Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AURUM

AURUM (Xpuaôc), l'or. La découverte et le travail de l'or remontent aux origines de la civilisation, bien qu'on ne croie plus aujourd'hui, comme le croyaient les anciens, que le premier âge fut un âge d'or'. Les Égyptiens, les Chaldéens, les Babyloniens, les Lydiens, les Étrusques ont connu et travaillé l'or. II fut longtemps rare en Grèce et ne paraît y être devenu vraiment abondant qu'après les victoires d'Alexandre'. Athénée cite à l'appui de cette assertion des fables et quelques faits historiques. Ainsi, la fameuse brebis d'or dérobée par Thyeste à Atrée', cette cause fatale de tant de tragédies, n'aurait été qu'une coupe d'argent au centre de laquelle une brebis d'or était figurée. Ce fut, dit-il encore, pour un collier d'or qu'Ériphyle trahit son mari Dans les temps historiques les Lacédémoniens, ne pouvant trouver assez d'or en Grèce pour dorer une statue d'Apollon, durent en acheter de Crésus, roi de Lydie, et Hiéron 1°r, tyran de Syracuse, voulant consacrer dans le temple de Delphes une Victoire et un trépied d'or, ne trouva qu'à grand peine le métal nécessaire chez un Corinthien qui l'avait amassé par petites quantités'. Au temps de Philippe, père d'Alexandre le Grand, l'or était encore assez rare en Macédoine pour que ce prince prît le soin de cacher la nuit sous son oreiller une coupe d'or du poids de cinquante drachmes qu'il possédait'. On verra plus loin que l'or était cependant dès lors assez commun à Athènes. Il avait été de tout temps plus abondant en Asie. Il semble que l'imagination grecque s'animait à l'idée des trésors de l'Orient. L'or joue, avec l'orichalque [oB1C1ALCUM], un rôle important et mystérieux dans les anciennes fables. Il suffira de rappeler ce que raconte Hérodote des trésors de l'Inde et de ces fourmis merveilleuses, plus grandes que des renards, qui soulevaient des sables d'or dans le désert'. Les légendes sur les griffons, gardiens de l'or, et les Arimaspes qui le leur dérobaient [ARImnsPi, GBSrius], dans le pays des Hyperboréens, ne sontpas moins fameuses s. Le mythe de la toison d'or , symbole des richesses minérales de la Colchide 9, se lie à la première grande expédition maritime des Grecs et ne marque pas dans leur histoire une date moins importante que celle Des faits réels se cachent derrière ces légendes poétiques. Les Arimaspes à un seul oeil devaient être les mineurs de l'Oural, qui transmettaient leurs métaux précieux aux Argippéens, tribu d'un caractère sacré, à laquelle semble avoir appartenu le privilége de fournir les chamans de leurs voisins de même race. Colomb trouva de même, chez certaines peuplades sauvages du nouveau monde, la recherche de l'or entourée de pratiques superstitieuses auxquelles lui-même aurait voulu, par un respect religieux pour les trésors cachés de la terre, voir se conformer les Espagnols I'. Les Grecs des colonies milésiennes recevaient l'or des Argippéens et des Issédons, autre peuple scythe, habitant de la Sibérie méridionale. Ces derniers tiraient l'or des gisements de l'Oural ou de l'Altaï'x. Une route tracée par les caravanes au nord du PontEuxin et de la mer Caspienne mettait ces pays en rapport avec la colonie milésienne d'Olbia, située à l'embou AUR 375 AUR chure de l'Hypanis. A l'est du Pont-Euxin était la Colchide, terre classique de l'or dans L'antiquité, avec laquelle la Grèce entretint très-anciennement des relations commerciales 13, et où se rendit l'expédition maritime partie d'lolehos en Thessalie et conduite par Jason. Les torrents de ce pays roulaient, disait-on, des paillettes d'or que les habitants recueillaient à l'aide de vans percés de trous