Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PARASITUS

PARASSITUS (flxpxat-roç).-Le nom de parasite désignait, à l'origine, en Attique, une fonction des plus honorables'. On appelait ainsi certains personnages, associés aux prêtres de telle ou telle divinité, pour les aider dans les soins matériels du culte. Leur principale fonction était la levée du blé sacré (rl tioü îepeo aaoa ixad7v1) 2, c'est-à-dire destiné aux repas de sacrifices, Mais comment se faisait, cette opération ?C'est ce que nous ne savons pas au juste. D'après les ternies, assez obscurs, d'un règlement de l'archonte-roi, il semble que le territoire de chaque dème était divise en plusieurs circonscriptions, dans chacune desquelles un parasite procédait à la levée du grain sacré 3. Les parasites avaient-ils aussi à fournir les boeufs nécessaires aux sacrifices'? On l'a prétendu', à tort, ce semble Quoi qu'il en soit, après avoir recueilli le blé, I Froehner, lus«. du Louvre, 96 Ili,icnbs, ger, Syli 96; Bon siel, Disd, d. arabisée de la pkarsanll du moyen âge et de la Perse moderne. 8 Ceusorin. De P.sRASITUS, i Polémou ot Crab e, ap Ath. V1, 234 D 235 B. 2 Craies, L. 1.. fragm. p. 115 sq. 4 A. Mommsen, _Peste der Sladl Athen, p. 164, n. 4. L'auteur admet une lacune du telle. 5 S'il en était ainsi on ne s'expliquerait pas que craies, Pollux, Hésyohius parlent seulement de la levée du blé, n Ath. ,'i 235 C; Poil. L. 1. e Cela n'est dit expressément que du culte d'Héraclès ; le prêtre devait, de concert avec les parasites, offrir à ce dieu un sacrifice mensuel (Ath. 4'l. 2:4 E). Mais il est probable qu'il en était de oléine dans les autres cultes. 8 Ath. VI, 235 B. 3 Du moins cela est-il certain pour les Xripuxe., qui sentaient de parasites à Apollon Délier, à Marathon (Ath. Vit 234 F). 10 Le verbe napae teOr signifie proprement « prendre son repas en compagnie de quelqu'un n (Plat Lach. 17tt B). Solon havait employé en parlant de personnages nourris au Prytanée (Plut, Sol. 24). Polémon explique -dpav.m; par osoi,.,44 (Ath, ces magistrats veillaient à ce qu'il filt déposé dans un local officiel tÿoynïovl, qui, de leur nom, s'appelait orxpxa'cstov Une autre de leurs fonctions consistait à aider le prêtre dans l'accomplissement des sacrifices périodiques offerts à la divinité'. En récompense de leurs soins, ils recevaient une part des victimes s, et prenaient, pendant toute la durée de leur charge, leurs repas dans le temples. C'est à ce dernier privilège que fait, évidemment, allusion leur titre de ,ux?xaraoc 10. Ils étaient nommés par l'archonte-roi, non pas directement, mais par l'intermédiaire d'un certain nombre de préposés (ip7cv,sç), qu'il avait délégués à cet effet". On les prenait dans chaque dème "-, parmi les citoyens légitimes, riches, et de vie honorable i3. Il n'y avait d'exception que pour le culte d'Hé.raclès au Kynosarge. En sa qualité de vélo„ ce dieu y était servi par des parasites de méme condition 15. Il était interdit aux parasites désignés de décliner cette fonction : précaution qui prouve qu'elle entraînait des charges et des ennuis 15. Parmi ceux-ci, il faut sans doute compter les inimitiés inévitables que s'attiraient ces magistrats, en établissant, chacun dans sa circonscription, le rôle de la levée du blé sacré 16. En cas de mauvais vouloir, le parasite désigné était traduit devant le tribunal. Nous ne trouvons mention de ces parasites sacrés qu'à Athènes, dans les cultes locaux d'Héraclès au Kynosarge 11, d'Apollon à Marathon la età Acharnes 10, des Dioscures 20, et, vraisemblablement aussi, d'AthénaPallénis2l.Laparasitie religieuse était, selon toute apparence, une institution fort ancienne : il en est question dès le var siècle, dans les lois de Solon (cuoén;ç) 22. Mais elle parait s'être éteinte de bonne heure. car Aristote, dans sa Constitution des Athéniens, n'y fait aucune allusion, et un de ses contemporains, le poète comique Diogène de