MONOMACHIA. Le combat singulier fleurit surtout aux époques héroïques. Les batailles qu'Ilomère décrit devant Troie ne sont, en réalité, qu'une série de combats singuliers. Les princes, les vaxrt;, attirent seuls l'attention du poète. Les héros ne se mesurent qu'avec des héros : leurs coups n'atteignent que des guerriers distingués aussi par leur naissance, et dont presque toujours la généalogie est indiquée avec soin; la foule anonyme est à peine mentionnée'. Les batailles de l'Iliade ne sont conçues que comme une suite de N.ovoe.ayfat, et c'est à cette idée que correspond la formule fréquente ait début des descriptions de mêlées : :.ivO« asti 2.
Ces monomachies sont nombreuses. On peut les classer d'après certains caractères particuliers. D'abord les monomachies livrées au milieu des mêlées : il y en a deux que le poète raconte avec de grands détails à cause de l'importance des héros qui sont en présence. Dans ces deux combats, Patrocle est aux prises tour à tour avec Sarpédon et avec Hector. Sarpédon 3, à la vue du massacre que Patrocle fait des Troyens, s'avance pour arrêter le vainqueur. Les deux guerriers se sont reconnus ; ils s'élancent de leurs chars et marchent l'un vers l'autre. Patrocle lance le premier son javelot et tue Thrasymèle, l'écuyer de Sarpédon ; ce dernier n'atteint de son trait qu'un des chevaux d'Achille, Pédase; les combattants lancent un second trait, Sarpédon manque son adversaire qui le frappe d'un coup mortel au bas de la poitrine. Le combat entre Hector et Patrocle' présente quelques différences dont la plus importante est l'intervention d'une divinité en faveur d'un des deux guerriers. Cette intervention, qui se produit presque constamment dans les combats homériques, ne peut, à nos yeux, que diminuer la gloire du vainqueur. Le poète n'en jugeait pas ainsi; pour lui, la
grandeur du héros éclatait d'autant plus qu'il était l'objet de telles faveurs de la part, de la divinité. Cependant, dans le combat entre Hector et Patrocle, il est difficile de croire que le poète n'a pas voulu rabaisser le vainqueur. Il ne lui prête pas le beau dévouement de Sarpédon, s'élançant le premier contre un adversaire redoutable, pour défendre ses compagnons. 11 faut qu'Apollon, sous les traits d'un vieillard troyen, gourmande Hector, l'accuse même de lâcheté et le pousse ainsi au combat. Le rôle du dieu ne s'arrête pas là. Quand les deux héros sont aux prises, Apollon livre à Ilector son adversaire non seulement désarmé, dépouillé de son casque, de son bouclier, de sa cuirasse, mais encore tout étourdi et tombé en défaillance par un grand coup dont le dieu le frappe, au milieu du dos, de sa robuste main. Rien de moins glorieux que cet exploit d'Hector.
Dans le duel entre Achille et Hector', se produit encore l'intervention de 1a divinité; mais, cette fois, le poète n'a pas l'intention de diminuer Achille ; il veut, au contraire, le grandir en montrant combien il est favorisé par les dieux. Apollon abandonne Hector ; Athéné va auprès d'Achille, l'encourage; elle va ensuite auprès d'Hector, en se déguisant sous la figure de Déiphobe, et elle lui tend un vrai guet-apens. Enfin les deux adversaires sont en présence : ils lancent tour à tour leur trait l'un contre l'autre et se manquent; ils se trouvent donc désarmés tous les deux ; mais Athéné court ramasser la lance d'Achille et la lui rapporte; le héros la lance une seconde fois contre Hector, il le touche et le tue.
Dans le récit des deux combats, le poète met les combattants aux prises dès qu'ils s'aperçoivent ; ils ne perdent pas le temps à ces provocations, ces insultes et ces menaces qui sont un des traits ordinaires du combat homérique. Le plus souvent, en effet, chacun des deux adversaires rabaisse le courage de son ennemi ; ils exaltent leur propre valeur, ils vantent les héros dont ils descendent'. Si, par hasard, ils se trouvent en présence d'un guerrier qui leur est inconnu, ils s'arrêtent, ils veulent savoir qui il est. Ainsi Diomède en présence de Glaucos' : il veut connaître l'adversaire qui est devant lui et, quand les deux héros reconnaissent qu'ils sont liés par les liens d'une ancienne hospitalité, ils renoncent à combattre; par un nouvel échange de présents, ils renouvellent le pacte d'amitié conclu par leurs aïeux.
