Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PODIUM

PODIUM, 1 Vitruv. III, 4, 5; V, 6, 6; Vll, 4, 4; Plin, Ep. V, 6, 22. 2 Pallad. 1, 38 ; cf. 1, 18, 2 et Colum. IX, 7, 1 : suggestus lapideus. POE le sacrilège, le meurtre, l'inconduite des filles et des femmes. Lorsque les membres du groupe se trouvaient devant un de ces crimes, ils se gardaient de tuer le parent coupable, être à la fois maudit et sacré. Ils le mettaientà la discrétion des dieux; ils l'exposaient à quelque épreuve mortelle. S'il en sortait vivant, il était absous par la volonté divine. S'il y succombait, c'est que les dieux l'avaient condamné et du même coup l'avaient exécuté. L'ordalie primitive fut à la fois une preuve et une peine. Les hommes n'intervenaient que pour choisir le mode et les conditions de l'épreuve. Ce n'était pas peu de chose, à vrai dire. Que le patient fût exposé aux dieux de la mer cousu dans un sac, enfermé dans un coffre ou placé sur un bateau sans agrès, les chances de salut n'étaient nullement égales. Quand on obligeait un accusé à passer dans l'atmosphère délétère des Palikes r,aLicl], quand on emmurait une épouse coupable avec une certaine quantité de vivres, quand on immergeait une fille soupçonnée d'avoir failli, la même épreuve était, selon sa durée, une exécution capitale, uneprocédure tortionnaire eissue douteuse, ou une formalité expiatoire. Le système des ordalies comporta toute une échelle de peines afflictives'. Le criminel surpris en flagrant délit ou qui avouait son crime perdait par là-même sa valeur d'homme. Plus de droit pour lui, ni de foyer. Il était xTlµoç et, par suite, z8éutaTOç, àvÉarroç 2. Avec sa femme, ses enfants, sa maison, il était hors la loi. Tout le inonde pouvait lui courir sus. Comme rien ne lui appartenait en propre, il devait fuir nu', à moins qu'on ne lui laissai quelques loques. Les insultes, les coups de Giton et de fouet, les pierres pleuvaient. Si le malheureux ne tombait pas en route, il était banni à tout jamais, il devenait un « loup » 4. Sa maison était rasée. Son corps ne pouvait être enseveli dans la terre natale, et même les ossements des siens étaient quelquefois déterrés. Le sol du yévoç ne devait pas conserver la trace d'une engeance maudite. Cependant l'atimie n'avait pas pour effet inévitable la proscription. Quand le crime ne soulevait pas l'indignation générale, par exemple, dans le cas de l'adultère, il existait une atimie du second degré, l'atimie à l'intérieur. L'implacable chasse à l'homme était remplacée par une promenade burlesque et ignominieuse. Après quoi, le coupable devenait un paria. Méprisé, repoussé de partout, il était puni par la mort civile et l'excommunication'. Enfin, il suffit que la propriété mobilière prît en Grèce une plus grande importance, pour qu'on eût l'idée de vendre comme esclaves un bon nombre de ceux que jusqu'alors on avait proscrits ou relégués dans la honte :l'atimie du criminel eut pour conséquence la servi tude pénale'. 20 D'un yiVOç à l'autre, les relations se réglaient d'après un droit des-gens coutumier, la 'if«. Entre étrangers les crimes sont des actes de guerre; les peines, des actes de représailles. Le droit interfamilialapour principe lavéngeance'. Pour le sang versé il faut du sang. Qu'il y ait eu préméditation ou accident, n'importe. Pas d'excuse, pas de circonstance atténuante. Patrocle enfant tue un compagnon en jouant; son père l'emmène chez Pélée, 521 -POE pour le sauver a. A plus forte raison, n'admet-on pas dans un groupe la légitimité de la vengeance exercée par le groupe adverse. La vendetta ne trouve jamais sa fin en elle-même. L'offenseur dont la vie est menacée doit s'exiler.« Qui a tué un homme dans sa patrie va en pays étranger 9. » Sans doute, les vengeurs du sang poursuivent le fugitif tant qu'ils peuvent". Mais l'exil du criminel équivaut pour sa famille à un abandon noxal et la met à l'abri des revendications l'. C'est par là que la fuite volontaire du meurtrier est devenue insensiblement un bannissement obligatoire. « Sa destinée désormais est d'errer parmi les hommes'. » Même « quand on a tué en son pays un homme qui ne laisse pas beaucoup de vengeurs, on fuit, abandonnant parents et patrie 1' ». Mais la lutte engagée pouvait aussi se terminer par une transaction, une eèonIç• A l'époque homérique, les parties en décidaient souverainement, en dehors de toute juridiction' 1. L'offensé avait grand'peine à s'y résoudre' Le ressentiment ne cédait qu'à la cupidité. Le coupable devait payer le prix de la composition. C'est ce que les Grecs appelèrent itotvn. La 7rolvii avait pour principal but de compenser le préjudice causé par l'offense; mais elle servait encore à racheter la vie de l'offenseur (à7tolvx)16 et à réparer l'honneur de l'offensé (T(µ-il) '7. Elle variait donc selon la gravité du crime et la position sociale de l'une et de l'autre partie. De toute façon, il faut « beaucoup payer » (sfo'n' icitoTively) 13 : les offres d'Agamemnon à Achille et des prétendants à Ulysse le prouvent assez1°. Il peut même être question pour le coupable d'abandonner totalement son patrimoine 20. A la longue, l'usage fixa des tarifs de compositions, sauf pour le prix du sang : dans l'Odyssée, Ilèphaisstos et Arès n'ont pas besoin de discuter le prix de l'adultère (g.oiïsyolx), ils s'en tiennent au taux coutumier (a%ai.x) u. Si le débiteur ne paie pas la 7i6iV' aux termes convenus, l'offensé reprend purement et simplement son droit de vengeance". °3. l«)rmation des peines dans la cité. Quand la cité engloba les y€v-q dans sa juridiction, il se produisit une certaine fusion entre la l mu et la 8(x-q. L'État prit pour lui le droit de défense interne qu'avait eu le ymvoç. Il ne supprima pas le droit de vengeance privée; il défendit, en principe, de l'exercer sans une décision judiciaire et ne tarda pas à se charger de l'exécution sur les personnes. Lés dieux, sous les auspices de qui se plaça la vindicte sociale, la fortifièrent de toute leur autorité : la malédiction, autre forme de l'atimie, devint la peine principale, à tel point que longtemps encore les Grecs, dans leur embarras à exprimer l'idée de peine, recoururent au mot ca et à ses composés23. Enfin, comme l'offenseur et l'offensé faisaient partie de la même communauté, la criminalité des actes résulta, non plus seulement du dommage causé, mais aussi de l'intention : le droit religieux, qui graduait les expiations et les purifications en tenant compte de l'élément moral, apprit aux législateurs et aux juges que les crimes prémédités et les actes involontaires ne devaient pas être frappés des mêmes pénalités. VII. 66 POE développement de la propriété individuelle. Là même où pour les biens-fonds on en était resté au régime de la communauté familiale, on avait trouvé moyen de le concilier avec le principe de la responsabilité personnelle. « Tant que vivent les parents, dit la loi de Gortyne, le partage ne peut être exigé. Toutefois, si l'un des enfants est frappé d'une condamnation pécuniaire, il sera mis en possession de sa part". » L'État ne se borna pas à consolider et à légaliser les tarifs coutumiers ; il les mit d'accord avec les idées nouvelles, pour leur donner plus d'ampleur et en tirer une institutionimprévue, L'usage de la composition persista dans la période historique. On le constate à Delphes'', à Tralles 12. Les premiers législateurs, tels que Charondas, Dracon et même Solon, lui tirent une place peut-être considérable''. Mais c'est la loi de Gortyne qui nous fournit les plus nombreux exemples de compositions tarifées (lue nous possédions. On y trouve le montant des sommes à payer pour viol et pour commerce illicite", pour infanticide commis par la femme divorcée' pour suppression d'état d'un homme libre ou vol d'un esclave L6, pour félonie des garants envers les affranchispour irruption d'un successible dans l'héritage commun", pour détournement de biens après divorce9°, etc. Des chiffres donnés par la loi se dégagent certains principes: la composition varie d'abord selon la condition sociale de l'offenseur et de l'offensé, ensuite selon les circonstances du délit. En assurant à la partie lésée les dommages-intérêts légitimes, la cité réclama sa part. Les peuples germaniques ont ajouté au weicrgeld le fredum ; les Grecs ont tiré de la 7c0tvr ce qui s'appelle à Gortyne la 01p.tç. Les garants de l'affranchi qui ne lui paient pas les dommagesintérêts légaux doivent le double à tout poursuivant et la Oé.p.tç à la cité (Té`.t ToÀt 0su.Ev)20. Le séducteur, qui doit normalement à l'offensé cinquante statères, doit, en cas de contestation non justifiée, le double et une e€p.t; de cinquante statères 21. Ainsi, à Gortyne, le dommage délictueux se paie au triple, dont une unité revient à l'Étal. Or, l'Iliade nous apprend qu'avant la période de juridiction sociale, il se réparait au triple, Uéptoç oïvoxa 22 C'est donc bien avec une fraction de la 7cotvrl que s'est constituée la OEµts T xo)tEt, la part du peuple ou ~Flu:a. Cette part augmenta rapidement. Déjà la loi de Solon sur l'injure qualifiée adjuge trois drachmes à l'offensé et deux au fisc 23 Les lois athéniennes sur la ôixy É;oéan;;, la Efx~ f trio s et la lix«q i'„atpiaewç accordent la valeur litigieuse au plaignant et autant au trésor public 26. La i~la absorba la 'roiv' d'où elle était sortie et devint l'amende. Elle fut pour les Grecs, comme la orotvs pour les Romains, la peine par excellence. 1. Le droit de punir. A l'époque classique, les Grecs cherchaient naturellement à justifier ce produit historique qu'était leur législation pénale.Ils se posèrent la question du droit de punir. D'après un célèbre passage d'Aulu-Gelle", les philosophes donnèrent trois explications : 10 la peine est un châtiment, une correc Le droit de tuer l'offenseur n'appartint plus à l'offensé que dans des cas de flagrant délit déterminés limitativement'. En règle générale, il fallut une sentence capitale pour le livrer à l'accusateur et à ses consorts 2, ou pour le faire exécuter par la main du 3toç, devant le champion de la victime 3 Les citoyens en masse eurent également le droit de se venger, avec ou sans formes, des crimes énormes qui les lésaient tous, trahison et sacrilège. Avant l'établissement des ypafai ou actions ouvertes à tout venant, les crimes publics étaient nécessairement réprimés, soit par la justice sommaire du peuple ou des magistrats, soit par un décret de mise hors la loi. On recourut à 1a lapidation jusqu'à une époque tardive dans les cités, et peul-ètre toujours dans les camps [LAPIDATIO?. Même là où le sens juridique se perfectionna, la peine de mort en matière politique fut constamment prononcée par décret, sans débat contradictoire. L'atimie plénière, empruntée à la OÉN.t;, autorisait le premier venu à tuer les condamnés à mort par contumace elles bannis en rupture de ban 1. La loi vouait même certaines catégories de criminels à la mort ipso jure, permettant à tous et à chacun de les frapper par tous les moyens, sans jugement et sans décret nominatif'. La fuite de l'offenseur, qui n'était dans la l(xr qu'une mesure de précaution personnelle et une renonciation à la solidarité familiale, devint, toujours en vertu de l'atimie, le bannissement à perpétuité, entraînant la confiscation des biens et la privation de sépulture. Mais, comme la souillure de l'homicide involontaire pouvait être lavée à l'étranger par les purifications rituelles, le droit pénal, s'inspirant du droit religieux, admit comme peine du pévoç âxoéatoç l'exil à temps 6. La cité conserva l'atimie à l'intérieur, et en fit la privation des droits civiques, qui s'accompagna le plus souvent d'excommunications et de formalités infamantes. Avec les éléments fournis par la coutume, elle combina une troisième sorte d'atimie. Le coupable qui ne payait pas la composition retombait à la discrétion de l'offensé La règle admise pour les obligations à cause de délits valut encore quand la transformation de la propriété multiplia les obligations contractuelles; mais le créancier, devenu le maître du débiteur, se gardait bien de le mettre à mort; il le réservait pour la servitude pénale, la servitude de la 7roty 8. Le chef de famille agissait de même avec les siens, soit pour les punir d'une façon fructueuse, soit pour se libérer d'une dette °. L'État laissa faire et en fit autant. 11 prononça l'atimie contre tous les débiteurs publics. Cette atimie produisit toutes sortes d'effets : l'esclavage, la contrainte par corps au moyen de l'emprisonnement et, par un dernier adoucissement, la suspension des droits civiques. Mais de toutes les transformations que subirent les institutions pénales de l'époque primitive pour passer dans la cité, aucune n'est plus remarquable que la singulière extension donnée aux peines pécuniaires. C'est que l'évolution politique et sociale qui a fait triompher la juridiction de l'État a été elle-même déterminée par le POE 523 POE fion )xônxatç, vou0seix) : elle a pour but d'amender le 2' la peine est la réparation d'une offense (T4p.0.9pf7.): elle a pour but de donner à l'offensé tontes les satisfactions auxquelles i1 a droit, ('1, cî: T uolo/v, TOC -ataûv-o ïvx z-o-arpoA`rl) 2; 3' la peine est en acte d'intimidation, une leçon donnée aux méchants ,xaz3_(yµx) : elle a pour but d'arrêter, par la crainte d'une souffrance, quiconque serait tenté de commettre un méfait préjudiciable à l'intérêt public, et mérite ainsi par surcroît le nom de Ces théories ne faisaient que donner une apparence systématique aux idées qui s'étaient dégagées jadis ou se dégageaient encore des institutions sociales. Laphilosophie interprétait l'histoire à son insu. Dans le clan primitif, le criminel était un être hanté par les mauvais esprits. On pouvait l'exposer à une épreuve qui le tuerait ou l'exorciserait; on pouvait préférer une solution plus purement humaine, l'expulser, s'il était trop dangereux, ou le soumettre à un traitement destiné à le rendre inoffensif. Mais, entre groupes dont les relations se bornaient à la guerre ou à la paix, ce qui tenait Iieu de punition, c'était la vengeance ou le prix du sang, la Tlpu "x ou la 'Otvvj. Par suite, la justice de la cité eut longtemps pour mission essentielle de légitimer et de régulariser la Tluwpix; mais, à mesure que se fortifiait la solidarité des citoyens, la. conception familiale de la zd)xn;ç sortait de son cadre naturel et s'étendait à la T17o'p(a elle-même. Enfin, une autre idée prit une place de plus en plus grande dans le système pénal de la cité. Déjà le groupe patriarcal, lorsqu'il punissait l'un des siens et se vengeait d'un étranger, se défendait contre une attaque et entendait bien, par cette preuve de puissance, décourager à l'avenir toute tentative semblable'. L'État eut donc, dès le début, le droit de repousser les agressions qui menaçaient son existence et de punir les actes qui, impunis, eussent attiré sur le peuple entier la colère des dieux. Mais, quand le progrès de l'évolution sociale fit considérer tout crime, et non pas seulement la trahison, le sacrilège et l'homicide, comme une violation de la loi et un attentat contre la communauté, alors, même dans les cas oû la justice réparait des lésions particulières, elle senlblase porter au secours de la société compromise en terrifiant les coeurs vicieux et faire de la prévention par la répression. A la belle époque, l'opinion générale a complètement cessé de justifier la. peine par la nécessité de lacorrection patriarcale; la passion privée ou publique peut bien }' trouver toujours une satisfaction légitime au désir de vengeance.' mais, avant tout, la conscience sociale donne au droit de punir pour fondement. psychologique l'intimidation, qui est un moyen, et pour fondement moral l'utilité commune, qui est le but. Les philosophes les plus anciens élaborèrent leur théorie sur le droit de punir en un temps où les premiers législateurs s'efforçaient de faire accepter les décisions judiciaires aux offensés en accablant les coupables. Dans la Grande-Grèce, à côté de Caleucos, qui donne force de loi à la coutume du talion, on voit Pythagore, qui l'érige en principe et la fonde en raison. La loide Rhadamanthe est la loi suprême; elle n'a qu'une règle, la balance des dommages soufferts, Titi rzvT:-6730V Oç'. r, Mal pour mal, c'est la sentence (les vieux iiges" Les sophistes cherchèrent au droit de punir une base plus rationnelle. Ce fut surtout l'oeuvre de Protagoras'. Pour lui, le mal fait est fait: impossible de le réparer. La répression est une absurdité ; la prévention seule est logique et utile. Le chàtiment a pour objet l'intimidation. ÿ-OTOO-r iv=xa '/.OÀéyoty S. Cette doctrine eut beau être combattue, au nom du droit à la vengeance, par Démocrite, l'adversaire déclaré de Protagoras'; ce fut elle qui l'emporta, et l'Athénien qui l'expose dans les T,nl.r• de Platon est le représentant de la conscience hellénique f°. Les orateurs demandent sans cesse aux, juges de raire un exemple1l, les historiens expliquent par l'idée d'exemplarité l'origine et les rigueurs croissantes de la législation pénale' 2, et, Socrate justifie la peine de mort par I'impossibilité de contenir l'injustice autrement que par la crainte 13. La doctrine de Protagoras n'excluait pas l'idée de correction. A cette idée Platon donna une importance prépondérante. La société dont il trayait le portrait devait être régie par des institutions patriarcales d'un caractère essentiellement moral et religieux. C'était, au fond, un retour au régime du clan, idéalisé. Du bout des lèvres, Platon prononce les mots familiers d'intimidation (â.