et de toisons à longue laine : de là vint ce mythe d'une toison divine d'où l'or pendait en franges brillantes, si l'on adopte l'explication de Strabon14. L'Arménie avait la mine d'or de Sambana dans la Syspiritide, dont les habitants défendirent la possession contre les soldats d'Alexandre, qui voulaient s'en emparer'. Le sud avait également ses richesses minérales. On place dans l'Arabie méridionale '^ le mystérieux pays d'Ophir, où les Phéniciens allaient chercher de l'or qu'ils colportaient avec d'autres marchandises précieuses. Diodore de Sicile décrit une région aurifère au sud de l'Égypte, entre les confins de l'Arabie et de l'Éthiopie t7. Plus près de la Grèce étaient la Mysie 18, la Phrygie et la Lydie, où se placent, avec la fable de Midas, les récits qu'on faisait du Pactole f' et des trésors de Crésus. Euripide appelle riches en or les champs de la Lydie 20. La Grèce pauvre en or, on l'a dit, en tira cependant une grande quantité de Vile de Siphnos, laquelle fut, pendant tout le vi° siècle av. J.-C., au nombre des plus importantes communautés helléniques et possédait à Delphes un trésor remarquable par ses richesses votives 21. Ce qui dut contribuer davantage à répandre l'or en Grèce, ce fut l'ouverture de mines en Thrace, en Épire, dans quelques parties de la Thessalie ", et surtout en Macédoine : le mon t Pangée fut exploité à partir du ve siècle ; toute la contrée au delà comme en deçà du Strymon jusqu'à la Péonie, recélait de l'or, et Strabon nous apprend que, de son temps, la charrue y rencontrait encore souvent des pépites". L'île de Thasos, l'ancienne Chrysè, possédait des mines d'or, dont l'exploitation avait été commencée, puis abandonnée par des colons phéniciens 24. L'Europe occidentale avait, d'autre part, ses mines d'or d'où les Romains, après les Phéniciens, tirèrent de grandes richesses. Toutes les parties de l'Ibérie étaient riches en mines, mais particulièrement la Turdétanie, où l'on trouvait l'or et d'autres métaux à. l'état natif, dans des conditions toutes spéciales d'abondance et de pureté " Pour ce qui est de l'or, on ne l'extrayait pas seulement des mines, mais aussi du lit des rivières et des sables aurifères. Il en était de même en Lusitanie 28. Les richesses de l'Ibérie avaient excité l'enthousiasme de Posidonius, à qui Strabon paraît avoir emprunté les détails qu'il nous donne sur ces mines célèbres. En Gaule, il y avait de nombreuses mines d'or dans le pays des Tectosages. On y conservait l'or en barre dans des étangs sacrés où les Romains le trouvèrent47. Mais les mines d'or les plus importantes de la Gaule étaient chez les Tarbelli, sur les bords du golfe Galatique ; on l'y recueillait tantôt sous la forme de paillettes ou de pépites, tantôt sous celle de lames d'or, grosses comme le poing, qu'on obtenait en creusant des puits à une faible profondeur 28. Comme, en général, tous les peuples barbares, les Gaulois avaient le goût des bijoux d'or 29. Les préfets romains faisaient frapper à Lugdunum de la monnaie d'or et d'argent30. Dans la Gaule cisalpine, les Romains trouvèrent sur le territoire des Salasses des mines d'or dont ils eurent soin de s'emparer a. Ils se rendirent maîtres également des gîtes aurifères découverts chez les Taurisques Noriques, aux environs d'Aquilée, et jusqu'en Helvétie, en Dacie, en Bretagne 32 Pour le mode d'exploitation de ces mines et l'affinage de l'or, nous renvoyons à l'article METALLA. L'or vierge s'appelait en grec y,poaç éi apos, or sans feu" ; celui qui avait passé par le feu était nommé,/.puaç àsrf îoç34. Ce dernier est Erzurum obryzum de Pline. II. Nous n'avons pas à parler ici de l'or monnayé 35; mais les Grecs ne