C'est ainsi que, dans nos épopées du moyen âge, les deux champions, eux aussi, se menacent et s'insultent avant de combattre; presque toujours ils se provoquent; le défi par cartel, lancé par un guerrier et accepté par un adversaire, fait de bonne heure partie de ce qu'on appelle le code du duel. Le plus important de ces combats dans l'Iliade est celui d'Hector contre Ajax 3. Hector a su par
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pliées', dont le style et les types accusent déjà une forte influence ionienne 2, qui ne fera désormais que s'accentuer. Mais la prédominance ionienne était plutôt défavorable à l'orfèvrerie étrusque, qui, depuis l'époque archaïque (vue-vle siècle), n'a pas progressé. On perd peu à peu la finesse merveilleuse du grènetis et du filigrane, c'est une décadence lente, mais continue, qui commence au ve siècle, et aboutit aux produits grossiers de l'orfèvrerie étrusco-romaine.
Cependant, le ve et le Ive siècle ont encore donné quelques beaux colliers, souvent enrichis de scarabées (6g. [i136) ou de grosses bulles à reliefs repoussés,
dont les sujets sont presque tous empruntés à la mythologie grecque Aux anciens types ioniens, Tritons et Sirènes, têtes de Méduse ou de lion, on substitue des coquilles, des amphores, des glands, des masques de style libre, etc. On introduit les pierres fines, inconnues jusqu'alors, surtout les émeraudes. De nombreux monuments figurés (fig. 300, 302) nous enseignent la façon dont on portait ces colliers : les femmes couchées sur les sarcophages et les urnes funéraires, du Ive au ne siècle, ont très rarement le cou nu (fig. 1246) ; à remarquer le collier
d'or de la belle dame assise sur un sarcophage de Città della Pieve t', qui remonte encore au ve siècle. les figures des urnes de Volterra 6, la belle Larthia Seianti de Clusium nous montrent la même combinaison de colliers serrant le cou, et de
chaînettes à bulles pendant entre les seins [CATENA], que nous avons remarquée sur les monuments gréco-phéniciens de Chypre. D'autre part, le collier de Proserpine, sur une fresque d'Orvieto rappelle de près celui du célèbre buste d'Elché b, exemple, lui aussi, de l'art grec greffé sur des traditions orientales. Ces bijoux nous permettent de démeler les fils délicats qui relient, à travers les siècles, l'Orient et ses colonies d'Occident,
Il est curieux de remarquer que les Étrusques donnent parfois des colliers même aux personnages masculins;
Apollon et Jupiter lui-même portent cette parure (fig. 2778, 4234,; cf. 192 et 3772); c'est, semble-t-il, en souvenir de la mode grecque archaïque et en particulier ionienne des colliers d'amulettes 16.