-oTioal), d'exemple (acxpxôsl 'u,x) "°. Lieux communs auxquels il faut bien rendre hommage en passant. Mais la doctrine qu'il développe avec complaisance est tout autre. Où les lointains ancêtres voyaient l'oeuvre des esprits malins, il. voit une. maladie Le criminel qu'on exorcisait à moins qu'on ne Mit obligé de le tuer, il veut le guérir, si c'est possible S3, et le retrancher de la société ou le mettre à mort, si le cas est désespéré ". Le juge est un médecin" ; le délinquant est un malade qui mérite la pitié 15 : il doit se régénérer, par l'expiation et le remords", dans une maison de santé morale, une maison de correction, le TtoCpov.0T'/,ptov r'. Ainsi, Platon, qui part de la conception la plus barbare, aboutit aux conclusions que soutiennent: aujourd'hui les plus hardis criminalistes de l'école anthropologique. Mais il nous montre en même temps, par de terribles exagérations 22, que de dangers présente un système pénal oit les crimes sont des péchés et les juges les serviteurs d'une morale religieuse. Avec ses théories réalistes et sa méthode d'observation, Aristote lit redescendre le.. droit sur terre et systématisa les idées cour lntes2'. Le criminel est un ennemi de la société2,. Il faut le frapper, comme on ferait une bête brute sous le joug217. La société n'a pas le choix : on l'attaque, elle se défend ci se venge'. L'ceuvre de défense sociale est. nécessaire : par cela même, elle est légitime et bonne'. Bien mieux, les actes de répression ont les avantages de mesures préventives ; car la prévision d'une souffrance prompte et sûre fait contrepoids à l'attraction mauvaise de la volupté'. En ce sens, la loi pénale agit àla façon de la médecine prophylactique2. Encore faut-il que les peines puissent se mesurer. Le violateur du contrat social a rompu l'équilibre entre les contractants ; la peine doit le rétablir Elle n'y parvient qu'en instituant entre le dommage et la réparation, non pas la stricte égalité, mais une juste proportion : il faut que le coupable souffre plus de mal qu'il n'en a fait 4. En résumé, la doctrine d'Aristote, avec ses réminiscences diverses et son goût prononcé pour le principe d'autorité, cache dans ses stratifications le passé juridique de la Grèce et présente à sa surface, en pleine lumière, l'esprit public qui en était résulté. § 2. La responsabilité pénale. La question de savoir sur qui peut s'exercer le droit social de punir a été résolue, en règle générale, par la distinction fondamentale de l'infraction préméditée et de l'acte involontaire. Les Grecs ont proclamé à l'envi que l'intention fait le crime et mérite le châtiment. Mais, sur quelques points, la réalité donnait un éclatant démenti aux principes. Le droit criminel renfermait d'étranges survivances. On y reconnaît tantôt la responsabilité collective des vieux âges, tantôt l'institution qui était destinée à la combattre, l'abandon noxal. 1° La peine de mort elle-même pouvait, dans certaines circonstances, être appliquée à toute la famille du condamné. Le principe de la solidarité familiale avait été précieusement conservé dans les cas où il fortifiait la vindicte des dieux et de la cité. On voit, en 479, les Athéniens lapider le traître Lykidas avec sa femme et ses enfants 0. Plus tard, quand ils fixèrent les bases de la justice criminelle dans les villes confédérées, ils portèrent contre le meurtrier la peine de mort personnelle (TEAv7 ro) et contre le traître la peine de mort collective (TE9va-7o xxt 7LaCÔEç `oe ixç ixç 9o) 6. On connaît effectivement, dans la seconde moitié du ve siècle, un décret de mort lancé pour motifs politiques contre une famille contumace 7. Mais, à cette époque, le peuple athénien y aurait regardé à deux fois avant d'exécuter une famille qui eût été réellement en son pouvoir, et la preuve, c'est que, précisément dans cette circonstance, le coupable en personne, ayant été pris à la guerre, fut relâché. D'après une prescription formelle', les enfants ne devaient pas être englobés dans la condamnation du père, s'ils avaient donné des preuves de civisme : cela signifiait, en réalité, qu'ils n'y étaient englobés que s'ils avaient manifesté Ieur hostilité envers la confédération. Après le lynchage de 479, l'histoire d'Athènes ne présente plus un seul exemple d'exécution collective. Un texte parle de la sorcière Théôris condamnée à mort avec toute sa famille; mais c'est un texte apocryphe, et tous les autres documents ne mentionnent que l'exécution de la coupable La peine de mort collective a donc disparu du droit attique dès la première moitié du ve siècle. Du moins elle n'existe plus que dans un L J. G. ns 1X, 1. 32-33,56-58. -13 Michel, no 1381, 1. 39.41. 14 Od, XXII, 215-223. cas tout à fait exceptionnel : on menait au supplice tous les esclaves d'une maison, quand l'un d'eux avait tué son !naître, sans qu'on connût le coupablet0. Mais le progrès ne fut pas aussi rapide dans le reste de la Grèce. 11 ne fut jamais réalisé dans les villes grecques d'Italie et de Sicile ni, à plus forte raison, dans les pays mal grécisés comme la Thrace et la Macédoine ". L'atimie, aussi, devient personnelle. Au temps où la vie du proscrit appartenait à tous, sa famille partageait son sort (IXTIN.oç Ë0T8) aûrbç xai yevoç 12, â7rraauaOat xai aIÎTbv xai yivoç Tb 5E(vou 13). Cependant, dès l'époque homérique, on cherchait à tuer le coupable, mais on laissait sa femme et ses enfants partir pour l'exil' 4. Quand l'atirie s'adoucit pour le coupable lui-même, elle fut donc un bannissement collectif sous peine de mort. Athènes expulsa, au vue et au vie siècle, les partisans de Cylon, les Alcméonides et, en une fois, sept cents familles 1'. La plupart des villes conservèrent cette odieuse pratique dans la règle des guerres civiles16. Quelques-unes consentirent à faire une différence entre le père et les enfants en cas de rupture de ban, distinction qui ôta au bannissement héréditaire tout caractère de proscription 1'. Athènes alla plus loin. Le décret de bannissement perpétuel rendu contre les Alcméonides fut suspendu en fait par la loi d'épitimie promulguée par Solon " et ne rentra en vigueur qu'exceptionnellement19. Quand on expulsa les Pisistratides, l'atimie atteignit seulement les tyrans avec leurs enfants 20; les autres membres du y€voçpurent demeurer dans la ville et même aspirer aux honneurs ; on se contenta de les rendre inoffensifs en les menaçant d'ostracisme2l. En 471/0, les enfants de Thémistocle ne furent pas bannis aveclui; ils furent seulement soumis à une atimie spéciale qui ne tarda pas à être levée par un acte de réhabilitation". Aussi l'atimie qui frappa en 411/0 les enfants d'Archeptolémos et d'Antiphon condamnés à mort23 n'est-elle ni le bannissement ni, à plus forte raison, la peine capitale, mais la simple privation des droits civiques. Dès le ve siècle, c'est seulement contre les étrangers ou les alliés 22, ce n'est plus jamais contreles citoyens, qu'Athènes lance des décrets de bannissement collectif. Une fois que l'atimie eut cessé d'être collective et transmissible sous la forme redoutable de bannissement prononcé par décret, elle ne put pas longtemps rester attachée à la famille du condamné sous la forme adoucie de dégradation civique prononcée par jugement. Deux documents, datés l'un de 444/3, l'autre de 378/7, sont également protégés contre toute proposition illégale par une menace d'atimie; mais le premier emploie la formule Tl~ov €val vè èv xai 7:6(i3aç T'sç ixç ExEivo, le second se borne à dire û7tvpyivtn vi' t â'r(la.ml Eivat 96. Un passage d'Andocide permet de préciser l'année de cette réforme 26 : c'est sous l'archontatd'Euclides, en 403, qu'une revision générale des lois fit disparaître du code athénien la transmissibilité de l'atimie. Il n'est pas vrai que les enfants des condamnés à mort aient toujours été frappés d'atimie ipso jure. Une pareille pénalité n'a jamais été inscrite POP: éi2tï --PO1 dans le droit athénien et ne se trouve meure plus dans les décrets après 403, Les seuls cas oit 1«m observe la transmission de l'atimie au lv" siècle, ce sont ceux oit l'atimie est une incapacité provisoire des débiteurs publies'. Le bel exemple donné par Athènes ne fut pas suivi de si tôt. Dans le dernier quart du Ive siècle, on voit encore le crime de proposition illégale menacé d'atimie collective à Erésos et à Nèsos 3. A Sparte, l'atimie héréditaire, qui créait aux familles une situation très dure, était une peine si fréquente, qu'elle diminuait dans de fortes proportions le nombre des citoyens`. 1l est pourtant une peine qui, même chez les Athéniens, a laissé subsister la solidarité de la famille au profit de flash : c'est la confiscation générale des biens. Les Athéniens voulurent, du moins, qu'elle fût toujours la sanction directe d'une responsabilité personnelle. Dans les autres villes de Grèce, elle fut la vengeance ordinaire des partis vainqueurs, et cela jusqu'à la conquête romaine; dans Athènes, la démocratie, fidèle à la tradition de Solon, ne procéda jamais à la spoliation d'une faction ou d'une classe 5. Même dans ces limites, la confiscation blesse par ses effets le sentiment de l'équité, surtout lorsqu'elle est consécutive à une exécution capitale. Les Athéniens s'en rendaient compte Itlais ils éprouvaient pour les peines privatives de la liberté bien plus de répugnance que nous n'en sentons pour la confiscation. Et, comme ils renonçaient dès la fin du ve siècle, à confisquer les biens des condamnés à mort, leur avidité mémo tournait en mansuétude, sauvant une vie humaine chaque fois qu'elle prenait une fortune. La responsabilité collective de la famille explique, en même temps que la confiscation, l'abatis de maison 7, A l'origine, cet acte de vengeance symbolisait le bannissement collectif et réalisait l'imprécation xa'r' auTOU x«i yÉVOO; xai oix(xç. On détruisait les tombes ; on n'allait pas laisser debout la maison. Quand le bannissement devint une peine personnelle, la confiscation des biens permit encore de raser la demeure du condamné. Les Athéniens', les Corinthiens", les Spartiatest0, les Argiens", punissaient ainsi les tyrans et les traîtres. Quand la valeur des immeubles fut assez grande en Grèce pour que cette dévastation parût absurde, lacoutume primitive se perpétua par une sorte de droit au pillage qu'exerçait le peuple'', 20 Tandis que le principe de la solidarité familiale se survivait par l'abus, toujours plus restreint, des peines collectives, le principe contraire de l'abandon noxal se maintenait par des exagérations, tantôt cruelles et tantôt bizarres, dans l'application des peines personnelles. Les enfants n'étaient pas responsables de leurs actes; leur père était seulement tenu de réparer au simple les dommages qu'ils avaient causés. Cependant on faisait exception pour l'homicide. Platon demande qu'on exile l'enfant qui a versé le sangt3. Nous voyons, en effet, un enfant banni à perpétuité de Sparte pour un homicide involontaire, tout comme le Patrocle de l'Iliade ". . Tout indique que les Athéniens restèrent également fidèles à la règle traditionnelle'"'. La responsabilité di' If Faut dégageait celle de sa famille. Le maitre, civilement responsable àr raison de son esclave, échappe à toute sanction, s'il livre criminel à la partie lésée. L'esclave condamné comme meurtrier est abandonné aux parents de la victime, qui le font mourir de telle manière qui leur planta. L'esclave qui blesse un homme libre, qui commet un vol ou cause un dommage est livré au demandeur qui en fait sa volonté, à moins que le maitre ne le rachète en payant l'amende au taux légal". L'abandon noxal des animaux n'est pas moins répandu, Une loi de Solon ordonne de livrer le chien qui a mordu un homme, avec un carcan de trois coudées'a. Ici la peine est appliquée sans autre forme de procès. Mais une disposition de Dracon, qui ne fut jamais abolie, fait juger au Prytanée la bête accusée d'homicide'"o Dans les peines infligées à des objets inanimé, se retrouvent jusqu'aux idées animistes et expiatoires des sociétés primitives, On songea sérieusement à Olympie à expulser de l'Apis une statue coupable d'avoir fait une blessure mortelle°s0, Au Ive siècle, dans l'île de Thasos, une statue homicide fut poursuivie devant le tribunal par les fils de la victime et condamnée à être précipitée à la mer'. Il n'est, donc pas étonnant que la loi ait ordonné aux Athéniens de juger au Prytanée les objets en pierre, bois, fer ou toute autre matière, (lui avaient causé mort d'homme. Les objets condamnés étaient bannis, &està-dire jetés par-dessus les frontières (û7rcpoptau.dç) ou dans III. LA MESURE DES PEINES. 1. Les l eirles .ees o' les peines appréciables. Les Grecs se rendaient compte que l'idéal, en droit pénal, est de proportionner le châtiment fila faute, x.xTxvrly a (av TIC ic fit a.GÇ 2.3 Mais comment réaliser cet idéal? Faut-il que la loi prévoie tous les crimes à tous les degrés et prépare pour chaque espèce une peine appropriée? 