possédaient pas l'or seulement sous cette forme : leurs bijoux et leur vaisselle d'or étaient pour eux une richesse dont ils pouvaient disposer au besoin, à l'exemple des rois d'Asie, qui conservaient dans leur trésor des pierreries, des bijoux et des étoffes précieuses. On en peut juger par ce que les historiens rapportent du trésor de Crésus 3a. Les victoires de Cyrus le rendirent possesseur de 34,000 livres d'or, sans compter l'or travaillé (antrum factum), consistant en vases et en divers ouvrages précieux". Dès le temps d'Homère, il était d'usage de consacrer l'or aux dieux, de le suspendre aux autels38. On lit dans Hérodote l'énumération des offrandes faites par Crésus aux divers sanctuaires de la Grèce, particulièrement à celui de Delphes, et qui se conservaient dans les trésors des temples; offrandes consistant en lingots, statues, vases, armes, trépieds, colonnes. Dans un temple de la Grande-Grèce, voisin de Crotone, la richesse du temple avait pris la forme d'une colonne d'or massif. Cette colonne, qui représentait la somme des revenus tirés des troupeaux sacrés, rendit le temple aussi célèbre par sa richesse qu'il l'était par sa sainteté 3". Les trésors des temples, les pieuses offrandes entassées dans les sanctuaires [THESAURUS, DONARIA] faisaient ainsi partie de la richesse publique et formaient comme une réserve sacrée à laquelle on pouvait avoir recours en des circonstances extrêmes, à la condition de remplacer plus tard ce qu'on avait pris par un poids égal. C'est peut-être en restitution des statues réduites en monnaies que l'orateur Lycurgue, lorsqu'il fut intendant du trésor, fit faire les Victoires d'or dont parlent Plutarque et Pausanias 40. Périclès, à la veille de l'invasion de l'Attique par les Péloponésiens, énumérant les ressources d'Athènes, avait fait aussi entrer en ligne de compte, avec l'or et l'argent monnayés, les vases d'or contenus en si AUR 576 AUR grand nombre dans le trésor de l'acropole 41 et jusqu'aux ornements de la statue d'Athéné Parthénos, qu'on pourrait utiliser en cas de nécessité 48. Le cas se présenta vers la fin de cette même guerre duPéloponèse : Athènes, épuisée de ressources, fit fondre un certain nombre de Victoires d'or pour frapper de la monnaie. Le fait, attesté par le scholiaste d'Aristophane, d'après Philochore, eut lieu sous l'archontat d'Antigène, l'an 407 av. J.-C. 43 En l'an 365, les Arcadiens mirent la main sur le trésor d'Olympie pour subvenir à l'entretien de leurs troupes 44 Plus tard, les Phocéens pillèrent celui de Delphes ; ils en tirèrent 4,000 talents d'or, sans compter l'argent 45 De même, chez les Romains, il y avait dans le trésor public, à côté des espèces monnayées, des lingots d'or et d'argent; Pline distingue le métal compté (in numerato) du métal pesé (pondo) 46. La rançon que Rome avait dû payer aux Gaulois, sous la dictature de Camille, était de mille livres d'or (mille pondo auri pretium) et fut pesée dans une balance 47. César, à sa première entrée dans Rome pendant la guerre civile, tira du trésor quinze mille lingots d'or (laterorum aureorum XVM.) 43. On conservait aussi l'or sous forme de vases dont la valeur était dans leur poids. Pendant la guerre d'Annibal, comme on croyait en Italie Rome épuisée de ressources par la lutte contre Carthage, des villes offrirent au sénat romain des patères d'or, magni ponderis, et Hiéron lui envoya de Syracuse une Victoire d'or du poids de 320 livres 49. A l'exemple des Grecs 50, les' Romains offraient aux dieux, sous forme de lingots ou de vases d'or, la dîme du butin fait sur l'ennemi ou le produit de confiscations 51 Les tombeaux étaient encore des sortes de trésors où la piété des