IV. Rose. Il n'y a guère, en orfèvrerie, de style romain proprement dit : la Grande-Grèce et l'Étrurie y ont contribué à parts égales. Il n'est point surprenant que les colliers de Pompéi (fig. 5137) " reproduisent exactement des types connus en Crimée comme en Égypte : c'est là une xotvi) grecque, comme celle du langage, dont l'uniformité est favorisée par la domination romaine. D'autre part, les rares bijoux de l'époque romaine trouvés dans le Latium et dans l'Italie du Nord ne se distinguent guère des modèles étrusques du nrf-ne siècle av. J,-C. t2, On y remarque souvent la bulla, ornement distinctif des jeunes Romains (fig. 2075, 2607, 2835), ou une série d'amulettes et de erepundia (fig, 310, 311, 313). Quant au type du torques, il forme une catégorie à part [TORQUES]. Ce n'est qu'au temps du Bas-Empire qu'on rencontre un nouveau type de collier, formé de médailles d'or montées en médaillons. La plus importante trouvaille de ce genre a été faite en Transylvanie ; elle se compose de médailles de Constantin et de sa famille 13 et d'un long collier à chaînettes chargées d'une foule d'emblèmes des arts et métiers 14, exemple caractéristique du mauvais goût de cette époque. Ces colliers peu gracieux se maintiennent jusqu'à la fin du monde ancien. On substitue souvent
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Mais c'est la Crimée surtout qui nous a légué d'admirables et riches parures, plus conformes, dans leur abondance, aux goûts barbares des princes scythes qu'à la fine mesure hellénique. Nous ne pouvons qu'indiquer ici ces trésors de l'Ermitage, où les colliers à rangs multiples, à chaînettes entre-croisées, à pendeloques gracieuses et variées, tiennent une place importante (fig. 5133) '. Les hommes semblent avoir porté des torques richement décorés. C'est en Crimée que la tresse de fils d'or (fig. 1245) apparaît pour la première fois, dans la sphère d'influence de l'orfèvrerie grecque, en un exemple daté du commencement du ve siècle 2. On en trouve aussi de beaux exemples dans les types les plus récents (Ve-ive siècle) du trésor de Curium à Chypre (fig. 5134) 3. Plus tard, au ive siècle, on introduira lar
gement l'usage des pierres fines, cornalines, émeraudes, calcédoines, améthystes, etc. Ces colliers se rapprochent d'un côté des oeuvres étrusques du ve-LVe siècle, inspirées comme eux de l'art ionien 4, de l'autre côté des bijoux hellénistiques d'Asie et d'Égypte 6.
III. L'ÉTRURIE. Pendant que Ies bijoux devenaient de plus en plus modestes dans la Grèce archaïque, les Étrusques au contraire y portaient le luxe à un degré inconnu depuis l'époque « mycénienne ». C'est la tradition, sinon de cette civilisation, du moins d'une autre congénère qui refleurit en Étrurie. Il sera permis, dans cette esquisse rapide, de négliger les pauvres bijoux des tombes plus primitives à puits, ombriennes plutôt qu'étrusques Les grands tombeaux à chambre ou à coupole, du vite siècle, contenaient des trésors somptueux d'une finesse incomparable , sous lesquels les morts disparaissaient, comme les princes de Mycènes. Il suffit de nommer la célèbre Tomba Regulini Galassi de
Cervetri le Tumulo della Pietrera à Vetulonia les tombeaux de Vulci et de Canine, qui ont fourni les admirables bijoux du Musée du Louvre et de l'Antiquarium de Munich 9. Cependant, les femmes seules étaient richement parées f0, elles se couvraient d'une masse éclatante de diadèmes, de bracelets, de boucles et de colliers. Ces derniers se composent le plus souvent de simples perles à facettes ou cannelées, rondes, allongées,
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profilées à double tronc de cône. Assez fréquentes son les pendeloques à tête ou à figure humaine (fig. 5135) ", les bulles estampées et granulées, semblables aux bijoux chypriotes t2, les médaillons incrustés d'ambre, suspendus parfois à des chaînes tressées de fils d'or '`. On trouve souvent, à Vetulonia surtout, de petits flacons à par
fums, suspendus aux colliers ", ou même d'énormes alabastra d'argent, qui couvraient la poitrine comme un pectoral' 3.
Outre ces colliers précieux, on mettait avec les morts une quantité extraordinaire de perles et de pendeloques en ambre et en verre, des formes les plus variées ; les fosses de quelques tombeaux « a circoio » de Vetulonia en étaient comme tapissées. On ne se bornait pas aux types simples : un collier d'ambre de Vetulonia 1ft énorme, reproduit des poissons, des singes et des femmes nues ; on imitait, en ambre ou en cornaline (fig. 313), les scarabées égyptiens ou égyptisants, dont un grand nombre est sorti des mêmes tombeaux. Une dame de Tarquinii portait au cou une centaine de petites figurines égyptiennes en faïence verte 17. Un collier de l'Antiquarium de Munich est composé de petites idoles et de scarabées taillés en figurines, et montés en argent. Il est inutile de multiplier les exemples. Un buste de Vulci, très archaïque (fig. 2820)'', et les statues funéraires de Vetulonia 19, confirment ce luxe de bijoux, qui semblent de facture indigène, et dénotent l'apogée d'un art longuement et patiemment développé.
