Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

AUXILIA

AUXILIA, AoxIL1YRIr, ALXILEARES. Troupes auxiliaires. Pour les Grecs voy. EBIrioUROl, xExncon. Sous la république, on vit rarement des étrangers dans les armées romaines ; néanmoins Polybe I assigne aux auxiliaires un emplacement dans le camp, tout en disant que leur présence est exceptionnelle. Dans tous les cas, on avait la prudence de n'y installer qu'une très-petite quantité de ces troupes, et l'espace qu'on leur accordait était d'autant plus restreint qu'elles étaient généralement composées de cavaliers. En effet, on ne leur destinait, de chaque côté du camp [CASTRA], entre la cavalerie des extraordinaires, l'infanterie des extraordinaires, le chemin de ronde et la rue qui passait derrière le prétoire, qu'un AUX 587 --AUX rectangle ayant quatre cent cinquante pieds de largeur sur deux cents pieds de profondeur, c'est-à-dire l'espace nécessaire pour recevoir cinq cent quarante cavaliers. Peutêtre en mettait-on un peu plus, car il est probable qu'on ne donnait pas à chacun d'eux la même quantité de terrain qu'à un cavalier romain; il est vrai aussi que, si on le jugeait nécessaire, on faisait camper des troupes dans une partie du forum et du quaestorfilm' ; mais l'attribution d'un emplacement restreint prouve qu'on recevait rarement une quantité notable d'auxiliaires dans l'intérieur du camp. On commença par n'employer les auxiliaires que dans les circonstances critiques; c'est ainsi qu'à l'époque où Annibal vint en Italie, le sénat accepta les services de mille archers ou frondeurs qui lui furent offerts par Hiéron, roi de Sicile: du reste, ce n'étaient pas les premiers étrangers enrôlés au service de la république, d'après les termes du message adressé par le roi au sénat quand ii lui envoya ce secours 5. Après la guerre Sociale, les Latins, ayant reçu le titre de citoyens romains, furent incorporés dans les légions; cette disposition nouvelle présenta peu d'inconvénients, attendu que les Latins avaient les mêmes moeurs, la même langue, la même organisation, le même armement et la même manière de combattre que les troupes romaines ; mais il n'y eut plus alors de troupes alliées et celles-ci furent très-imparfaitement remplacées para les auxiliaires. L'armée perdait ainsi la cohésion qui était un des principaux éléments de sa force : du reste, on ne peut confondre le rôle attribué aux alliés [socle], qui, excepté les EXTRAORDINAl3el, faisaient le service de troupes de ligne, avec celui des auxiliaires qui fournissaient seulement de la cavalerie et de l'infanterie légères. Après avoir raconté l'envoi des troupes d'Hiéron, TiteLive 4 dit pourtant que P. Cornelius Scipion ayant pris à sa solde des Celtibériens, peuples d'origine gauloise qui habitaient les bords de l'Èbre, on vit alors pour la première fois des troupes mercenaires dans les camps romains. Quoi qu'il en soit, ce général se procura aussi, soit au moyen de ses alliances, soit à prix d'argent, des cavaliers siciliens, espagnols ou numides ; ces derniers surtout lui furent très-utiles, mais il eut à se repentir de la trop grande extension qu'il donnait à ces enrôlements, et de l'imprudente confiance qu'il montrait envers ces étrangers. Étant en Espagne, il réunit un jour 22,000 auxiliaires celtibériens, et, yjoignant un faible corps de troupes romaines; il marcha contre Asdrubal. Ce dernier battit en retraite pour éloigner Scipion de l'armée principale, puis s'arrêta et, après avoir établi son camp près de celui de son adversaire, envoya des espions qui offrirent aux Celtibériens plus d'argent pour retourner chez eux, qu'ils n'en recevaient des Romains pour lui faire la guerre : cette négociation réussit, et les auxiliaires abandonnèrent les troupes romaines qui, trop peu nombreuses, furent enveloppées et massacrées. Malgré cet événement, on continua à enrôler des étrangers. Lorsque Marius réorganisa l'armée, il fit entrer tous les citoyens romains dans l'infanterie de ligne et supprima les VELITES ; le service de ces derniers fut confié aux contingents de nations qui se trouvaient alors sous la domination