12aut-il laisser aux. juges un droit illimité d'appréciation'? Le premier de ces systèmes triomphe dans la Grandes Grèce et en Sicile. Zaleucos imposa la. règle du talion en cas de blessure, multiplia les sanctions capitales, bref, transporta des juges aux lois le pouvoir d'assigner à chaque faute sa peine, de façon à obtenir l'unité et la fixité de jurisprudences''. Charondas fit de même, a Ill voulait surtout empêcher les juges des tribunaux criminels de substituer aux textes leurs interprétations et leurs idées et. de ruiner par leurs fantaisies personnelles l'empire des lois". » Mais un code qui prétend avoir réponse à tout est toujours à, refaire. Au , s::Min les Thouriens demandèrent une réforme pénale aa sophiste Protagoras 26. Dioclês fit subir à la législation de Syracuse un remaniement complet, dont profitèrent beaucoup d'autres villes : il s'efforça, hlï aussi, d'assurer la répression de tous les crimes et d'établir une échelle de peines d'après une gradation minutieuse 2i. Cette oeuvre, admirable de profondeur, dut être recommencée de siècle en POE 526 POE siècle. Timoléon en chargea. liéphalos et Dionysos, qu'il fit venir de Corinthe ; le roi _Hiéron en chargea Po]ydoros 2. Travail de Pénélope, qui contraignait les générations successives de juges à l'application mécanique de lois plus vite vieillies encore quo renouvelées et qui ne les laissait jamais tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes. Que d'injustices dans ces tribunaux « humbles, muets et réduits à cacher leur opinions » Sparte resta obstinément attachée à la méthode contraire. Ses lois criminelles ne furent ni codifiées ni même rédigées isolément. Lycurgue n'est qu'un personnage légendaire ; niais l'adage. qui lui est attribué à tort reste authentiquement spartiate : « Pas de lois écrites », u. yp~atia.t osa lyypzot;'". La gérousia et les éphores jugeaient d'après des coutumes transmises oralement". On se vantait à Lacédémone de n'avoir rien innové durant plus de sept cents ans". Cependant, d'après Plutarque, on modi fiait la tradition suivant les circonstances dans les affaires d'un moindre intérêt'. En réalité, les chefs de cette oligarchie conservatrice étaient les maîtres absolus et irresponsables de la justice criminelle : ils pouvaient faire « dormir » la lois et, quand ils l'éveillaient, ils jugeaient en toute souveraineté (zûpto1), sans être liés par aucun texte (agi'7s» «40it€ç) . La jurisprudence pénale de Sparte respectait autant que possible des principes invariables'"; elle n'en variait pas moins, au gré des idées dominantes, des passions ou des nécessités politiques, voire des prévarications les plus éhontées ". Entre deux systèmes, dont l'un faisait du juge une machine à punir et l'autre un instrument de tyrannie collective, Athènes et, à son exemple, la plupart des cités grecques cherchèrent un moyen terme. Platon, malgré les critiques qu'il adresse en passant aux tribunaux tumultueux «comme des théâtres», exprime l'opinion de ses concitoyens. Il rejette la théorie du tout ou rien. 11 établit une cote mal taillée entre la force obligatoire des lois et le pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Il faut. que le législateur fixe les peines avec une sorte de honte'" » et que le juge les applique « avec la précision d'un archer habile" », de facon à frapper les boulines injustes le plus justement possible''. Selon que le recrutement des luges est plus ou moins fortement organisé, ii convient que la législation soit exacte à définir les crimes et à déterminer les peines, ou « qu'elle présente des esquisses et des types de pénalité à titre d'exemples" 11. Ces idées ,s'harmonisaient très bien avec les procédures de jugement qui avaient survécu aux institutions judiciaires des temps primitifs. A l'origine de la juridiction sociale, les juges avaient eu, tantôt à châtier par une application immédiate et souveraine de la coutume (xptv_ei), tantôt à choisir entre les prétentions contradictoires des parties (L'«éÇetv)'". De là une distinction, essentielle en droit attique, entre les causes à sanctions non appréciables, où les juges n'avaient qu'à rendre leur verdict pour provoquer l'application spontanée des sanctions légales ,ày(llvts âT?p r,Tot), et les causes à sanctions appréciables, où Ies juges avaient à se prononcer, non seule ment sur les faits de la cause, mais sur les sanctions proposées par les adversaires (àyô)vEç Ttµ-thol). Par cette distinction, Athènes parvint à soustraire son droit aux exagérations qui viciaient d'une facon égale, quoique contraire, les lois non écrites de Sparte et les législations des colonies occidentales. 2. Le cumul des peines. Sur le cumul des peines les décisions du droit attique diffèrent, suivant que les peines sont fixes ou laissées à l'arbitraire (les juges. Le législateur ne craint pas d'accabler le condamné de plusieurs peines. C'est que jadis la mise hors la loi s'appliquait à une famille entière, corps et biens, à perpétuité. Elle comprenait, outre l'alternative de la mort ou de l'exil, la confiscation générale avec l'abat is de maison et la privation de sépulture. Dans l'Od?l.es(ê', on menace un rebelle de le tuer, d'expulser sa femme, ses fils et ses filles et de réunir tous ses biens au domaine royal ". La formule complète de la mise hors la loi dans la vieille pénalités comprises dans l'atimie primitive, même quand elles se distinguèrent nettement, ne se détachèrent presque pas l'une de l'autre. Partout les lois et les décrets menacent les criminels de la confiscation jointe, selon les cas, à la peine de mort, au bannissement ou à la servitude. Cependant il est un crime qui n'a jamais comporté le cumul de la confiscation avec la peine de mort : c'est le meurtre. Sous le régime familial, les parents de la victime avaient le choix entre la vengeance et le prix du sang; ils ne pouvaient pas vouloir les deux. Quand la peine de mort remplace la vengeance privée, elle exclut la peine pécuniaire qui remplace la composition. Une opinion assez répandue admet que la confiscation accompagne la peine de mort prononcée par l'Aréopage '9 ; mais Aristote ditpositivement le contraire 20. C'est une disposition de son droit qu'Athènes impose à une ville alliée dans cet article : « Si un Érythréen tue un autre Érythréen, qu'il soit mis à mort. S'il est condamné au bannissement perpétuel, que ses biens soient confisqués au profit d'Érythrées21. Tout autre était le principe appliqué dans les tribunaux populaires. Ils avaient été fondés par l'État souverain en un temps où l'on ne comprenait plus l'incompatibilité de la alise à mort et de la mise à rancon. Leurs jugements de condamnation pour crime public, obtenus par action publique ou par eisangélie, cumulaient la confiscation avec la peine capitale. La loi sur le sacrilège et la trahison est d'accord sur ce point avec le décret-loi de Dèmophantos22, et elle a trouvé son application dans les procès _historiques jusque vers la fin du ve siècle 2J. Mais après l'archontat d'Euclides, l'histoire d'Athènes, où foisonnent et les condamnations à mort et les confiscations pour crime de trahison, ne présente plus un seul exemple de sentence portant les deux peines, excepté pour crime de péculat. Désormais, si la confiscation est jointe à la peine capitale, c'est pour faire rentrer l'État dans ses fonds, et non pour aggraver encore la peine la plus grave. En règle générale et sauf le cas de contu POE 527 POE macel, les enfants du condamné à mort ont droit à leur patrimoine. Cette réforme, due à la philanthropie d'Athènes, est d'autant plus méritoire, que partout ailleurs persiste l'odieux cumule. A Ioulis, l'oligarchie, soutenue par les Thébains, exécute et dépouille ses adversaires, tandis que les vengeances d'Athènes et du parti démocratique se bornent à des condamnations capitales sans plus ou à des bannissements accompagnés de confiscations'. Athènes est d'avis que le plus grand criminel, en payant son crime de sa tête, libère ses enfants 4. Il semble à première vue que le cumul des peines doive être plus fréquent encore dans les procès appréciables. Il n'en est rien cependant. Les juges n'exercent point dans les èywvEç 'r;vo( une juridiction absolue, arbitraire. Ils ont à se prononcer sur l'application de pénalités exclusives : ils décident si et dans quelles proportions le criminel doit être puni sur son corps (stûpa) ou sur sa Le système des âywvaç 'n i',TO( se retrouve partout en Grèce"; partout la Ttptctg pose devant le tribunal une 7âO-iv xx iiµaval 7. Il faut seulement observer que la confiscation des biens, qui n'est pas une peine principale, est entraînée généralement par la peine de mort et l'est toujours par le bannissement perpétuel. Pour les autres peines, on voit assez bien comment la procédure s'opposait au cumul. L'accusateur devait proposer sur sa plainte écrite une peine corporelle ou une peine pécuniaire, sans les cumuler Si le verdict était affirmatif sur la question de culpabilité, l'accusé faisait une contreproposition. C'est entre deux pénalités que devait se prononcer le tribunal (Ttµâv) s. Dans des cas limitativement déterminés, les juges avaient bien un droit d'initiative, qui leur permettait d'aggraver une des peines proposées par une peine accessoire (7rpOCT(µ-gµa)f0. Au voleur qu'ils condamnaient à payer le double de la valeur volée ils pouvaient encore infliger la peine des fers et du pilori pendant cinq jours et cinq nuits " ; ils pouvaient envoyer en prison le débiteur public". Mais ces cas sont exceptionnels. La règle générale en ce qui concerne les ccywvcç Ttgr,TO( est ainsi énoncée par la loi : « 11 ne sera pas appliqué dans un jugement plus d'une peine discrétionnaire, au choix du tribunal, soit personnelle, soit pécuniaire. Le cumul des peines est interdit". n 3. L'atténuation et l'aggravation des peines. Si le système des âytilvEç T(gr,TO; opposait une raideur presque inébranlable à toute appréciation des circonstances dans l'application des peines, les âymvaç irq«To( donnaient, au contraire, aux pénalités toute la souplesse désirable et cette divisibilité qui permet de les mesurer avec exactitude. Déjà les coutumes codifiées à Gortyne distinguaient les circonstances de fait. La loi et la jurisprudence d'Athènes définirent les cas d'impunité absolue, les cas susceptibles de peines atténuées et les cas qui exigeaient une aggravation de peines. En supprimant le droit de vengeance, l'État admit des exceptions. Le droit de légitime défense conférait l'impunilé àquiconquetuait un agresseur pour sauver sa vie, ses biens, son honneur. Le meurtre n'était pas punissable non plus, il était même méritoire, s'il était commis sur un ennemi public. Enfin, la loi excusait certains homicides commis par erreur ou par accident [Puoxosi. Les circonstances atténuantes se sont précisées dans l'esprit public, dans la jurisprudence et dans la philosophie, sans être fixées obligatoirement par les lois (sauf toutefois la distinction légale du 'pwoç ax 7tpovo(aç et du nésoç âxobeioç). On est arrivé à se faire de la responsabilité pleine et entière une idée assez nette pour déclarer qu'elle a comme conditions nécessaires l'entier discernement et la pleine liberté l 1. Sans doute, l'État ne saurait tolérer que le coupable invoque l'ignorance de la loi l'". Mais, sous cette réserve, le principe suivi par les Grecs est ainsi formulé : b7edaa Il âyvo(u. De ce principe bénéficiait d'abord l'enfance. Elle était une cause de justification pour les actes qualifiés crimes en général 17, et une cause d'atténuation pour le meurtre 13 l'inconscience de nature échappait à toute peine, sauf le cas où une impunité complète eût compromis la paix publique. Les tribunaux athéniens recouraient à certaines épreuves, pour s'éclairer sur le discernement des inculpés en bas âge l9. Mais, comme une de ces épreuves consistait dans le choix entre des pièces de monnaie 20, on est fondé à croire que l'indulgence des Athéniens ne reculait pas bien loin l'âge de l'irresponsabilité. Quant à l'homme fait, il peut se trouver dans des états oit, pour parler avec Aristote, « il a sa raison, mais ne s'en sert pas, si bien qu'on peut dire qu'il l'a sans l'avoir 21 n. Parmi ces états se rangent, d'un accord général, la démence à tous les degrés et la colère, ()revis f'uror. Platon et Aristote les donnent l'une et l'autre comme des circonstances atténuantes 32Ils reproduisent la règle ordinaire de la jurisprudence grecque 23. On se demandait dans les écoles jusqu'où va la responsabilité des épileptiques et des somnambules, ce qui semble indiquer que la question se posait devant les tribunaux 2.. Les passions de la jeunesse étaient un prétexte à conclure, non pas à l'impunité, mais à une atténuation de peine, oèx aïç Tb )Lq ôawat btx-y, ' aiç Tiïç7tpoaIIxoén'ïç ÉA«,TTw e", Sur l'ivresse, on pensait, en géné ral, qu'elle produit une inconscience momentanée et que les crimes qu'elle provoque sont involontaires, puisqu'ils laissentaprès eux lerepentii' 26: encore une cause d'atténuation27. La contrainte était également invoquée 23. L'esclave qui avait agi sur l'ordre de son maitre était hors de cause à Athènes 29 ; à Pergame, il recevait des coups de fouet en moins grand nombre '°. A côté de la contrainte morale se place la contrainte physique'', causée par la maladie ou l'hérédité. Tandis que Platon demande qu'on exile de plein droit ceux dont le père, l'aïeul et le bisaïeul ont subi une condamnation capitale", Aristote est d'avis qu'à l'égard des tares transmises il vaut mieux user de douceur, µzàAov cvv v Sun à ocoutiEiv 1. C'est ristole qui est d'accord avec la jurisprudence. Un lies prévenu d'avoir battu son père s'excusa en disant que celui-ci avait battu le sien; les juges ne lui tinrent pas rigueur, parce que la faute était le résultat d'une contrainte naturelle, yuvtxviv ElSe'r v zuxsriav 2. Sur les circonstances aggravantes nous ne sommes pas bien renseignés. A la doctrine qui faisait de l'ivresse une circonstance atténuante s'en opposait une autre, d'après laquelle les gens ivres sont responsables de leur irresponsabilité même et méritent qu'on aggrave leur peine au nom de l'utilité sociale'. De là une disposition spéciale à Pitlacos, le législateur de Mitylène t. Ailleurs, c'est surtout pour des raisons de droit religieux et de droit public que s'aggravent les peines. Dans toute la Grèce, les délits commis pendant les fêtes et les cérémonies du culte sont considérés comme des violations de la paix sacrée et punis plus sévèrement,. Les mauvais traitements due Midias fit subir à Démosthène n'étaient passibles de peines si rigoureuses que parce qu'ils portaient atteinte à la saintelé des Dionysies 5. On peut voir aux différentes hypothèses qu'envisageait l'action en injure verbale [KA,000RIAS nuc1.j quelle gravité prenaient cerlaient actes, quand ils étaient commis à l'encontre d'un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ou envers n'importe qui dans un tribunal ou un temple. La circonstance aggravante Mail alors d'un tel poids, qu'elle l'emportait sans résistance sur un motif atténuant, comme l'ivresse °. La récidive (liait certainement une circonstance aggravante dans l'esprit des jurés athéniens ; car elle l'était dans les lois mêmes, lorsqu'elles ajoutaient de plein droit une atimie spéciale ou l'atimie complète à la peine de celui qui était condamné pour la troisième fois Il est cependant douteux que la récidive ait entraîné l'énorme aggravation de peine que demande Platon, dévoyé par sa théorie de la correction pénale'. Devant les tribunaux athéniens, c'étaient les circonstances capables de procurer une atténuation de peine qui avaient le plus de chance de forcer la conviction. Les accusés comptaient sur la bonté naturelle de leurs juges, que les accusateurs taxaient de sensiblerie 10. Philocléon, le type de l'héliaste, convient qu'il a vite fait« de relâcher sa rigueur d'un cran" n. 4. Inégalité des peines. -Les Athéniens se vantaient d'assurer à tous une justice égale. II ne faudrait pas s'imaginer cependant que leur régime pénal ne fit aucune acception de personnes. Les démocraties les plus avancées de l'antiquité ne pouvaient assimiler aux citoyens les étrangers et les esclaves. Les différences n'étaient pas trop grandes, d'après la condition de la victime. Encore n'est-ce pas un détail négligeable, que le meurtre de tout autre qu'un citoyen ne fût jamais jugé à l'Aréopage ni, par conséquent, puni comme meurtre prémédité". Cela suffit pour qu'il ne faille pas ériger en principe absolu la règle du Palladion : xvrà tiadsâ pdvou S(xaç Etvat ioû),ov x'ro(v«vtit 3 iàiélEpo'i Mais les peines étaient surtout distinctes selon la condition sociale du délinquant. Les différences