Au vit siècle, cet art est encore très florissant; il produit de beaux colliers à chaînettes et breloques muni
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d'Aphrodite 1 ; les princesses et les nymphes avaient des colliers d'or et d'électron 2. L'opyoç d'Ériphyle joue un rôle prépondérant dans le mythe d'Amphiaraos. Cependant, ce même ccN.oç n'est qu'un long collier de grosses boules, assez simple et même grossier, sur une kélébè corinthienne 3, qui n'est pas beaucoup plus récente que cette partie de l'épopée Au début du vie siècle, on avait gardé la simplicité de l'époque géométrique.
Les figures de femmes drapées, si nombreuses au VIe siècle, les Kdpat de l'Acropole, les caryatides delphiques, les figurines de bronze, tout en portant en général diadème, bracelets .•t boucles d'oreilles 6, manquent le plus souvent de colliers. Il ne faudrait pourtant pas exagérer les conclusions à déduire de ce fait, car, en plastique, on sait que les bijoux étaient souvent figurés par des pièces rapportées ou par de simples traits de couleur, aujourd'hui disparus. C'est ce que M. Lechat a noté en particulier pour les statues archaïques de l'Acropole ; parfois le collier est taillé en plein marbre et composé de fines perles juxtaposées ou de petites pendeloques espacées ; ailleurs il était rapporté en bronze, ou indiqué par une ligne de couleur 8. Les bulles attachées au cou par des chaînettes, qu'on remarque sur certaines statues et statuettes archaïques viriles sont plutôt des amulettes que des colliers. On les retrouve au cou des enfants et des hétaires 8. Même absence à peu près complète de colliers dans les peintures de vases, tant corinthiennes et chalcidiennes qu'attiques, sur les stèles archaïques, dans les tombeaux du vl-ve siècle. Les héroïnes, les jeunes épouses, les déesses parées pour les réunions olympiques 9 ou pour le jugement de Pâris ne portent point d'haot-moi '° ; ces bijoux manquent encore aux sculptures d'Egine et de l'Olympie, du Parthénon et du temple de Niké, aux caryatides de l'Érechthéion.
Réserve faite des lacunes dues à la disparition de la peinture ou des pièces rapportées (lacunes qui ne valent pas pour les vases peints), on peut conclure que le collier était devenu d'un usage moins fréquent, en Grèce, au vI" et dans la première moitié du ve siècle. On se rendra bien compte de la même transformation, dans le sens de la simplicité, en comparant, en Sicile ou en Grèce, la série des terres cuites appartenant au commencement du vue siècle ou se rapprochant au contraire du ve 11. Les colliers s'y font tout à fait rares.
Cependant, les inventaires du Parthénon nous apprennent que la déesse possédait, dès 434, un ôplxoç àv8€µnly et d'autres ornements dorés, qui servaient probablement de pendeloques à un collier "; plusieurs àpp.ot xpu6oi
atlot (d'or et de pierreries), sont cités dans les inventaires de la première moitié du Ive siècle 13. Les Victoires en or de l'Ilécatompédon portaient, elles aussi, des colliers 74. Les colliers ioniens et étrusques, composés souvent de fleurs de lotus et ornés de pendeloques 15, peuvent nous donner une idée de ce qu'était la parure de la Parthénos, inspirée sans doute de traditions ioniennes. On constate d'ailleurs la présence de collier à pendeloques sur la pierre signée d'Aspasios (fig. 3323) et sur le médaillon de Koul-Oba (fig. 3476)'". C'est que, dans cette seconde moitié du ve siècle, la mode changeait, sous l'influence de l'Ionie, où les
bijoux n'avaient point perdu leur vogue. Les colliers reparaissent plus nombreux à Athènes, sur les vases à figures rouges du beau style 1i.