anciens déposait des vêtements, des armes, des meubles, des monnaies, des bijoux, des vases, des ustensiles sacrés et domestiques, et des objets de tout genre pareils à ceux dont se servaient les vivants. On y a souvent trouvé des objets d'or ; les fouilles faites dans les nécropoles de la Crimée et de l'Etrurie en ont offert de riches collections. Le corps d'un tombeau de Cerveteri était recouvert d'un vêtement d'or d'une telle ténuité qu'il paraissait doré lui-même. «Il semble, dit à ce propos Raoul Rochette 5s, que l'or ait été pour l'antiquité un moyen d'effectuer l'apothéose, ou du moins d'en produire l'apparence. A Ces bijoux funèbres, y compris les couronnes, consistaient toujours en feuilles si minces, avec les empreintes exécutées au repoussé, qu'il est évident que tout ce luxe de la tombe n'avait jamais pu être à l'usage des vivants 55 III. Le palais de Ménélas décrit par Homère étincelait d'or, d'argent et d'électrum 54. Virgile parle de portes sculptées en or et en ivoire S5. Tite-Live a fait mention d'un temple construit par Antiochus Epiphane, dont non-seulement les lambris étaient d'or, mais dont les murailles étaient revêtues de lames de ce métal 55. Selon Pline, les lambris ne furent dorés au Capitole que sous la censure de L. Mummius , et Catulus fit dorer les tuiles de bronze du même temple, luxe qui fut blâmé quoique réservé à Jupiter. Les portes aussi furent revêtues de lames d'or '. Plus tard on en vint à dorer les lambris et jusqu'aux murailles, « comme on dorait des vases » 58. Les meubles des habitations décrites par Homère sont déjà incrustés d'or, d'argent et d'ivoire : ainsi était décoré le lit d'Ulysse 59. Le poète parle fréquemment de siéges et d'autres meubles à clous dorés. Nous rappellerons seulement encore pour les temps postérieurs le fameux coffre des Cypsélides, qui joue un rôle dans la légende grecque, et qui tient une place non moins importante dans l'histoire de l'art. Ce coffre, dont Pausanias nous a laissé la description, était un ouvrage de l'art chryséléphantin 90. Des étoffes furent tissées en or [vESTIS, TAPES], brodées avec de petites plaques d'or et d'argent [BRACTEA]. On connaît la description du bouclier d'Achille dans l'Iliade fil et celle du bouclier d'Hercule dans le poème d'Hésiode 62: l'or s'y mêlait à d'autres métaux pour la représentation de sujets variés [CAELATURA]. Le bouclier de Nestor était couvert d'or, aussi bien que les armes de Glaucus le Lycien et du Thrace Rhésus. Les armes étaient souvent, en effet, des objets de luxe et de parure. L'usage ancien de les consacrer dans les temples existait aussi dès le temps d'Homère 83. Il est question dans Pausanias de boucliers d'or qu'on croit avoir décoré l'architrave du Parthénon et qu'emporta dans sa fuite le tyran Lacharès avec d'autres ornements précieux du temple d'Athéné 64. Une lance et des boucliers d'or figurent parmi les dons faits par Crésus aux sanctuaires de la Grèce 65. Si les Romains dédaignèrent longtemps de se parer d'armes brillantes, ils en trouvèrent chez leurs ennemis, qui devinrent leur butin. Telles étaient celles du Gaulois vaincu par Manlius Torquatus (refulgens pictis et aura radais armis) 86. Les Samnites avaient des boucliers décorés d'or et d'argent 67. On trouve de fréquentes mentions de vases d'or dans les temps anciens. Homère parle des vases à parfum en or de Nausicaa. II décrit la coupe de Nestor dont les anses portaient des colombes en or, et d'autres encore, Un cratère d'or figure parmi les présents de Crésus au temple de Delphes 68. Lors de l'expédition des Athéniens en Sicile, dans laquelle fut déployé un grand luxe, après l'embarquement des troupes, des libations