Sinope, en parle comme d'une chose abolie 23 De ces parasites retigieux°, il faut sans doute distinguer certains fonctionnaires civils, portant le même titre. Cléarque de Soles, disciple d'Aristote, nous apprend que, de son temps encore, il y avait, dans la plupart des États grecs, des parasites adjoints aux plus importants magistrats2'. Et Aristote, dans sa J?dpubliquee des lfétltoatiens, disait qu'à Méthone les ia javrE; avaient, chacun, deux parasites, et le polt,marque un seul, lesquels touchaient certaines redevances fixes sur les denrées, en particulier sur le poisson'. Nous ne savons rien de plus de cette deuxième classe de parasites, encore moins connue que la précédente, et qui ne parait pas avoir existé à Athènes 2G. S., 13 Ath. VI 238 D. Acrc A. Mommsen, 0 1. p. 165, 'e lis .xa Seau s0v 10888888 au lieu de i, 00,aa,5, 15. Ath. V'1, 234 L. cf. Plut. Tbmn 1 Swd. s.,. Russe.,8a ,. Toutefois celle i,°' t icnlarits`' n'ezistail pas dans le culte héracléen de Marathon, comme on le voit par Ath. VI, 236 D c. cf. A, Mommsen, O. !. p. 16'3, n. -15 Vth. VI, 234 L. If A. Mommsen, 0. 1, p. x63 u. 5. 17 Ath. L. 1. d'après an décret conservé dans l'Héraclèion et transcrit par Polémon. Il est probable, d'après Diogène de Sinope. cité par Alh. VI, 239 D, que l'Héraciès de Marathon avait aussi des parasites a son service. lb D après une smille loi rituelle, rapportée par Ath. VI. .34 F. 19 D'après le règlement de I archoule-roi (Ath L. / et 235 Cl. 26 D'après une suscription qui se lisait dans 1A,xxero4, et qui réglait la part des victimes revenant au prêtre et aux parasites O. 1. 234 F). -24 D'après des inscriptions votives (Ibid.). 22 Alh. VI, 2344 F. 23 lbid. Aucune trace. non plus, de la parasü.ie dans les inscriptions2s Ibid. 235 A. 24 Ibid 235 C. 29 Les parasites officiels acaierl été étudiés dans l'antiquité par Cléarque de Soles, auteur d'un rss7il,s; (ainsi intitulé, dune« d ondes flatteurs d'Alexandre), et par Polemou le periégèse dans sa Lettre sept hSr:ws o'soµdswo. C'est à cette double source qu'Athénée a surtout puisé sa compilation (VI, 2344 sq.) Chez les 1 1ist. de tA d. des fnscr. et Belles-letl. 1. %AI (1768;, p. )1-57; M. H. E. Meyer, art. reaor, dans I' dllgeno. Eneycloptidie dErseh et Grubes, p. 417 sq. , De Kant PAR 331 --PAR Quel écrivain détourna le premier de son sens honorable le mot Poros pour en affubler l'engeance éhontée des écornifleurs f ? Ce fut, semble-t-il, Araros, fils d'Aristophane, dans sa comédie l'hyménée 2. Toutefois, chez ce poète, l'emploi du mot est encore ironique. Il ne devient usuel qu'à partir du temps d'Alexis, auteur d'une pièce intitulée les Parasites '. Mais, si le mot est relativement récent, la chose est ancienne. C'est en Sicile, au aLe siècle, que le parasite fut d'abord mis sur la scène. Dans sa comédie 0-coq, Épicharme y fait parler ainsi un de ces personnages 1 Je Bine avec qui me veut, il suffit de m'inviter, et même avec qui ne me veut pas, l'invitation est superflue. A table, je suis plein d'esprit, je fais rire tout le monde, et je loue mon hôte. Et, si quelqu'un s'avise de le contredire, je m'emporte contre lai, et je me charge de la querelle (?). Après cela, bien repu, bien abreuvé, je me retire,» Tout le programme de vie du parasite, toute sa philosophie est là. Tel que l'a dépeint Épicharme, tel il reparaîtra indéfiniment dans la comédie attique C'est probablement en souvenir de son origine sicilienne que l'un des masques du parasite, au théâtre, était appelé b Elxaatxéç 6. Le parasite n'est point, du reste, un personnage de convention. Nul doute qu'Épicharme déjà n'en eût pris le type dans la réalité. La Sicile, dans l'antiquité, passait pour la terre classique de la gourmandise et de la bonne chère De plus, la flatterie parait y avoir été un vice très répandu, et comme endémique 8. Deux circonstances d'où devait naître logiquement l'industrie des pique-assiette. En ce qui concerne