Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article APES

APES (111©),tcaxt abeilles.) Les anciens donnaient à l'élève des abeilles les soins les plus minutieux. Ils avaient étudié jusque dans leurs moindres détails les habitudes de ces utiles insectes ; aussivoit-on tous les écrivains qui se sont occupés d'agriculture accorder aux abeilles une importance toute spéciale'. C'est qu'en effet, les ruches devaient être dans l'antiquité d'un rapport bien plus considérable que de nos jours, le miel remplaçant le sucre et la cire étant recherchée. De grossières erreurs avaient cours au sujet des abeilles au point de vue de l'histoire naturelle : on se figurait, par exemple, qu'elles pouvaient être engendrées spontanément sur le cadavre d'un boeuf en putréfaction ; aussi les poètes leur donnent-ils quelquefois l'épithète de ouysvx( ; on croyait que la ruche était gouvernée par un roi (èyEdwv), c'est-à-dire par un mâle, et l'on ne se rendait nullement compte de la différence réelle entre les abeilles ouvrières (ypccvxf) et les bourdons (xepv~vt;, fuci, fuies) ; enfin certains auteurs prétendaient que le miel se trouvait tout formé par la rosée sur les fleurs et que les abeilles ne faisaient que le transporter dans leurs rayons. Les ruches doivent être placées dans un endroit abrité. On se contenta d'abord, et cet usage se conserva dans les petites fermes, d'imiter les ruches naturelles qu'on trouve dans les creux des arbres et des rochers 2, en pratiquant des niches dans le mur de la maison, sous le toit ; mais tous ceux qui en avaient le moyen tâchaient d'établir un rucher proprement dit (apiao'ium, alveal'e, alvearium, fnellat'ium, d'une seule pièce, construit en briques ou en poterie; mais on préférait les ruches mobiles (alri, alvei, xu' élut) qu'on fabriquait en bois, en écorce, en liége surtout, ou bien en jonc tressé, en paille mastiquée avec de la terre ou du fumier de vache a. Une ruche de ce genre, semblable à celle de nos pays, est représentée (fig. 339) d'après un bas-relief romain °. On en fit sous l'empire en pierre spéculaire", permettant, comme nos ruches modernes en verre, d'observer l'intérieur; et l'on a découvert à Pompéi" une ruche artificielle en métal dont on voit dans la fig. 360 l'extérieur et l'intérieur divisé en étages (tari), auxquels donnent accès un grand nombre de petites ouvertures. Ordinairement les ruches étaient percées de chaque côté de deux ouvertures pour laisser sortir et entrer les insectes; ces ouvertures étaient munies d'une porte s'ouvrant à volonté afin qu'on pût visiter et vider la ruche ou en modifier la température. Il est difficile de se faire une idée de toutes les précautions qu'on prenait pour préserver les abeilles et des prévenances qu'on avait pour leurs moindres besoins. Un beau rucher comptait au plus trois rangs de ruches qui ne devaient pas se toucher les unes les autres. Le rang inférieur reposait sur un parapet en pierre, de trois pieds de haut et revêtu de stuc pour empêcher l'accès des animaux rampants ou grimpants comme le lézard et l'escargot On avait soin de placer le rucher à une certaine distance des bâtiments d'exploitation pour éviter toute exhalaison malsaine. On éloignait également toutes les plantes qui pouvaient nuire à la santé des abeilles ou à la qualité du miel, par exemple le houx; on plantait au contraire le cytise et le thym tout auprès, enfin on entretenait dans l'enclos un courant d'eau pure. L'esclave chargé de la surveillance du rucher (apiarius, mellarius, curator apiarii, melitturgus, µe),rrroupydç) devait nettoyer les ruches trois fois par mois au printemps et en été, ou du moins voir si elles étaient en bon état. Pour recueillir un essaim (examen), on usait des mêmes procédés que de nos jours: on faisait du bruit avec des instruments de fer ou de cuivre, on jetait de la poussière en l'air, pour empêcher les insectes d'aller trop loin; enfin, pour les attirer sur une branche, on la frottait de quelque substance sucrée. On pratiquait aussi le moyen des fumigations pour forcer les abeilles à entrer dans la ruche ou à en sortir. Quand elles étaient irritées, on les aspergeait d'eau miellée. En cas de sédition, lorsqu'il y avait deux reines, on prenait les rivales et l'on tuait celle qui paraissait la plus faible La sollicitude pour les abeilles était poussée si loin qu'on recueillait avec soin celles qui étaient surprises par le mauvais temps et qu'on les réchauffait avant de les remettre dans la ruche. On enlevait le miel (mellatio, mellis vindemia, castratio alvorum, N.e%( rwatç) deux ou trois fois par an ; ordinairement on en prenait