Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AUREUS

AUREUS. Nom de l'unité monétaire de l'or à Rome sous les empereurs. Le triomphe de la cause césarienne et l'avénement du vainqueur de Pharsale à la dictature furent marqués par une véritable révolution dans le système monétaire des Romains. Jusqu'alors le monnayage de l'or ne s'était produit que dans des circonstances exceptionnelles ; l'argent était la véritable monnaie. Le rapport des deux métaux avait été trop variable pendant la durée de la république pour que l'on pût songer à établir une taille fixe de ce métal ; et lorsque, à de longs intervalles, on en avait fabriqué quelques pièces, c'était d'après des coupes assez diverses, qui n'avaient de commun que de se rapporter toutes à des parties aliquotes de la livre [DENARIUS et MONETA, 3° section]. César le premier, ayant remarqué que l'or formait désormais une part prépondérante de la circulation métallique, établit avec ce métal une monnaie fixe, d'un poids et d'une valeur invariables, ayant saplace dans l'ensemble du système du numéraire officiel de l'État. Sa nouvelle monnaie fut appelée aureus nummusl, denarius aureus 2, et plus habituellement aureus3. La taille en fut fixée à 46 de la livre ou 8sr,186 4, taille qui avait le double avantage de se rapprocher de celle des statères attiques de Philippe de Macédoine, qui étaient la monnaie d'or grecque la plus répandue à Rome, et de représenter exactement, avec 2 Cor. Hat. Il, 8, 54 ; Val. Mat. et Prop. 1. 1. 3 Paus. V, 12, 2. 3 Evagrius, Hist. eccles. III, 39 ; Zonaras, XIV, 3. Binttounsrms. GothoGaule, trad. en franç. dans la Revue historique, Paris, 1861, p. 394 et s.; Serrigny, Paris, 1862; Walter, Geschichte des rom. Rechts, 3' éd., Bonn, 1860, 1, n° 410 ; Kühn, 562 AUR le rapport de 11 19à 1 entre l'or et l'argent, 100 sesterces ou 25 deniers. Ainsi les 20,000 sesterces que César, dans son triomphe de l'an 46 avant notre ère, distribua à ses soldats, pouvaient être payés, sous un beaucoup moindre volume qu'en argent, avec 200 des nouveaux aurei (fig. 634) s. En même temps qu'il introduisait la fabrication de cette nouvelle monnaie, le dictateur rétablissait pour les espèces d'argent les prescriptions de pureté de titre portées par les anciennes lois s. De plus, faisant également retour aux anciennes habitudes, il remettait en usage le quinaire [QUINARIUS] et le sesterce [5ESTERTIUS] pour la moitié et le quart du denier, en supprimant levICTORIATCS et le sEMIVICTORIATOS qui depuis la loi Clodia en avaient tenu la place'. Les différents points dans lesquels consistait cette nouvelle organisation monétaire furent conservés après la mort de César pendant la guerre civile et pendant le triumvirat. Aussi bien dans les provinces que tenaient les partisans des tyrannicides que dans celles qu'occupaient les triumvirs, on frappa en grande quantité des aurei de 40 à la livre (fig. 635), des deniers , des quinaires et des sesterces d'argent Nous rapportons à l'article MONETA quel partage s'établit sous Auguste, au début de l'empire, entre le prince et le sénat pour l'exercice du droit de monnayage et la surveillance de la fabrication des espèces. Dans le système qui s'organisa par suite de ce changement, la monnaie d'or devint, comme l'argent l'avait été sous la république, l'étalon et le régulateur. L'unité de ce métal demeura 1' aureus, qui valut toujours 100 sesterces', et admit la division de la moitié, appelée quinarius aureus ; une taille quadruple, appelée quaternio, fut en usage sous le seul règne d'Auguste10. Mais, au lieu de continuer à donner à 1'aureus le poids de 40 de la livre, on le réduisit" à42 , ce qui, le denier restant au taux de Ti de la livre d'argent établi par la loi Flaminia, établissait entre la valeur monétaire des deux métaux une proportion de 12 i à l'2. Le 42° de la livre romaine était de'igr,800, et c'est en effet le poids moyen que fournissent les aurei d'Auguste (fig. 636), dont les plus anciens sont cependant moins éloignés du taux de 1'aureus de César. Sous Tibère, Caligula, Claude et pendant les premières années de Néron, le poids du denier d'or resta le même13. Sous le règne du dernier de ces princes, en 60 de l'ère chré tienne, il subit un abaissement soudain et descendit à 7°',600, puis à ig°,4001''. Mitnzwesens, p. 750. 