furent faites par les chefs et les soldats avec des coupes (ix7nup.ctat) d'or et d'argent 69. Non-seulement il y avait alors à Athènes une riche vaisselle d'or et d'argent appartenant à la république, laquelle servait dans les cérémonies sacrées mais on en trouvait aussi chez des particuliers opulents 71. Dans la fameuse pompe d'Antiochns IV, on vit figurer six cents enfants portant des vases d'or74. Le même prince fit don au prytanée de Cyzique d'un service en vaisselle d'or 73. Il est souvent question de patères d'or dans Tite-Live 74. II y avait aussi des coupes d'argent avec des ornements AUR 577 AUR d'or et des ornements d'argent sur fond d'or n [CAELATURA]. Chez les Grecs et chez les Romains, des couronnes d'or étaient offertes aux dieux ou décernées comme récompense [cofONA]. Les Romains avaient pris des Étrusques la coutume de tenir une couronne d'or au-dessus de la tête du triomphateur [TRlumrnus] 76. C'est des Étrusques encore que venaient les autres ornements en or du triomphe et aussi les bulles d'or'SULLA], les anneaux d'or [ANULus] et probablement beaucoup de sortes de bijoux dont de nombreux exemplaires ont été retrouvés dans les tombeaux de l'Étrurie 77. Les hommes mêmes de cette nation s'en paraient avec profusion. Sans parler des ornements d'or que portent, dans les poêmes d'Homère des Asiatiques, tels qu'Euphorbe et Antimachus, on y voit Ulysse attacher son manteau à l'aide d'une fibule d'or [FIBULA]. On sait par Thucydide" que certains vieillards, à Athènes, conservaient l'usage de relever avec des cigales d'or les noeuds de leur chevelure. Dans les pays Ioniens, les hommes paraissent avoir porté des bijoux d'or aussi bien que les femmes 79. Quant aux bijoux d'or portés par les femmes grecques et romaines, il en est fait souvent mention dans les auteurs, et ils se trouvent en assez grand nombre dans les collections d'antiquités. Nous renvoyons aux articles spéciaux pour les explications relatives à ceux de chaque espèce. Homère, Aristophane, Élien nous sont témoins du luxe des femmes grecques, particulièrement des Athéniennes S0. Pline, à son tour, dit en parlant des Romaines qu'elles « chargeaient d'or leurs bras, leurs doigts, leur cou, leurs oreilles; que des chaînes d'or serpentaient autour de leurs flancs... faut-il encore, ajoute-t-il, que l'or orne leurs pieds 81? n Ces derniers mots doivent avoir rapport à ce qu'on appelait des PERISCELIDES ou anneaux des chevilles. Dans la famille des Quinctius, les femmes se distinguaient en ne portant jamais d'or 83. Les législateurs antiques, à commencer par Solon 83 et Zaleucus 81', se sont préoccupés souvent de mettre des bornes au luxe féminin. A Rome, la loi Oppia, décrétée sur la proposition du tribun Oppius, pendant la seconde guerre punique, portait, entre autres défenses faites aux femmes, celle d'avoir sur elles plus d'une demi-once d'or; mais en l'an de Rome 560, on vit une émeute de femmes réclamer au Capitole l'abrogation de la loi, laquelle fut abrogée en effet, vingt ans après sa promulgation, sur la proposition du tribun L. Valerius, et malgré l'opposition de P. Caton, alors consul 86. La loi des Douze-Tables, qui défendait de donner aux morts ou de déposer sur leur bière des ornements d'or A6, est un autre exemple d'efforts plus ou moins heureux du législateur pour s'opposer à l'envahissement du luxe. IV. Si l'on en croit Pline, la plus ancienne statue d'or massif fut faite avant qu'il en existât de ce genre en bronze ; elle était placée dans le temple d'Anaïtis, la Vénus arménienne. Elle fut mise en pièces lors de l'expédition d'Antoine chez les Parthes 87 Cette statue était du genre appelé Jtolosphyraton, travaillée