les quatre cinquièmes en juin et les deux tiers en octobre ; on tenait compte toutefois des rigueurs de la saison, si le temps avait été défavorable. On chassait les abeilles en soufflant de la fumée dans la ruche'. Le rayon s'appelait en latin favus, en grec xr,p(ov , on donnait le nom de propolis (apdaoatç) à la substance plus solide et plus sucrée qui remplit les cellules les plus rapprochées de l'ouverture, enfin la matière gommeuse qui réunit les rayons entre eux était nommée iptBâxrl, mot que Varron emploie aussi en latin, et qui désignait probablement la même chose que le terme melliyo ou u.aa(2'N.a. Le même auteur parle d'un rucher qui rapportait jusqu'à cinq mille livres de miel 10. A côté des abeilles domestiques (apes urbanae, cicures) il y avait les essaims sauvages" (apes sylvestres, ferae, rusticae) qu'on s'efforçait parfois de prendre. En Hyrcanie, en I. Médie et en Arménie, leur miel était fort recherché la. Le meilleur miel était fourni par l'Attique [MEL]. Les anciens attribuaient à Aristée l'honneur d'avoir enseigné aux hommes l'élève de l'abeille. Pour eux cet insecte était l'emblème de l'éloquence, d'un langage agréable. Des abeilles s'étaient posées, disait-on, sur les lèvres de Platon et de Pindare14. L'abeille était encore le symbole d'un État bien organisé, de la fondation des colonies. Elle était l'attribut de Diane, de Cérès, des Muses, quelquefois de Jupiter, et figure sur les monnaies d'Éphèse, de Smyrne, d'Érythrée, d'Aradus, de Parium, de Céos, d'Élyrus, d'Hybla, de Camarine en Sicile, etc. 14. CII. MOREL. Otp(av). Lorsqu'une personne en possession de la liberté était réclamée comme esclave par un individu qui prétendait avoir sur elle les droits de maîtrise (El; SouàE(av d etv)1, tout Athénien pouvait intervenir et soutenir que cette personne, étant de condition libre, devait être laissée en liberté. Cette intervention du tiers était l'«ya;peatç $ ou i Lipeatç st; â),PaOep(av 3; elle avait paru nécessaire, parce que, à Athènes comme à Rome, la personne revendiquée comme esclave n'était pas admise à démontrer qu'elle avait la qualité d'homme libre; le droit d'ester en justice n'appartenant qu'à ceux dont la liberté était incontestée et non pas à ceux dont la condition était encore incertaine. Pour que l'c'erdeaatç fût valable, il fallait que le tiers se rendît avec le prétendu maître devant le magistrat compétent : l'archonte éponyme, si la personne dont l'état était en cause était traitée comme citoyenne ; l'archonte polémarque, si elle était considérée comme étrangère '. Devant ce magistrat, il fournissait trois cautions solvables °, pour garantir qu'une indemnité serait payée au maître, si l'«aelpeatç était reconnue mal fondée. La loi permettait à l'auteur de l'âya(peatç de s'offrir lui-même comme l'une de ces trois cautions L'«ya(psenç régulière produisait par elle seule cet effet considérable, que la personne dont l'état était contesté devait être provisoirement traitée comme libre', et que l'obligation de prouver la condition servile incombait au prétendu maître. C'est le même principe que l'on retrouve à Rome : « T indiciae secundum libertatem dabantur. » Tant qu'il y avait doute, on devait, en effet, se prononcer en faveur de la liberté. Car, comme le dit Aristote e, « si c'est un grand mal qu'un esclave soit déclaré libre, c'est un mal bien plus grand encore qu'un homme libre soit déclaré esclave. » Si le maître se croyait injustement dépouillé, il pouvait intenter contre le tiers une action privée (cipatpdaewç ou éçatpàsewç S(xq) rentrant dans l'hégémonie de l'archonte éponyme ou du polémarque, suivant la distinction que nous avons indiquée plus haut. S'il pouvait démontrer que la personne en cause était véritablement esclave et qu'il en était propriétaire, cette personne devait lui être remise, et de plus l'auteur de l'dpsipeatç était condamné à lui payer des dommages et intérêts 10. Une APH 306 APH somme égale au montant de ces dommages devait être versée au fisc à titre d'amende f1. Lorsque l'âtp(peate était irrégulière, c'est-à-dire si elle avait eu lieu avec violences ou sans les formes exigées par la loi, le tiers pouvait être poursuivi par la fluctua, S(xq ". L'c'emteeatç eiç optas s était également possible, lorsqu'une personne de condition libre était possédée comme esclave. Un tiers avait le droit d'intervenir (epatpeiaOat, e'btpo aeat) et de demander que la liberté fût rendue à cette personne. Les textes sont muets sur cette hypothèse ; mais elle a de grandes similitudes avec la précédente, et les mêmes règles devaient lui être appliquées. furent emparés de la Crète, ils