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NYMPHAE. 1 Selon l'interprétation la plus récente, le mot SScor, se rattacherait à une racine indo-européenne, qu'on retrouve dans le latin nubere et dans l'allemand Knospe, exprimant l'idée de gonflement sphérique. De là le sens primitif de o.o,i = bouton de rose, bourgeon (Hesych. Suid. s. v.). Puis, par extension, ce terme aurait désigné la femme en état de grossesse. L'imagination populaire se serait donc représenté à l'origine les divinités de la production et de la croissance sous la figure de femmes enceintes. Voir ltoscher, Leaik. d. gr. und rôm. Myth. p. 500-1 (Bloch). Pour les autres étymologies, proposées tant par les anciens que les modernes, voir Ibid. et Eheling, Leu. Borner. a. v. SSµpr,. 2 Eustath. Ad Il. p. 652, 40. 3 Bekker, Anecd. gr. I, p. 17, 5; Nonn. Dion. XIV, 210. Autres épithètes de sens analogue dans Orph. Hymn. LI, 12. Eur. Elect. 625-6. 6 Schol. Aristoph. flan. 1344. 6 Paus. VIII, 31, 3; Corp. inscr. att. Ill, 212; C. i. gr. 3431; Kaibel, Ep. gr. 1072; Athen. Il, 38 B. 7 Inscription Xn0isn, dans la grotte de Vari : C. i. att. I, 428; Ben. arch. 1865, 2, pl. xxiv-xxv; Hor. Od. 1, 4, 7; IV, 7, 5. 8 Schol. Pind. Pyth. IV, 104; Olymp. XIII, 73; Anth. Pal. IV, 418. 9 Hom. Bym. Ven. 262; Od. XIV, 435; Soph.
olivier touffu est une grotte délicieuse, pleine d'ombre, sanctuaire des Nymphes, qu'on appelle Naïades. Dedans il y a des cratères et des amphores de pierre; dedans; aussi, les abeilles déposent leur miel. Et sur de grands métiers de roches, les Nymphes tissent des toiles couleur de pourpre, merveille à voir 2". e Quant aux Nymphes de la campagne, elles ont leur séjour favori dans les bosquets frais ou les prairies herbues 21. Toutes sont belles 22. Elles aiment les jeux et les danses 23. Comme la plupart des divinités féminines et jeunes, elles sont bienveillantes et pitoyables : autour du tombeau d'Eétion, père d'Andromaque, immolé par Achille, elles font croître une ceinture d'ormeaux 24 ; dans l'île du Cyclope, elles poussent au-devant d'Ulysse et de ses compagnons affamés les chèvres des montagnes25. Souvent même les Nymphes s'unissent d'amour avec les mortels 26 : les héros Aisépos et Pédasos 37, Enops 28, Iphition29, le géant Polyphème 3° sont issus d'unions de ce genre. Aussi, pour tant de bienfaits, les hommes leur rendent un culte reconnaissant. Ulysse, abordant à Ithaque, leur adresse ses actions de grâces 31. Eumée implore de leur bienveillance le retour de son maître 32. Aux portes d'Ithaque, elles ont, au pied d'une cascade, un autel où nul passant ne manque de sacrifier 33. On leur offre des hécatombes", des cuisses de brebis et de chevreaux'', des portions de porc rôti oe en communauté parfois avec Hermès.
La division des Nymphes en trois classes persista après Homère. L'époque postérieure y ajouta seulement une quatrième classe, celle des Hamadryades.
1° Nymphes des eaux. Selon Homère, les Naïades37 siègent à la source des fleuves 38 : de là leurs épithètes xp,ïvaïat, xprivtileç, 7tr(yaïat 39. Ce n'est que postérieurement que les poètes placèrent leur demeure non plus sur les bords du fleuve, mais dans le courant même 40. Aux Naïades étaient attribuées l'abondance et la pérennité des eaux vives 41. Souvent même elles portent, comme épithètes, les noms des fleuves et des sources qu'elles entretiennent : Castalides, Libethriai, Acheletides, Acheloïs, A sopiades, Kephisides, Ismenides, Pactolides, Sagaritis, Tiberinides, etc. b2. Mais, outre les eaux courantes, les Naïades ont, plus généralement encore, sous leur empire toutes les eaux douces, même stagnantes, celles des étangs et des marais : Né pat atwiSeç43 Éaelot44 Nynlphae Avernales 4". Sous leur patronage sont tout particulièrement les eaux douées de vertus médicinales. Dans le Samion, à Elis, il y avait, tout près du fleuve Anigros, une grotte des Nymphes Anigrides : une simple immersion dans les eaux du fleuve, avec promesse d'un
0. R. 1104; Aristoph. Theam. 987, et Schol. ad h. 1. [anecumus, p. 1803; nAENADE6[. Voir aussi ce qui est dit plus bas des monuments votifs. f0 Apoll. Rh. IV, 1218; Vit. Plat. p. 382, 16 (West.). 11 Aristoph. Thesnt. 987; Anth. Pal. VI, 334; Paus. 1, 34, 3. Voir plus bas ce qui concerne les monuments votifs.
