de la presqu'île volcanique de Palléné, que dominent à l'ouest, sur la côte Thessalique, les hauteurs de l'Olympe ; un trait nouveau et caractéristique ajouté à leur légende, c'estl'intervention d'Héraclès, qui conquiert la divinité en prêtant son assistance aux Olympiens, pour qui la victoire est à ce prix ; plus tard Dionysos y est mêlé au même titre C'est dans la Bibliothèque d'Apollodore, grammairien du ne siècle avant notre ère, qu'il faut chercher la synthèse des plus anciennes légendes où la poésie grecque, s'inspirant des traditions locales, a chanté les Géants'. Là nous voyons défiler, avec leurs noms et leurs caractères individuels, tous ces êtres monstrueux qui, sur les divers points du monde gréco-asiatique, représentent la lutte contre les dieux; à leur tête sont Porphyrion et Alcyoneus, le premier s'attaquant à Zeus lui-même et à Héra à laquelle il veut faire violence, le second succombant sous les traits d'Héraclès qu'Athéna a amené au IV. combat ; car l'oracle avait déclaré que les fils de Gaia ne pouvaient succomber que sous les coups d'un mortel. Athéna elle-même triomphe d'Encélade et aussi de Pallas qu'elle dépouille de sa peau pour s'en faire l'égide. Apollon lutte contre Éphialtès, Poséidon contre Polybotès qu'il écrase sous l'île de Nisyros, Dionysos contre Rhoetes, Hécaté ou Héphaistos contre Clytios, etc. Déméter seule ne prend pas part à la lutte, sans doute à cause des liens de parenté intime qui la rattachent à Gaia, mère des Géants 9. C'est un raffinement de la poésie alexandrine qui tantôt veut qu'Aphrodite' seule avec Éros se soit enfuie de l'Olympe au moment du combat, et qui tantôt fait tomber les armes de la main des Géants, à la seule apparition des divinités de l'Amour10 Un pareil sujet, groupant dans un seul épisode tous les dieux d'un côté et de l'autre toutes les personnifications monstrueuses de la légende hellénique, devait offrir aux poètes épiques et descriptifs une matière inépuisable : d'autant mieux qu'ils y pouvaient faire entrer sucèessivement presque toutes les légendes particulières et locales où était exprimée, sous des formes variées, l'idée de la lutte du bien contre le mal, de la lumière contre les ténèbres, celle des forces destructives de la nature, éruptions volcaniques, inondations cyclones, tremblements de terre, contre la loi d'ordre et d'harmonie; finalement l'idée des chocs de la civilisation hellénique et romaine contre la barbarie. La popularité en est attestée, antérieurement à tout monument artistique, par leur diffusion sur tous les points du monde ancien. Nous en relevons des vestiges en Asie Mineure, à Magnésia près du Sipylos, où des monnaies nous montrent Athéna en lutte contre Encélade t9; dans les îles de Crète, de Naxos, dans celle de Cos où l'on place d'ordinaire la lutte de Poséidon contre Polybotès; dans celle de Chies, dont on fait la patrie du Géant Mimas, dans celle d'Eubée qui est le berceau de la légende de Briarée-Aegeon 73, Sur le continent les traces de la légende ne sont pas moins nombreuses; la Béotie est la patrie de Typhoeus à qui les Géants en général semblent redevables des traits caractéristiques que leur attribuent la poésie et l'art depuis le ve siècle"; l'Argolide a donné naissance à Eurymédon dont Homère déjà avait fait leur roi ; la Thessalie connaît les Aloades qui ne tardent pas à se fondre dans la conception générale des Géants. Enfin l'Attique a tiré de la Gigantomachie un des épisodes les plus populaires de l'histoire fabuleuse d'Athéna; elle oppose tour à tounla déesse au Géant Pallas, dont le souvenir survit, tant dans le dème de Palléné que dans le vocable de Pallènis que porte la déesse f5, et au Géant Encélade qui dans la naira 196 GIG 1I IG GIG chomyomachie succombe sous les coups de Zeus, mais qui partout ailleurs est l'adversaire d'Athéna, celle-ci recevant même dans cette lutte le surnom de :yxi),aôos'• Nous avons dit que selon Pindare et selon les poètes, peut-être plus anciens que lui, dont Apollodore recueille les traits, le lieu mythique par excellence de la Gigantomachie est la presqu'île de Palléné et dans cette presqu'île la plaine de Phlégra. On rencontre des localités portant le premier de ces noms en Attique encore et en Achaïe ; quant au nom de Phlégra, qui signifie la terre brûlée, il sert aux poètes et aux mythographes à désigner toute espèce de plaines, de champs et quelquefois de collines où la légende fait combattre les Géants contre les dieux'. Tel est le cas d'une partie de la côte de Campanie au voisinage du Vésuve et de Cumes, où d'ailleurs l'imagination des anciens aimait à localiser plus d'une tradition d'un caractère mystérieux et terrible. On y plaçait le théâtre de la lutte des Géants dès les temps d'Aristote et le tombeau de Typheeus3; il est probable que plus anciennement