Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article STRIGILIS

STRIGILIS, (E'r),eyy(;2). Strigile, curette longue à bord mousse 3. On ignore l'origine de cet instrument, dont on n'a point encore trouvé de spécimens parmi les antiquités égyptiennes ou mycéniennes ; les trois plus anciens auteurs qui en parlent sont contemporains 4 et vécurent dans les Ne et Ive siècles. Le strigile servait primitivement à enlever cette grande quantité d'huile dont se couvraient les lutteurs, non pas, comme on le dit trop souvent, pour s'assouplir les muscles et les articulations, mais uniquement pour empêcher de donner prise, a«ôr, à l'adversaire [LUCTA, p. 1346]. Un homme couvert d'une couche huileuse glisse dans la main comme une anguille 6 ; on ne peut le saisir qu'après l'avoir renversé dans le sable. La lutte finie, vainqueur et vaincu brillants d'huile, tes Âitap6ypw; 8, On maculés de boue, se rendaient au bain où, dans une salle près la porte d'entrées, on procédait à un premier nettoyage mécanique avec le strigile. Si la consommation d'huile dans les gymnases était considérable70 et si c'était un titre de gloire « immortelle » que d'en faire les frais pendant une année '1, les raclures d'huile, is.tU yiaN.a, naient de grands profits : Pline parle de 50000 sesterces de raclures vendues pour faire des pessaires ainsi que des liniments contre les douleurs névralgiques ou rhuInatismales f4. Bondi. 23. Biei.mcaapers. Ph. Horst, De strenis, Jena, 1632; M. Liponius, Bmttiger, Amalthea, Ill, p. 168 sq.; Morgenbl. 1846, n' 60 sq.; Scheiffele, Die Slaatsverwalt. III, 14; et Privatleben der Ramer, 1, 251 sq. et t, 94, n. 6; Friedlaender, Sittengesch. Rems, 7e A»tI. I, p. 81; Martigny, Dict. des antiq. chrétiennes, s. v. 53509505 et JANVIER (CALENDES DE). STRIGILIS. 1 De stringo; Bréal et Bailly, bief. éllpn. lat. 1885. 2 Héraclide de Tarente écrivait es?eyy,;, forme plus voisine du latin (Erot. Gloss. p. 328). Sous l'Empire, on employa le mot Eiespa avec le même sens et Lucien considère comme une affectation d'archaïsme de dire hesevbe5yiesela, au lieu de àsolAeueta. (Rhet. praec. 17). 3 Bien que notre mot étrille soit un doublet de strigile et dérive de dans le sens de etAeyyfs, puisque il désigne un instrument toujours denté. 4 Hippocrate, Aristophane et Platon. 5 Pour la même raison, les lutteurs albanais et les pehlivanes orientaux se versent, pour chaque lutte, sur le corps et le caleçon de cuir plus de 300 grammes d'huile, alors qu'il en faut à peine 25 grammes pour masser un adulte. 6 Lucien. "black. I. 7 Theocr. Il, 80. Quand il fut de bon ton de se livrer aux exercices du corps, et quand tout le monde y prit part, chacun eut son strigile qu'il faisait porter au bain par un esclave16. Tous ces désoeuvrés qui hantent les étuves se font donner un coup de strigile soit pour enlever le peu d'huile ou de ceroma qui reste sur le corps après le massage, soit même pour enlever la sueur et ces débris épidermiques nommés « copeaux balnéatoires16 n. Bien que cette coutume fût nuisible 17, on l'appliquait même aux malades contrairement aux conseils d'Hippocrate 18. Les femmes avaient également leur strigile 19, qui servait au bain, pour enlever surtout la pâte épilatoire[PSILOTHRUM], dont elles s'enduisaient le corps 20 Bien que le strigile se compose toujours d'une longue cuillère creuse [LIGULA] et d'un manche, capulus, la forme de cet instrument a subi de telles modifications qu'on ne peut encore essayer une classification chronologique et géographique 2L. Cependant, on reconnaît déjà que les plus anciens spécimens sont faits d'une feuille de métal bronze ou argent travaillée à la lime et au marteau. La cuillère dessine un demi-cercle22 dans sa longueur; elle est fortement concave dans sa