de sanction tenaient d'abord à des différences de procédure. En règle générale, la détention préventive n'existait pas pour les citoyens; elle existait pour tous les autres. Tl n'y avait pas de raison d'empêcher les citoyens de prendre la fuite, c'est-à-dire de se condamner au bannissement, s'ils ne voulaient pas se faire juger; il fallait, au contraire, arrêter judicio sistendi causa les étrangers, qui seraient tranquillement rentrés clans leur patrie pour échapper à toute punition. Sans doute, la prison préventive n'était pas une peine, en théorie; mais, en fait, elle s'ajoutait préalablement aux peines éventuelles. De plus, elle soumettait les noncitoyens à la procédure sommaire de l'â aiwy~. S'ils étaient accusés d'homicide, ils n'étaient déférés ni à l'Aréopage ni au Palladion, où les peines étaient fixes et où ils auraient eu le droit (le faire défaut à condition de s'en retourner chez eux''. Ils étaient traînés devant les tribunaux populaires et condamnés à des peines arbitraires "S. A ces distinctions entre citoyens et non-citoyens s'en joignent de plus radicales encore entre hommes libres et esclaves. Cette fois, il ne s'agit plus seulement de procédures aboutissant à des pénali tés inégales. Tout le système est autre. L'abandon noxal fait de l'esclave la chose de l'homme qu'il a offensé dans son honneur ou lésé dans ses droits : on devine à quel sort il était voué. Pendant l'instruction, l'esclave est mis à la question, et, à ce moment, toutes les distinctions théoriques du monde ne l'empêchent pas de ressentir des effets assez analogues à ceux d'une peine. Enfin, pour les moindres délits, pour les simples contraventions de police, le droit grec a deux sortes de sanctions : les unes personnelles, celles qui frappent l'homme dans son corps et sa liberté ; les autres réelles ou pécuniaires, celles qui atteignent l'homme dans ses biens. Mais pour les peines personnelles ou corporelles les Grecs, et surtout les Athéniens, éprouvent une insurmontable horreur : ils les réservent, le plus qu'ils peuvent, aux esclaves. Leur dignité d'hommes libres se révolte contre tout asservissement, momentané ou définitif, de leur personne. Elle est vite à court devant la question d T. yor 7Ca6E;v ; elle recourt à l'alternative L'amende, tant qu'on voudra; la servitude, la prison, le fouet, jamais ! « Voulez-vous savoir, dit un orateur, la différence qu'il y a entre l'esclavage et la liberté? La plus remarquable consiste en ce que le corps de l'esclave répond de tous ses méfaits et que l'homme libre, fût-il au dernier degré de la misère, reste au moins maître de cela, puisque la réparation exigée pour ses fautes est presque toujours prise sur ses biens15. peine de mort. -La peine de mort n'a pas toujours tenu la même place dans la justice des cités grecques. Les anciens s'en sont doutés ; mais ils ont émis à ce sujet des opinions contradictoires. On a fait bien des développements sur la cruauté des premiers législateurs". Le nom de Dracon est resté un épouvantail. Grâce à lui, le droit pénal d'Athènes n'aurait connu d'abord d'autre peine que la mort, la mort pour le vol d'un fruit ou POE d'un légume, aussi bien que pour le crime d'homicide ou de sacrilège'. Et cependant on était convainvu que la société, pour se défendre contre les malfaiteurs, avait dà parcourir successivement toute l'échelle des peines en les aggravant sans cesse. « II est à croire, dit Thucydide', qu'autrefois elles étaient plus douces pour les plus grands crimes; mais, comme on les bravait, elles ont fini avec le temps par aboutir pour la plupart à la mort. » II n'est pas impossible de concilier ces deux théories. Quand Zaleucos, Dracon et d'autres codifièrent les coutumes patriarcales, il fallut, polir décider la famille offensée à remettre sa cause aux magistrats, prendre bien garde que le coupable n'y gagnât rien. L'efficacité de la justice eut d'abord pour condition la sévérité. Dès que la juridiction de l'État fut solidement établie, la peine de mort parut trop dure dans la plupart des causes purement privées. Elle sembla, au contraire, convenir de mieux en mieux à certaines espèces qui se différenciaient de plus en plus, aux attentats commis contre les intérêts moraux et matériels de la cité. C'est par la disparition progressive du régime familial et les progrès incessants de l'État que s'explique l'histoire de la peine capitale en Grèce. La législation attique prononcaitformellementla peine de mort dans les cas où la coutume primitive avait autorisé la vengeance du sang à la diligence de la famille ou de la communauté. Ces cas se ramènent à trois catégories : de mort était la conséquence obligatoire de toute condamnation rendue sur l'Aréopage, soit pour meurtre ou empoisonnement (içxpN.xxEix) ayant entraîné mort d'homme'. Elle frappait en vertu d'une même loi ces deux crimes inséparables dans la cité antique, le sacrilège Le cas où la peine de mort obligatoire était un résidu de la vengeance privée devait rester unique. Par iq'.'i Tl;,.rl'dç, on pouvait obtenir une sentence de mort pour attentat à la pudeur (i pç)etproxénétisme(rpoxywYE(x) Au contraire, les cas oü la peine de mort était une régularisation de la vengeance collective s'étaient multipliés. 1,a fabrication de fausse monnaie (vou.(auxTOç ôtx f0opâ) 9 et l'arrachage d'un olivier sacré (p.() ,(1, a'gxdç) avaient pour sanction fixe la peine capitale. Dans les «yô3vlç Tlu.'gtoi elles eisangélies, chaque fois qu'une assimilation pouvait être établie entre les faits de la cause et le sacrilège ou la trahison, lit peine de mort pouvait être une des alternatives soumises à l'appréciation des juges. Elle punissait donc l'impiété (io-égEtx) sous ses formes les plus diverses1', depuis le vol ou le détournement des biens sacrés (xno7[rl iopv y,'roo«Twv)11 jusqu'à la sorcellerie ou la simple offense aux divinités nationales: il suffit de VH. rappeler la condamnation de Socrate ou celle des magiciennes Ninosl' et Théllris". D'autre part, rem-une la définition juridique de la oiocfx comprenait aussi bien la haute trahison que la trahison proprement dite, les Athénienst`Itaientamenésa rendre des sentences capitales, par jugement ou par décret, contre l'espionnage (xxTx7.AO7cil) 11, la tentative de renverser la constitution (x)T'7. rupture d'une amnistie jurée1', le péculat (xno7cr 'or'e TO.)') ", la corruption de fonctionnaires (13«,poilaix(ci; la prévarication dans l'exercice des fonctions diplomatiques (1-C7.21TçE11AE(2)20, le crime de transaction nuisible à l'approvisionneraient" et, d'une facon générale, contre tout acte de nature à léser le peuple («ôixfx TTpbç Er,uovl2' ou toute parole ayant pour but de le tromper («TéTr,rsic Toi ôp.ou)26. L'assimilation au sacrilège et à la trahison eut pour effet (l'autoriser incessamment les condamnations capitales dans des cas nouveaux. Comme Athènes, Erythrées applique la peine de mort aux meurtriers21, Téos aux empoisonneurs", Méthymna aux proxénètes". Téos et Dymè l'infligent aux sacrilèges'-'; on concoit donc que le droit religieux d'Olympie et de Delphes réserve le dernier supplice aux ennemis des dieux28, Mais c'est surtout pour crimes commis contre l'État qu'on recourt à la sanction capitale. La haute trahison est punie de mort dans toutes les cités, clans les confédérations, comme l'empire athénien ou la ligue achéenne, dans les monarchies, comme celle des noble litées". Aucune ville peut-être n'a prononcé autant de condamnations à mort en matière politique que Syracuse"; peu, à coup sein, en ont prononcé autant pour cause de péculat que Sparte 31. Le faux monnayage est puni de mort à Dymè, à Mitylène et à Phocée32, comme à Athènes. A Locres, l'auteur d'une proposition législative doit se présenter sur la place publique la corde au cou et, si la proposition est rejetée, on serre la corde33.1 Téos, la sanction formulée par les mots à d).auaAxi xai xb'bv xx(; Evoç est fulminée, non seulement contre l'empoisonnement, mais contre l'entrave aux approvisionnements, le brigandage et la piraterie, la conspiration, la rébellion, la destruction de document public14. Mais, au moins dans Athènes, il faut toujours distinguer la théorie de la pratique et, pour ce qui est de la pratique, ne pas s'en tenir à quelques grands procès où la politique venait tout gâter. Ce peuple qui s'était arrogé un droit étendu de vie et de mort n'en usait pas si souvent. Là même où la loi ne connaissait que la peine capitale, il trouvait encore moyen de se dérober à une obligation cruelle. La procédure de l'Aréopage permettait àl'accusé qui sentait sa cause compromise de mettre lit frontière entre lui et le bourreau : de son autorité propre, le cou PUE i30 PUE parle commuait la peine de mort en exil perpétuel. \ force de recourir aux ;gyttIvEç 7ty-ti.o( et aux eisangélies -outre les crimes plus ou moins assimilables au sacrilège E't à la tre iiison, on obtenait, il est vrai, pour résultat de les rendre tous passibles de la peine capitale; mais aussi, en faisant rentrer dans l'une ou l'autre de ces incriminations toutes les espèces possibles de sacrilège formel et de trahison véritable, on arrivait à laisser tomber en désuétude la vieille loi qui avait pour sanction unique et obligatoire la peine capitale. Et ainsi, précisément par ce système d'âywvEç Tgi,yptoi et d'eisangélies, le peuple athénien se conférait le droit d'atténuation qu'une disposition sanguinaire et surannée lui refusait. Cette démocratie souveraine n'admettait de restriction légale ni à sa sévérité ni à sa mansuétude ; mais elle mettait plus souvent sa toute-puissance au service de sa constante philanlhrnpie que de ses subites colères. Les condamnations à mort auraient pu être très fréquentes, d'après les lois; elles ne l'étaient pas, dans la jurisprudence. $ 2. L'atimie. -Voir ATIMIA. § 3, Le bannissement. Voir ExsiLiuM. 1 T. La servitude pénale. La coutume primitive de l'esclavage à cause de crime ou de dette s'est conservée en Grèce sous forme de servitude pénale. Athènes seule t'ait exception. Solon décida qu'aucune obligation ne serait plus garantie sur la personne du débiteur, fr;l axtar.Etv É7ci To(ç 6~é N.aatv'. II n'admit que deux exceptions au bénéfice de la personne coupable ou du débiteur. Le chef de famille, qui n'avait plus le droit de vendre ses enfants, pouvait cependant vendre sa fille prise en faute : autrement, il l'aurait tuée. Le captif incapable de payer sa rançon pouvait l'emprunter à un citoyen en engageant sa liberté : il n'avait pas d'autre moyen d'échapper à un esclavage bien plus dur 2. Sauf dans ces deux cas, le droit attique réservait la servitude pénale au cas où les étrangers, en usurpant la qualité de citoyens, provoquaient la république à leur infliger une diminutio capitis en manière de talion 3. Mais, autour d'Athènes, on ne renonça nulle part à la servitude pour dettes et à la servitude pénale. Les Athéniens se faisaient gloire de cette différence'. Les documents leur donnent raison 5. Leur conception de la dignité humaine était tellement exceptionnelle, qu'à l'époque où furent, brisées les barrières entre cités elle ne put prévaloir. i. L'emprisonnement. -L'emprisonnement, cette servitude pénale à temps, paraissait également indigne de l'homme libre. On peut voir à l'article CARCER dans quels cas on y recourait. L'incarcération ne servait guère contre les hommes libres que s'ils étaient des étrangers ou s'ils perdaient la qualité de citoyens par atimie ou par flagrant délit de xaxovoy(a. Ce principe, qui est celui du droit attique, se retrouve très net jusqu'en Égypte, à l'époque impériale ; il a passé, en somme, dans le Code Justinien'. Les esclaves étaient mis en prison dans les cas où les hommes libres étaient condamnés à l'amende 7. 6. Les peines corporelles. 1° Les mutilations, qui donnent aux codes fondés sur le talion un caractère sanguinaire et comme un aspect sanglant. sont à peine connues dans quelques colonies lointaines, où la moralité hellénique se pervertissait au contact des barbares. Zaleucos, qui exigeait oeil pour oeil', fixait comme peine invariable de l'adultère la perte des deux yeux°. Dans un récit qui mêle la légende à l'histoire, Hérodote parle d'un impie à qui l'on creva les yeux en vertu d'un jugement, à Apollonia d'Illyrie 10. Mais c'est par une fausse interprétation des textes que les anciens ont cru trouver une pareille pénalité dans Athènes", et les modernes à Delphes 12. Elle paraissait bonne pour des Thraces f3. L'opinion générale la réprouvait comme trop cruelle ". 2' La peine publique de la flagellation, la lygsn(a uzatit,, n'existe, en règle générale, qu'à l'usage des esclaves f3. Les règlements de police distinguent communément les esclaves et les hommes libres pour les pénalités : aux uns le fouet, aux autres des amendes. A plus de neuf siècles de distance, les Lois de Platon et les décisions de Papinien imposent également cette distinction aux commissaires de police préposés à la surveillance des rues et des marchés, aux astynomes et aux agoranomes 1b. Ils ont tous les deux fait un emprunt à la réalité de la vie hellénique. De l'un à l'autre, l'intervalle est comblé par une série d'inscriptions provenant d'Athènes 179 de Carthaia'8, de Pergame d'Andania 20, de Syros''-', de Mylasa 12. L'esclave est ainsi puni, pour avoir employé abusivement l'eau des fontaines et des bains23, déposé des ordures sur les voies ou places publiques2', coupé ou ramassé du bois dans les enceintes sacrées 25, commis un délit pendant la célébration des fêtes2G, fraudé sur le marché par lavente de denrées avariées ou sophistiquées, par la vente à faux poids et mesures, ou par des opérations de banque illicites 27. Si la peine du fouet est généralement réservée aux esclaves, cette règle souffre des exceptions aisément explicables. Le coupable chassé des lieux saints par une excommunication se met hors la loi, se place dans la situation de l'esclave, dès qu'il transgresse cette interdiction. A Olympie, les Hellanodikes ont pu faire fouetter en pleine arène un personnage honorable et âgé : ils ne punissaient pas un simple fraudeur, mais un homme exclu de l'enceinte sacrée comme Lacédémonien 28. Dans les cités oligarchiques, on était porté à traiter comme des étires vils tous ceux qui n'appartenaient pas à la classe supérieure : les Spartiates avaient la réputation d'abuser du fouet22, On les voit mener au supplice sous le fouet un conspirateur qui n'était pas du corps privilégié". Poussée à bout, cette conception faisait parfois traiter tous les citoyens par les tyrans comme des esclaves 3' § 7. Les peines infamantes. -Comme tous les peuples qui ont longtemps pratiqué le droit coutumier, les Grecs ont connu les peines infamantes à caractère symbolique. Ce sont des traitements qui s'expliquaient dans les âges passés par des raisons réalistes et avaient alors une valeur fortement afflictive, mais qui se sont adoucis et que les générations nouvelles rattachent, vaille que vaille, à des conceptions tout autres. Outre ces débris d'un droit positif très ancien, les Grecs ont conservé des peines infamantes à forme religieuse, qui datent du temps où les dieux aidaient la cité à réprimer les crimes. Enfin, dans les temps modernes, la publicité des condamnations, se faisant par l'écriture. crée à son tour une peine infamante. Ces marques d'ignominie sont presque toujours accessoires et aggravent l'ignominie par excellence, l'atimie. 