déjà on les plaçait aussi en Sicile'. Virgile, sur la foi de quelque poète grec, y ensevelit Encélade que Jupiter frappa de la foudre et le relégua au fond de l'Etna, tradition qui est suivie par les poètes latins en général, tout comme les poètes grecs font écraser Polybotès sous l'île volcanique de Nisyros 5. Une autre preuve de la popularité de la Gigantomachie au ve siècle, c'est qu'elle est dès lors un objet de parodie. Le Scholiaste des Oiseaux en parle comme d'une matière rebattue ° ; Aristophane y fait lui-même au cours de son oeuvre des assimilations plaisantes, surtout quand Pisthétère menace d'envoyer contre l'Olympe une armée de poules d'eau (en grec 7uopcpoptwva;) accoutrées de façon terrible, comme le maître des Géants l'était dans les monuments de l'art et de la poésie du temps'. Le jour où la défaite de Sicile fut annoncée dans Athènes, on y jouait une Gigantomachie du comique Hégémon8, et nous voyons, par le Cyclope d'Euripide, que le drame satyrique exploita, lui aussi, le sujet, mêlant à la bataille les satyres avec Silène ; il est dit ailleurs que ceux-ci y luttaient montés sur des ânes qui par leurs braiements remplissaient les Géants d'épouvante 9. Les vases à figures rouges, où Dionysos avec son thiase est le héros idéal de ce combat, laissent fort bien deviner ce que devaient être ces représentations parodiques '°. Après les conquêtes d'Alexandre et sous l'influence des pratiques de l'Apothéose, la Gigantomachie prend un caractère politique ; c'est-à-dire que les poètes assimilent les grandes expéditions de ce roi et les campagnes de ses successeurs, considérées comme les luttes de l'hellénisme contre la barbarie, au choc légendaire des dieux et des Géants ". Quoique leurs oeuvres soient aujourd'hui toutes perdues, il ne manque pas d'indices pour affirmer que cette innovation appartient aux poètes officiels du règne d'Alexandre. Le témoignage le plus explicite est un texte de Plutarque où les ennemis vaincus par le roi de Macédoine sont appelés des Typhons et des Géants". Les vases peints où la Gigantomachie fait pendant à la course victorieuse de Dionysos dans l'Inde, ceux-là aussi où ce dieu est le héros principal de la lutte, Athéna et Zeus y passant au second plan, sont peut-être issus de la même inspiration 13. Des assimilations semblables servent à idéaliser les épisodes de l'invasion des Galates en Asie et en Grèce, notamment leur défaite miraculeuse auprès du sanctuaire de Delphes. Attale, roi de Pergame, qui imita Alexandre dans ses prétentions à l'apothéose et qui se donnait, lui aussi, comme le fils du dieu aux cornes de taureau", fit don aux Athéniens, qui les installèrent sur le mur sud de l'Acropole, d'une oeuvre de sculpture aux vastes dimensions, où Dionysos avait son rôle 15 ; la Gigantomachie en était une des parties; elle faisait pendant à la représentation de la grande victoire de ce roi sur les Galates en Mysie, alors que, par une flatterie délicate à l'adresse des Athéniens, la bataille de Marathon répondait au combat des Amazones contre Thésée. Il est probable que, dans la pensée d'Eumène II, successeur d'Attale, la grande Gigantomachie qui ornait l'autel de Zeus Sauveur à Pergame et dont il sera question plus loin, procédait d'une pensée analogue 16. Ces assimilations entre les batailles humaines des temps réels et les luttes fabuleuses où avaient triomphé les dieux passent de la poésie alexandrine dans celle des Romains; les exemples en sont nombreux au siècle d'Auguste et cela au profit de cet empereur ; mais elles paraissent avoir été pratiquées déjà au temps de la République, comme le prouve le denier de la gens Cornelia où L. Cornelius Scipio Asiaticus, vainqueur d'Antiochus à Magnésie, est représenté avec les attributs de Jupiter abattant les Géants 17. Elles continuent jusqu'à l'extrême déclin de la latinité, tantôt développées tout au long, tantôt indiquées en passant18. Le dernier spécimen du genre est de Claudien, qui fut d'ailleurs l'auteur d'une Gigantomachie puisée aux mêmes sources que la Bibliothèque d'Apollodore; la victoire d'Honorius sur Alaric, c'est celle de Jupiter sur les Géants ; le poète, se mettant luimême en scène, rêve qu'il dépose aux pieds du maître de l'Olympe l'oeuvre à laquelle applaudit la céleste cour 49. Les premières représentations f4gurées20 des Géants relèvent de l'épopée, moins toutefois des poésies homériques où ils ont plutôt l'allure d'être sauvages et fantastiques, que de la description d'Hésiode telle qu'elle a été fixée et complétée par Pindare ; c'est-à-dire que les Géants ne nous apparaissent tout d'abord que comme GIG -1557 GIG des héros semblables aux hommes, remarquables autant parleur beauté que parleur vigueur. Cela est vrai surtout lorsque les artistes nous les montrent combattant contre les dieux, tant