12 Il. VI, 420; Od. VI, 105; IX, 154; XIII, 356; XVII, 240. 13 13. XXIV, 615:
Bs0n,... suip4ns. 14 Ibid. XX, 8. 15 Ibid. VI, 420; Od. VI, 123, 103. -16 Il.
VI, 21; XIV, 444; XX, 8; Od. VI, 123; XIII, 104, 356; XVII, 240. 17 Od. VI, 106, 123; 11. XX, 8. 18 Od. VI, 105 sq. 19 II. XX, 8; Od. VI, 123. 20 Qd. VI, 108, 21 Il. XX, 8; Od. VI, 124. 22 Od. VI, 108. 23 Ibid. XII, 318. 24 11. VI, 420. 25 Od. IX, 154. 26 Hom. Hym. Ven. 281 sq. 27 Il. VI, 21. 28 Ibid. XIV, 44i. 29 Ibid. XX, 384. 30 Od. I, 73. 31 Ibid. XIII, 356.
32 XVII, 240. 33 210 sq. 34 Xllf, 350. 35 XVII, 241. 36 XIV, 435.
37 Les différentes formes du mot sont N5ia1iç (Hom. Od. Xlll, 104); N0tt (Il. VI, 22; XIV, 444; XX, 3E4) ; Naiud,: (Hesych.); Natdit (Suid.). Racine 5ü., 50µa,
= idée d'eau courante. 38 Il. XX, 8; Od. VI, 124. 39 Hom. Od. XVII, 240; Aesch. Xantr. frg. 168 (Nauck) ; Orph. Hymn. LI, 6. 40 Ibyc. Frg. 1; Theoc. XIII, 43; Ov. Met. VI, 14. 41 Diod. Sic. V, 3; Schol. Pind. Olymp. XII, 27; Eustath. Ad Od. 1554, 17 ; Anth. pal. VI, 154, 158 ; Corp. inscr. gr. 4341. 43 Roscher, L. c., p. 508. 43 Tlieocr. V, 17. 44 Long. III, 23, 490v. Met. V, 53.
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sacrifice aux Nymphes, guérissait toutes les affections de la peau'. A 50 stades environ d'Olympie, dans le voisinage du bourg éléen d'Héraclée, était une source, dédiée aux Nymphes 'hnvfiE, qui se déversait dans le fleuve Kithéros : ses eaux étaient un remède infaillible contre les maladies de toute nature2. Mais c'est surtout aux eaux thermales qu'on prêtait ces vertus curatives. Telles étaient, par exemple, les sources chaudes d'Himère, que les Nymphes avaient fait jaillir, à la prière d'Athéna, pour rendre sa vigueur à Héraclès, las de sa lutte contre Géryon 3 ; celles de l'Etna, qui guérissaient de la goutte"; celles d'Ischia, consacrées aux Nymphes Nitrôdes °, etc. Nombre d'inscriptions et de bas-reliefs votifs nous sont parvenus, qui attestent la reconnaissance des malades envers les Nymphes guérisseuses 6 [AQUAE].