19 Théoriquement, les Grecs proclamèrent que la mort éteint la responsabilité criminelle et la peine'. En réalité, leur droit conserva des peines posthumes. La mise hors la loi n'était ni éteinte, ni prescrite par la mort : d'où la privation de sépulture. Tant que l'exécution capitale se fit par la précipitation dans un gouffre, on laissait pourrir les corps là où ils étaient tombés. Quand elle se fit à l'intérieur de la prison, les corps des malfaiteurs de bas étage étaient jetés par le bourreau dans la fosse aux suppliciés. Le Caiadas de Sparte n'avait plus d'autre usage 2, et, aux portes d'Athènes, les vents du nord apportaient au passant qui suivait les Longs Murs d'effroyables odeurs, qu'expliquaient les cadavres visibles dans le Barathre3. Pour les crimes de sacrilège et de trahison, une loi commune aux Grecs prolongeait le bannissement perpétuel, comme la peine de mort, par la privation de sépulture dans la patrie'. Xénophon cite la disposition du droit athénien : f~ 1 Tap~val iv 'ATT1x?1 Les villes alliées devaient également se fermer à l'exilé, mort ou vif'. L'Arcadie' et Corinthe 8, Nisyros 9, Syracuse 10 et la Macédoine " attestent avec Athènes l'universalité de la coutume. La peine posthume pouvait être consécutive à un jugement posthume. Le traître etl'impie nedevaient pas, faute d'avoir été condamnés de leur vivant, recevoir les honneurs dont ils étaient indignes. Phrynichos assassiné fut accusé de trahison et déclaré coupable ; ses biens furent confisqués, sa maison abattue, son cadavre exhumé et jeté par delà la frontière i2.On relève des faits analogues à Mylasa, à Syracuse, à Ephèse, dans l'Égypte hellénisée i3. Longtemps l'exhumation fit partie des pénalités collectives quand un yévoç était banni, ses morts aussi devaient partir. Deux fois les Alcméonides furent chassés d'Athènes; deux fois furent vidés leurs tombeaux de famille ". Quand les Corinthiens renversèrent la tyrannie, avec le cadavre de Psammétichos ils jetèrent hors du pays les ossements déterrés de tous les Kypsélides 15. On s'en prenait même à la statue du mort. A Syracuse, Timoléon mit en jugement pour reddition de comptes les statues des tyrans et, après condamnation en bonne et due forme, les fitvendre16 Le suicide fut toujours pour les Grecs un crime punis sable. A Thèbes" et à Cypre 18, la loi privait de sépulture le cadavre du suicidé. En Attique, on lui coupait la main. qu'on enterrait à part : le membre qui avait commis le meurtre ne devait pas ètre honoré avec le reste du corps. 92 La promenade et l'exposition ignominieuses persistèrent dans le régime pénal de maintes cités. C'étaient généralement des pénalités accessoires; on les infligeait presque toujours à des capite minores '9. A Sparte, les conspirateurs condamnés à mort sont promenés dans les rues, les mains et le cou passés dans un carcan, le corps déchiré à coups de fouet et d'aiguillon20 ; les biches, sous un accoutrement spécial, subissent insultes et coups' ; les célibataires sont obligés de faire le tour de l'agora en hiver, tout nus, en chantant contre eux-mêmes une chanson satirique22. D'après les lois de Charondas, le calomniateur doit être promené avec une couronne de tamaris ou de bruyère sur la tête; le déserteur doit rester assis trois jours sur la place publique en habits de femme 23. L'antique servitude pour dettes était fréquemment rappelée par le traitement infligé au débiteur insolvable : il était mis au pilori sur l'agora ou sur la frontière24. En Béotie, il était exposé la tête couverte d'un couffin en osier, et le « couffiné » restait frappé d'atimie 26. L'adultère était passible de pénalités burlesques et cruelles qui ont été indiquées ailleurs !jADt'LTERIVM. très redoutées chez un peuple aussi sensible aux questions de liberté personnelle et d'amour-propre. Les femmes traînaient « une vie qui ne valait plus d'être vécue»; les hommes prévenaient souvent la honte par le suicide 26, 3e Parmi les peines afflictives et infamantes on peut placer les peines religieuses. L'âpx, l'imprécation inscrite dans la loi ou proférée publiquement, abandonnait aux dieux ceux qui les avaient offensés directement, les impies et les parjures, mais aussi les auteurs de forfaits ou de méfaits tout différents ". Elle s'ajoutait à la confiscation pour châtier le traître condamné à mort par contumace'. Elle frappait par mesure administrative" meurtrier que les parents de la victime refusaient de poursuivre, le misérable qui sauvait sa tête en dénonçant ses complices, en un mot, le criminel avéré que la justice ne pouvait pas atteindre. La conséquence de l'àpâ n'est pas seulement une pénalité incertaine et lointaine, qui peut, d'ailleurs, se cumuler avec la plus vulgaire des amendes comme avec le bannissement perpétuel 29 ; c'est encore une excommunication immédiate et très sévère. A Gambreion, le gynéconome, chargé de veiller à l'exécution de la loi sur le deuil, appelle la bénédiction divine sur ceux ou celles qui s'y conformeront et « le contraire » sur quiconque la transgressera; mais, en attendant que se réalise cette malédiction, les délinquantes, comme impies, ne peuvent prendre part à aucun sacrifice en l'honneur d'aucun dieu pendant dix ans30. De pareilles exclusions sont fréquemment prononcées 31. Elles peuvent même être héréditaires. A Alos d'Achaïe, il était interdit aux aînés de deux familles de pénétrer dans le prytanée, POE h3? POE sous peine d'être sacrifiés à Zeus Laphvstios'. Sur une inscription de Mantinée on lit un jugement en vertu duquel des meurtriers sacrilèges doivent être exclus du sanctuaire, eux et leur descendance masculine à perpétuité 2. A Athènes, le meurtrier tombait sous le coup d'une interdiction prononcée solennellement, la noéppxlatç. La loi de Dracon ordonnait de le repousser «loin du vase purificatoire, des libations, des cratères, de l'agora» n. Pour en Grec, les imprécations et les lois, àpxi mit vop.ot, étaient au même titre les fondements de la société'. it° L'inscription sur une stèle, cette façon d'assurer la publicité des condamnations, ajoutait à l'ignominie des condamnés. Sur les pierres ou les plaques de bronze exposées à la vue de tous, au-dessous des dispositions qui fulminaient la mise hors la loi, on réservait une place pour les noms de ceux qui en étaient frappés ou devaient l'être un jour, et même quelquefois pour le texte intégral des jugements éventuels. L'inscription srtr la stèle, nre,Àiewe;,cela signiliaitproprement la proscription. Après l'expulsion des Pisistratides, les Athéniens érigèrent sur l'Acropole une stèle qui portait, avec la loi contre la tyrannie, les noms des tyrans et de leurs enfants Pendant les guerres médiques, ils condamnèrent à mort par contumace le traître Hipparchos ; ils décrétèrent que sa statue serait démolie, fondue et convertie en une stèle où serait gravé le décret et où figureraient désormais les sacrilèges et les traitres 6. On conservait les noms de ceux qui avaient été condamnés par l'Aréopage et les autres tribunaux de sang'. Les inscriptions relatives aux amendes et aux dettes publiques se dressaient comme des monuments de honte aussi bien que comme des documents de comptabilité'. Aussi les Athéniens prenaient-ils soin de faire rayer les noms ou détruire les stèles quand ils accordaient des amnisties ou des grâces'; on voit pourquoi les Trente ont fait renverser un si grand nombre des stèles érigées par la démocratie. Mais la erf]yvteuoeç n'est pas spéciale aux Athéniens. Des pierres nous ont conservé une série de jugements rendus contre les tyrans et leurs descendants par les Urésiens : ces pierres venaient à la suite de la stèle aux tyrans 16. Sur une inscription de Dymè on lit la liste des condamnés à mort pour crime de fausse monnaie : les six noms qu'elle porte ont été gravés à des dates différentes". Les stèles rappelant des confiscations et des amendes sont innombrables. Puis, la publicité se fit, dans les cas les moins graves, au moyen d'écriteaux. A Cyzique, le marchand qui vend au-dessus du tarif est sévèrement puni et, sur la devanture de sa boutique, mise sous scellés, une pancarte apprend aux passants le faute et le châtiment 12. cation totale. Le rapport de la confiscation avec la composition privée des temps primitifs reste apparent dans bien des cas. En Asie, l'État réserva longtemps à l'offensé son droit sur les biens de l'offenseur. Au Ive siècle, Mausole fait condamner des conspirateurs à des peines capitales, et les Mylasiens, ayant à faire emploi des biens confisqués xaTè Toùç végouç Toûç 77xsoiouç, les attribuent au satrape lui-même'». Au me siècle, la démocratie d'Ilion défend aux parents de ceux qui ont été tués par les tyrans de composer avec les meurtriers, soit par mariage, soit à prix d'argent, mais ordonne de partager les biens confisqués entre l'État et les enfants ou héritiers des victimes 14 Pour les détails concernant la confiscation générale des biens, nous renvoyons à l'article Di.s11oPRATA. On y verra un des vilains côtés de la justice et de la fiscalité grecques. Qu'il nous soit cependant permis de faire quelques réserves". Il ne faut pas exagérer la portée de plaintes proférées par des poètes comiques ou par des plaideurs, ni la valeur de faits qui se sont passés en des temps exceptionnels de détresse financière. II est juste aussi de tenir compte aux Athéniens de ce qu'ils ont fait pour corriger dans la mesure du possible le caractère de peine collective qu'avait nécessairement la confiscation. 9 '2. x confiscation partielle. Outre la confiscation totale des biens (ôu 1znu,nç), les Grecs pratiquèrent la confiscation partielle de valeurs ou d'objets en nature (77 épy,iiaç). Cette mesure était ordonnée, sans préjudice des autres peines, par les lois fiscales et douanières ou par les règlements de police16. Nous voyons les douaniers du Pirée ou de Chalcis saisir des effets d'habillement et des flacons La loi d'Athènes adjuge à l'État les créances du citoyen qui a fait un prêt à la grosse à un capitaine de navire sans lui imposer les obligations légales". Platon fait confisquer sur le marché les denrées falsifiées, et certainement il ne s'est pas piqué d'être original en pareille matière17, Une loi des Rhodiens ordonne de faire vendre au profit du fisc tout vaisseau à éperon trouvé dans le port'. A Pergame, les astynomes confisquent les bêtes qu'on abreuve aux fontaines publiques, ainsi que le linge et les ustensiles de ménage qu'on y lave 21. A Andania, le gynéconome confisque au profit des dieux des vêtements, des lits et de l'argenterie 92. Partout les monopoles sont protégés par un système de confiscation à outrance : à Olbia, à Byzance, à Mylasa, le monopole de la banque'-» ; à Myra en Lycie, le monopole du transport par eau 2" ; dans l'Égypte ptolémaïque, le monopole de l'huile 23. 3. Les amendes et les dommages-intérêts. L'amende, cette composition transformée, rappelle parfois son passé d'une manière frappante. Il en est ainsi surtout lorsqu'elle vise à une complète dépossession de biens et se distingue à peine de la confiscation. Voici deux exemples, où l'on ne saurait dire si c'est la confiscation qui ressemble le plus à l'amende, ou l'amende à la confiscation. Au ve siècle, une loi d'Halicarnasse qui condamne certains criminels à la confiscation déclare que, si leur fortune n'atteint pas dix statères, on les vendra comme esclaves 2 : on voit là qu'à une époque où la propriété restait indivise, le besoin se faisait sentir de déterminer ce que devait rapporter au minimum une confiscation pour avoir force libératoire, de remplacer subsidiairement la confiscation par une amende fixe. POE 333 POE D'autre part, l'archonte athénien jurait, comme dans les temps très anciens, de consacrer aux dieux, s'il violait la loi, une statue en or de son poids et de sa taille': cette fois, le coupable se rachète à un prix maximum, il paie une amende, mais à un taux tel, qu'il en résulte presque forcément la confiscation. Les fortes amendes produisent même plus qu'une confiscation pure et simple : en cas d'insuffisance, par suite de l'atimie attachée aux héritiers nécessaires du débiteur public, elles entraînent une série de confiscations. C'est en ce sens qu'il faut entendre les amendes énormes qu'on voit, proposer par les accusateurs ou demander par les lois. La justice d'Athènes condamna le stratège Timollléos à une amende de cent talents, la plus forte qu'elle eût jamais prononcée'. Elle eut maintes fois à statuer sur des amendes de cinquante talents 3, et en infligea de ce taux'. Un décret de la ligue achéenne remplace la confiscation, qui accompagne en Grèce la peine capitale, par une amende de trente talents'. Sparte avait une certaine prédilection pour les amendes de cent mille drachmes 6. La peine au décuple (ÔExa37.noûv), proportionnelle à un préjudice causé, avait par son taux élevé le caractère d'une amende plutôt que de dommages-intérêts. Elle frappait spécialement les crimes et délits en matière fiscale. Elle était, avec l'atimie, la sanction des actions en détournement de deniers publics (,(paa-i, x),o7tSjç S-rip.ol'exigeait des magistrats qui prélevaient indûment l'impôt' ; Iiyparissia, des exportateurs qui ne payaient pas les droits fixés par la loi t0. L'édit d'un préfet d'Égypte se conforme à cette règle de droit grec71. L'amende octuple n'est qu'une variante légèrement adoucie de l'amende décuple. On la voit infliger par les Delphiens pour vol de biens publics ou sacrés". A Delphes également, les dommages-intérêts dus par les garants sont portés par certains actes d'affranchissement au sextuple 13, tandis qu'à Ti thora, ils pouvaient être portés à douze pour un 11. En Égypte, sous les Ptolémées, les compagnies à monopole bénéficiaient d'amendes au quintuple La peine du double a en Grèce des applications très diverses. Pour en distinguer les origines et pour comprendre qu'elle ait pris une telle extension, il faut remonter à une époque où ne fonctionnait pas encore de tribunal et où l'on ne considérait pas encore dans la lésion l'élément intentionnel. Au temps où l'offenseur rachetait sa vie, s'il ne payait pas la rançon promise, il retombait au pouvoir de l'offensé : il pouvait être mis à mort, il pouvait être réduit en esclavage; mais il pouvait aussi se racheter par une seconde promesse de rançon, qui n'avait nullement pour effet d'annuler la première. On contractait la même dette réellement deux fois. Des obligations délictuelles, la pénalité du doublement se transmit à toutes les autres obligations ; du droit privé, elle se communiqua au droit public. Dans les codes archaïques, les peines pécuniaires frappent les délinquants au taux simple ou double, selon les cas. 1 'On fait entrer en ligne de compte la condition de la personne lésée. A. Gortyne, la mainmise illégale sur un esclave coûte cinq statères, et sur un (tomme libre, dix statères, à quoi s'ajoute, pour retard à relaxer, une drachme par jour pour l'esclave et un statère (deux drachmes) pour l'homme libre 1°. De même, dans la loi de Solon sur le viol et le rapt, la peine, fixée à cent drachmes pour le cas où la victime était une personne libre, était une peine au double ce qui signifie que pour une esclave on payait cinquante drachmes. 2° Même différence, mais inverse, d'après la condition du défendeur. A Gortyne, dans chacun des cas où l'homme libre paie pour viol cent statères ou cinq drachmes, pour adultère, cent, cinquante ou dix statères, l'esclave est taxé au double 1P. 3° Toute question de personnes mise à part, c'est de la peine au double qu'est passible le crime qualifié. A Gortyne, le viol d'une esclave par son maître se paie à raison d'une ou deux oboles, selon que le crime a été commis de jour ou de nuit; l'adultère, que l'homme libre ou l'esclave paie cinquante ou cent statères, s'il a été commis dans une maison quelconque, se paie cent ou deux cents statères, s'ila été commis dans la maison du mari 18.AMitylène, la loi de Pittacos porte au double la peine des délits commis en état d'ivresse G0. Tout autre est le cas, lorsque la somme à payer n'est pas fixée par la loi. Mais alors il y a des distinctions à faire. Le principe qu'on invoque le plus fréquemment se formule en ces termes : le dommage involontaire se répare au simple ; le dommage causé volontairement, au double. Tâ i;xot)ata ètlrne(, cet aphorisme est pour Démosthène le fondement de toutes les lois 7Epi r~ç pnzC-ï)ç 21. 