5. Époque hellénistique. Mais c'est le Ive siècle surtout qui ramènera la mode des éo xnt. Encore fleuritelle surtout en pays ionien, soit en Asie Mineure, soit en Égypte, en Grande-Grèce et surtout en Crimée. Les artisans athéniens suivent le goût de leurs clients. Cependant, les colliers sont encore très modestes sur les vases attiques du Ive siècle 18, comme sur ceux de la Grande-Grèce et surtout de la Pouille, inspirés par des modèles attiques. Les simples rangées de perles, parfois enrichies de pendeloques, s'y répètent à l'infini (fig. 105, 862, 905, 3736, 3737, 4389, etc.) 19. En Asie Mineure, les plaques estampées de l'orfèvrerie « rhodienne » survivent, décorées maintenant de têtes de style libre 20. On 'remarquera encore, à cette époque, le type nouveau des colliers composés de grands cylindres'-'. En Égypte, à côté des motifs grecs, nous trouvons un syncrétisme curieux, se combinant avec l'ancienne tradition artistique du pays 22.
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à une chaîne entre les seins et rappelant encore les figurines chaldéennes.
M. Cesnola a déterré de semblables colliers d'or à Curium'. D'autres colliers plus récents, du même trésor de Curium (fig. 5130) 2, dénotent déjà la prépondérance-de Fart ionien le plus pur, dans leurs pendeloques élégantes, amphores, glands, fleurs de lotus, têtes de Méduse : la tradition archaïque et barbare en disparaît complètement.
Quant aux hommes chypriotes, ils semblent n'avoir porté de colliers qu'en endossant le costume égyptien 3. Comme le reste du costume, les colliers de ces statues gardent le type égyptien pur.
3. Ionie, Rhodes, Sicile. Cependant des îles de la mer Égée les traditions « mycéniennes » passèrent dans l'orfèvrerie archaïque de l'Ionie, presque sans subir l'influence étrangère. Rhodes, féconde aussi en trouvailles purement « mycéniennes », nous a fourni les meilleurs exemples de cette transition de style, dont chaque fouille exécutée dans les nécropoles archaïques de l'Ionie apportera de nouvelles preuves.
Les bijoux de Camiros (Rhodes) sont surtout admirables par la finesse du travail, par le grènetis délicat des
meilleures pièces, qui avaient été portées par les vivants avant d'être déposées dans les tombeaux : ce sont de solides et authentiques parures, tandis que les bijoux purement funéraires ne sont qu'estampés dans une mince feuille d'or à bas alliage. Dans cette série nombreuse, que les vases trouvés dans les mêmes tombeaux permettent d'attribuer à la seconde moitié du vile siècle, on remarque surtout des plaques rectangulaires
(fig. 51311, qui formaient des colliers semblables aux
plaquettes « mycéniennes » que nous venons d'étudier Cependant, les types estampés sur les plaques de Rhodes sont purement ioniens : ce sont d'abord un centaure à avant-train humain 3 et l'Artémis dite persique qui se répètent avec des variantes insignifiantes. L'on trouve encore des femmes drapées, parfois ailées, une déesse à corps d'abeille', des tètes imberbes B, des sphinx 9, des rangées de perles cannelées portant, comme pendeloque centrale, soit des têtes de taureau ou de lion '0, soit des plaquettes rondes à dessins géométriques", soit encore de grandes rosaces décorées de granulés très fins, de petits masques et de têtes d'animaux appliqués. Enfin, deux pendeloques plus compliquées, trouvées à Camiros par Salzmann et entrées au Louvre 12 (fig. 936), vrais chefs-d'oeuvre de la toreutique ionienne, rivalisent, par la finesse exquise du travail (du grènetis surtout), avec les bijoux étrusques les plus délicats.
Dans les orfèvreries lydiennes du Louvre13. le même art apparaît, mais plus grossier et provincial ; ces bijoux, dont la plupart servaient de pendants de collier, décèlent l'influence prépondérante de l'orfèvrerie ionienne des îles, non point sa dépendance de l'Asie.