est puissante sur l'art l'influence de la poésie épique. Sur les vases à figures noires, dont les plus anciens remontent au vie siècle, ils ont les traits et l'armement des hoplites; ils sont le plus souvent imberbes, quelquefois barbus et presque toujours d'une expression vaillante et juvénile ; leurs armes sont la lance et l'épée ; ils sont coiffés du casque et munis du bouclier; ils combattent à pied. Le Louvre possède un des exemplaires les plus anciens de cette représentation sur une amphore ionienne trouvée à Caeré, d'autant plus précieuse que chaque combattant porte son nom inscrit à côté de lui ; le combat s'y livre dans la même forme que celui des Troyens et des Grecs autour du corps d'Achille 1. Le type ainsi conçu avait le grave inconvénient de né distinguer suffisamment les Géants ni des autres héros ni des dieux; à une distinction par les différences de la taille il ne fallait même pas songer. C'est alors qu'on sentit le besoin de les caractériser, en les drapant dans des peaux de bêtes, en leur donnant comme armes des torches et des quartiers de rochers, ce qui veut dire les moyens d'attaque propres à la sauvagerie primitive. Ainsi nous les voyons apparaître sur les vases à figures rouges, en même temps que dans les témoignages littéraires de la fin du ve siècle 2. Mais ces moyens destinés à les faire reconnaître étaient eux-mêmes peu expressifs; ils ne se prêtaient pas à toutes les situations 3. Alors les artistes, s'avisant qu'à la légende des Géants proprement dits, il s'était peu à peu mêlé des êtres monstrueux qui avaient eu longtemps une personnalité indépendante, Typhœus, Alcyoneus, Briarée-Aegeon, etc., étendirent à tous Ies Géants sans distinction les traits qui caractérisaient les plus connus d'entre eux. Typheeus sur le trône d'Apollon Amycléen, Borée sur le coffre de Cypsélos étaient un mélange de la figure humaine avec le corps d'un serpent 4. A leur image, le type classique du Géant devint un corps héroïque dont les jambes, à partir des cuisses ou des genoux, affectent la forme du serpent, la tête du reptile formant généralement l'extrémité inférieure. II n'est pas aisé de déterminer à quelle époque cette transformation s'opéra : jusqu'à la découverte de la frise de Pergame les archéologues étaient plutôt disposés à l'avancer jusqu'au teT siècle avant notre ères, à faire même hommage de cette conception à l'art grec sous l'influence romaine. Cette opinion n'est plus défendable aujourd'hui. Kuhnert a fait cette remarque topique s, que sur les vases peints d'ancien style, les Géants n'ont la figure purement humaine que quand ils luttent contre les dieux; le rôle seul de ces derniers et leurs attributs caractéristiques, à défaut des noms placés auprès des figures, permettent de distinguer une Gigantomachie d'un autre combat. Il n'y a qu'une seule exception, c'est un vase à figures noires où Zeus, genou en terre, brandit sa foudre contre un monstré, barbu, à face humaine et ailé dont le corps finit en queue de serpents'. Au contraire, quand les Géants sont groupés avec des animaux, ils sont eux-mêmes thériomorphiques. L'animalité est très probablement la forme la plus ancienne de ces monstres; si elle en a disparu dans l'épopée, c'est pour des raisons d'art; elle est pour les mêmes raisons écartée des premières représentations plastiques ; de même la multiplicité des membres qui appartient par définition aux Ilécatonchires n'a pénétré que rarement dans l'art grec. Cette animalité qui appartient, même dans les représentations les plus anciennes à Typheeus, à Atlas et à Briarée, comme elle est un des caractères des autochthones en général, apparaît moins comme une innovation du Ive et du me siècle dans la représentation des Géants qu'elle ne semble un retour à la conception primitive et populaire. Un monument qui par le style et par l'exécution semble remonter jusqu'au temps d'Alexandre est le bronze du musée Kircher à Rome (fig. 3559) qui représente Athéna en lutte contre Pallas ou Encélade, sous les traits d'un héros dont les membres inférieurs se déforment à partir des hanches pour se terminer en têtes de reptiles qui se redressent menaçantes contre la divinité 9. A la même époque appartient la grande amphore de Ruvo dont les anses sont ornées de reliefs qui représentent l'un un géant barbu et ailé, terminé en dragon couvert d'écailles que terrasse Athéna, l'autre un géant imberbe, dont les jambes se contournent eh spirales autour des cuisses, l'une des têtes s'élevant jusqu'à la poitrine de la déesse 9. La frise de Pergame et les bas-reliefs romains auxquels elle a servi de modèle nous offriront le type complet et parfait des Géants serpentipedes, habilement mélangés, tant avec le type du Géant héroïque qu'avec GIG 1538 GIG celui du Géant barbu, d'aspect sauvage et même thériomorphique. Alors