2° Nymphes des montagnes. Entre les Naïades et les Orestiades 7 il n'y a point différence de nature, mais dit un fragment d'Eschyle 8. Et c'est en effet dans les montagnes que les fleuves prennent leur source. Chez Homère, ces Nymphes ont leur séjour sur les sommets 9. Mais tous les sites, tous les accidents de la montagne leur appartiennent également. Les unes habitent ses vallons frais (aûaolvici Eç, napeae) 10, celles-là les forêts
d'autres les grottes qui s'ouvrent dans ses escarpements (âvtiptiôEç)'2. Parmi ces grottes, hantées des Nymphes, citons, entre beaucoup d'autres, la célèbre grotte Corycienne, à stalactites, sur le Parnasse"; la grotte Sphragidion, sur le Cithéron, demeure des Nymphes Sphragitides, auxquelles les Grecs, avant la bataille de Platée, offrirent un sacrifice"; la grotte dite de Pan, à Athènes, sur la pente de l'Acropole, où les Nymphes étaient honorées avec Pan '°; la grotte de Vari, à l'extrémité sud de l'Hymette'6 ; enfin la grotte à stalactites du Parnès, appelée par les modernes « grotte des Lampes»". C'est une grande salle, longue d'environ 100 pieds, où l'on a trouvé une quantité d'ex-voto, vases et lampes de terre cuite. La façade extérieure, ainsi qu'un rocher voisin qui fait saillie à droite, sont creusés de nombreuses niches votives. Il est à remarquer, du reste, que sur les monuments (voyez plus bas, fig. 5352) la demeure des Nymphes est très souvent figurée sous la forme d'une grotte. Comme les Naïades, les Orestiades ont, chacune, un domicile fixe, qu'elles ne quittent pas : c'est ce qu'expriment leurs épithètes locales, telles que Idaea, ICithaeronides, Parnassides, Heliconides" , etc. Comme habitantes des montagnes, les Nymphes entrent nécessairement en relations avec certaines divinités, qui y ont aussi leur domicile habituel : avec Dionysos, dont elles composent, sous le nom de Manades, le choeur bondissant et sauvage [BACCHUS, MAENADES] ; avec Pan, les Satyres et les Silènes,
dieux brutaux et lascifs qui les guettent et les poursuivent à travers les halliers [PAN, SATYRI, SILENII; avec Artémis qui les entraîne dans ses chasses [DIANA[ ; avec la mère
3° Nymphes des champs. Le séjour préféré de ces Nymphes, ce sont les bois ombreux et les grasses prairies que l'humidité fertilise 19. Elles produisent l'herbe, nourriture des troupeaux20. A elles aussi sont dues la croissance et la multiplication du bétail (7tt(1Yl),fèEç)21. A titre de divinités champêtres, elles entrent en rapport avec Hermès, dieu des troupeaux, qui les poursuit de ses entreprises amoureuses [MERCURIUS], avec Apollon Nomios, avec Pan. De même qu'aux autres dieux pasteurs, l'invention du chant et de la flûte était parfois assignée aux Nymphes agrestes. Déjà l'hymne homérique à Pan les appelle ),tyép.oa7rot22. Et, lorsque la poésie pastorale naquit à Alexandrie, elles furent érigées en patronnes du genre nouveau, au lieu et place des Muses 29. Rappelons, du reste, ce qu'on a essayé de prouver ailleurs [MAENADES, MUSAE], que Ménades et Muses n'ont été elles-mêmes à l'origine, selon toute apparence, qu'une catégorie de Nymphes.
4° Nymphes des arbres (`Aualpu.ln ). Les Hamadryades, que l'on confondit plus tard avec les Nymphes des bois, en étaient originairement tout à fait distinctes : « S'appellent hamadryades, dit Servius, les Nymphes qui, nées avec les arbres, périssent avec eux, tandis qu'on nomme dryades celles qui habitent au milieu des arbres2". » Primitivement donc, les Hamadryades ont été conçues comme vivant et habitant à l'intérieur de l'arbre, dont elles sont, pour ainsi dire, l'âme20, Il en est ainsi, par exemple, chez Charon de Lampsaque, dans l'histoire de la Nymphe Prosopéleia 26.On ne peut atteindre l'Hamadryade qu'au travers de son enveloppe ligneuse; son sang coule goutte à goutte de l'écorce ; sa voix se fait entendre du dedans, mais on ne l'aperçoit pas elle-même". Ce n'est que postérieurement, et par suite d'une assimilation progressive avec les Nymphes des bois, qu'on leur attribua le pouvoir de quitter temporairement l'arbre qui leur sert d'asile, ou même de lui survivre 2s. Dans le mot µaôpuc'tlEç, la particule cip.a exprime la communauté et la réciproque dépendance des deux existences de la Nymphe et de l'arbre. Quant au terme ôpilç, bien qu'il signifie proprement chéne, il peut aussi, par extension, désigner toute espèce d'arbres29. Les chênes, en effet, ne sont pas la demeure exclusive des Hamadryades : cellesci résident aussi parfois dans les frênes et s'appellent alors Méliai [MELIASTAI] 30. On trouve également mentionnées les Nymphes des lauriers et des grenadiers (Nliupat Satpvaïat,otat)". Enfin, avec les Hamadryades proprement dites, il ne faut pas confondre un certain nombre d'héroïnes, que les dieux, selon la légende, avaient changées en arbres : Daphné, métamorphosée en laurier,
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Pitys en pin, Myrrha en l'arbuste qui porte la myrrhe, etc.