ceux d'Athènes, nous ne sommes pas ainsi réduits aux conjectures. Plusieurs nous sont connus par leurs noms et par une collection d'anecdotes que nous a transmises Athénée 9 L'un d'eux, Chéréphon, avait écrit un traité des repas (Azïrvov) 1e. D'autres avaient laissé après eux une réputation d'esprit, et leurs bons mots avaient été recueillis it. Mais sur la réalité historique du personnage, le témoignage capital est le Banquet de Xénophon, où nous voyons un de ces misérables exercer, avec plus de zèle que de succès, son office d'amuseur''. Le parasite était un des types de prédilection de la, comédie attique, moyenne et noutnetttel". C'est surtout g rie à elle que l'on peut encore esquisser cette curieuse physionomie. Tout l'art du parasite a un but bien déter miné, c'est de subsister aux dépens d autrui (R 7cahaptz, Sei,rreïv) t . Il y avait de ces personnages, installés à demeure chez leur patron, leur nourricier 1" (b tpéfalv), comme ils disaient. De bonne heure même, le parasite fit partie, au même titre que l'eunuque et le pédagogue, du train de maison d'un homme riche '^, Toutefois, la plupart n'avaient pas d'amphitryon attitré. Ils vivaient au jour le jour, sans cesse à la piste d'une invitation i7. Pour cela, ils se rendaient, chaque matin, sur l'agora, aux bains, aux gymnases, dans tous les lieux où fréquentaient les riches et où on recueillait les nouvelles 1B. Apprenaient-ils que quelque festin se préparait chez un riche, ils ne manquaient pas d'y courir. Apercevaient-ils sur le marché un cuisinier, occupé à faire d'abondantes provisions, ils le suivaient jusqu'au logis de son maître f0. Pas un repas de noces, de sacrifice ou de victoire, dont ils ne fussent informés d'avance et où ils ne se présentassent 20. Les uns s'insinuaient subrepticement et par ruse "i Les autres, au contraire, s'annonçaient effrontément, comme ce Philippe du Banquet de Xénophon, qui fait dire par le portier qu'il arrive « porteur de tout ce qu'il faut pour dîner aux dépens d'autrui "2 ». On peut croire, du reste, que, dans les réunions nombreuses, ils étaient généralement bien accueillis : de même que les danseuses et les joueuses de fl Utes, ils contribuaient à l'amusement des convives 2a. Une fois admis, en effet, le parasite a un rôle à jouer. Ce qu'on attend de lui, c'est qu'il fasse rire 2' Parasite et bouffon(ysA~tioxotoç12, T(gtondyoç20,derisor2 ridiculus2t) sont deux termes à peu près synonymes. S'il fait rire, ii est quitte et a payé son écot. Mais, quand les convives ne se dérident pas, il n'a pas rempli son office ". Heureux dors, si l'hôte déi'u ne le fait pas brutalement jeter à la porte 30. Certains de ces farceurs avaient, nous l'avons dit, laissé une réputation d'esprit 31. Leurs saillies s'étaient conservées dans des recueils spéciaux, où leurs successeurs allaient approvisionner leur verve, On y distinguait les bons mots attiques (attici iogi) et les bons mots siciliens (simili loci) ceux-ci de qualité inférieure a2. Mais n'a pas de verve et d'esprit qui veut. La plupart des parasites y suppléaient par un autre art, qui est plus à Iis portée de tous : la flatterie. Admirer le maître en face, e extasier de tout ce qu'il dit et de tout ce qu'il frit,s'emporter brusquement contre ceux qui le contredisent, ou, l'argent, d'enfoncer la porte d'une hétaïre, d'empocher des coups, de mentir, de se parjurer, d'être faux témoin, le parasite est prêt à toutes ces besognes'. 