aussi nous rencontrerons dans la représentation de ces monstres, qu'il s'agisse des couvres de la poésie ou de celles de l'art, des raffinements qui poussent jusqu'à l'horrible ce que l'art d'un goût plus pur avait fait simplement effrayant. Sur un vase peint, le Géant se termine en serpent quadruple, avec la tête du reptile à chaque extrémité; ailleurs des petits serpents semblent sortir du bas-ventre; ailleurs des serpents se hérissent sur les têtes en guise de chevelures et les oreilles affectent des formes animales. Nous avons déjà noté des déformations analogues dans le type des La péplographie panathénaïque semble avoir exercé sur les représentations de la Gigantomachie, notamment par la céramique, une influence prépondérante 2. Le long de la tunique de l'Athéna de Dresde [voy. t. IrP, fig. 932], statue qui dans son ensemble a un caractère archaïque, alors que certains détails révèlent un art plus achevé, sont sculptés en relief onze motifs qui représentent des Géants au type héroïque, opposés en combat singulier à tout autant de dieux3. Zeus seul et Athéna sont nettement reconnaissables ; quant aux Géants, il n'en est aucun que l'on puisse identifier avec certitude. Aux motifs de la péplographie sont également empruntés les vases où la Gigantomachie fait pendant à la scène de la naissance d'Athéna 4. Il en est de même du relief dont Phidias orna la face interne du bouclier de sa Parthénos, la face externe représentant le combat de Thésée contre les Amazones 5; on a d'ailleurs cru reconnaître Athéna en lutte contre un Géant sur une des métopes les plus mutilées du Parthénon 6. Enfin une amphore à figures noires, du meilleur style, nous offre la déesse armée de la lance, casque en tête [t. 1'r, p. 102, fig. 142], sur le bras gauche l'égide, sur la poitrine le gorgonéion, qui renverse le Géant Encélade armé de toutes pièces, avec le bouclier à l'emblème de la triquetra; deux oiseaux complètent la scène, la chouette au repos près d'Athéna et, au-dessus de la tête d'Encélade, un oiseau de proie'; elle est armée de même sur une amphore à figures rouges du Musée du Louvre 8. Lors même qu'Athéna n'occupe sur les représentations de la Gigantomachie qu'une place subordonnée, les artistes s'attachent à faire ressortir son rôle ; elle est la tueuse de géants (yeu4w7o),irt;) et partage l'honneur de ce titre avec Zeus ('y ccvioMTwp) ; elle a conquis dans la lutte le surnom de Niké que lui donnent les Athéniens; même celui d'Hippia est rapporté à cet épisode de sa légende'. Au-dessus d'elle et par droit de préséance plutôt que pour l'importance de son rôle actif, se place Zeus luimême 10 ; il combat armé du foudre [FULMEN] qu'il brandit dans sa main droite; sur l'amphore du Louvre, sur le camée d'Athénion et la monnaie de Cornelius Sisenna, il tient en plus le sceptre de la main gauche. Son adversaire préféré est Typhoeus ; parfois il est assisté de l'aigle qui lui apporte des foudres dans ses serres". Héra a pour adversaire Porphyrion, qu'aveugle un amour insensé pour la déesse; comme Athéna, elle est armée de la lance" 9. Poséidon combat d'ordinaire contre Polybotès qu'il frappe du trident, plus rarement de la lance avec la main droite, tandis qu'avec la gauche il se prépare à l'écraser d'un quartier de roc qui représente l'île de Nisyros 13. Apollon manie l'épée plus souvent que l'arc; on le trouve luttant nu et avec l'arc sur la frise de Pergame14, avec l'arc et une torche sur l'amphore du Louvre. Artémis figure avec l'arc sur le bas-relief du Vatican, dans l'attitude que lui donne la statue connue de Versailles ; près d'elle figure Hécate armée de deux torches; on trouve de même celle-ci sur la frise de Pergame, tandis que la coupe d'Erginos et l'amphore du Louvre donnent les torches à Artémis elle-même15 ; Hermès est armé de l'épée, quelquefois de la lance"; Héphaistos combat tantôt avec un marteau, tantôt et plus souvent avec des tenailles et des masses de métal rougies au feu 17; on voit encore sur le vase du Louvre, Déméter ou Héra tenant d'une main un sceptre en guise de lance et de l'autre une torche, Proserpine armée d'une épée, les Dioscures à cheval, brandissant la lance. Dionysos et Héraclès sont particulièrement remarquables; celui-là fournit le motif principal de la première moitié d'une cylix où Poséidon fournit celui de la seconde ; il y figure barbu, vêtu de la tunique à longs plis, tenant dans la droite une lance, tandis que de la gauche il enveloppe le Géant de guirlandes de lierre. Le vase du Louvre nous le montre debout armé de la lance sur un char attelé de léopards, placé au centre de la composition à côté du quadrige de Zeus conduit par la Victoire. Ailleurs encore il est assisté de ses animaux familiers, du lion, de la panthère, du serpent; sur la frise de Pergame, où il est