soumirent à leur domination les habitants du pays, mais ils ne les traitèrent pas tous de la même manière. Les uns, les êin xoot, peut-être ceux qui s'étaient soumis sans résistance et qui avaient volontairement traité avec les conquérants, eurent une condition assez douce qui rappelle celle des 7CEp(otxot de Sparte t. Les autres furent réduits en un véritable servage analogue à celui des Hilotes spartiates : ces derniers â9aMtwrat cultivaient les terres des particuliers, et leur servitude devait, par cette raison même', être plus dure que celle des uvolïtat qui étaient attachés comme serfs aux terres de l'État 4. Notons cependant que les âpa tti rat n'étaient que des colons et étaient exemptés de tout service domestique. Pour obéir aux ordres personnels du maître et pour vaquer aux occupations de la maison, il y avait des esclaves proprement dits, les zpuat v7,-rot'. Bien que les âtpap.ttâTat fussent exclus des exercices gymnastiques et n'eussent pas le droit de porter des armes a, M. Schumann pense qu'ils pouvaient être appelés au service militaire et que le corps des espd7COVtec, dont il est fait quelquefois mention, était recruté parmi eux E. CAILLEMER. saient dans le droit attique en biens ostensibles, oên(a eavepâ, et en biens inostensibles, oba(a xcpavriç. Quels étaient les biens compris dans chacune de ces catégories? D'après M. Giraud, la distinction athénienne correspondrait exactement à la division admise par les Romains : des biens corporels, d'une part; des biens incorporels, d'autre part. Les valeurs incorporelles auraient seules fait partie de l'ota(a âpxvr;ç'. Le numéraire aurait été rangé dans la propriété ostensible. D'après Bückh' et Hermann, l'analogie existerait plutôt avec notre distinction des biens en biens immeubles et en biens meubles; l'oûa(a ctcpava ç serait donc évidemment composée de ces derniers. Une troisième opinion, beaucoup moins simple, mais qui paraît plus conforme à l'économie générale des textes qui nous sont parvenus, a été présentée par M. de Koutorga 8. Voici l'exposé succinct de ce système. Toute propriété pouvait être ostensible ou inostensible, selon le degré d'apparence que présentait la possession du propriétaire. En d'autres termes, au moins jusqu'à l'époque où la Grèce tomba sous la domination romaine, ces dénominations de propriété ostensible et de propriété inostensible n'indiquaient pas la chose possédée elle-même, mais seulement la manière dont elle était possédée. En principe, et cessant toutes circonstances de fait, la propriété ostensible comprenait : 1° les fonds de terre, é'yetoç oia(a ou po' ; 2° les maisons, olx(ai; 3° les esclaves, chSpâicoba; 4° le mobilier, Tà éirtaaa. La propriété inostensible renfermait l'argent comptant, T ;tp7)uaTa, et les Mais la propriété inostensible pouvait devenir ostensible; et ce passage d'une catégorie dans l'autre était désigné par les mots lucpav(gcty Tè zprjµata. Cela résulte de plusieurs textes. Ici, Démosthène déclare n'avoir que des capitaux ostensibles'; là, il appelle aipûptov pavepo'v l'argent déposé chez un banquier'. Ailleurs, Isée, dans l'énumération des biens cpavepci, comprend l'argent comptant qui se trouvait dans la succession au moment du décès, les prix de vente et les créances portant intérêt'. Réciproquement, on pouvait transformer la propriété ostensible en propriété inostensible : alors on disait â fav«Ety tamment lorsqu'on voulait se dérober aux charges des C'est qu'en effet cette distinction des biens ne présentait guère d'intérêt qu'au point de vue de la prestation des impôts. Toutes les fois qu'il ne s'agissait pas d'une propriété certaine, dont il était facile de déterminer l'importance et le possesseur, l'administration ne s'en préoccupait pas, et c'est ce qui arrivait le plus souvent pour l'argent comptant et pour les créances. Mais si l'existence du capital était juridiquement constatée, si le possesseur lui-même en faisait la déclaration, alors l'administration considérait ces biens comme ostensibles et en tenait compte pour la fixation de l'impôt. L'opinion de MM. Bdckh, Hermann et Schdmann est, il faut le reconnaître, plus conforme au texte d'Harpocration, qui classe dans la propriété inostensible l'argent, les esclaves et le mobilier, tandis qu'il ne met que les immeubles dans la propriété ostensible'. Mais cette opinion peut-elle prévaloir contre celle des auteurs de l'époque classique. Ilarpocration écrivait longtemps après la conquête, à une époque où les expressions avaient pu changer de signification et désigner, non plus le mode de possession, niais la chose même possédée. E. CAILLEMER.