Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

MONTES DIVINI

MONTES DIVINI. Une des premières conceptions religieuses des peuples primitifs, qui se retrouve chez les races les plus diverses, consista à regarder les sommets des hautes montagnes comme le siège habituel de la divinité. De là, dans le naturalisme inconscient des premiers âges, on fut conduit rapidement à considérer la montagne où réside le dieu comme son image sensible et bientôt à l'adorer comme le dieu lui-même. Telle est l'origine du culte de certaines montagnes remarquables par leur dimension et par leur forme, qu'on retrouve au début de l'existence de presque tous les peuples, et dont il se maintint des vestiges jusqu'au milieu de la civilisation la plus avancée clans l'antiquité païenne. C'est chez les peuples sémitiques que l'adoration des montagnes conserve le plus de développement et le plus d'importance aux temps de la grande civilisation'. Là nous voyons en Palestine, en Phénicie et en Syrie, rendre un culte à toutes les montagnes considérables par leur masse : le Casius voisin de l'Oronte' et celui de la frontière d'Égypte', le Liban ", l'Anti-Liban l'Hermon°, à qui son caractère divin valait le nom de Baal-Hermon', le Thabor le Carmel le biblique Phenuel de la Pérée 1° et son homonyme le Oeoû 7tp6as7cov de la côte de Phénicie". Toutes sont autant de dieux. Les Sarrasins du vle siècle de notre ère adoraient encore le mont Horeb'', auquel les hébreux de l'époque des rois attribuaient un caractère sacré S2 et dans lequel ils voyaient un des trônes de Jéhovah. Le dieu arabe et nabatéen DUSARES s'identifiait lui-même avec le mont Schera'", 1 Conjecture de Mommsen, Le droit public romain, VI, 1, p. 128. cmnmiss. arecu munie, 1887, p. 156). Mommsen (L. c. p. 128) croit que ce ling. lat. 5, 152). Y avait-il un ou plusieurs magistri et flamiaes? Il est probable que l'inscription se réfère aux fonctionnaires de plusieurs années successives et qu'il n'y avait chaque année qu'un magister et qu'un /lamen. -4 Festus. s. v. Si fus, p. 340. Mommsen (L. c. p. 129, n. t) voit un groupe de montani dans ce conlegium aquae dont on a les statuts de la fin du dernier siècle av. J,-C. (Corp. un collège de foulons. Brnemcaaau,e. Gilbert, Gesehichte und _Topogra Lettres assyriologiques, t.•11, p. 306. 2 Sanchouiath. p. 16, éd. Orelli ; Ammiau. Marceli. XXII, 13 ; Spartian. Hadr. 14; Julian. Misopog. p. 361; voir Movers, 3 Slrab. XVI, p. 760 ; Plie. Hist. nit. V, 12, 14 ; Achill. Tat. III, 6, 4 San d'où il tirait son nom, et devenait ainsi un dieu-montagne'5. Le mont Arafah, auprès de La Mecque, est une ancienne montagne divine 1d. Il est à remarquer que toutes ces montagnes divinisées des pays syro-palestiniens sont des pics isolés qui affectent plus ou moins régulièrement la forme du cône. C'est qu'en effet dans la religion de ces contrées le culte du dieu-montagne se liait d'une manière étroite à celui de la pierre conique, aérolithe ou façonnée de main d'homme [BAETYLIA~, qui était comme le diminutif de la montagne17. Le nom d'ELAGABALUS, le dieu adoré dans la pierre noire d'Émèse, signifie « le dieu-montagne » 18. CAslus ou Qaçiou, en mème temps qu'un dieu-montagne, est par excellence le dieu-pierre, le dieu-aérolithe ; à Séleucie, au pied du mont Casius, on l'adorait sous la figure d'une pierre conique, d'origine céleste, et on l'assimilait à Zeus Keraunios. Nous trouvons la même association d'idées dans le culte principal de la Cappadoce, pays où l'élément sémitique entrait pour une part considérable dans la population ". Le grand dieu des Cappadociens, celui par lequel ils juraient dans leurs serments solennels, était le mont Argée 20, dominant la capitale du pays, la ville de Mazaca, plus tard Césarée. C'était une montagne d'une très grande élévation, au sommet couvert de neiges éternelles ; sur ses flancs inférieurs, dans une étendue de plusieurs stades, on voyait fréquemment des flammes s'échapper du sol'. Le mont Argée est le type presque exclusif des monnaies frappées à Césarée de Cappadoce =2. Quelquefois un aigle est posé sur son sommet (fig. 5139)2', ou bien une2", trois'° ou six étoiles2°, on bien encore le soleil et la lune se voient au-dessus 27. Plus souvent on distingue debout sur le sommet un person nage nu, appuyé sur un sceptre et tenant de la main gauche une patère ou un globe 28 ; c'est le dieu de la montagne, un dieu solaire, qui dans ce cas ressemble surtout à un Jupiter, mais qui dans d'autres est remplacé par Apollon, assis sur l'Argée 29. L'existence d'un Zeus krgaeus, parallèle au Zeus Casius, est formellement attestée pat' les monnaies oit il est figuré debout, portant sur sa main le mont Argée30 (fig. 51140). Mais ce dieu ne se distingue pas personnellement de la montagne, qui n'est point seulement le siège de sa gloire, ruais lui-même. C'est pour cela que sur son sommet on place fréquemment une couronne, comme sur la tête des dieux3t . t. V, p. 287 sq. ; Renan, Mém. de l'Acad. des inscr. nouv, sér. L. XXIII, 2' part. p. 262. C'est d'après le Thabor que les navigateurs phéniciens avaient donné le nom d'Atabyrion ou Tabyrion au plus haut sommet de File de Rhodes, sur lequel on XXXII, 32; lad. VIII, 8. Il Strab. XVI, p. 754. 