drapé dans la tunique courte et chaussé de l'endromis, il a pour compagnons les Satyres 18. Quant à Héraclès, il est le personnage divin qui nous offre les attitudes les plus variées; le plus souvent il combat avec l'arc, quelquefois avec l'épée et même avec la massue. Sur un grand cratère, de Ruvo, à figures rouges 99, où les dieux combattent du haut de l'Olympe contre les Géants GIG 1559 GIG placés à l'étage inférieur, Héraclès, non encore divinisé, lutte seul au milieu d'eux, levant la massue sur le Géant qui cherche à s'enfuir. Sur les vases à figures noires, qui ignorent ce raffinement orphique, il combat en compagnie des autres dieux et cela dans une situation privilégiée, tirant de l'arc sur le char même et aux côtés de Zeus. Une cylix de Vulci, à figures rouges, nous le montre marchant à côté des chevaux, vêtu d'un costume oriental d'étoffes bariolées, en manches longues et anaxyrides qui descendent jusqu'aux pieds. C'est lui enfin qui sur la frise de Pergame étrangle un géant à tête de lion, comme dans la légende connue il étrangle le lion de Némée'. Sur la frise de Pergame on reconnaît en plus Niké, Cybèle, Nérée, Amphitrite, Hélios, Éros ou Phosphoros, etc. 2. On reconnaît Arès dans la figure casquée et munie du bouclier de la frise d'Aphrodisias 3. Dans la composition du vase du Louvre, ce dieu combat à côté d'Aphrodite sur un char attelé de quatre chevaux, Éros est agenouillé, tirant de l'arc, sur un des chevaux. Athéna, Hermès, Hélios, Séléné et, sur la frise de Pergame, Éos, entrent également dans la lutte sur des chars; la composition de la coupe de Nicosthènes comporte quatre chars dont deux ne sont montés que par des écuyers à longue tunique flottante 5. Deux des fragments principaux de la frise de Pergame, les groupes de Zeus et d'Athéna doivent être complétés par des chars au repos, sculptés à l'arrière-plan 6. Pausanias dit avoir vu, au temple de Déméter à Athènes, un Poséidon combattant à cheval contre Polybotès 6. Les plus anciennes représentations ne se préoccupent point de déterminer le lieu de la lutte; il faut descendre jusqu'aux temps où l'art raffine et innove, à la suite de la poésie, pour nous aviser d'un effort à localiser le combat aux yeux du spectateur. Deux vases à figures rouges sont caractéristiques à ce point de vue : l'un met les dieux dans la partie supérieure, Zeus debout dans le quadrige avec Niké qui conduit ; à gauche Athéna debout sur le sol, dardant la lance vers le bas, à droite Artémis assise tirant de l'arc dans la même direction ; les Géants occupent la partie inférieure, avec Héraclès armé de sa massue au milieu d'eux; celui qui occupe le centre est du type barbu, d'une expression sauvage, drapé dans une peau de bête. Près de celui qu'Athéna va frapper, un Géant imberbe saisit un rocher qu'il fait mine de lancer vers le quadrige de Zeus. Le second vase, qui n'est plus qu'un fragment, nous offre les deux zones séparées par une bande ornée; les Géants imberbes gravissent les pentes et font sauter les rocs avec des outils de carrier pour les lancer ou les entasser; de la partie supérieure il reste à droite le char d'Hélios qui entre dans la lutte; au-dessus de lui sont visibles encore les chevaux du quadrige de Zeus et à gauche descend le char de Séléné (fig. 3560) 7. Ces vases sont les seuls monuments qui expliquent par une influence grecque les descriptions favorites des poètes romains; ceux-ci seuls, en effet, sur les données d'Apollodore, chantent les Géants qui escaladent le ciel et lancent contre lui des roches avec des arbres embrasés 8. Dès lors aussi le lieu du combat se précise davantage encore, comme on peut voir par les deux bas-reliefs du Vatican (fig. 3561 et 3562), où des arbres aux branches tordues et des entassements de rochers donnent l'idée d'une contrée tourmentée par les révolutions volcaniques et tous les fléaux de la nature 9. On devine sans peine quels groupements variés a dû suggérer aux artistes le monde entier des dieux Olympiens, mis ainsi aux prises avec tous les Géants. Sur ce point encore la céramique grecque nous est un précieux témoignage ; nous n'en pouvons rappeler ici que GIG 1560 GIG les spécimens les plus importants. En première ligne la coupe d'Erginos et d'Aristophanès (fig. 3561), une des oeuvres les plus complètes et les plus intéressantes que nous possédions t. Le fond de la coupe représente Poséidon groupé avec Gaia, la mère des Géants dont le torse seul sort de terre et qui lève vers le dieu des mains suppliantes, tandis que Polybotès est maintenu courbé sous la puissante étreinte du dieu qui va le percer de son trident; l'expression de tristesse de Gaia est particulièrement remarquable; nous retrouverons cette déesse dans la même attitude sur la frise de Pergame (fig. 3364), où elle supplie Athéna en faveur d'Encélade 