11 règle toutes sortes de litiges à Gortyne 2", en Élide, à Ilion, à Tégée23. Le vol simple est un cas particulier de dommage volontaire : il est puni de même à Athènes24, à Andania et déjà même à Gortyne 20. A plus forte raison, la pénalité du double s'applique-t-elle aux cas où l'intention de nuire est démontrée par des violences, à l'extorsion de fonds par voies de fait20, à tous les actes poursuivis par la pta(wv è(x' 27 Dans des séries d'autres cas, le dommage n'est nullement délictueux à l'origine; il le devient par le refus de la réparation simple, et dès lors il est passible de la répation double. Lis crescit in/itiatione in duplum. Dans la loi de Gortyne, le garant d'un affranchi qui ne pourvoit pas à sa défense lui doit des dommages-intérêts; mais, s'il ne s'exécute pas de plein gré, s'il attend une condamnation, il doit le double à tout poursuivant 28. Entre la loi de Gortyne et celle de Rome, le droit attique connaît aussi le doublement comme poena litigandi'9. Le clou POE Ÿ3i POE blement a donc sa raison d'être quand le porteur d'un jugement n'en peut obtenir exécution et qu'il est contraint de redemander appui au juge par une E,oûarIç ôfxrl' Un document d'Amorgos identifie expressément ce doublement à celui qui est stipulé dans les contrats à titre de clause pénale. En effet, ce que les Grecs entendent par du droit romain. On la constate dans les contrats de la Grèce entière 3. L'État, qui pouvaitètre tenu du paiement double, l'exigeait, à plus forte raison, de ses débiteurs, s'ils ne se libéraient pas à l'échéance. Chez les Athéniens, les amendes qui n'étaient pas acquittées dans le délai fixé et les autres dettes publiques qui restaient en souffrance à la neuvième prytanie étaient doublées de plein droit ou par jugement`'. Cette règle passa même dans le droit des gens 5. Enfin la lésion se paie double dans le cas du fonctionnaire comptable qui lèse des intérêts publics ou privés Toute malversation, toute irrégularité et-drainait cette punition, que pouvait requérir avec de grandes facilités le premier venant Il en est ainsi pour l'Hellanodike éléen dès la fin du vue siècle 8, puis, dans les temps classiques, pour tous les fonctionnaires ayant maniement de fonds voire même pour des administrateurs de communautés religieuses et d'éranes10, Aussi la même règle sera-t-elle encore appliquée aux fonctionnaires de 1'Orient par la royauté ptolémaïque" et par l'empire romain12. Ce qui prouve bien que la peine du double tenait au caractère public de l'agent, et non à la gravité intrinsèque de l'acte, c'est qu'elle s'appliquait à des lésions pour lesquelles le particulier payait simple 13. Et maintenant qu'on a parcouru les variétés de la peine au double, qu'on remonte aux sources mêmes de cette peine. On remarquera combien elle a peu changé en traversant les siècles. L'État a précieusement recueilli et propagé tant qu'il a pu une coutume qui lui permettait de s'associer, de compte à demi, avec le demandeur et d'étendre sa juridiction. La peine au double a puissamment aidé à la transformation de ]a composition en amende. Elle se prêtait admirablement au partage entre la personne lésée et le particulier qui lui faisait obtenir satisfaction: le plus souvent, c'était l'État qui, en faisant justice, méritait la prime. Pour adoucir la rigueur de la peine au double, les Grecs Pont souvent abaissée en exigeant une fois et demie la valeur litigieuse. C'est ce qu'ils appelaient l'rpa6'ntov '3. Cette peine apparaît dès le v0 siècle70. On la trouve appliquée dans les mêmes circonstances que la peine du double. Elle sanctionne la responsabilité des garants l'; elle sert de poena litigandi'8; elle frappe les débiteurs publics en retard 19 ; elle est prévue dansles contrats comme clause pénale 20. En Égypte, elle s'est perpétuée de la période ptolémaïque à la période romaine'', A Pergame, le règlement des astynomes, conservé par l'administration impériale, fait faire par les autorités les travaux que nécessitent les contraventions de voirie, en infligeant aux contrevenants le paiement des frais au taux de l'retoatov 22. 11 n'est donc pas étonnant de retrouver la pénalité grecque dans les textes latins, même de basse époque 23 n'avaient pas de règles uniformes pour l'exécution des peines et en chargeaient les magistratures les plus diverses. Ce fait attire l'attention d'Aristote 2'•, II l'explique en remarquant que, si l'exécution des jugements criminels est une fonction indispensable de l'État, c'est une fonction pénible, délicate, qui soulève l'animadversion générale et qu'il est bon, par conséquent, de diviser. En réalité, sans avoir été guidés par des raisons de principes, par suite des besoins qu'ils ont eu à satisfaire successivement dans le cours de leur évolution historique, les Grecs ont trouvé toutes sortes de solutions aux problèmes posés par l'exécution des peines. Avant tout, l'exécution variait selon la nature même de la peine : 7calsïv r â7COTie2t. Puis selon le genre de peine afflictive, elle se faisait par les soins de certains magistrats ou à la diligence du condamné lui-même. 1° A Athènes, après une condamnation à mort, le président du tribunal donnait immédiatement connaissance du jugement aux Onze '°. Les Onze envoyaient leurs agents saisir le condamné et se chargeaient du reste 26. L'exécution ne tardait guère, en général. Il n'y avait ni appel, ni pourvoi en cassation. Théramène sous les Trente, Phocion et ses amis sous la démocratie sont exécutés sans délai". On prenait seulement la précaution, si le condamné était citoyen, de rayer son nom de la liste du dème : symbole de la mise hors la loi qui seule permettait de mettre à mort un membre de la société 28. On admettait deux cas de sursis : la femme enceinte subissait la peine de mort après l'accouchement L9 ; aucune exécution ne pouvait avoir lieu durant les jours de fête". Quand l'exécution n'était pas immédiate, on mettait le condamné aux fers' ; mais on lui accordait toutes les faveurs raisonnables qu'il demandait. On sait comment Socrate employa le temps assez long qui s'écoula entre son jugement et sa mort32. Il est à croire cependant qu'on n'avait pas de ces ménagements pour les criminels POE 53 5 POE de bas étage. Au supplice du meurtrier assistaient les parents de la victime : ils venaient savourer le plaisir des insultes haineuses et des rires féroces'. Les supplices usités en Grèce étaient très variés [suPIidic titi], A Athènes, la formule de la sentence capitale ne spécifiait rien à cet égard; elle déclarait seulement que le condamné serait « Iivré aux Onze 2 ». Mais, à Erésos, des décrets de mise en accusation décident qu'au cas où le tribunal aura prononcé au scrutin secret la condamnation à mort, seule condamnation admise par la loi, les accusés auront la parole sur l'application de la peine et qu'il sera procédé à un second vote à mains levées sur le genre de mort qu'ils devront subir Le supplice traditionnel, c'était la précipitation dans un gouffre. On connait le Barathre d'Athènes'`, le Caiadas de Sparte 6, le Côs de Corinthe 6, les Latomies de Syracuse', la roche Hyampeia et la roche Nauplia de Delphes 8. D'après un principe généralement admis, le sacrilège devait être lancé dans un précipice, noyé dans la mer ou brùlé vif' : on voulait remettre le coupable aux dieux ; on le leur envoyait, pour ainsi dire, par les trois voies possibles, la terre, l'eau et l'air. Quand on eut oublié la signification religieuse du saut dans la mort, le progrès des moeurs fit renoncer à la publicité des exécutions capitales. A Athènes, depuis l'époque des Trente, les condamnés politiques eurent le choix entre les moyens de suicide les plus doux : ils purent se procurer à prix d'argent une coupe de ciguë [hôNEIDNJ. Les malfaiteurs vulgaires périrent sous le bâton f APOTYMPAiy1SMOS 10. Les esclaves furent mis en croix [crus ] 11. Le Barathre ne reçut donc plus que les cadavres apportés de la prison. Sparte cessa de précipiter les condamnés à mort pour les faire étrangler ou pendre dans une partie de la prison appelée le Déchas13, Ces exécutions se faisaient de nuit13, La corde était aussi l'instrument de supplice à Locres". A Massilie, on coupait la tête aux condamnés avec une épée '°. Les Macédoniens les pendaient ou les crucifiaient, quand ils ne les lapidaient pas 10. Chez les vrais Grecs, la lapidation n'était pas un moyen d'exécution régulier; elle était pourtant pratiquée, d'après une coutume persistante, par la justice sommaire du peuple et de l'armée [LAPIDATIO. Ii est impossible de considérer comme des peines les traitements quelquefois horribles que les partis aux prises, et surtout les tyrans, infligeaient à leurs adversaires 17, En tout cas, les Athéniens n'ont jamais aggravé la mort en la faisant précéder de tortures 16. La haine politique osa un jour penser à cet excès de vengeance ; mais elle souleva l'indignation par une proposition aussi « barbare et déshonorante 19 ». C'est comme directeurs de la prison que les Onze avaient dans leurs attributions la surveillance des exécu fions capitales. Ils prenaient donc charge des condamnés Ils avaient aussi à garder les étrangers condamnés à la servitude pénale, jusqu'à ce que les pfletes pussent procéder à leur vente [HEXDF;ttA, pillant . Pour les esclaves condamnés à la flagellation, l'exécution n'avait pas lieu immédiatement. A Athènes, ils pouvaient même passer par les mains de plusieurs magistrats2'. À Syros, ils avaient devant eux un délai de six jours23, Avant de procéder au supplice, on prenait la tête du patient dans la cangue ou xa oev 23 [SUMELLAEI. Par une curieuse survivance, la partie lésée est autorisée dans une ville à se venger de ses propres mains 38, La flagellation se faisait en public sur l'agora, et Platon semble se conformer à la réalité, quand il demande que le héraut en proclame le motif2J. Aucun magistrat n'a jamais été chargé d'exécuter les décrets de proscription et les sentences de bannissement. C'était au condamné lui-même de se mettre à l'abri des conséquences terribles qu'eùt attirées sur lui sa présence sur le territoire interdit. Mais ces conséquences n'ont pas été les mêmes partout et toujours. L'atimie n'a été longtemps en Grèce que la proscription. c'est-à-dire que, selon les circonstances de fait, elle âetys' Ea.v. Ainsi l'explique Démosthène2', et l'histoire grecque est d'accord avec le droit comparé pour lui donner raison. Quand Aristote28 trouve très douce l'ancienne loi d'Athènes contre les tyrans, il est dupe d'un mot qu'il ne comprend pas. L'atimie qui sanctionne cette loi permet d'infliger aux tyrans le sort que leur souhaite Solon 26, de faire une outre de leur peau et de réduire leur race en poussière; elle les exclut de toute amnistie 30 ; elle légitime à l'avance le geste d'Harmodios et d'Aristogiton. En 410, en un temps où le mot ethnie désignera dans l'usage courant du droit attique la dégradation civique, le décret-loi de Dèmophantos dira, pour définir et confirmer la vieille pénalité : 7ro)AÉL.toç (taro soit pas vaine, tantôt on fait jurer à chaque citoyen de tuer les tyrans et les traîtres « par sa parole, son acte, son vote et, s'il le faut, de sa propre main 32 », tantôt on met à prix la tête du proscrit" et l'on accorde au meurtrier de l'argent et des honneurs34. Mais le progrès des moeurs améliora sans cesse la situation de 1"xztu.oç. On commença par lui accorder un délai suffisant pour gagner l'étranger : le décret ou la sentence de la proscription n'entraine plus que le bannissement. II est vrai que la rupture de ban ne laissait subsister d'autre alternative que la mort. Cette nouvelle condition POE -536 --POE des proscrits est clairement définie dans un décret : on ne laissa pas toujours le premier venu décider s'il y avait rupture de ban. Déjà les povtxoi vdp.c; d'Athènes permettent à quiconque rencontre sur le territoire attique un meurtrier banni de le tuer ou de l'appréhender au corps pour le mener aux magistrats qui le feront mettre à mort (à7c4Etv).2. La plupart du temps cette alternative disparaît, et l'État impose son intervention : c'est au magistrat de venger la cité sur l'ennemi qui viole sa frontière. Là même où n'existe pas la procédure spécifique de l'â7caycoy i, le banni devient ây'iyrV.cç, de bonne prise». Seulement, il le devient sur le territoire de toutes les cités alliées et même, par l'extension du système fédéral, dans la Grèce entière 4. D'où la nécessité d'un progrès décisif : toute procédure sommaire est abolie à l'encontre des bannis en rupture de ban. 'AywyLgoi SÈ µi1 €s'rwaav, dit une lettre de Philippe Arrhidée aux Érésiens, et ceux-ci, se conformantà ce principe, se réservent le droit de délibérer sur le sort des bannis pris sur le sol interdit °. Pas plus que l'atimie-bannissement, l'atimie à l'intérieur n'exigeait, pour l'exécution, le concours d'un magistrat. La publicité de la peine suffisait. Si le condamné se présentait dans un des endroits d'où il était exclu ou accomplissait un acte prohibé, l'â7 aywy j ou 1 EvSELFç,ç permettait de le punir par les voies sommaires 6 [ATIMIA, APAGOGù, ENDEIXIS[. 3° Pour la procédure de la confiscation, voir l'article DEMIOPRATA; pour les magistrats qui avaient à la faire exécuter, HENDEItA et PÔLETAI; pour la recherche et la revendication des biens confiscables, APOGRAPIIÈ. Les amendes revenaient au trésor de la déesse ou au trésor des autres dieux. Mais le recouvrement n'en était opéré, ni par le magistrat qui avait prononcé l'E7ctfo)-i, ni par le président du tribunal qui avait rendu le jugement de condamnation. Ils se bornaient à remettre par écrit le nom du condamné et le chiffre de la somme aux agents du fisc. A partir de ce moment, la procédure d'exécution est celle qui a été exposée à l'article EPIBOLE. Les fonctionnaires chargés du recouvrement et des mesures conservatoires ou coercitives propres à sauvegarder les intérêts de l'État, sont les PRAKTORES, les TAMIAI et les PÔLÈTAI. Si le condamné laisse passer le délai fixé par la sentence sans s'exécuter, il est traité en débiteur public, c'est-à-dire frappé d'atimie et quelquefois incarcéré 7. Plusieurs actions permettent de réprimer toute tentative de fraude en ce qui concerne l'inscription sur la liste des débiteurs publics : ce sont l.'AGRAPHIOU GRAPHÈ, la PSEUDEGGRAPHIIS GRAPHE et la BOULEUSEOS GRAPHE. Une curieuse règle de droit public, qu'on observe dans toute la Grèce, substitue pour le paiement de l'amende au condamné qui ne s'acquitte pas les magistrats qui l'origine, le fonctionnaire fautif a probablement payé double, selon le principe constant v. Par la suite, l'omission venielle n'est plus punie que de la réparation 28 ; cf. Plat. Leg. IX, p. 871 E. 3 Cf .'l'halheim, art. Agogimos, dans Pauly-Wisso L. c, 16, 34-36, 91, et Argum. Liban. ; cf. Dittenberger, n° 110, L 15 (ligue athénienne) Diod. XIV, 6, 1; Plut. Lys. 27 (ligue lacédémonienne) ; Xen. Bell. Vlll, 3, 1 t (ligue thébaine) ; Diod. XVI, 60, 1 (ligue amphictionique) ; Michel, no 33, 1. 