au marteau et « sans au I. cuti vide. » C'est, comme le fait remarquer Quatremère de Quincy, l'enfance de l'art "3. Hérodote parle d'une autre statue colossale de Zeus, en or, qu'on voyait dans un temple de Babylone («yaaµa u€ya xpuaaov). Le trône, le marchepied, ainsi qu'une table placée devant la statue, étaient également d'or, et le tout représentait une valeur de huit cents talents d'or qu'on y avait employés. Dans le même temple était une autre statue d'or d'une hauteur de douze coudées. Hérodote se sert pour caractériser cette dernière statue des mots xpuQEoç aicpEÔç, qui indiquent une statue massive; mais il est bon de remarquer qu'il n'avait pas vu lui-même ces ouvrages et qu'il n'en parlait que d'après les récits des Chaldéens 89. Diodore de Sicile, parlant des statues colossales qui étaient placées, au nombre de trois, sur le faîte du temple de Bel, dans cette même ville de Babylone, dit qu'elles étaient d'or, travaillées au marteau (40,galr0i ;quel sr p Ioercc), et qu'elles pesaient les unes mille et l'autre huit cents talents babyloniens B0. Il en donne la description, ainsi que des accessoires, table, vases à parfums, cratères, également d'or. Lors de. la conquête du Pérou par les Espagnols, on trouva dans le temple du Soleil, à Cuzco, de pareilles magnificences barbares 91 En Grèce, les statues colossales des divinités étaient d'or et d'ivoire. On connaît les merveilles de la sculpture chryséléphantine ; il en sera question ailleurs [scuLPTURA]. Cependant il y eut aussi des statues d'or, témoin le Zeus offert à Olympie par Cypsélus, tyran de Corinthe43. Il est aussi question, entre autres exemples, de Victoires d'or commandées par l'orateur Lycurgue93. Parmi les merveilles qu'on admirait dans le temple d'Apollon à Delphes, Pausanias fait mention d'une statue d'or du dieu, placée dans le lieu le plus secret du temple, et que les privilégiés étaient seuls admis à visiter 94. L'or paraît avoir été consacré à Apollon, comme dieu du soleil, d'une manière spéciale. N'oublions pas que Solon, après l'achèvement de ses 'lois, fit jurer aux Thesmothètes que celui d'entre eux qui y contreviendrait consacrerait, en amende, une statue d'or de son poids dans le temple de Delphes 96. Il est bon de remarquer toutefois que certaines statues qu'on disait d'or étaient seulement recouvertes d'or. Il en était ainsi, selon Pausanias96, de la célèbre statue (i7CfypuIsoç ei àv), d'or massif selon Pline (auream statuam et solidam), que le rhéteur Gorgias avait consacrée à Delphes et qui le représentait lui-même 97 ; et aussi, d'après le même témoignage 98, de la statue non moins fameuse érigée à Phryné dans le même temple. Il est probable que les Grecs, à l'exemple des Égyptiens qui, suivant M. Chabas, donnaient, dans les inscriptions hiéroglyphiques, le nom de statues d'or à des statues simplement dorées, ne se faisaient pas faute de pareilles exagérations poétiques, de même qu'ils appelaient statues d'or massif des statues creuses dont le métal était plus ou moins épais. Outre les statues d'or du 73 -518AUR dont Pline a cité un exemple, il y en avait du genre appelésphyrélalon, eiiiupo)ox'rov (de etf6pa, et i'axôvo), frapper), construites par le procédé déjà employé pour la statue de Zens par Léarque de Bhegium, à Lacédémone (la plus ancienne statue de bronze selon Pausanias 99), c'est-à-dire qu'elles étaient formées de pièces travaillées au marteau. Tels étaient le Zeus consacré par Cypsélus à Olympie et les colosses de Babylone décrits par Diodore. Le sphyrelaton correspond au repousse et au travail par retreint de notre temps [STATUARIA ARS]. Ce procédé appartient plus particulièrement aux premiers siècles