2. La décoration de la coupe propre ment dite se compose de deux motifs qui comportent chacun six figures, trois Géants et trois divinités. Le premier se compose de Zeus au centre, qui avec le foudre frappe Porphyrion en fuite; d'Athéna à droite perçant de sa lance Encélade tombé sur les genoux; d'Artémis à gauche, qui avec deux torches attaque Aegéon.L'autre motif groupe au centre Apollon qui s'élance l'épée dans une main , l'arc dans l'autre sur Éphial tès; à droite Héra frappe Rhoetos de sa longue lance, à gauche Arès égorge avec une épée plus courte un Géant sans nom qui porte un bouclier orné d'un serpent. Tous ces adversaires des Olympiens ont des traits jeunes, de beauté héroïque; ils sont armés comme des hoplites, sauf Aegéon, dont le torse est drapé dans une peau de bête. Nous avons parlé plus haut d'autres groupements non moins intéressants sur des va ses peints. Une com position qui a beaucoup exercé les ar chéologues, alors que les découvertes de Pergame n'avaient pas jeté encore sur la question de la Gigantomachie leur vive lumière, est le basrelief du Vatican (fig. 3562) connu sous le nom de bas-relief Mattei Dans un de ces paysages que nous avons décrits, deux déesses, Artémis avec son arc et Hécate avec des torches, luttent contre trois Géants qui nous offrent précisément les trois types dans lesquels l'art grec à ses différentes périodes s'est attaché à peindre leur nature. Celui qu'Artémis va percer de ses flèches est le Géant barbu, aux pieds de serpents; l'un des reptiles mordle chien d'Artémis qui s'élance sur lui, l'antre se re dresse dans la direction d'Hécate qui lui tourne le dos. Celui qui fléchit sous les atteintes de cette déesse est le Géant barbu au type hu main, mais à l'expression sauvage; celui enfin qui à droite soulève un quartier de roc, est imberbe et de beauté juvénile `. On a supposé longtemps l~~l u Ili ~'i111'lill III -Cll llll~~I. IIPI 11' I,)lllilllllll n pjJU'II ~~I11I1 IWL1utL .!L 1ll1~u Jii li U ~I'[[lllullllllLlllallfl _ GIG 1561 GIG que le serpentipes représentait Typhon , que le héros imberbe j figurait un Titan et que le barbu seul était un Géant véritable. La. frise de Pergame, qui multiplie ces divers types de Géants, suivant les exigences de la variété décorative, exclut toute interprétation de ce genre; les trois figures ne représentent que des Géants sous des traits différents. Sur un autre bas-relief du Vatican (fig. 3563), la variété de la composi tion résulte seulement de la diversité des attitudes ;tous les Géants qui y figurent appartiennent au type thériomorphique, la tête des reptiles formant l'extrémité des jambes. Ce bas-relief, qui orne le piédestal de l'Ariadne endormie et qui semble provenir de quelque sarco phage 1, se compose de quatorze Géants, dans toutes les attitudes possibles d'une lutte violente et désespérée ; les dieux qui devaient figurer à l'étage supérieur n'existent plus. Quant aux Géants, les uns gisent morts déjà, les autres s'affaissent blessés; huit d'entre eux continuent de combattre avec des pierres qu'ils soulèvent et des arbres qu'ils arrachent, le bras gauche garanti par une draperie qui sert de bouclier. Le grouillement des reptiles, dont l'expression est elle-même ou violente ou affaissée, suivant la situation des personnages dont ils font partie, est d'un étrange effet. Pour leur donner la souplesse tortueuse et vivante, l'artiste n'a pas déformé seulement les jambes, mais les cuisses depuis les hanches 2. Il nous reste à faire l'historique de ceux des monuments de la Gigantomachie dont nous n'avons pas tiré partie encore pour l'explication du type des Géants. Le plus ancien dont il soit fait mention est le trône d'Apollon à Amyclées : outre que pour l'un des bras, Typheeus se combinant avec la figure d'Échidna y faisait pendant à deux Tritons formant le bras opposé, Pausanias dit qu'on y voyait sculpté le combat d'Héraclès contre le géant Thurios3 ; ce que nous savons par la légende du rôle d'Héraclès dans la Gigantomachie ferait penser que le Périégète sur ce point commet une méprise. Vient ensuite le fronton du trésor des Mégariens à Olympie, que nous connaissons à la fois par un texte du même Pausanias et par des fragments de sculpture 4. Un morceau sculpté en haut relief représente un Géant barbu et armé qui retombe en arrière sous l'effort d'une divinité dont la jambe seule est conservée. Ces fragments sont de l'époque même de la construction de l'édifice, c'est-à-dire du vie siècle ; Pausanias désigne comme en étant l'auteur Dontas, un élève de Dédale, mais les dates ne cadrent pas'. Du même temps sont les métopes de Sélinonte dont deux fragments importants se rattachent à la Gigantomachie. Tous les deux semblent appartenir à des divinités féminines aux prises avec des Géants ; le moins mutilé représente