Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PHALANX

PHALANX. L'étymologie du mot est inconnue. Il est souvent employé dans Homère 1, et toujours au pluriel, sauf en un seul passage Ceci correspond probablement à la façon dont il faut se représenter l'ensemble des troupes grecques qui assiègent Troie; ce n'est pas proprement une armée obéissant à un seul chef : c'est une réunion de contingents divers, qui ont un chef indépendant. Chaque contingent forme une phalange Si une bataille est décidée, les troupes se mettent en ordre en dehors du camp ; même, quand le camp est défendu par un fossé et des palissades, on ne profite pas de cet abri pour l'opération toujours longue et difficile de ranger les troupes en bataille t. L'habileté à bien disposer la phalange (xoap.Eiv, xp(vEty) est très souvent louée par Homère; c'est un des traits distinctifs des chefs, qui sont dits pour cela xoap71T0pE7. Nous n'avons pas d'indication sur la profondeur de la phalange ; l'ordre de Nestor suppose au moins trois rangs ; elle en avait sûrement davantage 6. Les rangs sont très serrés. « Comme un homme dispose avec des pierres bien serrées le mur d'une maison élevée pour se garantir de la fureur des vents, ainsi étaient serrés et les casques et les boucliers bombés : le bouclier pressait le bouclier, le casque pressait le casque, le guerrier pressait le guerrier; les casques et les crinières se touchent par les cimiers brillants quand les guerriers se penchent, tant ils sont serrés les uns contre les autres Homère décrit toujours rapidement la rencontre des deux phalanges ennemies sur le champ de bataillez ; il néglige de raconter un combat en masse : il ne s'inquiète que des exploits des princes. On peut voir cependant par de nombreux passages, qu'en somme, l'objet du combat était de rompre la phalange ennemie e A la tactique homérique succède la tactique dorienne; la prépondérance de chefs, supérieurs par la force, la bravoure, l'armement, est beaucoup moins marquée ; le combat est l'oeuvre de tous ; le choc des deux lignes de fantassins pesamment armés, des deux phalanges d'hoplites décide pour longtemps du sort des batailles. Cependant le mot phalange ne se trouve ni dans Hérodote, ni dans Thucydide. Il est, au contraire, fréquent dans Xénophon, qui l'emploie tantôt pour désigner le corps des hoplites 9, tantôt pour désigner la ligne de bataille 10. Il semblerait que Polybe le premier, après Xénophon, aurait employé le mot phalange pour désigner le corps des hoplites 11 C'est à partir de Philippe 12 et surtout d'Alexandre que le mot a pris un sens très précis. Dans l'armée macé VII. dorienne, la phalange constitue la grosse infanterie des hoplites. Tous les soldats de cette armée, qui sont Macédoniens, sont appelés les compagnons, les hétaires du roi ; les soldats de la phalange sont les hétaires à pied, les 77EUTxtp0t [HETAIROI, p. 162]. Ce sont des Macédoniens libres, mais n'appartenant pas à la noblesse, comme les hétaires proprement dits qui sont tous des cavaliers. Ce qui distingue la phalange macédonienne du corps des hoplites dans les autres armées grecques, c'est que tout y est calculé pour que l'effet que doit produire le corps des hoplites y soit porté au plus haut point de puissance. C'est le choc de l'hoplite, avons-nous dit, qui, dans la tactique dorienne, décide du sort des batailles. L'organisation de la phalange eut pour objet de rendre le choc de ce corps irrésistible. Tout est sacrifié à cet objet. L'hoplite n'a, en réalité, qu'une arme offensive, la lancef3, et une arme défensive, le bouclier 1S. Dans cet armement, il y a un juste équilibre entre les moyens de défense et d'attaque. Chez le phalangite, cet équilibre est rompu en faveur de l'attaque. La lance de l'hoplite semble avoir été de 2 mètres13; Philippe donna au phalangite la sarisse qui, au temps d'Alexandre, avait 12 coudées 16, soit 5 m. 50. Une telle lance était tenue par les deux mains. Il est à peine question de l'épée comme arme du phalangite ; elle devait être très courte 17, Le bouclier n'avait guère qu'un peu plus de 0 m. 50 de diamètre 18 ; au milieu était figurée une étoile dardant ses rayons 19. On suppose que l'armement était complété par un casque, une cuirasse et des jambards, Alexandre adopta généralement la formation de laphalange sur huit rangs 20 ; pour l'organisation de ce corps, cf. HETAIROI, p. 162. La tactique d'Alexandre avait consisté à bien protéger les deux flancs de la phalange, à empêcher qu'elle fût attaquée par derrière; c'est la cavalerie qui a le rôle offensif dans toutes les batailles qu'il a livrées. A l'époque romaine, ces précautions furent négligées; aussi, sur un champ de bataille accidenté, la phalange, qui a toujours manqué de souplesse, put être facilement vaincue. L'aspect qu'elle présentait avait quelque chose d'effrayant; et à Pydna, Paul ]mile ne put réprimer un mouvement de terreur en la voyant