Comme l'arbre ou elles sont incorporées, les Hamadryades sont n' urellement sujettes à la morti. Quant aux autre cidit Nymphes, quelques écrivains de l'antiquité semblent leur avoir attribué l'immortalité'. Mais ce n'est là qu'une opinion exceptionnelle, ou plus souvent une inadvertance 3 « Que les Nymphes vivent un grand nombre d'années, sans être pour cela complètement exemptées de la mort, telle est, dit Pausanias, la tradition commune des poètes'. » Et maints témoignages. d'époques très diverses, viennent à l'appui de cette assertion. Déjà, dans un hymne homérique, il est dit que la vie des Nymphes égale celle des sapins et des chênes de la montagne 5. Hésiode leur attribue une longévité décuple de celle du palmier °. Sophocle les qualifie de saxpaievE;7. Enfin on disait, en façon de proverbe, pour désigner un âge très avancé : « vieux
Tandis que le don de guérir était le privilège des Nymphes des eaux, la faculté prophétique, au contraire, parait avoir été commune à toutes les Nymphes. Toutefois, dans cette fonction, elles ne sont généralement que les interprètes d'une divinité supérieure. La Nymphe Erato, par exemple, était la 71po?-i(Tt; de Pan, en son vieux sanctuaire arcadien °. De même, dans l'ancien sanctuaire de Delphes, consacré à Gê, celle-ci avait pour truchement la Nymphe Oréade, Daphnis". Pourtant le don de prophétie est attribué aussi directement à quelques Nymphes isolées ou à des groupes de Nymphes : c'est ainsi que Ies Nymphes Sphragitides avaient leur oracle propre sur le Cithéron 11, Ce don divinatoire, les Nymphes le transmettaient même à leurs enfants : étaient issus d'une Nymphe la sibylle Hérophylè 92, le divin Tirésias'', le prophète et thaumaturge Épiménide ". Mais, en dehors même de toute hérédité, l'inspiration prophétique pouvait parfois se propager par contagion ou possession. On appelait vug.y6a,17rToi, possédés des Nymphes, les mortels qui, comme le devin éleusinien Mélésagoras 13, ou le célèbre devin béotien Bacisif, avaient reçu d'elIes l'enthousiasme prophétique. Dans la grotte de Vari, un certain Archidémos de. Théra se décerne à lui-même ce titre même, à propos des Nymphes Sphragitides, que beaucoup d'indigènes avaientrecu d'ellesle don de prédire l'avenir"6. Toutefois le terme vuµ?dar,7tTo avait encore un autre sens : il désignait également ceux que les Nymphes irritées avaient frappés de démence ou de frénésie, par exemple les imprudents qui, de leurs yeux indiscrets, avaient osé, au bord d'une source ou à l'orée d'un bois, contempler la nudité d'une Nymphe 1".