largeur et se termine en s'évasant. « Le manche est en forme d'anneau long où l'on passait les doigts23 ». Plus tard, les deux tiges du manche sont rapprochées : la première est une table plate ; la seconde est ronde, filiforme et vient se terminer sur le dos de la cuillère, sans y adhérer toutefois, par une petite plaque lancéolée ou foliée 24 sur laquelle on appuyait soit le de forme coudée. pouce, soit l'index (fig. 6645). Quand l'usage prévalut de fondre les strigiles au moule, la cuillère forma un angle droit avec la poignée, qui se composait de deux longues tables semblables, parallèles, distantes de 5 ou 6 millimètres sur les neuf dixièmes de leur longueur, mais adhérentes l'une à l'autre aux deux extrémités (fig. 6646) 2û. Souvent même le manche est cylindrique 2s ou, comme dans les 8 Ib. 102. 9 Probablement la pièce nommée destrictarium (cf. Bar.xnu., Lucia». Lexiph. 2 ; Pers. Sat. V, 126. 16 Théoph. Gautier, Constantino se servir d'éponges au lieu de strigiles. n Cependant Aristote constate que la sudation est plus abondante avec le strigile (Probl. II, 12, éd. Didot, IV, Sec. loc. 1, 4 (éd. Kuhu, XII, p. 455) : « Elles s'enduisent le corps (d'un épilatoire), ensuite elles se rendent dans une chambre tiède du bain, et quand elles commencent à transpirer, elles enlèvent avec un strigile le médicament d'une partie du corps. s Traduct. Ch. Daremberg, Œuvres d'Oribase, 1854, 11, p. 887. 21 Voir le classement adopté par Il. B. Walters (Calai. bronzes, British .Nus. 1899). Sa série la plus ancienne remonte à 5511-460 av. J.-C. Fornique, Étude sur Préneste, 1860, p. 146, a pu écrire qu'a Préneste: « les strigiles sont toujours exécutés d'après le même modèle n : il n'en est pas de même à Pompéi, si l'on compare seulement les deux types donnés l'un par H. Breton (Pompeia, 1869, p. 176) et l'autre par A. Rieh (Dict. des antiq. 1861) s. u. ccaesur.a. 22 Dennis, The cilles and cemeteries of Etruria, 1848, Il, p. 426. 23 A. de Ridder, Cat. dans la fig. 6615; Carapanos, Dodone et ses ruines, pl. xxvr, 8 bis. 25 Strigile de Pompéi, Mus. Barbon. VII, pl. xvi. 26 Babelon et Blanchet, Cat. des br. de STR 1533 STR strigiles des musées d'Autun' et de Bourges 2, il se compose d'une seule table, à arêtes vives et angles droits, dont la largeur est double de l'épaisseur. A Cyzique (cimetière de Bulgar Keuï), les spécimens les plus récents ont une poignée formée de deux tables plates, parallèles, longues de 10 centimètres, adhérentes à leurs extrémités ; la cuillère, longue de 27 à 28 centimètres, forme d'abord un angle obtus avec le manche, puis se recourbe presque à angle droit au premier tiers de sa longueur, là où se trouve la plus grande largeur. La longueur des strigiles varie d'ordinaire entre 16 et 30 cen timètres; M. A. de Ridder en décrit un « de provenance inconnue, long de 7 centimètres, manche, 3 centimètres, percé d'un trou » et le considère comme un monument votif' ; de semblables offrandes ' étaient, on le sait, dans les habitudes de l'antiquité. Les strigiles se faisaient ordinairement en fer et les plus renommés venaient de Pergame 3 ; mais la plupart de ceux que l'on conserve dans les collections sont en bronze. On en trouve aussi en argents, en électrum ', en plomb 8, en corne 9, en ivoire '0, en os" ; les Lacédémoniens en avaient en roseau, xaaap.