romaine, et dont l'adresse ou l'agilité étaient célèbres : tels étaient les Crétois, les Numides, les habitants des îles Baléares, etc.L'infanterie légère de Jules César était principalement composée d'étrangers5. Pendant la guerre civile, Pompée eut un moment dans son armée, outre 7,000 cavaliers auxiliaires, 3,000 archers de Crète, de Sparte, du Pont, de la Syrie et d'autres pays, ainsi que deux cohortes de frondeurs de 600 hommes chacune. Parmi ces auxiliaires les uns avaient été attirés parla solde (partie mercenarios), les autres avaient été requis ou étaient venus volontairement (pantin imperio aut gratin comparatos) ° : ces derniers étaient ceux qu'on appelai t quel quefois EVOCATI. Le nombre des auxiliaires augmenta rapidement lorsque les armées romaines se portèrent aux extrémités du monde connu ; ces armées devinrent alors plus nombreuses, et, de plus, leurs généraux éprouvant d'énormes difficultés pour réparer leurs pertes, à cause de l'éloignement de l'Italie et de la lenteur des moyens de transport, durent souvent recruter des troupes dans le pays qu'ils occupaient. Mais on avait surtout besoin de cavalerie pour résister à celle des Barbares qui était si nombreuse, tandis que l'Italie en fournissait très-peu; il n'en était pas de même pour l'infanterie de ligne qui, pour cette raison, conserva plus longtemps son homogénéité. Les auxiliaires à pied étaient organisés en cohortes appelées auxiliariae7 ou socihe5; souvent aussi, comme ils remplissaient généralement le rôle attribué à l'infanterie légère et en portaient le bouclier léger [cETRA] 9, ces cohortes furent appelées cetratae n par opposition au mot scutotae 11 employé pour désigner les cohortes des troupes de ligne qui portaient le grand bouclier scutom; enfin, ii faut remarquer qu'on se bornait quelquefois à désigner les troupes auxiliaires à pied par le mot cohortes : nous en trouvons la preuve dans les détails donnés par Suétone sur la composition de l'armée de Vespasien". S'il avait été question de troupes nationales, ces cohortes n'eussent pas été désignées ainsi, puisque, dix cohortes légionnaires formant précisément une légion, Suétone se serait borné à dire : Additis ad copias tribus legionibus, octo alis, (tique inter legatos..., etc. Mais nous devons dire qu'Hygin, au contraire, quand il emploie le mot cohortes seul, désigne ainsi les troupes légionnaires, et que, lorsqu'il veut désigner les troupes auxiliaires, il ajoute les épithètes equitatae ou peditatae. Chacune des cohortes des auxiliaires était commandée par un praefectus 19, et on avait soin de grouper ensemble les gens appartenant au même peuple, non-seulement à cause de la communauté de langage, mais encore parce que tous conservaient leur armement AUX 588 AUX national" : quand bien même ce dernier se rapprochait de celui des légionnaires, toute confusion était impossible, attendu qu'ils portaient un casque et un bouclier di, formes particulières et la SPATAA (épée longue) ainsi que la RASTA au lieu du GLAHIU7 et Nous avons dit que la cavalerie se recrutait difficilement en Italie : nous en trouvons la preuve dans l'expédient auquel recourut Seipion quand il quitta la Sicile pour se rendre en Afrique 17. Il convoqua trois cents jeunes Sici liens appartenant aux plus riches familles et leur donna l'ordre de se présenter à lui, à jour fixe, bien armés, bien équipés et bien montés : lorsqu'ils furent réunis, il leur déclara qu'il leur permettrait de ne pas l'accompagner dans son expédition, à condition qu'ils remettraient leurs armes ainsi que leurs chevaux à trois cents volontaires auxquels ils apprendraient l'équitation et le maniement des armes : cette proposition fut acceptée avec empressement. Jules César, dans la guerre des Gaules, manquait aussi de cavaliers romains, puisque dans l'entrevue qu'il eut avec Arioviste, l'escorte de chacun d'eux devant être composée de cavaliers, il fut obligé de faire monter à cheval des fantassins légionnaires parce qu'il ne voulait pas se confier aux cavaliers gaulois 18. Mais il employa largement ces derniers dans d'autres circonstances, et il ne fut pas le seul à