Nous avons vu plus haut que, selon Homère, les Nymphes étaient filles de Zeus. Mais cette généalogie n'a point été généralement suivie par les mythographes pos
térieurs20. Les traditions locales, en effet, donnent ordinairement pour auteur aux Nymphes le dieu qui préside au fleuve principal du pays. Entre ces deux conceptions généalogiques, l'opposition, du reste, n'est qu'apparente, puisque Zeus, dieu de l'orage et de la pluie, est lui-même père de tous les fleuves". Et ainsi toutes les deux expriment, au fond, le même fait, la relation étroite des Nymphes avec les eaux vives qui nourrissent et fertilisent le sol '2 Parmi ces Nymphes, issues d'un fleuve, Eschyle cite les Nymphes filles del'lnachos 23, Euripide les Nymphes filles de l'Asopos2, Apollonios de Rhodes les Nymphes filles du Pleistos", etc. Souvent aussi, la Nymphe, fille d'un dieu fluvial, était honorée comme l'ancêtre et l'éponyme de la race. Exemples : Daulis, fille du Képhisos ; Sparta, fille de 1'Eurotas; Chalcis, fille de l'Asopos26. Par beaucoup de traits les mythes relatifs aux Nymphes antiques rappellent les légendes de nos fées modernes, ou de nos nixes, ou de nos ondines. Comme celles-ci, elles ont le don des métamorphoses : elles se changent en sources (Byblis, Dirkè, Kallirhoè), ou en arbres (Daphné. Lotos, Elatè, Myrrha). Elles entrent aussi en rapports avec les hommes. Tantôt elles les entraînent dans leurs danses 2'; d'autres fois elles s'unissent d'amour avec eux28. Dans la plupart des cas, leur action est bienveillante et secourable. Cependant, comme celui de nos fées, l'amour des Nymphes a souvent de fatales conséquences pour le mortel qui en est l'objet. Philoctète avait dédaigné la passion d'une Nymphe : de là vinrent tous ses malheurs'". Plus connue encore est l'histoire de l'infortuné Daphnis : ayant trompé une fois la Nymphe à qui il avait juré une constance éternelle, il fut frappé de cécité30. Enfin, comme nos ondines, les Nymphes aiment les beaux jeunes gens ; elles les séduisent et les entraînent, par une douce violence, au fond de leurs retraites liquides. Tel fut le sort du bel Hylas, favori d'Héraclès31. Parmi les rares Nymphes qui ont une légende spéciale, il nous faut citer surtout la Nymphe Écho [ECnoj.
La religion des Nymphes était répandue dans tous les pays de culture grecque32. Mais c'est tout à fait exceptionnellement qu'elle y tenait une place dans le culte public, comme, par exemple, à Cnide 33, à Cos 36, à Théra 35, en Crète 30. Partout ailleurs le culte des Nymphes resta purement populaire et agreste. Très modestes et très simples étaient ses manifestations. Nulle part de temples proprement dits. Quelquefois seulement, comme à Olympie 37 ou à Athènes 38, le sanctuaire d'une autre divinité abrite l'autel des Nymphes. Mais, généralement, celles-ci ont pour temples naturels les bois, les sources 39 les grottes. Telle est, par exemple, la source que Platon, dans le Phèdre, a si poétiquement décrite : elle jaillit tout près de l'llissos, un platane et un gattillier en fleurs l'ombragent, et de modestes ex-voto attestent les pieuses visites des pèlerins °. D'un caractère plus imposant était
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la fontaine des Nymphes à abaque, dont parle Homère. Construite aux portes de la ville, un bois de peupliers noirs l'entoure : son eau fraiche tombe du haut d'une roche, au pied de laquelle est l'autel des Nymphes. C'est là que les habitants de laville viennent puiser l'eau nécessaire à leurs besoins', Cette fontaine d'[thaque est., en quelque sorte, le prototype de ces constructions architecturales,souvent fastueuses, dont ce fut l'usage dans les villes, à partir d'une certaine époque, de décorer les sources. Mais, bien que confiés à la protection des Nymphes, ces édifices n'ont. pas, à proprement parler, un caractère religieux : ce sont avant tout des travaux d'utilité publique [rocs, 17 MCIItECN1,. Nous avons parlé plus haut (et c'est un sujet sur lequel nous reviendrons à propos desbas-reliefs) des grottes où étaient adorées les Nymphes. En somme, les seuls monuments que réclamai le culte des Nymphes, ce sont les autels. Encore ces autels étaient-ils, le plus souvent, fort rudimentaires, construits de mottes de gazon ou de pierres mal équarries, ou, dans les grottes, taillés à même le rocher 2.