sans doute le combat d'Athéna contre Encélade; le Géant gît renversé sur le dos; la tête barbue a une curieuse expression de désespoir farouche On remarquera que les deux morceaux de sculpture les plus anciens représentant les Géants nous les offrent barbus et d'aspect sauvage. Le combat des dieux et des Géants a été sculpté sur la frise d'un des Trésors de Delphes; on en a vu les moulages exposés à Paris à l'École des Beaux-Arts 7. Au siècle suivant la Gigantomachie a fourni ou des métopes ou des frises pour le temple d'Apollon à Delphes et pour celui d'lléra à Argos e. Il semble probable que le fronton Est de l'Olympiéion d'Agrigente, si longtemps inachevé, ait été consacré au même sujet, le fronton opposé représentant la prise de Troie 9. Les Géants y étaient employés encore à l'intérieur, placés sur des colonnes ou des piliers pour soutenir la toiture de l'édifice. La description qu'Euripide fait de la Gigantomachie de Delphes permet de constater qu'on y voyait Athéna en lutte contre Encélade, Zeus contre Mimas et enfin Dionysos qui, de même que sur un vase déjà cité, enserrait son adversaire avec des guir GIG 1562 GIG landes de lierre. C'est ici que se place, parmi les oeuvres de sculpture, la Gigantomachie installée avec d'autres sujets, sur le mur sud de l'Acropole d'Athènes, par Attale, roi de Pergame A cette oeuvre appartient, suivant toute vraisemblance, une figure de Géant barbu et velu, étendu mort sur le dos, avec une expression d'énergie sauvage, la main droite serrant encore, audessus de la tête, l'épée avec un geste de menace. Cette figure a la plus grande ressemblance avec le personnage du Géant barbu qui occupe le centre de la bande inférieure du cratère de Ruvo déjà cité 2. On n'a connu longtemps la grande Gigantomachie qui ornait le soubassement de l'autel colossal de Zeus Sôter à Pergame 3 que par une mention du Liber memorialis écrit au ne siècle ap. J.-C. par Ampelius, auteur d'ailleurs inconnu'' : « Ii y a à Pergame un grand autel de marbre, haut de quarante pieds avec de très grandes sculptures : il représente une Gigantomachie ». Depuis que des exhu mationsrécentes ont fait connaître cette oeuvre dans presque toutes ses parties, par des fragments dont l'importance archéologique égale lavaleur artistique, l'interprétation de la Gigantomachie en général a fait un grand pas. Ce qui a survécu de la frise de Pergame se rattache à six épisodes de la lutte et comporte six groupes sculptés en haut reliefs (certaines figures se détachent sur le fond de 50 centimètres), oùlespersonnages les plus imposants atteignent une taille de près de deux mètres. Les groupes sont, dans l'ordre de conservation, celui d'Hécate, conservé presque en entier; ceux de Zeus et d'Athéna dont les grandes lignes sont à peu près intactes mais où les figures ont beaucoup souffert; ceux d'Hélios, d'Apollon et de Dionysos, ce dernier réduit à deux figures mutilées, les autres tant bien que mal reconstitués avec des fragments. Les dieux, facilement reconnaissables à leurs attributs, combattent avec l'assistance de leur animaux familiers; Zeus avec l'aigle qui lui apporte des foudres dans ses serres ; Athéna avec le serpent de l'Acropole qui enveloppe l'une des jambes d'Encélade et le mord à la poitrine ; Hécate avec le chien accroupi à ses pieds et Artémis avec le loup qui ronge la tête d'un Géant tombé, tandis que celui-ci, pour l'écar ter, lui enfonce l'index dans un oeil. Ceux des Géants dont la tète est intacte appartiennent, les uns au type héroïque, de figure imberbe et juvénile, les autres au type du Géant serpentipes, barbu et d'aspect féroce; dans l'état actuel du monument il est impossible d'affirmer si le type intermédiaire du Géant barbu, aux traits purement humains, y a aussi trouvé sa place; on n'y rencontre pas davantage de Géant imberbe qui se termine en serpent; mais dans le groupe d'Apollon nous trouvons la figure curieuse d'un Géant au corps humain, à la tête de lion, avec un mélange, pour les extrémités, du lion et du serpent, étranglé par un dieu en tunique courte qui ne peut être qu'Héraclès 5. On doit dire, d'une manière générale, que l'artiste a tiré un parti merveilleux des animaux, soit qu'ils assistent les dieux, soit qu'ils les mènent au combat comme les chevaux d'Hélios et le mulet de Séléné, soit qu'il les montre confondus en un seul corps avec les Géants. Il arrive même que tel Géant est représenté ailé; ainsi Encélade, dont les ailes dans le groupe d'Athéna (fig. 3564) font pendant aux ailes de Niké placée en face 7. Prise dans son ensemble, la Gigantomachie de Pergame, oeuvre du commencement du ne siècle après J.