6 Letronne, Éval. des monnaies, p. 75 et s.; Mommsen, Mommsen, p. 389. 7 Mommsen, p. 650-653 et 756. 3 Mommsen, p. 652 et 653. 9Sueton. Otho,4; cf. Tacit. Hist. I, 24; Lucian. Psendol. 30; Bio Cass. LV, 12 Priseian. De fig. num. p. 1351 ; Zonar. X, 36, p. 640 B. 10 Bckhel, Doctr. nom. net. t. I, p. e; t. VI, p.116 ; Mommsen, p. 750. le Be la Matin, Mém. de l'Acad. des Amr. t. XXX, p.385; Mommsen, p.752.12 Hultsch, Griech. und rom. Metrologie, p. 231. 13 Mommsen, p. 753 ; Hultsch, p. 232. 14 Mommsen, p. 753 ; Hultsch, p. 233. AUR 563 AUR M. de Longpérier a publié 15 un poids fait de 50 aurei, d'origine alexandrine, portant la date de l'an 9 de Néron (60 ap. J.-C.), qui coïncide avec le premier abaissement de la pièce d'or à 715,600, puisqu'il est marqué comme étant d'une livre, deux onces, un scrupule et une sextula, ce qu'il pèse effectivement. Pline 16 prétend même que Néron réduisit l'au reus jusqu'à 45 de la livre ; mais ce serait un poids de 715,280, et aucune pièce d'or connue de cet empereur ne descend aussi bas. Vainement Galba tenta, dès le moment de son avéne ment, de faire revenir l'aureus à de la livref7; il dut luimême, par la force des choses, adopter le poids néronien, que conservèrent ses successeurs jusqu'à la fin du règne de Titus1°. Domitien débuta par ramener la monnaie d'or au taux de 7,800 : mais elle s'affaiblit graduellement pendant son pouvoir, et à la fin du règne de ce prince elle était descendue au-dessous de 715,00019. Néron et Trajan, dans les premières années, relevèrent le poids de l'aureus au-dessus de 715,400'0. Dans la seconde partie du règne de Trajan, sous Hadrien et sous Antonin le Pieux, 71',400 fut, au contraire, un maximum que l'on ne dépassa pas et au-dessous duquel on se maintint souvent". Sous Marc Aurèle, l'aureus fut réduit à un taux inférieur à 715,300, en moyenne à 715,25022. Il demeura ainsi jusqu'au règne de Caracalla, qui, après avoir commencé par frapper des pièces de 715,230, fit subitement, en 215 de notre ère, des cendre le taux du denier d'or à 61',550 ou 70.1 de la livre". Cet affaiblissement progressif du poids de l'aureuss a été déjà constaté par la Nauze24, Letronne25, bureau de la Malle26, MM. Pinder et Friedlsender27, Cohen°8, Vasquez QueipoP9 et Mommsen30. Il coïncide avec une diminution de la bonté du titre. Sous Auguste la loi Julia 91, renouvelant les dispositions de la loi Cornelia portée par Sylla 32, fixa la proportion d'alliage de l'or et de l'argent et édicta des peines très-sévères contre l'altération des espèces monétaires. Depuis ce prince jusqu'à Vespasien, les monnaies d'or romaines, d'après les analyses de Darcet33, sont de 0,998 à 0,991 de fin. Après Vespasien, l'analyse ne fournit plus que 0,958 de fin36, et le titre s'abaisse encore notablement vers le temps de Septime-Sévère. Les monnaies d'argent de l'époque impériale sont le denier et le quinaire; cette dernière taille est assez peu mul tipliée35. Sous Auguste et ses premiers successeurs le denier (fig. 640) se maintint au pied dei-4' de la livre ou 315,900 comme sous la république 36. Mais Néron, en même temps qu'il affaiblit le poids de l'aureus, décida que l'on taillerait dorénavant 96 deniers dans la livre d'argent37, ce qui réduisit le poids de cette monnaie à 315,410 comme taux normal 31. L'affaiblissement du denier était sans proportions avec celui de l'aureus, qui continuait cependant à valoir 25 deniers d'argent. Aussi, à partir de ce moment, l'argent devint-il , comme le bronze l'était devenu déjà sous la république, une simple monnaie d'appoint et de compte à la valeur purement conventionnelle, avec laquelle on ne s'attachait plus à mettre en rapport la valeur réelle des pièces. Le poids des deniers d'argent depuis Néron jusqu'à Septime-Sévère offre des variations assez exactement parallèles à celles du denier d'or, d'abord un affaiblissement graduel jusqu'à la fin de la domination des empereurs Flaviens, un rétablissement de l'ancienne valeur sous Nerva, puis un nouvel affaiblissement progressif sous les Antonins, une diminution brusque et considérable pendant le règne de Commode, diminution sur laquelle Septime-Sévère essaya de revenir. La moyenne des pesées est, en effet, sous Galba 315,300, sous Othon 315,340, sous Vitellius 315,300, sous Vespasien 315,270, sous Titus et Domitien 315,300, sous Nerva 31',390, sous Trajan 3$',307, sous Hadrien 31r,340, sous Antonin le Pieux 315,370, sous Marc-Aurèle 315,300, sous Commode 315,140 et sous Septime Sévère 315,220 39. Mais si l'on ne remarque pas, en somme, pendant cette période, d'affaiblissement du poids des deniers assez grand pour justifier complétement l'assertion que nous venons d'émettre, l'abaissement du titre de la monnaie d'argent suit dans la même époque une progression énorme, de telle façon que la quantité de l'alliage réduit chaque pièce à ne représenter en métal fin qu'une très-faible partie de sa valeur nominale. Sous Auguste jusqu'à Néron laproportion de l'alliage était entre 1 et 5 0/0 ; après Néron, elle fut de 5 à 10 0/0 ; sous Trajan, vers la dernière année du les siècle, elle atteignit 15 0/0 ; augmentant toujours, elle fut sous Hadrien d'environ 20 0/0, sous Marc-Aurèle de 25 0/0, sous Commode de 30 0/0; enfin, sous Septime-Sévère, elle arriva au chiffre effrayant de 50 à 60 0/040. On a peine à comprendre que les deniers aient pu circuler pendant près d'un siècle sans perdre leur valeur du 25e de 1'aureus quand ils ne conte naient plus de métal fin que 5, 4, i et enfin de cette AUR 564 AUR valeur. Mais à ce moment les idées économiques sur la nature des espèces monétaires, fort bien comprises par les Grecs, s'étaient complétement oblitérées [MONETA, 6e section] ; la loi défendait sous des peines sévères de refuser la monnaie officielle à l'effigie du prince, quel qu'en fût le titre" ; en même temps le numéraire d'argent étant réduit au rôle de monnaie de compte ou d'appoint, le régulateur réel de la valeur des choses étant l'or, il était moins nécessaire que les pièces d'argent conservassent l'exactitude de leur poids et la justesse de leur titre. Quant à la monnaie de bronze, que l'on avait complétement cessé de frapper à Rome vers l'an 84 avant notre ère, elle fut reprise sous le triumvirat, mais d'après une nouvelle réduction dont les plus anciens exemples sont fournis par la numismatique des préfets de la flotte de Marc-Antoine. L'as n'y pèse plus qu'un quart d'once, et la série de ses divisions et de ses multiples se com pose ainsi : Poids. 4 sestertius42. ou numnzusb3, en grec 'reTpce c i serais49, en grec •Ilpitaaadptov Outre la nouvelle réduction de l'as, trois choses sont à noter dans cette réforme du monnayage de bronze, l'introduction de la taille du sesterce ou pièce de 4 as dans ce métal, en même temps qu'elle cesse de nouveau de se trouver dans l'argent ; la réapparition du dupondius, hors d'usage depuis la loi Flaminia, enfin la suppression des tailles inférieures au quadrans, qui auraient constitué des pièces de trop petit module et de faible valeur. En confiant au sénat la fabrication du bronze, pendant qu'il se réservait celle de l'or et de l'argent, Auguste établit pour règle de cette monnaie le système qui avait fait sa première apparition sous le triumvirat. Les marques indicatives de la valeur, constamment en usage sous la république et conservées pendant le triumvirat, disparurent