Les adorateurs des Nymphes sont, pour la plupart, les habitants de la montagne et des champs ". A. ces divines protectrices ils offrent des animaux domestiques, taureaux, agneaux, chevreaux '°, etc., ou, plus modestement, des libations de vin, des gâteaux, des fruits, du miel, des roses' . A. côté de ces dons en nature, on dédiait aussi aux Nymphes d'humbles monuments votifs, tels que ces x6oai et ces âyxî.u.az«, qui, selon Platon, décoraient la source des bords de l'Ilissos : c'étaient probablement des figurines représentant les Nymphes elles-mêmes lai ci, fig. 39:bJ
En outre. nous avons conservé toute une série de basreliefs, où l'on voit, les Nymphes, ordinairement guidées par Hermès, qui s'avancent en dansant au-devant du dieu fluvial Achéloos : ces plaques votives étaient, la plupart, du temps, placées clans des niches, à l'intérieur des grottes consacrées aux Nymphes ', Dans ces mêmes grottes, on a trouvé également nombre de débris de vases et de lampes en terre cuite, qui sont évidemment des ea'--voto laissés par de pauvres pèlerins'. Enfin on offrait encore, à l'occasion, aux Nymphes certains objets, en rapport avec leur nature ou leurs attributions. Aux Naïades, par exemple, un de leurs adorateurs fait don d'une grenouille en bronze [fig. 3.n3$) ; aux Oréades, compagnes d'Artémis chasseresse, les chasseurs vieillis dédient leurs filets, des dépouilles d'animaux tués, l'image d'un chien10 ; aux Nymphes agrestes les pâtres consacrent leurs seaux à lait ou leurs instruments de musique". Très souvent ces dons ou ces ex-voto sont offerts aux Nymphes, en communauté avec d'autres divinités, telles que les [lorait2, les Charites'3, et surtout Hermès "et Pan'''. Parfois même on se
représentait les Nymphes rendant. elles-mêmes un culte à quelque divinité supérieure'"; sur les bas-reliefs votifs, en particulier '7, leur danse est probablement un hommage rituel au roi des fleuves, Achéloos vc!n;Lors
En pénétrant dans le Latium, le culte des Nymphes grecques s'y trouva en conflit avec Ies vieilles divinités indigènes des sources et des fleures. Parmi ces divinités, les unes, comme Fonsaprès avoir continué assez longtemps une vie obscure, furent d{ltinitïvenrent évincées par le culte nouveau. D'autres, telles que ,ïuturna "', Egeria, (]e!'i,mntis, peu à peu absorbées par les Nymphes, entrèrent finalement dans leur (d'amllr. Enfin il se produisit pour Lynmp/ma'0 un phénomène souv'cni observé dans la mythologie latine : trompés par la ressemblance accidentelle des noms, les Romains crurent reconnaitre dans cette vieille divinité indigène une N mrti-n grecque. C'est ainsi que., dan, les inscriptions, non:, trouvons le mot /yrrtp/lae employé jusqu'aux derniers temps comme équivalent de tlyrnphae.
Chez les Romains, la conception des Nymphes parait s'être rétrécie, en se précisant. On les réys'ra presque exclusivement comme divinités de l'élément liquid Aussi les monuments en leur honneur qui nonparvenus proviennent-ils, pour la. plupart, du voisina des sources, des lacs, des bains. ylais c'est principalement. autour des sources thermales giii se développa et fleurit leur culte. Bien plus encore qu'en Grèce abondera fans le monde romain les inscriptions votives aux Nymphes
guérisseuses (Vrmp/ras niedicis, sa/2cfrrrées, fards) 22. 1i ne semble pas Lontefois qu'eli, y aient eu il
proprementparler de temples''. Les constructions, patif«fis désignées de ce nom chez les écrivains 2', n'étaient probablement que ces fontaines architecturales ou nymphées, dont on pariera ailleurs'.%'ynlphmutin Le culte des Nymphes consistait, at ➢tome, en sic ifices ` , ofrandts' insc'riptions'i, bas-rclie'ia 2'. Un assez grand nombre de monuments votifs se sont conservés et proviennent de toutes les parties du monde romain 29 'souvent, dans les dédicaces, les Nymphes sont associées à quelque divinité supérieure, avec laquelle elles ont quelque attribution commune, par exemple à Jupiter, considéré coin taie dieu de la nature physique 30 Apollon, médecin "
è Diane, déesse des sources et des fontaines 3' , à Sylvain'' au Gentils pagi3L, parfois même àNeptune", â Crrès3', rnémne au cavalier Thrace' Les épithètes Lrès variées par lesquelles les inscriptions qualifient les Nymphes se peuvent ranger en quatre groupes distincts: 1° épithètes honorifiques ou pieuses: c/eae, dii'f0(1 B Salimiae sasictissinmaej 3°, wenerandae.", auqustae'°', donminae I..2 20 épithèles physiques, transportées des eaux vives aux Nymphes
CLAVDIV3i ASCLE P!ÀD fi 5 Er CAECILIV3-ASCLEHHADE3 EXV©TO:NY,vgAQv5i D-D
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elles-mêmes : perennes aeternae2, novae3; 3° épithètes célébrant les vertus des eaux thermales: medicae, salutiferae, salutares (pro salute) a ; 4° épithètes locales : Nymphae Varcilenae °, Lupianae 6, Caparenses
tiriselicae8, etc. ; Nymphae quae in nemore sunt9.