(vat ; les Agrigentins en or ou en argent13. Dans l'Inde, on les fabriquait en ébène 14. Les strigiles portent fréquemment des inscriptions". L'ornementation est le plus souvent formée de lignes sinueuses, de fleurs, de cannelures1', de masques" ; il y a aussi de véritables sujets : Apollon assis", Centaure dressé et jouant des cymbales ", Hermès, etc. 20. On a trouvé à Préneste plusieurs strigiles dont le manche rapporté21 est fait d'une figurine en bronze". Le plus célèbre représente une femme nue tenant un petit strigile dans la main gauche (fig. 6647) 23 On a découvert des strigiles dans toutes les parties de l'ancien monde, et surtout dans les tombes. En règle générale, on peut dire que les strigiles sont d'autant plus nombreux dans la nécropole d'une ville, que les habitants ont mené une vie de mollesse et d'oisiveté. En Asie Mineure, comme en Europe, il n'est pas rare de rencontrer deux ou trois strigiles dans la même sépulture": quelques-uns ont encore la courroie de cuir qui les reliait25 ; d'autres sont réunis par une chaînette26, ou un anneau 27 ; on a trouvé de véritables trousses (fig. 6648) qui répondent à l'expression consacrée.trigi1is et anopulla 28, C'est ainsi que les peintres représentaient sur les coupes à figures rouges le a' u'(y(ç aux murs des gymnases et dans les salles de bain (fig. 748, 5936), à côté se frettant avec de sacs à éponges 30. Ces mêmes vases le strigile. montrent également comment on tenait le strigile à la main et comment on s'en servait". Le type de l'éphèbe 32 ou de la femme'', destringelas se 34, se rencontre aussi sur les miroirs' 0, les intailles (fig. 6649) 36. Le sujet fut traité au ve siècle par un sculpteur inconnu37 et par Polyclète 38 ; au Ive par Lysippe 39. L'Apoxyoménos 10 de Lysippe est célèbre. Agrippa l'avait placé à Rome devant ses thermes ; on en possède une belle copie dans l'homme au strigile du Vatican41. En Grèce 42 et en Anatolie on a trouvé plusieurs apoxyomènes 13 ; il en existe également STR 1531 STR en terre-cuite provenant de l'Éolide 1. Les sculpteurs gallo-romains ont reproduit ce thème dans la décoration architecturale de Mediolanum 2. En Italie, les peintres décorateurs se servirent également de ce motif pour l'ornementation des palestres 3 ; on trouva au vue siècle dans une chambre sépulcrale de la voie Appienne « une fresque représentant une esclave en train d'étriller la cuisse d'une femme avec un strigile » (fig. '223)4. Des strigiles ont été figurés sur quelques stèles funéraires (fig. 3668) d'athlètes ou de gymnasiarques5. STRIGLIS, STRIAI . Pet ioc 2, i(a;uap,a . Noms donnés aux cannelures ou moulures curvilignes, parallèles, creusées à la surface des colonnes, pilastres, baignoires, tombeaux, etc. Vitruve 4 considère cet ornement comme l'imitation des plis de la robe 5. 1. Cannelures verticales. On les trouve à Mycènes sur les demi-colonnes du ne tombeau à coupole 5 et sur des colonnettes d'ivoire provenant de meubles 7. Toutes les colonnes doriques grecques étaient cannelées verticalement ainsi que les plus anciennes colonnes ioniques [COLUMNA]. Les peintres de vases n'oubliaient point de figurer ce détail par des lignes droites'. La forme des cannelures est toujours une courbe concave ou ondulée, mais jamais une entaille à bords droits ou en biseau 1° comme celle des triglyphes. La courbe varie selon les ordres : dans le dorique, elle est moindre qu'un demi-cercle ; on peut regarder les cannelures du Parthénon comme des sixièmes de circonférence11; celles du grand temple de Pestum (fig. 6650). comme des quarts de circonférence 12. Les colonnes corinthiennes ont les cannelu res les plus concaves 13 , atteignant parfois les deux tiers d'une circonférence 1'•. La colonne d'acanthe trouvée à Delphes est cannelée de façon particulière : c'est une courbe symétriquement ondulée comparable à l'arc en accolade 1G La largeur des cannelures ne dépend pas seulement de leur nombre et de la grosseur de la colonne 16 ; elle varie également dans une même colonne selon l'étage des tambours et diminue depuis le sol jusqu'au chapiteau 17. Le nombre des cannelures est toujours divisible par 4, de sorte qu'une cannelure correspond au milieu de