13-14; Diod. XVII, 14, 3 (ligue de Corinthe). -3 I. T. G. no XXVII, C, i. 27-28; D, L 35 simple. A Minoa d'Amorgos, les néopes qui font perdre à l'État le bénéfice d'une clause pénale compensent au double la perte subie; mais pour le recouvrement des amendes, ils sont simplement responsables 10. Un décret athénien de 485/4 condamne le contrevenant à cent drachmes, et les trésoriers qui le laissent échapper à la même somme' 1. Le plus souvent, après avoir fixé l'amende et désigné le magistrat qui doit la faire rentrer, on ajoute : ü Faute de quoi, ils la devront eux-mêmes » 12. VIl. L'EXTINCTION DES PEINES. Expression de la volonté populaire, le jugement ou le décret de condamnation produit des effets définitifs et irrévocables. En principe, il est souverain (xuptoç) et parfait (au'co'si),rlç)'t`. La peine, une fois prononcée, est donc imprescriptible. Elle s'exécute jusqu'au terme fixé. Si le coupable est frappé à perpétuité, la mort elle-même ne prévaut pas contre la décision de la justice, et le cadavre du banni n'est pas reçu dans le pays qui l'a rejeté vivant. Mais, dans une cité comme Athènes, où la rigueur des lois était toujours tempérée par la douceur de la jurisprudence, on ne se résignait pas au spectacle d'iniquités flagrantes et de souffrances imméritées. La rescision des jugements criminels et la réhabilitation des condamnés n'étaient pas impossibles. A une condition toutefois : c'est que la prérogative judiciaire du peuple demeurât intacte. On a voulu quelquefois reconnaître aux trésoriers de la déesse le droit de faire remise aux délinquants des amendes prononcées contre eux par les magistrats et consignées sur les livres des 7pâr.TopEç. Un pareil privilège eût paru intolérable 1Y. On s'est imaginé aussi qu'en tout temps le droit d'asile attaché à certains temples pouvait assurer l'impunité à tous les criminels. C'est exagérer l'importance de certaines anecdotes, où la crainte des dieux interdit de verser le sang dans les lieux saints : le sentiment religieux peut bien retarder les exécutions, il ne les empêche pas. Non, l'idée des Athéniens est bien simple : ce qu'a fait le peuple, le peuple seul peut le défaire. Seulement, en tout pays, le respect de la chose jugée fait que l'extinction des peines ne s'obtient que par des moyens de procédure exceptionnels et compliqués. Chez les Athéniens, ces moyens étaient de deux sortes. Les uns étaient purement juridiques : le particulier condamné injustement avait à son profit des actions directes ou indirectes en nullité ou en restitution. Les autres étaient politiques : le peuple de son initiative propre, à l'agora et non pas à l'héliée, prenait des mesures d'intérêt public ou faisait grâce. Les actions en nullité ou en restitution ont toutes fait ici l'objet d'articles séparés : nous y renvoyons le lecteur. L'ÉREMos D1rè permettait au contumace de faire opposition au jugement par défaut. La PSEUDOMARTYHION D1ià et la KAEOTECIINION DIES étaient données à celui qui avait succombé sous les mensonges des faux témoins ou les manoeuvres frauduleuses de l'accusation, Comme c'étaient des actions estimables, elles suffisaient aux juges pour réparer dans la mesure la plus large le dommage causé au demandeur, si la peine contre laquelle il protestait était POE 537 POE une peine pécuniaire. Si c'était une peine afflictive, la condamnation en faux témoignage ou en déloyauté constituait un fait nouveau sur lequel pouvait se fonder une demande en rétractation de jugement ou ANADIKIA. Tout en impliquant dans la souveraineté le droit de grâce, les Athéniens avaient compris la nécessité d'en entourer l'exercice de formalités opposables aux demandes abusives. Avant de proposer un décret tendant à une remise de dettes, à la réhabilitation d'un «t; coç et, par conséquent aussi, au rappel d'un banni, il fallait se faire absoudre à l'avance de cette illégalité par un bill d'indemnité, un décret d'ADEIA, qui devait réunir au moins six mille suffrages '. C'est de cette façon qu'ont pu être introduits légalement les décrets d'épitimie ou d'amnistie rendus dans des moments de crise nationale 2. Ces précautions que les Athéniens prenaient contre leur faiblesse ne gênaient pas leur versatilité, mais ne nuisaient pas non plus à leur clémence. Leur histoire présente maints exemples de grâce individuelle. Alcibiade, condamné à mort par défaut, fit semblant de purger sa contumace par quelques mots de défense, après quoi le peuple décréta qu'il serait indemnisé de la perte de ses biens par un don national, que les malédictions lancées contre lui seraient solennellement révoquées et que la stèle portant le texte de sa condamnation serait jetée à la mer 3. Démosthène fut simplement rappelé d'exil par décret 4. Ce ne sont là, il est vrai, que des revirements de passion politique. Mais on voit aussi les Athéniens rendre la liberté sans rançon, par pure pitié, à un Rhodien qu'ils avaient condamné à mort par contumace et qui était tombé entre leurs mains 5 ; on les voit réparer une erreur judiciaire en enlevant aux Onze un fonctionnaire qui n'attendait plus en prison que le bourreau La remise des peines pécuniaires était plus difficile que celle des peines personnelles. Quand on réintégrait les bannis, on leur restituait leurs propriétés 7 ; mais, si elles étaient vendues, il fallait leur en donner l'équivalent en argent et en terres 8. Quant à la suppression des amendes, on ne voulait pas en entendre parler : il y allait des règles applicables à une question d'intérêt général, celle des débiteurs publics. Au lieu de lever une amende, on en procurait au condamné la contre-partie : on lui accordait sous un prétexte quelconque une rémunération fictive, et son compte était hala ncé. Au v" siècle, Phormion devait une amende de cent mines ; le peuple lui alloua cent mines à charge d'orner l'autel de Zeus Sôter s. Le rappel de Démosthène laissait subsister son amende ; on lui confia la même tâche avec une gratification énorme 10. Il n'y a qu'un cas où les Athéniens semblent avoir formellement renoncé au recouvrement des amendes : c'est lorsqu'ils se trouvaient devant des fils qui avaient hérité 1 Item. C. T,eeocr. 45-46; Andoc. Demyst. 77.2 On trouvera l'énumération de ces amnisties à l'article essamm, p. 942. Pour les autres villes de la Grèce, voir à la 33; Isoer. L. c. 9 Androt. ap. Schol. Aristoph. Pax, 347; cf. Bôckh-Frankel, I, Der Attische Process, Halle, 1824 (éd. Lipsius, Berl. 1883-1887); Van Lclyveld, VIl. de l'atimie paternelle. Pour Conon, fils de ce Timothéos condamné à une amende de cent talents, ils firent à peu près comme pour Phormion et pour Démosthène". Mais les enfants de l'orateur Lycurgue, responsables d'un déficit imputé à leur père, frappés d'atimie et emprisonnés, furent tout simplement élargis et réhabilités 1l.. A ce dernier trait, nous reconnaissons la noblesse et la magnanimité avec laquelle le peuple athénien a toujours employé son droit de grâce à réformer une légalité encore pleine de conceptions vieillies. C'est par des actes de clémence, prévus dans les lois mêmes dont ils corrigeaient les excès, qu'Athènes a pu abolir, au milieu du ve siècle, la solidarité de la famille dans la peine de mort ". C'est en réhabilitant, vers la même époque, les enfants de Thémistocle qu'elle a fait disparaître de son droit le caractère collectif du bannissement 1". Ces résultats une fois consacrés par la revision législative de 403, Athènes conservait encore dans l'arsenal des lois, la confiscation et l'atimie héréditaire. Mais elle usait de la plus large indulgence envers les familles frappées : elle laissait d'ordinaire une part des biens confisqués à la femme et aux enfants du coupable 15 ; elle allait parfois, en dépit de la règle absolue qu'elle s'était posée, jusqu'à donner quittance aux fils des amendes non payées par le père. Elle se préparait ainsi à faire une réforme définitive ; elle n'en eut pas le temps. GUSTAVE GLOTZ. Rom. I. Origines. Le droit pénal romain est issu de la fusion incomplète du droit pénal public et du droit pénal privé. Le droit de punition de l'État repose sur deux principes : le droit de légitime défense contre le citoyen que son crime ou délit a transformé en ennemi national, et la translation au magistrat, qui agit dans les limites de sa compétence, de la toute-puissance du chef de famille sur les siens. Aussi dans la justice rendue par le magistrat primitif, le roi, n'y a-t-il sans doute aucune distinction entre les mesures de coercition et les vraies peines [REX] ; et d'autre part il n'y a eu probablement contre le seul crime primitif, la lésion de la communauté, la PERDUELLIO, qu'une seule peine, la mort. Cette peine a eu primitivement un caractère religieux, a été une sacratio ; le condamné est un homo lacer 1 ; il appartient à une divinité, surtout aux dieux infernaux, au dieu Terme, à Jupiter. La plus ancienne forme de peine de mort correspond à un rituel de sacrifice humain 2. Des usages religieux se maintiennent très tard dans l'exécution 3; la peine capitale primitive comprend aussi la consécration de la fortune (consecratio) à des divinités indiquées par la tradition ou la volonté du magistrat, surtout aux dieux infernaux, à Cérès, souvent associée avec Liber et Libera, à Jupiter, à Semo Sancus 4. Plus tard égale GStting. 1855 ; Schômann, Gr,echische Alterthamer, trad. Galuski, Paris, 1884 Rosie. t Fest. p. 318 s. v. Sacer ramis. 2 L'exécution faite par un magistrat plehéien en dehors de ces formes, est considérée comme un meurtre excusable jbid.). 3 Ainsi dans la bonorum consecratio faite par un tribun Dionys. 10, 42; Cie. (éd. Schoell). On consacre aussi à César divinisé (Dio Cass. 47, 18). (1 POE 538 POE ment les amendes sont consacrées souvent à des buts religieux [MALTA]. Le droit pénal privé manque de base religieuse et repose essentiellement sur l'idée de la vengeance sous les formes du talion ou de la compensation pécuniaire. A l'origine, comme partout, le droit de vengeance a probablement été exercé par la victime et son clan ; mais de très bonne heure, avant l'époque historique, l'Etat s'est chargé de venger lui-même les crimes qui compromettaient en même temps l'ordre public, parmi lesquels la loi des Douze Tables indique le meurtre de l'homme libre, probablement l'incendie, le vol de moissons, la diffamation publique, le manquement aux devoirs résultant du patronat, le faux témoignage', peut-être le vol à main armée'. Il a déjà rendu l'accord, la composition obligatoire dans la plupart des cas d'injure, de lésion corporelle ou de la propriété, sauf pour les deux cas de furtum manifestum et de mutilation grave d'un homme libre 3. Plus tard il abolit complètement la vengeance privée et la peine capitale pour les délits privés; il impose partout la nécessité du rachat, remplacé pour les pauvres par la servitude pour dettes. On a exposé à l'article JLDICIA PUSLICA les transformations et l'adoucissement de la pénalité à l'époque républicaine, surtout sous l'influence de la provocatio ad populum, de l'exil volontaire [ExsILIUM et de la procédure des quaestiones perpetuae. La peine de mort disparait presque entièrement. IL Évolution. La législation pénale de la République, constituée par les lois sur la PROVOCAT1o, sur les quaestiones [QUAESTIO , complétée ensuite par les lois de César et d'Auguste [LEX, p. 1147-1149], n'a point été sous l'Empire l'objet d'un remaniement systématique, elle n'a point provoqué d'oeuvre d'ensemble; modifiée, complétée seulement par des sénatus-consultes, des rescrits impériaux, elle reste toujours faite de pièces et de morceaux, sans unité, sans cohésion. En dehors des modifications de la procédure [.1UDICIA PUDLICA], nous ne trouvons guère que deux crimes nouveaux, l'hérésie [MAJESTAS, p. 1559] et le rapt, ce dernier déterminé par Constantin, puni de mort et dont l'action s'éteint au bout de cinq ans '. Mais nous constatons trois changements importants : 1° Dès le règne d'Auguste reparaît la peine de mort, devant les tribunaux de l'empereur, du Sénat, des gouverneurs et des délégués de l'empereur. D'abord épargnée aux citoyens d'un certain rang3, elle devient larègle pour tous les crimes graves après l'époque d'Antonin et s'étend de plus en plus avec des aggravations de toutes sortes 6. 2° La division des citoyens, établie par Auguste, en deux classes, les I7onestiores et les humiliores [PLERS] supprime l'égalité pénale qui avait existé théoriquement entre les hommes libres sous la République. Pendant longtemps la classe privilégiée échappe à la peine de mort, sauf pour le parricidium et la Inajestas ; plus tard encore elle n'y est soumise qu'après la confirmation de la sentence par l'empereur 8 et elle est dispensée du supplice de la croix, de l'envoi aux mines, des coups. 3' La fixation arbitraire de la peine, pratiquée sous la République seulement dans la juridiction plébéienne, se développe de plus en plus et jusqu'à l'excès sous l'Empire, dès le début devant les tribunaux du prince, de ses délégués et du Sénat", puis devant toutes les autres juridictions. Au troisième siècle règne l'arbitraire le plus complet, dé surtout aux lacunes du code pénal; les lois et les rescrits donnent à peine des directions aux juges 1°; les rescrits ne sont pas applicables à tous les cas ; le juge a en fait pleine liberté 11, quoiqu'en théorie il doive toujours juger selon la loi et que l'empereur seul puisse s'en écarter ou permettre de s'en écarter l2. Les circonstances atténuantes sont généralement : la jeunesse 93 ; le sexe féminin, surtout pour l'ignorance du droit 1" ; l'ivresse 15 ; quelquefois la passion, en particulier pour le meurtre de l'adultère'6; la simple tentative 17 ; la simple complicité 18 ; la contrainte exercée par le maître ou le père sur l'esclave ou le fils 19; la longue durée de l'enquête ou de la prison préventive 20. Les principales circonstances aggravantes sont : l'infamie'', ou la qualité de fonctionnaire du délinquant22; la récidive 23 ;quelquefois la passion 2" ; la fréquence du crime 26 ; III. Principes généraux de la pénalité. Signalons pour toutes les époques : 1° L'inégalité entre le libre et le non-libre [sERVUS;. 2° L'inégalité entre le citoyen et le non-citoyen. Sur ce point nous renvoyons aux pouvoirs des magistrats romains, des gouverneurs et des magistrats municipaux sur les non-citoyens [JUDICI_A PURLICA, p. 653-634; MAGISTRATUS MUNICIPALES, p. 1549-1551;. 3° La responsabilité de l'individu. Elle ne commence qu'au-dessus de l'âge de l'in fans ; l'impubère est considéré comme non punissable, mais seulement pour les crimes capitaux'"; pour les autres délits, il n'y a pas de règle générale '7; le juge examine si le délinquant a eu conscience de son acte 28 [INFANS, TUTELA]. Les fous, les malades d'esprit sont irresponsables29 , quoiqu'à la rigueur ils puissent être punis pour un délit commis dans un intervalle de lucidité 3e. L'acte ordonné par le chef' ou permis par la loi, comme dans le cas de légitime défense, n'entraîne aucune responsabilité. 