Le type artistique des Nymphes n'a jamais été très nettement fixé. Jeunesse et beauté, ce sont là les seuls traits personnels que leur attribue la poésie. Ils ne suffisent point à les distinguer d'une foule d'autres divinités féminines, Heures, Charites, Muses, ni même, parfois, des simples mortelles. Sur le vase b'rancois, par exemple,
l'inscription NéY«t nous permet seule de reconnaître deux Nymphes dans les deux jeunes femmes qui accompagnent le cortège de Dionysos 10. De même, sur le basrelief archaïque de Thasos, qui est au Louvre, c'est encore l'inscription qui nous apprend que les huit jeunes femmes guidées par Apollon ne sont pas, comme nous serions tentés de le croire, des Muses, mais des Nymphes et des Charites 71. Plusieurs artistes grecs célèbres, Colôtés, Damophon , Praxitèle, avaient, diton, sculpté des Nymphes. Mais nous ne savons rien de ces oeuvres. II nous est impossible, par conséquent, de discerner en quelle mesure elles ont pu inspirer toute une série de bas-reliefs votifs,
qui, malgré d'assez
sensibles variantes, semblent se rattacher à un même original du
ivesiècle12. Sur ces ex voto, ce ne sont plus seulement les indications épigraphiques, c'est aussi lelieu agreste de la scène, la présence constante d'autres divinités pastorales,
enfin certains détails typiques d'attitude et de groupement qui nous permettent d'identifier les Nymphes. Toujours la scène se passe dans une grotte, figurée par le rebord arrondi et irrégulier de la plaque. Comme groupe central, nous voyons Hermès, entraînant dans une marche dansante trois Nymphes drapées qui se tiennent par la main' 3. Ce choeur s'avance vers la gauche, où émerge du sol la tète barbue, et parfois cornue, du roi des fleuves, l'Achéloos. Un autel grossier est ordinairement situé devant le groupe des Nymphes. Enfin, au haut de la grotte, assis sur une anfractuosité d'où il domine la scène, Pan rythme leur danse en jouant de la syrinx (fig. 5352). L'identification des trois femmes drapées est mise hors de doute par la dédicace, répétée sur plusieurs exemplaires : Nb~.~xtç, ou Huai xxi N(iuxatç. Un autre type postérieur et plus simple se rencontre sur une centaine de bas-reliefs, découverts en ces dernières années à Saladinovo, en Thrace 14. 11 se rapproche du précédent et, par le nombre des Nymphes qui y est invariablement de trois, et par le lieu de la scène qui, ici encore, est une grotte figurée parla courbure arrondie et saillante de la plaque. Sur tous ces bas-reliefs, on voit, soit trois Nymphes nues, qui s'enlacent à la façon des Charites (fig. 5353), ou qui dansent avec des voiles flottants; soit trois Nymphes dra
pées, qui se tiennent debout, ou marchent, ou dansent. Plusieurs plaques portent les inscriptions Néutpxtç, ou
d'un style populaire et très grossier', datent du 1I° ou me siècle de notre ère. Enfin un dernier type, qui se répète à satiété à l'époque romaine, est celui de la Nymphe, nue jusqu'à la ceinture, les cheveux flottants, tenant devant elle un bassin ou une coquille16. Ce motif ne se rencontre pas seulement sur les ex-voto; il servait aussi pour la décoration des fontaines. Il comporte, du reste, plusieurs variantes. Tantôt la Nymphe porte à la main ou sur l'épaule une urne. Tantôt elle gît couchée, à la façon des dieux fluviaux, sur une urne qui épanche son eau. Sur la fig. 535417, on voit trois Nymphes de ce type, escortées à gauche de Diane, à droite de Sylvain et
d'Hercule. O. NAVARRE.
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