-C. doit être considérée comme l'expression achevée de la Gigantomachie dans l'art, de même qu'elle fournit aux descriptions poétiques le meilleur commentaire. Les monuments de sculpture de la période romaine ne sont guère que des imitations timides de la Gigantomachie de Pergame. Tel est le cas des deux bas-reliefs du Vatican dont nous avons déjà parlé et dont le premier, s'il en faut croire une dissertation de Stark, aurait fait partie de la frise du temple de Jupiter Tonans, érigé par Auguste au Capitole et restauré un siècle plus tard par Domitien 6. Bien loin encore derrière cette oeuvre, mais intéressant au point de vue archéologique, est ce qui a été trouvé d'une frise dans les murs d'enceinte d'Aphrodisias en Carie. Cette Gigantomachie, sans grande valeur artistique, se compose de trois fragments dont le premier nous montre Zeus debout sur un Géant déjà abattu, cherchant à en frapper un second qui se jette en suppliant à ses pieds; le même Géant est attaqué par Arès, tandis que de l'autre côté Héraclès, nu et im GIG 4563 GLA herbe, va étrangler l'un des serpents qui font partie d'un troisième Géant. Le second fragment représente deux Géants tournés vers la droite qu'Apollon casqué, en tunique courte, attaque avec son arc par derrière ; enfin le troisième nous montre un seul Géant attaqué à la fois de face par Athéna et de dos par Éros nu et ailé qui lui décoche ses flèches. Tous les Géants sont à pieds de serpents, nus, le bras gauche enroulé dans un manteau, tandis que la droite brandit des branches d'arbres grossièrement sculptées. On peut rapprocher de cette frise un bas-relief très mutilé trouvé au théâtre de Catane' où sont reconnaissables Héraclès archer, dans l'attitude que lui donne le fronton d'Égine, et peut-être Athéna. Le Géant serpentipes offre cette particularité de ne finir ni en tête ni en queue de serpent, mais par un appendice qui figure un trèfle à quatre feuilles. On ne sait comment était conçue une Gigantomachie en bronze que le rhéteur Thémistius a vue à Byzance, en face du Sénat 2. La peinture avait, elle aussi, exploité ce sujet; Philostrate parle ' d'un tableau où l'on voyait le combat de Zeus et d'Encélade et il fait remarquer ailleurs que les peintres fondaient en un seul type le serpent et l'homme pour représenter le Géant. Les peintres des villes de la Campanie semblent avoir eu peu de goét pour ces représentations 4; ce qu'on y a trouvé se réduit à deux échantillons, à la peinture d'Athéna aux prises avec Encélade, sur un bouclier que porte la déesse ; à l'image d'un combat du gryphon, animal symbolique d'Apollon, contre un géant; celui-ci est armé d'une pelta et d'une hache, tout comme les Arimaspes quand ils s'attaquent aux gry phons [GRYPHUS ARIMASPI]. De même, sur une pierre gra vée, nous trouvons un Géant attaqué par un cerf, l'animal d'Artémis 6. Les autres gemmes sont exclusivement consacrées à la lutte de Zeus contre un Géant serpentipes qui peut bien être Typhon ; une sardoine du cabinet de Florence nous donne le dieu debout, se détachant nu sur une ample draperie qui flotte, et frappant de la foudre le monstre qu'il tient courbé sous sa main gauches. Le plus beau spécimen dans ce genre est le camée d'Athé nion (fig. 3565), datant du règne d'Auguste, qui représente le dieu dans son quadrige, le sceptre dans la main gauche, le foudre dans la droite. Sous les chevaux qui se cabrent se tord un Géant expirant; un second fait mine de résister en brandissant une mas sue; les serpents qui complètent son corps se retournent furieux contre les chevaux et contre Jupiter7. Il y a peu de choses à dire des représentations de la Gigantomachie par la numismatique ; elles sont relativement rares et d'une époque récente. Pour les monnaies grecques on ne peut citer sûrement que celle de IV. Cilicie qui paraît mettre aux prises Athéna avec Encélade. Celles où Zeus seul apparaît brandissant la foudre ne se rattachent pas nécessairement à l'idée de Gigantomachie'. Parmi les monnaies de la République romaine, une place à part doit être réservée au denier de la gens Cornelia, frappé au commencement du 11° siècle, où nous voyons (fig. 3566) un personnage héroïque ou divin, debout dans un char, entouré des attributs du soleil, de la lune et des étoiles, foudroyant des géants à corps double (bicorpores, avait dit d'eux le poète Naevius) dans l'attitude que nous trouvons à Jupiter sur le camée d'Athénion. Comme le personnage est imberbe, il est probable qu'il y faut voir L. Cornelius Scipio Asia ticus, vainqueur du roi Antiochus à magnésie, ville où, suivant la tradition, Typhoeus aurait été vaincu par Zeus'. Le même sujet, traité d'une manière presque semblable, a fourni une belle monnaie â l'effigie d'Antonin le Pieux (fig, 3567) ; enfin des monnaies d'or et de bronze des règnes de Dioclétien et de Maximien Hercule nous offrent Jupiter nu, brandissant le foudre contre un Géant, qui a l'attitude de la suppli cation; en exergue Jovi FULGCDATORI 10. J. A. Il,Ln.