Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BRATTEA

BRATTEA ou BRACTEA 1 ([Itrs ov.) Feuille de métal, plus particulièrement d'or, réduite par le battage ti au degré de finesse voulu pour être employée, soit simplement à couvrir des objets que l'on se proposait de dorer ou d'argenter (imbrattiare), soit à être travaillée par l'orfévre pour la fabrication de bijoux de diverses sortes. L'application de l'or en feuilles à des meubles ou à d'autres objets est un procédé très-primitif, qui fut employé dès les temps les plus anciens et qui a précédé la civilisation hellénique ; c'est celui qu'Hornère désigne par le terme aeptx1ata, quand il décrit l'opération de l'orfévre à qui Nestor remet l'or nécessaire pour envelopper les cornes d'une génisse destinée au sacrifice ; c'est celui dont on doit supposer l'emploi, quand il parle de meubles revêtus d'or ou d'argent par celui qui les a fabriqués. L'opération qui consiste à appliquer sur une âme de bois le métal battu au marteau se retrouve partout aux débuts de l'art, au moyen âge comme dans l'antiquité, pratiquée non-seulement pour revêtir d'un métal précieux des objets usuels, mais des statues même (statuae imbratteatae, deauratae), dès que naît la véritable plastique [CAELATURA, SCULPTURA, xoANON] : il ne cessa pas d'être employé pendant tous les temps antiques s. BRA 7tt8 BRA- Le véritable nom des ouvriers qui exécutaient ce genre de travail était, en grec, iEtTr2OUpyés : c'est ainsi que Diodore de Sicile 5 appelle ceux qui furent occupés à la décoration du bûcher d'Héphustion; et en latin tritor 8 ou brattearius inaurator 7. Le brattiarius proprement dit, ou aurifex brattiarius, était le batteur d'or, qui réduisait l'or en feuilles. C'est le nom qu'on lit au-dessous d'un basrelief du musée du Vatican 8 représentant (fig. 876) un homme assis devant un bloc qui supporte une enclume : il tient de la main droite un maillet ou un marteau plat, dont la forme se rapproche de celle d'une hache à deux tranchants °, et, de la gauche, la feuille de métal qui s'allonge sous ses coups. A côté de lui sont empilés des lingots, et au-dessus de sa tête est suspendue une balance à deux plateaux. Du reste, on trouve les deux appellations brattearius et inaura ter rapprochées dans les textes et les inscriptions, et dans une de celles-ci on voit les ouvriers des deux professions réunis en une seule corporation 10. A ces termes latins répondent en grec les noms de 7sETa),oitot42 et Les bratteariiréduisaient l'or, l'argent, le bronze même à une extrême ténuité. Pline dit 12 qu'on tirait d'une once d'or 750 feuilles ayant quatre doigts en carré ; les plus fortes se nommaient bratteae praenestinae, les plus faibles quaestoriae. Il y en avait certainement de plus minces encore ; mais Pline ne dit pas combien on en battait à l'once. Des voleurs purent enlever l'or qui couvrait des statues à l'aide d'une pâte épilatoire 13. Les lames destinées à la fabrication des bijoux étaient très-minces aussi ; cependant elles devaient avoir assez de consistance pour se prêter à l'exécution d'ornements estampés ou repoussés. Beaucoup de bijoux trouvés dans les tombeaux ont trop peu d'épaisseur pour avoir été d'aucun usage aux personnes avec lesquelles ils ont été ensevelis [CORONA, FUNUS]. A côté de ces objets il faut mentionner à part, parce qu'on leur applique aujourd'hui plus spécialement le nom de bractées, des plaquettes d'or découpées et estampées de manière à former des figures ou des fleurons, et toutes percées de trous qui permettaient de les attacher sur les vêtements. Ces ornements étaient semés sur les habits que les écrivains grecs appellent ypu17d7ta6'rot, xzTânTtxTOt ou o,o,rol i O~TEg, et les Romains vestes auratae ou sigillatae 15. La coutume d'enterrer les morts avec leurs vêtements d'apparat nous a conservé un assez grand nombre de ces plaquettes dans les sépultures, et notamment dans celles de Kertsch en Crimée, l'ancienne Panticapée, où des artistes grecs travaillaient à l'époque la plus florissante de l'art Se. De cette provenance sont les exemples que l'on voit ici ; ils ont été découverts, avec un trèsgrand nombre d'autres, dans le tombeau d'une prêtresse de Déméter. C'est aux cérémonies du culte de cette déesse qu'il faut rapporter 17 quelques-uns de ces ornements qui représentent des jeunes gens et des jeunes filles dansants (fig. 877). Le masque de Gorgone 18 (fig. 878), la fleur d'ellébore 19 (fig. 879), etc., sont des images auxquelles on attribuait le pouvoir de préserver contre les maléfices [AMULETUM, voy. p. 256]. Ces sortes d'amulettes, dont les types sont extrêmement variés, forment une classe nombreuse parmi les 7t€Tala ypusx que l'on cousait sur les vêtements. Beaucoup sont de simples fleurons 40 (fig. 880). E. SAGI.IO.