C'est encore à des traditions ioniennes que nous devons sans doute
l'abondance de bi
joux que nous remarquons sur cer
taines terres cuites
de Sicile : les col
liers y figurent sous l'aspectdeplusieurs
rangées de pende
loques qui s'éta
gent sur la poitrine ,Ji
des déesses (fig. f "1' 3132)' On yrecon
naît encore le sou
venir de ces grands
« pectoraux », que
nous signalions plus haut dans les idoles de Mycènes et d'Argos (fig. 3127).
4. Grèce continentale. Dans la Grèce continentale, l'invasion dorienne ramena un âge de simplicité barbare. L'art géométrique est très pauvre en bijoux et les colliers font presque entièrement défaut të ; cependant, les témoignages de l'épopée nous enseignent que si les hommes s'étaient désaccoutumés de ces bijoux, les femmes des grandes maisons en portaient toujours 1'.
Plusieurs êpN.ot font partie de la parure nuptiale
collier de perles d'or, avec, au milieu, deux petites tètes de nègre qui rappellent de nouveau les relations des Crétois avec l'Égypte.
Vers la fin de l'époque
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qui décorèrent le palais de Tell-Amarna semblent les avoir importées. Créés pour une autre technique, ces ornements ont trouvé dans les colliers leur application la plus somptueuse.
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Cependant, à côté de ces bijoux compliqués, les simples perles de métal ou de pierres fines restent fréquentes. Un morceau de bas-relief en stuc trouvé à Cnossos 1 nous montre deux doigts d'homme tenant un
« mycénienne », la Grèce continentale a fourni encore une trouvaille importante, le trésor d'Égine, publié par M. A. Evans 2 : on y voit des colliers de perles à plusieurs rangs, d'or, d'améthystes et de cornalines, enrichis de pendeloques compliquées dont les chaînettes et les figures rappellent les types archaïques des bijoux de Troie (fig. 5126), tout en annonçant l'avènement prochain de l'art géométrique. En effet, ce trésor marque le déclin de l'orfèvrerie « mycénienne », succombant
à cet art primitif du Nord, dont les traces ont survécu très longtemps dans les pays balkaniques 3.
Comment ces grands colliers se portaient et se fixaient dans l'ajustement féminin, c'est ce que l'on comprend bien au moyen des terres cuites, tant « mycéniennes » que géométriques, que nous ont révélées les fouilles de Mycènes, de Tirynthe etd'Argos.Comrne en Égypte, le col
lier, formé souvent d'une double ou triple rangée de pendeloques, couvre comme un pectoral une grande partie du buste (fig. 5127) 4. Les chaînettes ne passent pas par
derrière et ne sont pas visibles dans le dos : elles sont fixées sur chaque épaule, par devant, à de grandes fibules qui servaient en même temps d'agrafes pour retenir le chiton sur les épaules, et qui reproduisent des types connus par les fouilles d'Olympie surtout 3.
2. Chypre. C'est surtout dans cette ile, exposée à toutes les influences, que la bijouterie « mycénienne », se fondant avec des courants égyptiens et orientaux, reçoit un développement spécial et curieux. Les fouilles récentes du British Museum en ont fourni une moisson abondante, où l'on remarque l'influence égyptienne la plus prononcée, à côté de bijoux purement « mycéniens ». Un grand collier à pendeloques de fleurs de lotus, incrustées de pâtes multicolores 8, rappelle les cloisonnés égyptiens ; un collier plus simple ' pourrait être confondu avec des bijoux égyptiens, si les petits boucliers d'or n'en dénotaient l'origine « mycénienne
(fig. 5128) 8. C'est de cette orfèvrerie mixte, qu'on peut attribuer à la fin de l'époque « mycénienne » (xne-xo siècles), que dériveront les bijoux lourds et disgracieux, les multiples colliers et les chaines chargées d'amulettes, qui couvrent le cou et la poitrine des statues chypriotes,
représentant des femmes ou des déesses,à l'époque dite gréco-phénicienne (ne-vire siècles) 0, Notre figure 512910 montre la disposition particulière de la parure serrant étroitementle cou, à la façon des bijoux modernes appelés « colliers de chien.». En général, dans ces ligures, l'ornemen
tation suit une règle constante, évidemment fixée par les coutumes religieuses : collier à plusieurs rangs et à médaillon central, serrant le cou, bulle suspendue
fréquentes tant à Tirynthe " et à Mycènes 16 qu'en Crète f6 et en Égypte ", où les artistes « mycéniens »
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archaïques représentant des déesses nues Enfin, il convient de noter qu'aucun tombeau royal intact n'a été ouvert en Chaldée, jusqu'à présent: sans doute les bijoux n'y auraient point manqué.