agir ainsi, car Cicéron, dans sa harangue pour Fonteius f9, dit que ce préteur avait exigé des habitants de la Gaule Narbonnaise l'envoi de nombreux cavaliers aux armées romaines dans tous les pays où elles faisaient la guerre ; et non-seulement ils fournissaient ces troupes, mais encore ils en payaient la solde, ce qui leur faisait faire une grande dépense. P. Crassus 20, détaché par César dans l'Aquitaine, recruta de la cavalerie dans cette province et se fit accompagner dans une expédition par l'élite des habitants de Toulouse, de Carcassonne et de Narbonne. Pendant la guerre des Gaules, Jules César, outre les Gaulois, avait aussi des cavaliers GermainsE1 et Espagnols 22, et on vit plus tard Cassius Longinus tirer de la Bétique seule un corps de 3000 hommes de cavalerie entretenus aux frais des habitants 23. Les cavaliers auxiliaires, alarii, étaient organisés en alae ou cohortes alariae, appelées ainsi par analogie avec les troupes de Socii auxquelles on les substituait : cette dénomination servait à les distinguer des cavaliers ro mains et des cohortes légionnaires; l'auteur des Commen taises sur la guerre civile'-' établit avec soin cette distinction. Leur effectif varia suivant l'époque, les besoins de l'armée et les ressources du recrutement : chacune d'elles était commandée par un prae foetus °3 et divisée, comme l'ancienne cavalerie légionnaire, en turmes et décuries 26 qui étaient généralement commandées par des hommes de la même nationalité que les soldats 94. Au temps de l'empereur Claude, on avait déjà organisé les alae quingenariae et les alae tniliariae 26 : l'ala quingenaria avait seize turmes tandis que l'ala miliaria en avait vingt-quatre 30, et le chef de chacune de ces turmes portait le titre de décurion"; enfin, le décurion avait sous ses ordres, pour commander les subdivisions, un duplicarius et un sesquiplicarius33 L'usage de faire combattre des soldats d'infanterie mêlés à des cavaliers, comme le faisaient les VELITES, subsista après la suppression de ces derniers, et ce rôle fut attribué aux auxiliaires. Jules César prit à son service des Germains qui combattaient ainsi33, et plus tard il fit jouer le même rôle à ses ANTESIGNANI 31 : cet exemple fut suivi par Germanicus J5, et on finit par organiser, dans le même but, des cohortes spéciales appelées cohortes equestres3t on cohortes equitatae 37 composées de fantassins et de cavaliers: cette organisation exis tait déjà du temps de Vespasien, puisque l'historien Josèphe J8 , donnant la composition d'une armée , parle de cohortes composées uniquement de fantassins et d'autres cohortes comprenant à la fois des fantassins et des cavaliers. La cohors equitata miliaria et la cohors equitata quingenaria comprenaient, l'une 760 fantassins et 240 cavaliers répartisen dix centuries et dix turmes, eL l'autre 380 fantassins et 120 cavaliers répartis en six centuries et six turmes 39 Ainsi, l'emploi des troupes auxiliaires, qui avait été d'abord tout à fait exceptionnel, devint bientôt une institution permanente : sous les empereurs, et â mesure que l'esprit militaire s'affaiblit, on vit le nombre des auxiliaires augmenter toujours jusqu'au moment où on les incorpora dans les légions romaines. L'historien Zosime nous apprend que ce fut Claude qui inaugura ce système anti AXO 589 AXO national et dégradant : après avoir battu une armée de Goths, il en choisit un certain nombre qu'il employa à combler les vides de ses cohortes. Dix ans après, suivant Vopiscus, Probus ne trouva rien de mieux à faire, pour adoucir l'humeur intraitable des Germains, que de lever parmi eux seize mille hommes et de les incorporer dans ses cohortes qui en reçurent chacune cinquante ou soixante. Sous Théodose, les barbares étaient déjà, dans chaque armée, plus nombreux que les Romains ; on alla même jusqu'à leur permettre de retourner dans leur pays, à condition qu'ils enverraient à leur place un de leurs compatriotes, et ils pouvaient revenir quand cela leur plaisait. C'est ainsi que les barbares, qui devaient plus tard renverser l'empire, apprirent des Romains euxmêmes l'art de les vaincre. MASQUE.LEZ.