alors des pièces de bronze. On ne distingua plus leurs diverses valeurs qu'au poids, moyen bien douteux, car on ne s'astreignait pour ces monnaies d'appoint à aucune exactitude de taille53, ni surtout au module. Les sesterces constituent ce que les amateurs de numismatique appel lent les « grands bronzes », les dupondii et les as les « moyens bronzes », enfin les semis et les quadrans les « petits bronzes ». Un autre moyen de distinction entre les différentes espèces de monnaies de cuivre, inconnu sous la république, fut introduit sous Auguste : ce fut la nature et par suite la couleur du métal 54. Les sesterces et les dupondii furent frappés dans un laiton composé des de cuivre, un peu moins de 1 de zinc et quel ques parties très-minimes d'étain et de plomb, les as en cuivre pur°°. On n'a jusqu'à présent analysé ni semis, ni quadrans impériaux. Néron tenta un moment de rétablir l'ancienne méthode d'indication des valeurs, en plaçant sur quelques dupondii, as et semis les vieil les marques II, I, S J6. Mais cette tentative n'eut pas même la durée de son règne, et il essaya d'un autre mode de distinction en faisant figurer sa tête radiée sur le dupondius et laurée sur l'as u. Ses successeurs n'imitèrent pas sur ce point son exemple. Le quadrans cessa d'être fabriqué sous Trajant8 et le semis sous Antonin Caracalla 59, à partir duquel on ne rencontre plus que des sesterces, des dupondii et des as, ou, comme on dit vulgairement, des grands et des moyens bronzes. Le Ille siècle de l'ère chrétienne, époque de convulsions ou tremissises et aussi triens Saloninianus66, en l'honneur de Salonine, femme de Gallien; on en fabriquait des doubles et des quadruples.Le quadruple s'appelait aureus Valerianus 67. Les terniones de Valérien AUR 565 AUR politiques incessantes dans l'empire romain, fut aussi le temps d'un désordre financier et d'une altération des espèces monétaires qui n'a de comparable que ce qui s'est passé en France dans le xive siècle et dans l'empire turc depuis 200 ans. Le métal régulateur, l'or, fut frappé sur un pied toujours plus faible et plus irrégulier. L'argent, altéré de plus en plus dans son titre, finit par être remplacé par du cuivre saucé.De cette manière le système, monétaire perdit toute fixité et toute base, et pendant près d'un siècle l'État vécut en pleine banqueroute, jusqu'au moment où Dioclétien d'abord, puis Constantin entreprirent la réforme des monnaies. Le premier signal de ces désordres fut donné par la réduction de l'aureus à de la livre, sous le règne de Caracalla. Cette monnaie (fig. 647) reçut de son inventeur le nom d'aureus AntoninianusB0. Macrin, un moment, tenta d'en revenir à la taille de 7x5,400 ou à l'aureus du temps des Antonins. Mais Elagabale reprit le système de Caracalla6t. Si l'on en croit Lampride62, ceprince inventa des multiples de 1'aureus, inconnus jusqu'alors, valant 2, 3, 4, 10 et 100 de ces pièces, et par conséquent pesant ss' 33, ~., de la livre d'or et 2 livres ; ces pièces, dues à une simple fantaisie du jeune insensé qui portait la couronne des Césars, furent démonétisées et fondues par les ordres d'Alexandre Sévère. A dater de ce dernier prince, sous lequel le quinaire d'or prit le nom de semis aureus B3, l'irrégularité des tailles devient extrême et leur abaissement suit une progression rapide. Les aurei d'Alexandre Sévère dessus et Og5,500 au-des sous du poids normal de 68x,55 ; ceux de Maximin entre 6x',000 et 4x5,650; ceux de Gordien III offrent les poids de 58',560 à 485,590. Sous les deux Philippes le taux de l'aureus varie entre 46r,530 et 4x',250; sous Trajan Dèce entre 4gr,980 et 3x5,950; sous Trébonien Galle et Volusien entre 68x,40 et 385,40. Les règnes de Valérien et de Gallien sont marqués par l'introduction de nouvelles coupes monétaires consistant en pièces de 3 et 2 aurei, appelées terniones (fig. 649) et biniones6''. C'est à la même