D'ailleurs, une mode analogue persiste en Assyrie, où les hommes portent habituellement de lourds bracelets et des boucles d'oreilles (fig. 399ii), mais point de colliers. Seuls, les rois sont parfois décorés d'emblèmes suspendus au cou par des chaînettes 2. Les femmes et les eunuques portent de simples colliers de perles rondes et lenticulaires ; les génies, mêmes barbus, et les monstres suivent la mode des femmes '. On a recueilli bon nombre de ces colliers, dans le palais de Sargon et à Kouyoundjik (vin' siècle), dont un seul en or, les autres composés de pierres précieuses 3.
On peut remarquer la même différence des sexes sur les monuments phéniciens : les sarcophages féminins sont seuls ornés de colliers 6.
II. GRÈCE. 1. Époque « mycénienne ». La civilisation dite « mycénienne », éclose et développée dans les cours somptueuses des tyrans de Crète et de l'Argolide, devait nécessairement produire une floraison extraordi naire de l'orfèvrerie; les trésors, dont la salle mycénienne du Musée d'Athènes regorge, en témoignent.
Dans les procédés techniques, dans la richesse et le mode d'emploi des bijoux funéraires, dans leurs formes mêmes, l'orfèvrerie « mycénienne » offre tant de rapports avec l'Égypte, qu'il serait difficile d'exclure une influence, probablement réciproque, influence prouvée, d'ailleurs, par les relations suivies entre les deux
pays'. Aussi les colliers « mycéniens » montrent-ils une richesse et une variété bien différentes de la simplicité monotone des bijoux chaldéens, dont se rapprochent encore les colliers recueillis à Troie 6. Les tombeaux de Mycènes nous ont montré les princes et les princesses couverts de bijoux, comme ensevelis sous un flot d'or.
Comme en Égypte, les colliers n'étaient point réservés aux femmes. Sur les fresques de Cnossos, les hommes portent également ces grands colliers à un ou plusieurs rangs °, dont bon nombre sont sortis des tombeaux «mycéniens» t6. Nous en avons d'or, d'ivoire, de pâte de verre
souvent plaquée d'une mince feuille d'or, selon la richesse du mort ou la piété des parents. Ce sont, en général, de petites plaques ajustées de façon à former un collier, ou plutôt un bandeau ininterrompu ois les mêmes motifs se répètent : rosaces et volutes, feuilles et fleurs, étoiles formées de quatre feuilles de lierre, animaux stylisés, coquilles, poulpes, poissons volants, aigles, papillons, etc. La figure humaine y apparaît rarement ".
Très à la mode sont, les chaines de fleurs de lis diminuant de grandeur des deux côtés, dont une fresque de Cnossos nous enseigne la disposition f 2. Assez fréquentes aussi, les traces d'émaux multicolores, qui remplissaient les creux des rosaces et des fleurons, les ventouses des poulpes. Nous reproduisons ici un échantillon choisi dans le Musée d'Athènes (fig. 512:1) Ces petites
pièces ajustées, ces incrustations polychromes, rappellent les mosaïques de faïence, d'ivoire et de cristal,
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équestre; niais ils pouvaient être aussi pris parmi les affranchis, sinon même parmi les esclaves impériaux. Un sénateur n'eût pas pu diriger un hôteI des monnaies de la fabrication de l'empereur'. 11 est aussi question d'un comptable de l'administration monétaire portant le titre de dispensator rationis monetae'.