12 Antonin. Mari, Ria. 38. 16 F. Lenormant. Lettres assit'''. t. II, p, 305 sq. 17 De Vogüé, L. c. 18 Movers, O. 1. C. 1, p. 669 sq.; De Vogüé, L. c. 19 lierai. ap. Stoph. MON 199 MON clans laquelle seraient engagés le même nombre de Perses et de Lacédémoniens; cette proposition ne fut pas jugée digne d'une réponse'. En 1420 les Lacédémoniens, ne pouvant refuser, en principe, une proposition de ce genre, la taxaient de folie. La tactique dorienne, qui prévaut à partir du vne siècle au plus tard, est démocratique en ce sens que la victoire est l' oeuvre de tous la monomachie, au contraire, a toujours un caractère aristocratique. Conçue comme jugement par les armes, elle appartient à l'époque légendaire, héroïque, féodale ; elle décline et meurt dès que commence l'histoire ; au ve siècle, elle n'est plus guère qu'un souvenir. L'institution des concours a pu contribuer à conserver quelques restes de vie à ce procédé des anciens âges; l'origine mythique de certains de ces jeux remontait à une monomachie ayant pour objet la possession d'une femme, par exemple la course de Pélops et d'Oenomaos. Il est intéressant d'observer que, à part le combat fratricide entre Étéocle et Polynice 2, la poésie a cessé, au v' siècle, de s'intéresser à ce genre de combat. Le grand écrivain militaire de cette époque, Xénophon, n'a pas décrit un seul combat singulier. La légende romaine connaît la monomachie décidant du sort des empires. Le combat des Horaces et des Curiaces est un modèle achevé du genre. L'histoire romaine n'en connaît plus d'exemple. L'esprit pratique des Romains était aussi éloigné que possible de cette façon de concevoir la guerre. Est-il nécessaire de rappeler l'extravagance d'Antoine envoyant un cartel de défi à Octave après Actium'? Les monomachies, engagées dans le hasard des batailles, sont un fait trop naturel, étant donnée la manière de combattre des anciens, pour qu'elles n'aient pas été fréquentes dans l'époque historique. Les grands capitaines comme Alexandre, Hannibal, devaient payer de leur personne, en même temps qu'ils dirigeaient le combat. Quelques-unes de ces monomachies doivent être signalées. Le frère du poète Alcée, Antiménidas, un de ces mercenaires grecs qui s'enrôlaient au service des monarchies orientales, avait tué en duel un adversaire d'une grandeur démesurée et avait reçu en récompense du prince babylonien une épée dont la poignée était ornée d'or et d'ivoire 3. Cléon, le démagogue athénien, fut tué à Amphipolis en combattant contre un peltaste myrcinien 6. Lamachos, le stratège, dans un combat devant Syracuse, se trouva isolé de ses hoplites et entouré par la cavalerie syracusaine; un de ces cavaliers, renommé par sa bravoure, Callicratès, le provoqua au combat. Lamachos fut blessé le premier ; mais en tombant, il frappa son ennemi, et tous les deux moururent de leurs blessures'. L'époque macédonienne et hellénistique voit s'opérer une grande transformation dans l'art de la guerre : les soldats de métier, les mercenaires constituent désormais la force des armées ; ils sont commandés par des condottieri qui, pour arriver à cette situation, ont dû se distinguer par des actions d'éclat. Le plus renommé est Pyrrhos, qui cependant fut regardé comme le meilleur tacticien de l'époque et qu'Hannibal admirait. Plutarque a raconté avec détail son combat singulier avec le général de Démétrius, Pantauchos 8. L'histoire militaire des Romains rapporte aussi un grand nombre de monomachies au milieu d'une bataille. Il faut rappeler ici l'institution des dépouilles opimes ; ces spolia opima 9 sont les armes enlevées par le général romain au général ennemi qu'il a tué lui-même ; elles étaient consacrées dans le temple de Jupiter Férétrien. On sait que trois chefs romains seuls obtinrent cet honneur : Romulus 10, Cornelius" Cossus et C. Claudius Mar cellas. Si le premier de ces personnages est légendaire, les deux autres sont historiques ; le combat de Marcellus contre Viridomar, roi des Insubres, était célèbre ; c'est après tin défi du chef barbare et en présence des deux armées immobiles que le combat s'engagea; Viridomar fut tué t2. Il y avait des spolia secunda et des spolia tertia, selon que c'était un officier ou un simple soldat qui avait tué le général ennemi [SPOLIA]. ALBERT MARTIN. MONOPODIUM. Table à un seul pied [MENSA, p. 17211,