11 est l'agent né de toutes les entreprises louches ou indélicates 13. Il y avait, naturellement, plusieurs classes sociales de parasites". Aforce de souplesse et d'esprit, quelques-uns ont pu peut-être se sauver d'une complète abjection. Mais la plupart ne gagnaient leur pitance quotidienne qu'au prix d'humiliations et d'avanies sans nombre, Au dernier rang de l'échelle, il faut mettre ces pauvres hères que Plaute appelle pittoresquement plagipatidae ou Lucanes'. Assis au bas bout de la table, parfois même sur un simple escabeau aux pieds du maîtres, prenant le moins de place qu'il peut pour ne pas gêner ses voisins 17, ce meurt-de-faim sera, pendant tout le repas, le plastron et le souffre-douleur des convives.Il n'est pas de moqueries, de mauvais tours, de mystifications qu'on lui épargne 1â. Souvent même, on ne s'en tient pas là Les coups de poing, les pots, les os du repas lui volent à capitan, sorte de condottière enrichi par la haute paie et le butin, est, par sa sottise et sa vanité, une proie toute désignée aux intrigues des hétaïres et des parasites. Enfin, il reste un autre moyen de plaire qui exigeait encore moins d'esprit que la flatterie. C'est le zèle officieux, la complaisance à toute épreuve 8. Souvent le parasite est une sorte de factotum, qui fait les courses, les commissions, les emplettes du patron 9. Volontiers surtout il se charge du marché : c'est là son office propre, où il excelle, et qu'il réclame comme un droit 10. Quand son patron est quelque jeune fou, amoureux, il n'a pas de PAR ..u_ 332 PAR simplement, ne lapplaudissent pas assez, c'était déjà.au la figure nt Il accepte tout, et affecte d'en rire 20. La seule temps d'Epicberme, le programme du parasite '. Parmi chose qu'il redoute, c'est d'être expulsé 24. 11 y a, en effet, le,, traits de basse adulation qu'offre la comédie 2, certant de jours où ii jeune n. Que de prétextes pour l'écon tains paraîtraient hors de toute vraisemblance, s'ils duire : « Je dîne en ville. Nous sommes au complet, à n'étaient, en quelque mesure, confirmés par l'histoire. table2t , etc. Aussi, une fois admis, sa patience est-elle Qu'on lise, par exemple ce que raconte Athfnée des flatsans limite. 11 se revanchera, du reste, quand les convives teurs de Denys de Sicile, Atovueoxcnaxeç 3. C'est surtout I seront endormis, en dérobant tout ce qui lui tombera aux côtés du soldat fanfaron que se rencontre le type du sous la main, l'argenterie, les serviettes 2'`, flagorneur ` (xoèe, 9 , adulatar e , assentator 7). Ce 1 Avec la civilisation grecque, l'industrie des parasites s'introduisit, elle aussi, à Rome". Elle y trouvait, d'ailleurs, un terrain excellemment préparé par l'institution dégénérée de la clientèle2". Vers les derniers temps de la République, et surtout sous l'Empire, cette institution avait, en effet, complètement change de nature, Les clients, alors, ne sont plus généralement que des fainéants sans vergogne, qui trouvent commode de vivre aux frais de quelque grand personnage. Au lieu d'un seul patron, chacun d'eux en a maintenant plusieurs, le plus qu'il peut (sexaginta, mille) 27. Pour obtenir du maître, qu'ils appellent bassement rex, dominus 99, une gratifie plus dévoue et de plus impudent complice que le paracation, une toge, un bon repas 29, c'est entre eux un con site 1l. S'agit-il de duper un père, de Iui extorquer de cours de flagornerie", où les Grecs surtout (Graeculus csuriens..., adulandi gens prudentissiina) sont passés maîtres 31 . A table, ils se font humbles, acceptant le bas bout (imi derisor lecti) 32, se contentant même d'un menu moins délicat que celui de leurs commensaux". Enfin vint un temps où le repas fut remplacé par la sporlula, modeste rétribution quotidienne qui était souvent leur unique ressource 3. fcLrpavs'. Parmi ces personnages faméliques, on compte même des littérateurs et des poètes : Martial u, Stace 39par exemple". Le parasite, sous ses traits romains, fut souvent mis sur la scène par la comédie nationale 38. Il figurait dans plusieurs logalae de Titinius 39, dans des atellanes de Pomponius40, et à peu près constamment dans le mime. Dans ce dernier genre, il était même régulièrement chargé des seconds rôles, et son emploi principal était de faire rire, en singeant tous les gestes et toutes les paroles du premier rôle'. Sur le costume scénique du parasite, en Grèce PARASTASIS [DmiTETAi, p. 1261. PAR __333 PAR