Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BULLA

BULLA. I. Ce mot désignait chez les Romains toutes sortes d'objets de forme arrondie et en apparence gonflés comme une bulle d'eau', lors même que par l'ornement qui y était ajouté, ils s'éloignaient quelque peu de cette ressemblance : par exemple les têtes de clous qui garnissent un meuble, un coffre [ARCA], un vase de métal [CAELATUBA], un sceptre [SCEPTRUM], les boutons d'un baudrier ou d'un ceinturon [BALTEUS, CINGULUM], les battants d'une porte [JANUA]. De pareils ornements furent en usage pendant toute l'antiquité : on rencontre les bulles (îaot, yô zpot) chez les Grecs 2, servant à décorer les mêmes objets. Les gravures qui reproduisent un coffre de bronze provenant de Pompéi «fig. 888) ; un fragment d'une courroie garnie de boutons (fig. 889), trouvée avec d'au Ires antiquités romaines et conservée actuellement au musée de Mayence "; des clous ciselés (fig. 890, 891) appartenant aux anciennes portes de bronze du Panthéon à Rome 5, et les figures qui accompagnent les articles aux malcion, Pétrone parle aussi d'un tableau où des bulbe indiquaient les jours fastes et néfastes 8. II. Le même nom s'applique particulièrement à un bijou que les Romains prirent aux Etrusques', ayant la forme d'une capsule composée de deux plaques concaves superposées, ordinairement rondes et lenticulaires 3, quelquefois ayant l'apparence d'un coeur ou d'un croissant, et munie d'une bélière dans la quelle passait le fil au moyen duquel on la suspendait Chez les Étrusques, des bijoux de cette sorte étaient d'un usage général, pour les femmes aussi bien que pour les hommes; on portait souvent plusieurs bulles en collier, en bracelet, quelquefois entremêlées avec d'autres bijoux, comme on le voit par un grand nombre de monuments de tout genre. La figure 892 reproduit une statue en terre cuite du musée du Louvre 10; la figure 893 est tirée d'un miroir gravé tl ; elles montrent l'une et l'autre trois bulles groupées et suspendues sur la poitrine. Quelquefois les bulles sont en plus grand nombre et forment des colliers et des bracelets, comme celles que réunit la figure 8971 [comp. ARMILLA, fig. 531 et s.]; cellesont été découvertes à Cervetri, dans ci un des plus anciens dépôts qu'on ait trouvés en Italie 12. Elles sont en bronze. La plupart de celles qu'on possède encore sont en or 13, souvent très-richement ornées. Il n'est pas douteux que la bulle, de même qu'une multitude d'ob jets analogues que l'on portait sur soi, n'ait été considérée comme un amulette ayant une vertu protectrice par ellemême, soit à cause de la matière dont elle était faite 1'1 ou des figures qu'on y voyait tracées, soit par la vertu des IlllilUl îttk Fig. 896. Jeune Romain portant la bulle. scortea), ou, comme les plus pauvres, d'un noeud [NoDus], auquel on croyait aussi le pou i BUL 755 BUT substances, praevla remedia [AMULETUM, FASCINUM], qui y étaient enfermées S5. La bulle que représente la figure 895, qui a été le sujet dela dissertation classique de Ficoroni L0 sur l'usage de la bulle d'or chez les Romains, est unie ; tout l'ornement a été réservé pour la bélière qui servait à la suspendre. Elle est accompagnée d'une petite figurine d'Isis-Fortune [FORTUA] ", qui devait porter bonheur à celui qui en était paré, comme la bulle devait détourner de lui toute mauvaise influence. Les triomphateurs à Rome obéissaient à la même croyance, quand ils avaient soin de mettre une bulle à leur cou f6. Mais, ce cas excepté, la bulle chez les Romains paraît avoir été réservée aux jeunes garçons, (lui la déposaient avec la prétexte, quand ils parvenaient à l'âge viril, et l'offraient aux lares domestiques ou à Hercule 19 [YOGA]. Les enfants des sénateurs et des chevaliers avaient seuls le privilége de la bulle d'or ; après la seconde guerre punique, la bulle fut accordée à tous les ingénus, mais ceux qui n'étaient pas de famille noble et riche se contentaient d'une bulle de cuir (bulla phie.-1t Une pareille tutelle paraitavoir été attribuée particulièrement aux divinités étrangères, lorsque leur culte se répandit chez les Romains. Voy. O. Jahn, 1. 1. p. 46. 18 Maccob. Sot. I, 6, 9: Inclusis intra eam remediis, quae crederent adverses invidiam valentissima o ; Plin. Hist. nnt. XXVIII, 4, 7. 19 Pers. V, 31, et O. Jahn, Voy, aussi au sujet des bulles d'argent et de bronze, R. Rochette. Mém. de l'Acad. 1301 ; Marquardt, 1. 1. p. 84. 23 0. Jahn, 1. 1. 24 Sacken et Kenner, Asti!;. Ca voir d'écarter les maléfices, ou de quelque autre amulette E1. Beaucoup de statues de jeunes Romains les montrent vêtus de la robe prétexte et portant la bulle. Celle que l'on voit (fig. 896), qui représente, à ce que l'on croit, un des petits-fils d'Auguste, appartient au musée du Louvre 22. Les jeunes filles aussi portaient la bulle, on ne sait pas, jusqu'à quel âge; quand elles la quittaient, elles en faisaient offrande à Junon 23. Un camée du cabinet de Vienne 24, ici reproduit (fig. 897), offre l'image d'Agrippine, femme de Germanicus, selon d'autres d'Antonia, portant à son cou une bulle en forme de coeur. On rencontre aussi dans les monuments95 des animaux au cou desquels des bulles sont suspendues, sans doute pour leur servir de préservatif contre le mauvais oeil, dont on les croyait particulièrement menacés [FASCINUM]. E. SAGLIO.