Après Constantin, quand il y avait longtemps déjà que le droit du Sénat sur la monnaie de cuivre était aboli, on accorda quelquefois à des particuliers le droit de frapper des monnaies de ce métal comme spéculation d'industrie privée, ce qui amena, comme de juste, des abus sans nombre. Un rescrit de l'an 393 annula toutes ces licences 0, et ii faut peut-être établir une relation entre ce rescrit et la fin de la fabrication des grosses pièces de cuivre appelées folles SOLIDUS].
Souvent, pour faciliter l'exactitude de la comptabilité, les opérations d'un même hôtel des monnaies étaient divisées entre plusieurs ateliers distincts, dont les produits revêtaient des marques spéciales. C'est ce qui avait déjà lieu à Athènes, ainsi qu'on peut le constater par les tétradrachmes de la seconde série '. C'est ce qui se passait aussi chez les Romains 5. Ainsi, par les pièces d'Aurélien frappées à Lugdunum on peut reconnaître que l'hôtel des monnaies de cette ville renfermait quatre ateliers, désignés par les chiffres I, II, III, IV ou par les lettres A, B, C, D. A Rome, sous la hiérarchie de Dioclétien, et dans la plupart des autres villes ayant des monnaies à la même époque, on comptait aussi quatre ateliers, désignés par les lettres A, B, P, A ou P, S, T, Q, et en général chacun de ces ateliers frappait spécialement les pièces à l'effigie de Fun des quatre empereurs'.
Les ouvriers employés à la frappe des monnaies et appelés génériquement monetarii, officinatores monetae aurariae argentariae Caesaris 7, nummularii offzcinarum familiae monetariae', étaient divisés en aequatores 0, flaturarii 10, signatores, suppostores et malleatores". Ces titres révèlent une grande division du travail et correspondent à toutes les phases de la fabrication monétaire, telle que nous l'avons étudiée ailleurs [MONETA. Le flaturarius fondait et préparait le flan monétaire; l'aequalor l'amenait à un poids rigoureusement exact au moyen du limage des bords avant la frappe. Le flan était ensuite chauffé au rouge et apporté au moyen de la pince par le suppostor entre les coins-matrices ; alors les malleatores battaient les coins au marteau sous la direction du signator, qui servait de contremaître et réglait la frappe. Tous ces ouvriers étaient de condition servile.
C'est cette dernière partie de "opération que l'on voit au revers des monnaies de la colonie latine de Poestum ; au droit est figurée une balance destinée à peser les lingots (fig. 5124)'2
Sous la République on les prenait parmi les esclaves publics ; depuis César1', au moins ceux qui travaillaient la monnaie d'or et d'argent comptaient parmi les esclaves impériaux et y formaient une classe à part, sous la désignation de familia monetalis14 ou monetaria' ". Bien que maintenus toujours dans la condition d'esclaves, les monnayeurs, au milieu des troubles qui remplirent l'Empire après Septime-Sévère, profitant de l'altération des espèces monétaires et du désordre d'administration (lui en avaient été la conséquence, s'étaient rendus presque indépendants du pouvoir. Ils allaient jusqu'à graver quelquefois sur la monnaie des types et des légendes en désaccord avecla religion officielle de l'État". Aussi, lorsque Aurélien voulut reformer les monnaies, ils se soulevèrent sousla conduite du rationalis Felicissimus. Leur résistance fut terrible, et il faut que leur nombre ait été bien considérable puisque sept mille soldats périrent en les combattant. Ils furent écrasés et ramenés à la situation inférieure qu'ils avaient d'abord; leur condition ne changea plus.
Quant aux graveurs, leur situation n'était ni si honorable ni si brillante chez les Romains que dans la Grèce autonome.Tous étaient esclaves ou affranchis. Les deux grands graveurs en pierres fines, Agathopus et Epitynchanus, ont leurs épitaphes parmi les affranchis de Livie, et, dans une inscription célèbre publiée par Marini 19, P. £lius Feüx, praepositus scalptorum sacrae monetae, est dit
affranchi de l'empereur. F. LENORMANT. E. BABELOS].