époque que les monuments placent l'établissement, attribué inexactement par Lampride à Alexandre Sévère, de la nouvelle division de l'aureus par tiers, tandis qu'il était divisé précédem ment par moitiés. La pièce de 3 d'aureus s'appelait triens et Gallien pèsent 15e,240, ce qui donne une unité de 5g",080, les biniones de 11x5,890 à 11x`,140, poids dont l'unité varie entre 50r,945 et 585,570; les aurei de ces princes ont un taux flottant entre 6x`,030 et 5x5,150; les doubles trientes varient de 4x5,760 à 3x5,000, enfin les simples trientes de 285,380 à 1x5,000. Postume, en Gaule, releva le poids de l'aureus au-dessus de 76r,000, mais il retomba bien vite sous ses successeurs Lélien, Marius , Victorin et Tétricus. A Rome, sous Claude le Gothique, le taux était environ de 58',500 ; sous Aurélien nous rencontrons des pièces de 4 trientes ou 1 3 aureus pesant de 8g",100 à 78x,91, des aurei de 7e',000 à 56r,240 et des doubles trientes de 4Ç5,700 ; sous Tacite un aureus de 785,000, et des doubles trientes de 485,750 à 485,360; sous Probus des quadruples trientes de 885,700 à 88',500, et des aurei de 685,600 à 48",970; sous Calais, Carin et Numérien des aurei de 68",330 à 48x,850, et des doubles trientes de 4x',770 à 48',050; sous Dioclétien et ses collègues des pièces de 10 aurei de 53x5,670 à 526r,820, des pièces de 4 aurei de 20x',775, des quadruples trientes de 68x,980 à 6gr,74, des aurei de 56e,93 à 4x5,830, des doubles trientes de 48'',710 à 4gr,390, enfin des trientes de 28',090. Il est facile de comprendre quel désordre dans les fortunes et dans toutes les transactions devaient causer des irrégularités de taille aussi considérables dans l'unité monétaire du métal régulateur, et dans un métal comme l'or, où les moindres coupures ont une valeur appréciable. Aussi en arriva-t-on à ce que M. Mommsen " a appelé « la démonétisation virtuelle de l'or ». La monnaie d'or cessa d'être considérée comme une vraie monnaie ; les pièces n'étaient plus regardées que comme des fragments de lingots, estampillés à l'effigie impériale, et ne pouvaient être acceptées dans le commerce que la balance à la main. L'irrégularité et l'altération des monnaies d'or n'étaient cependant rien à côté de ce qui se passait pour les monnaies d'argent. Nous avons fait voir tout à l'heure que le denier d'argent de 96 à la livre, inventé sous Néron, s'était conservé avec peu de changement dans son poids jusque sous Septime-Sévère, mais que le titre s'en était altéré de telle façon que les deniers de cet empereur ne contenaient plus que de 50 à 40 p. 100 de fin. Caracalla, dans la même année 215 de l'ère chrétienne, où il réduisit l'aureus au taux du 50e de la livre, établit une nouvelle monnaie d'argent, plus forte que le denier, et qui s'en distinguait à première vue (fig. 651) en ce que le buste de AUR 566 AUR l'empereur y était toujours radié et celui de l'impératrice porté sur un croissant fig. D'après les noms officiels de Caracalla, M. Aurelius Antoninus, cette monnaie fut appelée argenteus AntoninianusT° ou argenteus Aurelianus71, tandis que le denier (fig. 652), d'un poids plus faible, était désigné comme argenteus minutulusT1. Au milieu de l'irrégularité sans limites de la taille des monnaies d'argent pendant tout le 111° siècle, il est presque impossible de déterminer le poids normal de l'argentees Antoninianus. Il semble cependant que ce poids de vait flotter entre so et s, de la livre 43, et quant à la valeur, elle était de 1 4 denier ou 5 sesterces 7`. Sous Caracalla, Macrin et Élagabale, la fabrication des deniers fut plus considérable que celle des antoniniani, et même sous Alexandre Sévère et Maximin cette dernière monnaie disparut un instant. Mais sous Balbin, Pupien et Gordien III elle prit définitivement le dessus, et à dater des deux Philippes la taille du quinaire devint de la dernière rareté. A dater du règne de Caracalla, la