4' Le caractère de l'acte. Nous renvoyons aux articles DOLUS MALUS et MEros pour l'étude de l'intention et de la volonté dans le délit ; CONATUS pour la tentative ; coNSCIUs et AUCTOR pour la complicité et l'excitation au crime. IV. Noms, classement des peines. Le délit exprimé par les mots CRIMEN, DELICTUM, NOXA, a pour corrélatif la compensation, les représailles, la peine, pour lesquelles nous ne trouvons que très tard une dénomination spé POE :139 --POT ciale. Le mol supplicium n'a eu ce sens que tant qu'il n'y a pas eu d'autre peine que la mort. La loi des Douze Tables emploie le mot damnum, don, pour le rachat pécuniaire de la plupart des délits privés DAMSt M et pour le rachat de la lésion corporelle le mot sûrement d'origine grecque 2, poenae 3. Ce mot, d'abord peu employé '' est devenu peu à peu d'un emploi général'', quand tous les délits privés eurent été soumis au rachat obligatoire, pour le droit pénal public et privé, même pour les dommages-intérêts issus d'un délit'. Les mots malta, poena désignent l'ensemble des peines publiques, pécuniaires et autres'. Le mot poena s'applique aussi à la peine conventionnelle [STIPULATIO]. Nous laissons de côté les peines de coercition MACISTRATUS, p. 1329, col. 1,, du tribunal domestique [JCDICIUM Sous la République on signale huit peines : mors, servitus, vincula, verbera, talio, ignominia, exsilium, damnum ; mais les coups et la prison ne sont alors que des peines de coercition ; l'exil n'est pas une vraie peine; l'ignomiraia n'est que la conséquence d'autres peines ; la servitude et le talion sont d'anciennes peines du droit pénal privé de la loi des Douze Tables. La République a donc en réalité, à l'époque historique, seulement deux peines, la mort et l'amende. Les mots poena capitis ou capitalis désignent primitivement la seule peine de mort'; puis, à l'époque impériale, ils ont été étendus à toute perte de la liberté et de la cité, souvent même par abus à toute perte de l'existimatio, à toute atteinte au capot 10, Mais on continue à distinguer la peine de mort de toutes les peines capitales, déportation, travaux publics, mines, qui n'enlèvent pas la vie 11. Dans une autre acception la peine de mort est le summum supplicium par rapport aux peines non capitales 72. On oppose souventl'amendeauxpeines capitales,13. Il y a une gradation dans les différentes formes de la peine de mort: décapitation, crucifixion, crémation Ii; et l'expressionultimum supplicium désigne quelquefois la peine de mort aggravée par opposition à la simple poena capitis 16. On distingue quelquefois les peines ordinaires (ordinarrae ou iegitimae), issues de l'ancien ordo judicioruln publicorum, des peines extraordinaires (extraordinariae) décrétées en dehors des anciennes lois 16. On distingue également des peines publiques les peines privées, c'est-à-dire les peines pécuniaires prononcées, indépendamment des dommages-intérêts, pour les quatre délits privés : furtum, bona vi rapta, damnum, injuria. V. Liste des peines. Sous l'Empire on peut ramener les peines à dix catégories. A. La mort. Il n'y a pas d'intervalle légal entre la sentence et l'exécution (animadverterel 7 sous la République: la peine peut être appliquée immédiatement''; en 21 ap. J.-C. un sénatus-consulte établit un intervalle de dix jours pour les sentences rendues par le Sénat"; au Ive siècle, Théodose demande un délai de trente jours pour les sentences impériales20. Le supplice des femmes enceintes est différé jusqu'à leur délivrance2L. Le magistrat jouit du reste sur ce point d'une grande latitude; il peut retarder, même indéfiniment pour différentes raisons ; enfin au me siècle on lui fixe un délai maximum d'un an 22. Pour les exécutions publiques, on évite généralement la nuit et les fêtes 93. Elles ont lieu à Borne soit en dedans, soit en dehors du pomerium au Champ de Mars20, sur le Forum, sur l'Esquilin20, à d'autres endroits21 ;dans les provinces quelquefois au lieu du crime ". Le magistrat y emploie soit ses licteurs et au Bas-Empire son commentariensis et les aides de ce dernier [LICron, OFFICIUM, p. 157, col. 2i, soit, pour les exécutions des, esclaves et les exécutions faites en prison, les TRU MtiIRI CAPITALES et le bourreau, qui de bonne heure remplace les licteurs CABNIFEX. Le magistrat assiste aux exécutions publiques sur son tribunal, la toge retournée, et le peuple y est convoqué par la trompette 2t., L'exécution est presque toujours précédée des verges. Le caprice du juge et du bourreau peut infliger d'autres tortures 30, surtout aux esclaves et aux chrétiens ; Constantin fait arracher la langue au délateur, verser du plomb fondu dans la bouche de l'instigateur du rapt31, Il y a dix formes principales de la peine de mort, les huit premières avec l'intervention du magistrat : 1° La décapitation, d'abord par la hache, symbole de l'imperium, puis, sous l'Empire, par l'épée (gladiusj2) 2° La crucifixion, employée pour les citoyens libres dans les légendes anciennes et peut-être sous la loi des Douze Tables ; à l'époque historique, dans le droit pontifical pour les hommes complices de l'inceste de la Vestale, en général pour les esclaves, et comme aggravation de supplice pour les citoyens [eaux, FURCA,; 4° La crémation, sorte de talion pour l'incendiaire, dans la loi des Douze Tables3S; elle est assez fréquemment employée, sous la République pour les délits militaires, et sous l'Empire, surtout contre les chrétiens 34 ; 5° La décapitation par l'épée 6S, employée dès le début POE 640 POE. de l'Empire sur l'ordre d'un magistrat civil par un officier (surtout tribun) ou un sous-officier, centurion, commentariensis 2, généralement par le speculator 3, plus tard par un employé de l'office du magistrat ; 6° La livraison aux bêtes 4 ou aux jeux des gladiateurs (ad gladium ludi). Ce supplice, aggravation de la mort 6, est infligé, sous la République, aux prisonniers de guerre, aux déserteurs romains, libres ou non libres, aux esclaves condamnés par leurs maîtres, et dont la sentence doit être, depuis la loi Petronia, confirmée par le tribunal sous l'Empire aux malfaiteurs, aux chrétiens Les honestiores et les soldats n'y sont pas soumis, sauf en certains cas, pour les crimes de lèse-majesté et de christianisme 7 7° La précipitation du haut de la roche Tarpéienne, sur le Capitole, est appliquée, dans la loi des Douze Tables, pour le vol manifeste (furtum manifestum) des esclaves et le faux témoignage ; à l'époque historique, quelquefois irrégulièrement par des magistrats patricioplébéiens contre des déserteurs, des otages échappés, des citoyens désobéissants 9 ; généralement par les magistrats plébéiens soit de leur propre autorité, soit pour exécuter une sentence 10 [TRIBL'NL'S PLEBIS]. Elle disparaît sous l'Empire " ; 8° L'exécution non publique, faite en prison, sous la direction des triumviri capitales, ou du magistrat luimême, soit par la privation de nourriture, soit par la strangulation, de la main du bourreau. Cette forme de supplice, qui disparaît au me siècle, a été appliquée surtout à des Romains ou à des étrangers de distinction" peut-être aussi à des femmes, quoique l'exécution de ces dernières ait été généralement laissée à la famille ; et en particulier aux Vestales qui avaient manqué à leur voeu de chasteté : après avoir été dépouillées de leurs insignes, elles étaient ensevelies vivantes, avec une lampe, un pain et une cruche d'eau, de lait et de miel, dans un caveau situé en dehors de Rome, vers la porte Colline, au Campus sceleratus f3 [vESTALES1; 9° Le suicide ordonné à l'accusé, sorte d'adoucissement concédé quelquefois sous la République, souvent sous l'Empire par l'empereur seul ' l ; 10° L'exécution populaire ou la mise hors la loi, en vertu d'une loi ou d'un jugement. Elle est autorisée au moins théoriquement contre l'exilé qui rompt son ban et contre ceux qui le recèlent i6. Sous l'Empire, la rupture du ban est menacée de l'envoi aux mines et de la déportation 10, La mise hors la loi, qui primitivement rend le délinquant sucer, a été surtout prononcée par l'ancien droit, comme on l'a vu, par exemple contre la violation des devoirs du patron, contre le déplacement des bornes, puis en matière politique par les lois qui interdisent le rétablissement de la royauté, qui protègent l'appel au peuple [JUDIDIA PUBLICA, p, 646], qui protègent les droits de la plèbe et de ses magistrats [LEGES SACRATAE], et à la fin de la République, par le senatusconsultum ultimuin et dans la procédure irrégulière des proscriptions [JtiDICIA B. La perte de la liberté. Prononcée primitivement dans le droit pénal privé sous la forme de l'adjudication (addictio) de l'offenseur à l'offensé pour le vol manifeste, elle ne subsiste à l'époque historique que sous la forme de la vente ou de la livraison du délinquant à l'étranger pour violation des devoirs des soldats ou des ambassadeurs et sous l'Empire comme peine accessoire de la condamnation aux mines ou au métier de gladiateur. Dans ce dernier cas, le condamné devient immédiatement serves poenae; son mariage est rompu ; ses biens reviennent à l'État ; il ne peut plus disposer ni entre vifs, ni par testament". Certains délits ramènent l'affranchi à l'esclavage [LIBERTUS, p. 1214, 1220]. C. La condamnation aux travaux publics et au métier de gladiateur [opus PUBLIcUM, GLADIATOR, p. 15731. D. La perte du droit de cité, ou media capitis deminutio, qui frappe sous la République les condamnés pour perduellio, sous l'Empire les condamnés à la déportation E. L'emprisonnement [CARCER]. F. L'exil, la déportation et la relégation [EXSILIUM]. G. Les peines corporelles. On distingue : 1° Les mutilations diverses, infligées au Bas-Empire plus ou moins arbitrairement pour aggraver la peine, par exemple contre les chrétiens, les hérétiques18, contre les condamnés pour destruction de tombeaux, vol dans les églises, pédérastie, vol dans l'exercice d'une fonction publique 19, 2e Les coups (verbera) infligés au moyen du fouet [FLAGELLUM] pour les esclaves, des verges et plus tard du bâton (fustis) pour les hommes libres ; instruments renforcés au Bas-Empire de balles de plomb (plumbatae) 2D. Les coups sont d'abord donnés préalablement à la peine de mort et à l'envoi aux travaux publics, sauf, sous l'Empire, pour les gens de qualité 21. Ils constituent une peine principale, plus dure que l'amende, même à l'égard des hommes libres, pour les délits légers2 L'esclave peut être fouetté ou bâtonné jusqu'à la mort23. Les verges remplacent l'amende pour l'esclave que le maître ne représente pas et pour l'homme libre qui ne peut la payer 26 1. Amendes [MULTA]. 1. Dégradations civiques. On distingue : POE 511 POE 1° La damnatio memoriae qui comporte essentiellement la perte du droit au tombeau et des honneurs dus à la mémoire, accessoirement la destruction des portraits dans la maison, des statues', quelquefois la démolition de la maison l'interdiction du deuil aux parents 3. Toute condamnation à mort entraîne légalement 4, même pour les proscrits dans les guerres civiles, sous la République et l'Empire l'interdiction de la sépulture, sauf concession gracieuse de l'empereur, du magistrat, sur la demande des parents qui souvent l'achètent'. A Rome le corps est jeté aux Gémonies, puis au Tibre. Des gardes empêchent l'ensevelissement'. Dès le premier siècle de l'Empire la coutume de refuser la sépulture 8, quoique toujours légale, disparaît de plus en plus. 2° L'incapacité de prêter ou de se faire prêter témoignage, qui comporte pour l'époque postérieure l'incapacité de faire un testament. Elle est prononcée par la loi des Douze Tables contre l'injure publique (carmen famosum) et le refus injuste de témoignage; dans ce dernier cas l'offensé peut interpeller l'offenseur tous les trois jours devant sa porte 9. Auguste rétablit cette déchéance comme une des peines les moins graves contre le carmen farnosum, les famosi libellif0. Plus tard appliquée aux chrétiens, aux hérétiques, aux apostats, à la femme qui vit avec son esclave, elle leur enlève le droit d'agir en justice ". 74° L'exclusion perpétuelle ou temporaire des magistratures et du sénat à Rome et dans les villes de consti 5° Les diverses révocations ou dégradations, prononcées sans règle générale, contre les fonctionnaires impériaux f2 ; les interdictions de métiers " [oFFICIUM]. VI. Tableau de la pénalité. Au troisième siècle ap. J.-C. les principaux crimes et délits comportent les peines suivantesf4, surtout d'après les Sententiae du jurisconsulte Paul" la mort aggravée à l'égard des trois classes, honestiores, humiliores et esclaves, pour l'incendie dans une ville au moment de troubles, le vol de nuit dans les temples, la désertion, l'empoisonnement par un philtre d'amour, la magie grave, le parricide ; à l'égard des humiliores et sans doute aussi des esclaves pour le meurtre ordinaire, la magie moins grave, la lèse-majesté, le soulèvement ; à l'égard de ces mêmes individus, mais pouvant être remplacée par l'envoi aux mines, pour la violation de tombes, la fabrication de fausse monnaie, le plagium. La mort simple, à l'égard des trois classes, pour l'invasion dans une maison à main armée, l'incendie dans une ville, le stuprum commis sur la femme ou l'enfant, les consultations magiques sur l'empereur; à l'égard des honestiores pour le meurtre, la magie moins grave, la lèse-majesté; à l'égard des humiliores pour la circoncision d'individus non juifs, la castration violente, la possession de livres magiques, le faux témoignage, la vis grave, la fondation de sectes religieuses dangereuses, le vol de bétail (puni aussi des travaux publics à vie); pour les esclaves le délit de fausse monnaie et les autres faux. L'envoi aux mines dans les cas déjà vus et : à l'égard des humiliores pour le vol de jour dans les temples, l'incendie de moissons, l'ouverture d'un testament du vivant du testateur, la livraison de pièces d'un procès, l'emploi de pièces fausses, la vis légère, l'incendie pour vengeance àla campagne ; l'homicide commis dans une rixe ; l'homicide par imprudence et négligence; à l'égard des esclaves pour l'injure grave, l'usurpation de liberté, le plagium, le déplacement de bornes; à l'égard des humiliores et des esclaves pour les coups suivis de mort (punis aussi de l'envoi au ludus), le vol dans les bains, l'injure criminelle, l'incendie dans la campagne (punis aussi des travaux publics à vie). Les travaux publics à vie : dans les cas déjà vus, et, à l'égard des humiliores, pour le déplacement de bornes. Les travaux publics à temps, à l'égard des humiliores pour le vol de bétail, la destruction d'arbres fruitiers. La déportation, à l'égard des honestiores pour : l'inceste chez l'homme, l'injure grave, le vol de jour dans un temple, le soulèvement, la possession de livres magiques, le faux, le faux témoignage, la vis atrox, la prévarication du juge, la création de sectes religieuses dangereuses, la vaticinatio avec récidive, la castration violente, l'ouverture d'un testament du vivant du testateur, la diffamation publique, la violation de tombes (ces deux délits punis aussi de l'internement). L'internement, forme aggravée de la relégation à l'égard des honestiores pour : l'adultère, l'incendie dans la campagne, l'incendie de moissons, la circoncision, les coups suivis de mort, l'emploi d'un philtre d'amour, la livraison de pièces d'un procès, la vis légère, le plagium, le déplacement de bornes, le stuprum commis sur des enfants (ces deux derniers délits punis aussi de la relégation). La relégation, à l'égard des honestiores, pour les cas déjà vus et pour la destruction d'arbres fruitiers, la prévarication du juge. Les coups à l'égard des esclaves pour l'injure légère. Il faut enfin ajouter à ce tableau les confiscations partielles ou totales, les amendes et les condamnations civiles pour incendie par imprudence, abigeat, destruction d'arbres fruitiers, péculat, dommages causés pendant une émeute ou des troubles. Pour l'examen plus complet des peines des différents crimes et délits, nous renvoyons aux articles suivants : pour le meurtre et les crimes analogues et assimilés ; POJ. délils sexuels; PECULA'ruS, R1.PETr_SDAE pour les vols commis envers l'État ou par des fonctionnaires ; ABIGEI, dage ; sICRILEGIUM pour le vol d'objets sacrés dans les temples et pour toute atteinte aux objets sacrés ; ri.AGlt M pour les atteintes à la liberté; INJURIA pour les injures à priété publique et privée et aux tombeaux ; AMBITUs, COLLEGIUM, SoDALICIA pour les délits électoraux ou contre les lois sur les associations; DARDANARII, DELATOR, F OENUS pour l'accaparement, l'usure, la délation criminelle et fiscale; Dn-IaATIO, HARUSPICES, MACLA pour tous les délits relatifs à la divination et à la magie: CUITAS, LIBERTUS, LATIN, seRVOS pour les délits relatifs au droit de cité et les infractions diverses commises par les magistrats, les fonctionnaires, les juges jurés. CR. LÉCRtV.41N.