de l'art ; néanmoins on le trouve plus ou moins en usage à toutes les époques, surtout dans les statues colossales Il y avait aussi des statues de métal fondu suivant le procédé inventé par Théodore et Rheecus de Samos, les unes en métal plein quand le moule était sans noyau, les autres en métal plus ou moins épais, fondu dans un moule à noyau 10L. On distingue encore les statues plaquées et celles qui sont simplement dorées 1Ô2. La première espèce est caractérisée en grec par l'épithète d' i)puaoç, inauratus, la seconde par le mot xaTâ'ouco;, qu'on traduit en latin par subauratus703. Nous savons que les statues de bronze, taret en Grèce qu'à Rome, étaient quelquefois dorées et l'on a même prétendu que l'usage général de l'antiquité était de dorer toutes les statues, non-seulement de bronze et de marbre, mais de bois et de plâtre105. On a trouvé des traces de dorure sur plusieurs ouvrages de bronze antiques, sur la statue équestre de Marc-Aurèle, sur les débris des quatre chevaux et du char placés au fronton du théâtre d'Herculanum, sur les quatre chevaux de Venise, sur l'Hercule du Capitole, etc. 1 0. Un autre Hercule colossal, retrouvé en 1864, au théâtre de Pompée, à Rome, est entièrement doré'''. On a aussi découvert dans un tombeau les restes d'un bas-relief en terre cuite dorée dont un fragment a été publié par M. Raoul Rochette 108. V. Il reste à dire quelques mots des fêtes et des cérémonies publiques où l'or était répandu à profusion et où s'égarèrent les arts, condamnés à satisfaire, par des créations brillantes et passagères, le goût d'ostentation des villes ou les caprices de maîtres blasés 109. Aux funérailles d'Alexandre, dont Diodore nous a laissé la description, le char qui portait le cercueil en or, était lui-même tout éclatant d'or et de pourpre : une voûte d'or abritait un trône d'or et était ornée aux quatre angles de Victoires d'or; cette voûte était portée par des colonnes ioniques dont les intervalles étaient remplis par des acanthes d'or ; au sommet de la voûte, une couronne d'olivier en or étincelait au soleil. Les roues étaient dorées, et les mulets, au nombre de soixante-quatre, qui traînaient le char, avaient chacun une couronne d'or 110. C'est en cet appareil que le corps fut transporté de Babylone à Alexan Brie. Dans la pompe d'Antiochus IV, roi de Syrie, dédite par Polybe "1 et par Athénée 113, on porta, au milieu d'une multitude de vases et de couronnes d'or, un nombre incalculable de statues dorées ou revêtues de robes de drap d'or, lesquelles représentaient, avec les attributs, tous les dieux, démons ou héros connus par des traditions diverses. Non moins brillantes d'or, d'ivoire, d'ébène et d'étoffes précieuses, furent les fêtes données à Alexandrie par Ptolémée II 112. On peut leur comparer, à Rome, le triomphe où Paul-Émile parut avec une robe de pourpre brodée d'or, entouré des dépouilles de la Macédoine, des richesses de Persée, dont on portait la vaisselle d'or, et des quatre cents couronnes d'or offertes par les villes au triomphateur f". On vit figurer au triomphe de Claude une couronne d'or de sept cents livres et une autre de neuf cents livres, dons de l'Espagne et de la Gaule à l'empereur "5. Néron dépassa toutes ces magnificences par l'extravagance de son luxe. Afin d'éblouir Tiridate, roi d'Arménie, il couvrit d'or, pour un seul jour, le théâtre de Pompée, et, dit Pline, qu'était-ce que cela auprès du palais d'or, lequel contenait une ville entière 16 Pour le travail de l'or et les personnes qui y étaient occupées, voyez encore les articles AURIFEX, CAELATURA, BRACTEA, etc., et ceux où sont décrits les ouvrages exécutés en cette matière. L. Br RONCHAUD.