quantité de l'alliage joint à l'argent, qui dépassait déjà la moitié des pièces, augmenta dans une telle proportion qu'aucune loi ne put maintenir à l'antoninianus et au denier leur valeur nominale par rapport à l'aureus, et que sous Élagabale et Alexandre Sévère, pour établir quelque fixité dans les revenus publics, on dut décider que les paiements aux caisses de l'État se feraient désormais exclusivement en or 75 Dès lors le taux réel et la valeur courante des monnaies de billon (car on ne peut plus à cette époque les appeler monnaies d'argent), descendirent avec une rapidité sans égale. Sous Claude le Gothique et dans les premières années d'Aurélien, le rationalis Felicissimus, préposé à la fabrication des monnaies, porta la fraude et l'altération des espèces au delà de toutes les bornes 76. Le billon du commencement du règne de Claude donne en moyenne à l'analyse : Celui de la fin du même règne n : Le numéraire de bronze subit aussi, de Caracalla à Aurélien, une très-grande diminution de poids. Le sesterce, qui était d'une once depuis Auguste, descendit sous Alexandre Sévère àd'once, sous Trajan Dèce à et sous Trébonien Galle 78 à Le résultat de cet affaiblissement de poids coïncidant avec un affaiblissement de valeur, car le sesterce qui valait le quart du denier suivait les variations du cours de cette monnaie, fut la suppression des tailles inférieures au sesterce. Le semis avait déjà cessé d'être frappé sous Caracalla et ne reparut qu'un instant sous Trajan Dèce ; la fabrication de l'as et du dupondius prit fin après cet empereur ; mais en même temps apparut une nouvelle coupe, double du sesterce, le quinaire de bronze, pièce de grand module qui pesa d'abord une once, puis s d'once à partir du règne de Trébonien Galle 79. Les divisions de grand et de moyen module d'une monnaie aussi extraordinairement altérée que l'était le denier, ne pouvaient être ni en cuivre pur, ni en laiton de bonne qualité comme celui qui composait les sesterces et les dupondii du haut empire, car elles auraient eu la même valeur, sinon une plus grande. Aussi le bronze monnayé, d'Alexandre Sévère aux deux Philippes, était-il de mauvaise qualité, fortement mêlé de plomb. La moyenne des analyses chimiques de pièces de cette période fournit les données suivantes 80 : Il est à remarquer, du reste, que pendant la période qui va de Caracalla à Aurélien, bien que le denier ne fût pas en plus mauvais métal que l'antoninianus, ni sa taille plus irrégulière, sa dépréciation suivit un cours beaucoup plus rapide. L'antoninianus, à l'origine, était, comme noLis l'avons déjà dit, de 1 4 denier ou 5 sesterces. Il paraît ressortir d'indications assez positives, que, sous Valérien, la valeur de 2 deniers lui était attribuée dans lés caisses publiques8i. Sous Gallien il équivalait à 4 deniers et par suite s'appela momentanément quaternto, ainsi que le prou ve l'antoninianus aux têtes de Valérien et de Gallien (fig. 654) quiporte au revers, en légende, ce mot : Non-seulement les monétaires, insuffisamment surveillés, exagéraient encore, par des opérations frauduleuses, les prescriptions gouvernemen genteus, d'après les indi cations des monuments eux-mêmes, doit être placé vers l'an 292 après Jésus-Christ mi Pour ce qui est de la monnaie d'appoint, Dioclétien et ses collègues commencèrent, comme leurs compétiteurs, par frapper un billon aussi mauvais que celui qui avait été Introduit sous Gallien t02. Mais entre 296 et 30f, une réforme complète fut introduite. L'antoninianus disparut absolument. On frappa, dans un billon composé de la manière suivante : AUR -b67AUR tales dans l'altération du titre et du taux des monnaies, mais, en dehors des émissions ordonnées par l'empereur, ils fabriquaient des monnaies pour leur propre compte, à titre de spéculation privée, ce que la loi romaine caractérisait comme un crime de péculat 83. Aurélien voulut enfin