chacune des faces du chapiteau 1I. Le dorique comporte de seize 19 à vingt-quatre 20 cannelures 21 ; on en trouve 44 sur la colonne asiatique, qu'elle soit perse22 éphésienne 22 ou naxienne u. Au ve siècle, on adopta le plus souvent 20 cannelures pour les deux ordres2J. La séparation des cannelures est toujours une arête vive dans les monuments archaïques2f. A partir du toujours séparées par STR I535 STR ve siècle, ce mode ne fut conservé que pour le dorique (fig. 6650). On remplaça dans la colonne ionique l'arête vive par un filet ou listel (fig. 6651), dont la largeur égale le tiers ou le quart de celle de la cannelure'. Sur la colonn e d'acanthe de DeleÎlLi phes, le listel est creusé en son milieu d'une rainure à section triangulaire; sur les deux colonnes en marbre phrygien du Panthéon à Rome, il est orné d'une baguette en relief 2 ; sur un pilastre sassanide, le listel est chargé d'un filet décoré d'une mince baguette'. Parfois à l'époque romaine, le listel seul est indiqué et fait l'effet d'un filet posé sur une colonne lisse ; la partie convexe comprise entre deux listels se nomme cannelure plate. On en voit un exemple au tiers inférieur des colonnes de l'intérieur du Panthéon à Rome'. La terminaison des cannelures vers la base et le chapiteau se fait par une section horizontale', une calotte sphériques ou un amortissement insensible sous la courbe de l'échine'. D'après Perrault, au palais des Tutèles, à Bordeaux, la cannelure s'échancrait en demicercle pour laisser voir le fût lisse de la colonnes. Les rudentures sont des moulures planes ou convexes qui semblent enchâssées dans les cannelures pour en rendre les arêtes moins saillantes et les protéger. Les Romains employaient ces cannelures rudentées dans le tiers inférieur de leurs colonnes et de leurs pilastres 5. Les Hellènes avaient préféré émousser les arêtes vives10 ou laisser lisses les tambours inférieurs qui conservaient alors, en Asie, la forme tronconique " et, en Europe, celle d'un tronc de pyramide à base polygonale 12. Ces spécimens sont très rares et on les attribue d'ordinaire au non-achèvement de l'édifice ". La sculpture des cannelures, 'péeowat„ se faisait quand les colonnes étaient dressées en place ; il aurait été difficile de bien raccorder les tambours à cause de la diminution progressive des cannelures dont le dessin est plus artistique que géométrique. On connaît les noms de la plupart de ceux qui cannelèrent les colonnes de l'Erechthéion et le prix qu'on paya à ces sculpteurs " II. Cannelures horizontales. Elles sont creusées circulairement autour des bases de colonnes. Signalée déjà dans l'ancien Héraion de Samos'' cette base cannelée fut retrouvée en Perse, à Pasargade (fig. 665'2 ) parts. Dieulafoy76,puis à Naucratis dans le plus ancien temple d'Apollon " et enfin à Locri 18 en Calabre. III. Cannelures hélicoïdales. On en distingue deux genres selon que la colonne est à fût droit" (fig. 66(13) ou torse; dans ce dernier cas, les moulures sont dites cannelures IV. Cannelures ondulées. Elles décorent principalement les faces planes des baignoires (fig. 6654) et des sarcophages romains (fig. 6111) 2'. Chaque cannelure est bordée d'une arête qui la contourne de sorte que deux cannelures contiguës sont deux arêtes distinctes. Souvent l'ondulation est symé triquement dirigée vers la figure placée au centre du monument"-z. Si cette figure centrale n'en occupe pas toute la hauteur, l'artiste a recours à diverses combinaisons pour raccorder les courbes divergentes de ces cannelures. C'est la difficulté du raccord qui empêcha d'employer cet ornement pour les colonnes ; on en possède cependant un bel exemple dans un monument funéraire qui est au Louvre23. SO@LIN DORIGNY. loppe de bagage [SARCINA, p. 1063].