Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

ANTINOUS

ANTINOUS. Jeune Bithynien favori d'Hadrien, honoré d'un culte après sa mort mystérieuse dans les eaux du Nil en 130 après J.-C. On prétendit que cette mort était volontaire et qu'Antinoüs s'était offert comme une victime pour prolonger les jours de l'empereur. On le mit au rang des dieux '. La Bithynie, sa patrie, la ville qui porta son nom, Antinoepolis en Égypte, Mantinée en Arcadie et d'autres villes de la Grèce manifestèrent un grand zèle pour le nouveau dieu'. On connaît une lé te particulière célébrée à Athènes comme une fête dionysiaque, dans la ville même (Avrtvriata êv énTet) et à Éleusis ('Avrtvéeta iv 'G).auafvt) 3. Antinoüs était pareillement fêté à Argos, à Mantinée Mais c'est de l'art qu'Antinoüs a reçu son immortalité véritable, en Asie comme en Grèce. Au moment même où la décadence est déjà commencée, la statuaire retrouve sa force pour créer encore une fois un type idéal. «La sùreté avec laquelle les artistes varièrent graduellement le type d'Antinofis, depuis l'homme jusqu'au dieu, en passant par le Voir sur le premier à.m,in?,se Dmnosth. C. Axdrotioae,u, h 38, Ii. ANVT -te292 AINU_ héros, et cependant sans porter atteinte aux traits essentiels de son individualité, mérite, dit O. Müller toute notre admiration. o Parmi ces ouvrages nous signalerons d'abord les bustes et portraits où le caractère individuel est plus précis, bien que quelquefois le statuaire ait idéalisé son modèle pour rappeler que l'homme dont il reproduisait les traits était divinisé. En premier lieu, un buste du Vatican, remarqué par Visconti à raison de ses proportions colossales, de sa belle exécution et de sa parfaite conservation ; puis l'admirable buste du Louvre', jadis à la villa Mondragone près Frascati. Les cavités des yeux ont dû recevoir des pierres fines, enchâssées dans les lames de métal dont on voit encore la trace le long des paupières inférieures, et la fleur du lotus devait couronner cette belle tête, dont le caractère est un peu sombre, comme tous les portraits d'Antinoüs. A côté de cette oeuvre capitale, se place le magnifique bas-relief de la villa Albani qui représente le favori d'Hadrien à mi-corps et plus grand que nature. Antinoüs ici porte deux couronnes : l'une sur sa tête, l'autre dans sa main 6. La statue du Capitole 9 trouvée à la villa Adriana, n'est pas moins célèbre : elle représente Antinoüs en héros ; ses formes sont athlétiques, ses cheveux courts et bouclés. Une autre statue trouvée au même endroit, et actuellement au musée de Berlin 10, le montre sous les traits d'AGATH0DAEMON (voy. p. 131, fig. 173). La belle statue trouvée à Ostie en 1798, aujourd'hui au musée de Latran statue vivante et colossale, dont une répétition décore le musée de Dresde 12, nous fait voir Antinoüs sous les traits de Bacchus. H est armé du thyrse, la ciste mystique et le serpent sont à ses pieds. Une statue du Louvre le représente sous le costume d'Aristée. Il porte le pétase et les bottes appelées permes. Un Antinoüs en Apollon Pythien, marbre de Lycopolis, a fait partie de la collection Drovetti ". La glyptique et la numismatique se sont de même appliquées à reproduire cc type si pur d'Antinoüs; on le voit sur un camée du cabinet de Vienne, coiffé d'un masque de Silène14 et, avec son nom, sur une sardoine de la collection de Marlborough ". Une médaille d'Alexandrie d'Égypte 10 (fig. 338), offre probablement un des portraits les plus fidèles du favori d'Adrien; sa tête est surmontée de la fleur du lotus, et on lit à côté ANTIIoor I3rmoc. C'est encore lui qu'on voit au revers, il est à cheval et porte un caducée. Les lettres lO, dans le champ, indiquent la dix-neuvième année du règne d'Hadrien (35 après J.-C.). Il figure encore sur les mé Bailles de Claudiopolis " de Bithynie, où il était né, et d'Hadrianopolis en Thrace 16. Les médailles de Tius en Bithynie 10, nous le montrent avec le costume héroïque, assis sur une panthère. Visconti '0, a cru pouvoir reconnaître Antinoüs dans l'un dos éphèbes du fameux groupe de Saint-Ildefonse; mais cette conjecture n'a pas été généralement admise. Cet antiquaire a remarqué que le buste colossal du Vatican et l'admirable bas-relief de la villa Albani sont creusés à l'intérieur, évidemment afin de diminuer la pesanteur du marbre. Cette précaution, dit Visconti'1, tient peut-être à l'empressement avec lequel Hadrien faisait transporter ces images qui lui étaient chères dans les lieux où il se plaisait à résider. ERNEST VINGT.