mettre un terme à ces désordres coupables, à ces altérations incessantes du numéraire, qui faisaient autant de tort à la fortune publique qu'à celle des particuliers. Devant les volontés de réforme de l'empereur, les monétaires se mirent en insurrection et groupèrent autour d'eux les nombreux éléments de sédition que la ville de Rome renfermait, comme toutes les grandes capitales. Il fallut pour les réduire une lutte sanglante, où 7,000 hom mes perdirent la vie s6 Après sa victoire, Aurélien, malgré toutes ses bonnes intentions, ne put pas, tant l'altération était profonde et le désordre financier irrémédiable, rétablir l'ancienne monnaie d'argent. I1 n'alla pas même, dans la voie de la réforme de cette partie du numéraire, aussi loin qu'avaient été en Gaule Postume et ses successeurs. Ceux-ci avaient fait fabriquer, en effet, à côté de l'antoninianus et du denier de billon discrédités, un argenteus distinct de ces deux pièces, et bien évidemment d'une valeur supérieure, fait en véritable argent, bien qu'à un titre peu élevé, avec le poids du denier néronien de 96 à la livre 86. Il est vrai que sous les empereurs gaulois eux-mêmes, la fabrication de ces argentez' avait été fort restreinte encore, et les émissions mêlées de nombreuses pièces fourrées 86 La réforme monétaire d'Aurélien n'alla donc pas jusquelà. Elle se borna à établir une règle plus exacte et un métal meilleur pour la monnaie de billon, que Zozime87 appelle âpyuptov otto et dont le titre fut fixé à 94 parties de cuivre et 6 d'argent, sans mélange de plomb ou d'étain u. Une sauce d'argent fut passée sur l'antoninianus et le denier de billon, comme pour rappeler que ces monnaies avaient été d'argent dans l'origine, mais dès lors le denier fut officiellement considéré comme une pièce de faible valeur, que les rescrits d'Aurélien, comme ceux de Valérien, traitent d'aerea 89. L'antoninianus reçut les chiffres xxi ou KA (sur les pièces du seul atelier de Trèves xx 90), indiquant la valeur qu'on lui donnait, de 21 as, un peu moins de 1 denier 91. Les divisions du denier continuèrent à être, sous le régime de cette réforme, le quinaire de grand module et le sesterce de moyen module, fabriqués avec le bronze à bas titre dont nous venons de parler. Tacite s'était occupé de la question de la réforme des monnaies dès le temps où il était simple sénateur 92. Élevé à l'empire, il rendit des décrets pour réprimer les fraudes dans le numéraire ; de plus, il paraît avoir fait fabri quer, à côté du billon, un argenteus analogue à celui des empereurs gaulois, puisque Vopiscus 96 nous affirme qu'il défendit même d'y mêler des pièces fourrées à âme de cuivre : cavit ut si quis argento publice privalinzque aes /nzScut'sset 86.... capital esset culn bonoruln proscriptione. Mais aucune pièce de Tacite en vrai argent n'a encore été retrouvée. Quant au billon de cet empereur, antoninianus ou denier, l'analyse en donne les mêmes résultats que celle des pièces analogues d'Aurélien 8J. Mais, immédiate. ment après lui, les fraudes réprimées sous Aurélien reprirent le même développement que sous l'administration de I'elicissimus. A partir de Probus, le denier et l'antoninianus ne sont plus que des petits bronzes dans le métal desquels n'entre plus une parcelle d'argent; on leur donnait seulement une sauce de ce métal, si légère que, dans le plus grand nombre des exemplaires, elle a entiè rement disparu. Il semble même que souvent on poussait la fraude jusqu'à saucer d'étain ces pièces, au lieu de les saucer d'argent. Cependant Probus a fait frapper, à côté de l'antoninianus et du denier, toujours ainsi de plus en plus abaissés, quelques bien rares argentei 96 ; mais il n'y en eut plus sous Carus, Carin et Numérien. Dioclétien, nous l'avons vu par les pesées rapportées plus haut, avait accepté comme un fait accompli et sans y rien changer, la diminution que l'aureus avait subie dans l'espace d'une centaine d'années, depuis Caracalla. Mais, pour remédier au désordre qui avait perdu les finances de l'empire, il entreprit de réformer le monnayage de l'argent, du billon et du bronze. Réalisant enfin définitivement ce qu'avait déjà tenté Postume et, avec encore moins de succès, Tacite et Probus, il fit frapper de nouveau des pièces en véritable argent 97 auxquelles il donna le taux de 91 de la livre, adopté par Néron pour le denier 98. Ces pièces reçurent le nom d'argenter ou argentei 3ninutuli ", et sur un grand nombre d'entre elles on marqua les chiffres xevt , indiquant le rapport de cette monnaie avec la livre d'argent'''. et dont quelques pièces portent encore les traces d'une AUR 568 AUR sauce d'argent 103, deux espèces de monnaies, l'une de 10 grammes environ, et l'autre de 2gr,50010s. Quelquesunes des plus grosses de ces monnaies portent les chiffres mu f05, qui doivent désigner une valeur de 21 sesterces ou 5 deniers 1/4 et non plus de 21 as comme les mêmes chiffres sur les antoniniani d'Aurélien, frappés à Trèves ios La plus forte taille (fig. 657) se nommait pecunia major ou tnajoritta 1U7, le mot PECUNIA ayant pris dès lors le sens spécial de monnaie de bronze 105; l'inférieure était appelée comme on vient de le voir, quatre fois seulement le poids de la seconde ; mais il s'agissait de monnaies d'appoint, pour lesquelles la va mais exactement conforme à la valeur métallique ; aussi, dans la réalité, elle la valait 5 fois et quart; 4 des grosses pièces s'échangeaient contre 21 des plus petites. En effet, nous ne croyons pas qu'il soit possible d'hésiter à admettre, avec Borghesi etM.Waddington, que la moindre des pièces de bronze saucé et légèrement allié d'argent de Dioclétien soit le denier avec lequel sont exprimés tous les prix du tarif du fameux édit de maximum de cet empereur f10. Nous ne croyons pas toutefois que l'étoile qui se présente souvent à l'exergue ou dans le champ de ces monnaies soit un signe indiquant la valeur du denier; c'est un simple différent monétaire qui n'a rien à voir avec une indication de valeur, car on le trouve aussi sou vent sur la pecunia majorina et sur les pièces d'or. Mais il est évident qu'il s'agit dans l'édit de Dioclétien d'une monnaie réelle et de celle des monnaies alors frappées qui avait la moindre valeur. D'ailleurs on n'a d'exemples du Ive siècle, et il est très-admissible que ce soit seulement lors de la réforme monétaire de Constantin [soLmus] que ce nom ait pris la place de celui de denarius, usité sous Dioclétien. Quant à la détermination de la valeur effective de ce denier de Dioclétien, il est évident qu'il ne faut pas chercher une indication dans la glose grecque111, disant qu'une livre et un quart de cuivre valait un argenteus de 96 à la livre. Il s'agit en effet de la valeur commerciale du cuivre pur et non ouvré, non de la valeur monétaire d'une pièce de cuivre allié d'argent. M. Mommsen, dans son mémoire sur l'édit de Dioclétien, paraît avoir raison quand il s'appuie sur un passage de Procope'', et sur la différence probable du cours des monnaies des différents métaux entre l'époque de Justinien et celle de Dioclétien, pour conclure que, sous ce dernier empereur, l'aureus valait 1.44 des plus grosses 5 fois et un quart moins de valeur, représentait donc 7s6 de l'aureus. La moyenne des aurei de Dioclétien, étant 565,45, au prix de 3tr,30 le gramme d'or fin, donne pour cette pièce une valeur en poids de 17'°,78 ; le 7560 en est 2°,35, c'est-à-dire un peu moins de 2 centimes et demi. Que l'on se reporte au prix attribué aux denrées de première nécessité dans l'édit De pretits rerum venalium, et l'on constatera que cette valeur donnée au denier qui y est employé est de toutes celles que l'on a proposées la plus convenable, si l'on tient compte du pouvoir, plus grand que de nos jours, qu'avaient les métaux précieux dans l'an